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Ukraine : Les USA et la domination du Monde à tout prix
Par William Blum
Mondialisation.ca, 11 mars 2014
Les États-Unis s’efforcent de dominer le monde, d’exercer une hégémonie partout où ils le peuvent, c’est leur principale occupation depuis plus d’un siècle, c’est ce qu’ils font. Les États-Unis, l’OTAN et l’Union européenne forment le Saint-Triumvirat. Le Saint-Triumvirat a des filiales, principalement le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce, la Cour Pénale Internationale… qui contribuent à faire rentrer dans le rang tous les gouvernements qui n’ont pas obtenu la bénédiction du Saint-Triumvirat : le FMI, la Banque mondiale et l’OMC imposent le fondamentalisme du marché, tandis que les dirigeants étrangers qui agissent de manière trop indépendante sont menacés d’être remis à la CPI pour de lourdes peines, tandis que les États -Unis imposent des sanctions aux gouvernements et leurs dirigeants comme seul peut le faire le Roi des Sanctions, avec une absence totale de tout sens d’hypocrisie ou d’ironie.
Et qui menace la domination des États-Unis ? Qui peut contester l’hégémonie du Saint-Triumvirat ? Seules la Russie et la Chine le pourraient, si elles étaient aussi impérialistes que les puissances occidentales. (Non, l’Union Soviétique n’était pas impérialiste, c’était de l’auto-défense, l’Europe de l’Est était une autoroute utilisée à deux reprises par l’Occident pour l’envahir ; des dizaines de millions de Russes ont été tués ou blessés.)
Depuis la fin de la guerre froide, les Etats-Unis encerclent la Russie, en construisant une base militaire après l’autre, cherchant sans relâche à en construire de nouvelles, y compris en Ukraine ; un site de missiles après l’autre, avec Moscou à portée de tir ; l’OTAN s’est emparé d’une ancienne république soviétique après l’autre. La Maison Blanche et les grands médias US aveugles, nous assurent que ces opérations n’ont rien à voir avec la Russie. Et ils disent la même chose à la Russie, sans pour autant atténuer le scepticisme de Moscou . « Regardez », a déclaré il y a quelques années le président russe, Vladimir Poutine, en parlant de l’OTAN, « est-ce une organisation militaire ? Oui, c’est une organisation militaire . … Est-ce qu’elle s’approche de nos frontières ? Oui, elle s’approche de nos frontières. Pourquoi ? » Le Saint-Triumvirat aimerait arracher l’Ukraine de l’influence de Moscou, expulser la flotte russe de la mer Noire, et établir une présence militaire américaine et/ou de l’OTAN à la frontière russe. (Au cas où vous vous demanderiez encore ce qui a bien pu provoquer la réaction militaire russe.) L’adhésion de Kiev à l’UE suivrait de près, après quoi le pays pourrait connaître les joies du néo- conservatisme et bénéficier du paquet-cadeau de tous les avantages de la privatisation-déréglementation-austérité et rejoindre le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne comme le nouvel enfant pauvre de la famille ; mais aucun prix à payer n’est trop élevé lorsqu’il s’agit de faire partie de la glorieuse Europe et de l’Occident !
Les insurgés ukrainiens et leurs soutiens des puissances occidentales – puissances qui ne se soucient guère de savoir qui étaient leurs alliés ukrainiens lors du coup d’état contre le président Viktor Ianoukovitch le mois dernier … des voyous qui ont mis feu de la tête aux pieds à des policiers… de toutes les nuances de l’extrême-droite, y compris des militants islamistes tchétchènes … un député du Parti Svoboda d’extrême-droite, qui fait partie du nouveau gouvernement, et qui menace de reconstruire les armes nucléaires de l’Ukraine en trois à six mois… des snipers qui tirent sur les manifestants et qui n’étaient apparemment pas ce qu’ils semblaient être… – une conversation téléphonique interceptée entre Urmas Paet, le ministre estonien des affaires étrangères, et le chef de la politique étrangère de l’UE Catherine Ashton, révèle Paet qui dit : « Il est maintenant de plus en plus clair que derrière les tireurs d’élite, ce n’était pas Ianoukovitch , mais quelqu’un de la nouvelle coalition. » – … les manifestants néo-nazis à Kiev qui ont ouvertement dénoncé les Juifs, hissant un drapeau pour célébrer Stepan Bandera, le nationaliste ukrainien infâme qui a collaboré avec les nazis allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et dont les milices ont participé à des atrocités contre les Juifs et les Polonais.
