mardi 31 décembre 2013

politique et relations en 2008 I

après avoir ouvert une ambassade dans l'ancienne Union soviétique - 19 Juillet 1993, observations et réflexions sur




 


LA MEMOIRE ET LA PSYCHOLOGIE AMBIANTES AU KAZAKHSTAN
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Dans le discours officiel comme dans la conversation avec des fonctionnaires de responsabilité ou des ministres, le Kazakhstan se dit un pays jeune.

Slogan repris complaisamment et qui ne serait pas le sentiment d'une population qui a le sens de la généaologie; qu'elle soit originaire d'ici, ou venue d'ailleurs ?
              
Alibi ? ou vérité par sensation d'une profonde inexpérience de la vie internationale ? Mais cette inexpérience n'est pas avouée. Bien au contraire, depuis les débats sur la Constitution, puis l'adoption de celle-ci, il est dit que toutes les expertises ont été consultées et que celles-ci concluent toutes à l'excellent niveau de la démocratie, au moins dans les textes. Or, il saute aux yeux du lecteur le moins attentif que les innovations du texte de 1993 par rapport à celui de 1978, hormis les références idéologiques, ne comportent que deux institutions : la Présidence de la République, plutôt musclée, et la Cour Constitutionnelle, qui fait - elle - preuve d'indépendance quoiqu'entièrement nommée. De même, le ministère des Affaires Etrangères fait pleuvoir sur les Ambassades des recommandations et des indications tendant toutes à son monopole pour la relation des diplomates avec le reste du pays. Rien - donc - que dans les usages publics, l'expérience internationale manque en fait absolument, et pourtant il est considéré et proclamé qu'elle ne manque pas.

               Conscience de n'avoir pas de précédent à la forme étatique contemporaine ? Pourtant le concept de " nation kazakhe " figure dans les premiers articles de la Constitution, et cette nation a ses éphémérides fêtés et repérés jusqu'au XIème siècle, et des anniversaires de batailles anciennes de trois ou quatre siècles sont commentés dans la presse quotidienne. Réciproquement... Semipalatinsk ou Oust-Kaménogorsk ont des vestiges de presque trois siècles d'établissement frontalier russe, et le 250ème anniversaire du " rattachement volontaire " à la Russie a pu être fêté peu avant l'effondrement soviétique.

               Il faut donc penser - jusqu'à plus ample informé - que
1° les peuplements divers du Kazakhstan actuel ne considèrent le commencement de leur histoire commune et donc de la République actuelle que de la proclamation de l'indépendance de celle-ci : pas bencore deux ans. Ce qui rend peu significatives aussi bien la courte phase des déclarations de souveraineté au sein de l'Union Soviétique dans le cours de l'année 1991, que l'érection d'une République socialiste soviétique du Kazakhstan, par scission de la République de Kirghizie en 1936 et démembrement partiel au profit de l'Ouzbékistan. Ce qui constitue une première approche - très positive - d'un examen de l'entente domestique des différentes "nationalités" ;
2° un lien est fait avec le consentement désormais libre des
Kazakhs à une certaine invasion de leurs terres de parcours par les Russes, puis tous ceux que ceux-ci y déportèrent dans les dernières décennies ;
3° aucune revendication territoriale majeure de l'ethnie-hôte des autres n'oblitère la sensation actuelle d'indépendance, quoique dans la conversation courante la rive gauche de la Volga, Omsk et Ohrenburg soient considérés comme ayant été kazakhs. Evaluations qui ne sont pas faites à propos de territoires actuellement sous juridiction des Républiques de Chine ou d'Ouzbékistan.
              
En revanche, le pays, et surtout les Kazakhs peuvent s'inquiéter des manifestations et des démonstrations des Cosaques aux frontières du pays ; la région d'Ouralsk se trouve en sus proche des zones pétrolifères et de leurs voies d'évacuation.

               Il faut aussi en déduire que - probablement sans l'avoir délibéré - le pays s'engage à un difficile exercice d'explicitation de son identité, puisque celle-ci n'aura pas de référence historique nette.



               La géographie suggère une forte identité mentale, d'autant plus que les esprits - par delà d'éventuels clivages ethniques - sont singulièrement homogènes.

               A l'évidence, c'est la steppe et le fait que - nomadisme ou déportation ou encore fuite vers les " terres vierges " loin du centralisme tsariste - tout le monde a conscience d'être déplacé ou de s'être déplacé dans un passé qui n'excède pas trois générations, qu'on soit Kazakh sédentarisé ou Russe arrivé de Sibérie ou d'Ukraine ou Coréen venu après l'occupation japonaise de la patrie d'origine ou Allemand arrivé sous Catherine II ou sous STALINE. L'esprit des steppes, qu'il faut comprendre différent des animismes et du chamanisme, imprègne la conversation, la comparaison poétique, le discours d'usage en province comme dans la capitale, quel que soit l'origine ethnique. Ce sont les récits de chasse, c'est le culte du cheval, base non négligeable de la nourriture (lait et viande), c'est la sensation d'espace disponible d'autant plus que la densité de la population est faible (17 millions d'habitants pour près de 3 millions kms²).