Le quotidien israélien Haaretz a rapporté le 24 Février que le rabbin ukrainien Moshe Reuven Azman a conseillé « aux Juifs de Kiev de quitter la ville et même le pays . » Edward Dolinsky, dirigeant d’un collectif d’organisations juives d’Ukraine, a décrit la situation des Juifs d’Ukraine comme « catastrophique » et demandé l’aide d’Israël.
Dans l’ensemble, un gang douteux d’alliés pour une cause douteuse ; qui rappelle les voyous de l’Armée de libération du Kosovo que Washington a mis au pouvoir lors d’un autre changement de régime et maintenu au pouvoir depuis 1999.
La désormais célèbre conversation téléphonique enregistrée entre le haut fonctionnaire du département d’Etat états-unien Victoria Nuland et l’ambassadeur US en Ukraine, dans laquelle ils discutent de qui parmi les Ukrainiens seraient ou non du goût de Washington dans un nouveau gouvernement, est une illustration de cette mentalité de changement de régime. Le choix de Nuland, Arseniy Yatseniuk, est devenu Premier ministre par intérim.
Le National Endowment for Democracy, organisme créé par l’administration Reagan en 1983 pour promouvoir l’action politique et la guerre psychologique contre les états en désamour avec la politique étrangère des États-Unis, est la principale arme civile de Washington pour effectuer un changement de régime. Le site internet de la NED répertorie 65 projets qu’elle a soutenus financièrement ces dernières années en Ukraine. Les descriptions que la NED donne à ces projets ne révèlent pas que, généralement, leurs programmes diffusent une philosophie de base selon laquelle les travailleurs et autres citoyens sont mieux servis par un système de libre entreprise, de coopération de classe, de négociation collective, d’intervention minimale du gouvernement dans l’économie et une opposition au socialisme sous toutes ses formes. L’économie de marché est assimilée à la démocratie, à la réforme et à la croissance ; le bien-fondé des investissements étrangers dans leur économie est mis en évidence.
L’idée était que la NED ferait plus ou moins ouvertement ce que la CIA faisait secrètement depuis des décennies dans l’espoir d’éliminer la stigmatisation associée aux activités secrètes de la CIA. Allen Weinstein, qui a participé à la rédaction de la législation établissant la NED, a déclaré en 1991 : « Beaucoup de ce que nous faisons aujourd’hui se faisait secrètement il y a 25 ans par la CIA. »
La NED reçoit la quasi-totalité de son financement du gouvernement US (5 milliards de dollars au total depuis 1991), mais aime se présenter comme une ONG (organisation non gouvernementale ), car cela lui permet de maintenir une certaine crédibilité à l’étranger qu’une agence officielle du gouvernement des États-Unis ne pourrait pas avoir. Mais ONG n’est pas la bonne définition. La NED est une OG. Son intervention de longue date en Ukraine est aussi supra-légale que le déploiement militaire russe. Le journaliste Robert Parry fait remarquer que :
Pour la NED et les néo-conservateurs américains, la légitimité électorale de Viktor Ianoukovitch a duré aussi longtemps qu’il a accepté les exigences européennes pour de nouveaux « accords commerciaux » et de sévères « réformes » économiques exigées par le Fonds monétaire international. Lorsque Ianoukovitch négociait ces pactes, il recevait des louanges, mais quand il a jugé le prix trop élevé pour l’Ukraine et a opté pour un accord plus généreux avec la Russie, il est immédiatement devenu une cible pour un « changement de régime ».
Posons-nous donc la même question que M. Poutine : « pourquoi ? » Pourquoi la NED finance-t-elle 65 projets dans un pays étranger ? Pourquoi les fonctionnaires de Washington préparaient-ils un remplaçant au président Ianoukovitch, légalement et démocratiquement élu en 2010, qui, devant les protestations, a proposé d’avancer la date des élections où il aurait pu être démocratiquement démis de ses fonctions – au lieu d’être chassé par une foule ? Ianoukovitch a fait des concessions répétées et importantes, y compris en amnistiant des prisonniers et en offrant, le 25 Janvier, de nommer deux de ses adversaires aux postes de Premier ministre et vice-Premier ministre. En vain. Les meneurs des manifestations, et ceux qui étaient derrière, voulaient leur putsch.
Carl Gershman , président de la NED, a écrit en septembre dernier que « l’Ukraine est le plus grand prix ». L’homme sait de quoi il parle. Il a présidé la NED depuis ses débuts, et a supervisé la révolution des roses en Géorgie (2003), la Révolution orange en Ukraine (2004), la Révolution de Cèdre au Liban (2005), la Révolution des Tulipes au Kirghizistan (2005) , la révolution verte en Iran (2009), et maintenant l’Ukraine de nouveau. C’est comme si la guerre froide n’avait jamais pris fin.
L’animosité effrénée actuelle des médias US envers Poutine reflète aussi une pratique ancienne. Les États-Unis sont tellement habitués à des dirigeants qui se taisent et s’abstiennent de formuler des critiques appropriées sur la criminalité de la politique de Washington, que lorsqu’un Vladimir Poutine arrive et exprime une condamnation même relativement modérée, il se voit étiqueté Ennemi Public Numéro 1 et ses propos sont en conséquence ridiculisés ou ignorés.
Le 2 Mars, le secrétaire d’Etat US John Kerry a condamné « l’acte incroyable d’agression » de la Russie en Ukraine (Crimée) et menacé de sanctions économiques. « Au 21ème siècle, on ne se comporte pas comme au 19ème siècle en envahissant un autre pays sous un prétexte inventé de toutes pièces. »
L’Irak, c’était au 21e siècle. Le sénateur John Kerry a voté en faveur. Une hypocrisie de cette ampleur doit être saluée.
POST-SCRIPTUM : le Premier ministre par intérim de l’Ukraine a annoncé le 7 Mars qu’il avait invité le Conseil de l’OTAN à tenir une réunion à Kiev sur les développements récents dans le pays. « J’ai invité le Conseil de l’Atlantique Nord à visiter Kiev et y tenir une réunion », a déclaré Arsène Iatseniouk lors d’une visite à Bruxelles, où il a rencontré le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen et des fonctionnaires de l’UE. « Nous pensons que cela renforcera notre coopération. »
L’amour entre les nations
par Viktor Dedaj, Paris, France
La réaction de Washington, ou plutôt l’absence de réaction, a confirmé l’authenticité d’une conversation téléphonique entre la sous-secrétaire d’Etat, Victoria Nuland, et l’ambassadeur US en Ukraine, Geoffrey Pyatt, diffusée sur Youtube le 6 Février. Dans cette conversation, publiée par une source anonyme russe, Nuland et Pyatt discutent de l’installation d’un nouveau gouvernement pro-américain qui intégrera l’opposition fasciste qui avait pris la tête de manifestations de rue contre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Même si la campagne de Washington pour un changement de régime avait été coordonnée avec l’Union européenne, dans la conversation téléphonique avec Pyatt, Nuland attaque l’UE pour son manque d’agressivité, et déclare à un moment donné, « Fuck the UE » (« Que l’UE aille se faire foutre »). La même source nous a fourni le texte d’une conversation ultérieure entre l’UE et les États-Unis.
UE : Mais… mais… je croyais que tu m’aimais ?!?
USA : (en soupirant) Ca y’est, tu recommences…
UE : J’ai tout laissé tomber pour toi ! La démocratie, la régulation des marchés, les entreprises d’état, la protection sociale, le contrôle de la monnaie, une politique indépendante…
USA : (en allumant une clope) Pffff… je ne t’ai pas forcée…
UE : J’aurais pu être une grande star de la scène internationale, tu sais ?
USA : ouais, ouais, et bla, et bla…
UE : Le monde entier n’attendait que moi ! Maintenant, c’est cette raclure d’Amérique latine qui se dandine partout, avec son progressisme à deux balles.
USA : Ah celle-là… on peut dire que j’en ai profité… Mais c’est fini (pour le moment). Maintenant, c’est toi ma bitch…
UE : (en reniflant) C’est vrai ? Sérieux ?
USA : Mais oui, tu es ma petite bitch. Allez, viens là.
UE : Tu ne vas pas me frapper ?
USA : Mais qu’est-ce que tu racontes ?
UE : L’Amérique latine, elle dit que tu es violent, arrogant ; que tu n’as pas d’amis, seulement des intérêts…
USA : Elle est folle, laisse tomber. Allez, viens ma petite bitch…
UE : Oh, Sam… Sam… tu me fais tourner la tête.
Une nouvelle question sur la Syrie
Il y a eu de nombreux reportages sur les bombardements de zones civiles par le gouvernement syrien, des rapports sur de nombreux morts, et des photos et vidéos de bâtiments fortement endommagés. Les sources que j’ai trouvées, lorsqu’elles sont mentionnées, proviennent presque toujours du camp « rebelle », c’est à dire de ceux qui s’opposent au gouvernement syrien. Dans toutes ces histoires, avez-vous déjà vu une photo ou une vidéo d’un avion larguant des bombes ? Ou des bombes en l’air ? Je ne dis pas que les bombardements n’ont pas eu lieu. Je me demande pourquoi il n’y a pas de preuves concrètes.
(…)
Au pays où le bonheur est garanti par la Déclaration d’Indépendance
Le président Obama et de nombreuses autres personnalités politiques et médiatiques ont de nouveau fait du salaire minimum un sujet de débat houleux. Il est donc temps pour moi de répéter quelque chose que j’ai écrit en 2007 :
« Vous pensez qu’une augmentation du salaire minimum est une bonne idée ? »
« Détrompez-vous ».
Voilà le message d’une publicité plein-page parue dans de grands quotidiens au mois de Janvier. Le message fut approuvé par les éminents suspects habituels :
« La raison pour laquelle je m’oppose au salaire minimum est qu’il détruit des emplois, chose que, je pense, est indiscutable. » – Alan Greenspan , ancien président de la Réserve fédérale
« Le taux élevé de chômage chez les adolescents, et en particulier les adolescents noirs, est à la fois un scandale et une grave source de troubles sociaux. C’est pourtant en grande partie dû aux lois sur le salaire minimum. » – Milton Friedman, économiste lauréat du prix Nobel
Eh bien, si l’augmentation du salaire minimum peut produire de telles conséquences négatives, pour des gens aussi éclairés et humanistes que nous, il ne reste plus qu’une chose à faire : baisser le salaire minimum. Nous aurons ainsi moins de chômage, moins de troubles sociaux. Même encore, si nous baissons le salaire minimum jusqu’à zéro, en particulier pour les noirs pauvres … imaginez ! Plus de chômage … du tout ! Pratiquement aucun trouble social ! En fait – j’ose à peine le dire – et si nous supprimions carrément les salaires ?
« Le conservateur moderne est engagé dans un des exercices philosophiques les plus anciens de l’homme : chercher une justification morale supérieure pour l’égoïsme ». – John Kenneth Galbraith
William Blum
Article original en anglais :Ukraine and America’s Strive for World Domination, publié le 8 mars 2014
Traduction par VD pour le Grand Soir
- Guardian Weekly (London), June 27, 2001
- RT television (RT.com, Moscow/Washington, DC), March 1, 2014
- Deputy Mikhail Golovko, RT, March 1, 2014
- RT, March 5, 2014, “The EU’s Ukraine policy and moral bankruptcy” ; the phone conversation is believed to have taken place February 26.
- NED 2012 Annual Report
- Washington Post, September 22, 1991
- Victoria Nuland, speaking at the National Press Club, Washington, DC, December 13, 2013
- Washington Post, September 26, 2013
- Face the Nation”, CBS, March 2, 2014
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