               Les soixante-dix ans de communisme ont d'autre part gommé toute éducation, toute référence religieuses, que celles-ci soient musulmane ou orthodoxe. L'interdiction de l'écriture arabe d'une langue kazakhe, elle-même minorée pendant le régime totalitaire, a contribué à l'isolement autant vis-à-vis de l'Islam courant, qui n'avait d'ailleurs que superficiellement pénétré le pays et l'âme de ses nomades, que du fondamentalisme aujourd'hui iranien. Le respect cependant pour quelques signes extérieurs sinon de foi, du moins de maintien d'une tradition, est général : on bénit souvent la table ou l'on conclut le repas à la manière musulmane. Le chapelet est rarissime, et la calotte n'est pas à rattacher avec une piété affichée.
               La littérature n'oppose pas les nationalités entre elles, au contraire. POUCHKINE et DOSTOIEWSKI sont aussi populaires et réellement connus chez les Kazakhs que chez les Russes. La création contemporaine fait reconnaitre davantage que par le passé le fonds commun qu'est le pays dans sa géographie et sa sociologie, un fonds qu'exprime en russe un authentique Kazakh comme M. Oljas SOULEïMENOV par exemple tandis qu'un authentique Russe SYDORKINE épouse une Kazakh et devient le talentueux graveur et illustrateur de scènes populaires et d'oeuvres considérables comme celles de Moktar AOUEZOV (La voie d'ABAï). S'il est couramment dit - à notre grand bénéfice - que le français fut l'esprit et la langue d'ouverture de la Russie au XIXème siècle, ABAï alors et M. SOULEïMENOV maintenant assurent que la langue russe est l'ouverture du Kazakh au monde international. Les références d'ailleurs à la France, via l'enseignement littéraire et historique que le régime soviétique véhicula à profusion, pour schématiques qu'elles sont (interprétation nationaliste de la Commune, encensement de BALZAC, de DUMAS, de ZOLA) sont un élément d'unité mentale non négligeable du pays. La littérature constitue même une conciliation mentale fréquente avec l'ancien régime ; DJAMBOUL qui a donné son nom à la ville de Taraz, fut un poète officiel, CHOUKALINE ou RASPOUTINE (sans relation avec le moine...) marquent sous KHROUCHTCHEV un certain éveil.


               L'interprétation de l'histoire des deux derniers siècles est unanime, quoique non encore écrite.

               Le pays se voit comme une colonie russe davantage sous le régime tsariste que dans l'ensemble soviétique où l'égalité de droits et d'apparence faillit créer une nationalité nouvelle et en tout cas plus vaste d'aire géographique, que chacune des Républiques socialistes. Moscou exerça une attraction certaine et continue, l'ancienne Leningrad dans une moindre mesure, à être vêcue comme un bien et un lieu communs. L'esprit colonial ne se manifestait pas parmi les nouveaux venus, et n'était qu'implicite dans l'esprit des dirigeants, mais la pratique d'Etat, et ses conséquences actuelles dans l'économie, dans la pénurie de cadres intellectuels ou militaires, font bien de l'ancien régime un système d'exploitation. Lieu de déportation au XIXème siècle, astreint au XXème à une division du travail l'empêchant de se doter d'industries de transformation et le faisant structurellement déficitaire puisque le jeu des prix d'achat de ses richesses se faisait sans sa consultation, le Kazakhstan estime avoir été pénalisé. Mémoire familiale de l'installation ici, analyse des responsables d'entreprises, les Russes d'origine confortent ainsi les Kazakhs dans la conscience de leur exploitation non par ceux qui physiquement arrivaient chez eux - il n'y a pas de structures féodales, de descendances d'anciens dominants étrangers - mais par des systèmes

politiques. Les dommages aux êtres humains et à l'environnement, causés par quarante ans d'essais nucléaires à Kurtchatov, dans la région de Semipalatinsk, frappent sans doute davantage la population kazakhe mais sont en partie reconnus par les militaires et les médecins russes localement en service de longue date.


               Le regard est le même, quelles que soient la nationalité ou la région, sur les phases du régime communiste. Sans qu'il y ait la moindre velleité d'un retour au passé, que l'on sait et dit totalitaire pour les personnes comme pour les nations, la conscience est générale que l'Union Soviétique était une grande puissance, et qu'elle a été ruinée en rang à l'extérieur, et en fonctionnement domestique de son économie par le président GORBATCHEV ; très rares sont ceux qui reconnaissent à ce dernier un rôle positif, notamment pour avoir restauré la liberté, et ménagé une transition à frais relativement faibles jusqu'à présent. Il est vrai qu'il constitue aujourd'hui un repoussoir commode et que certains commencent de lui reconnaître une transition - peut-être involontaire, mais globalement pacifique - vers les indépendances. Pour une majorité, l'interrogation est fréquente sur les raisons de sa popularité à l'étranger. L'homme est présenté comme instable et en contraduction avec lui-même. Les événements de Décembre 1986, présentés ici non sans orgueil, comme la première manifestation avouée d'indépendance nationale dans toute l'Union Soviétique d'alors (les événements antérieurs à la perestroïka en Géorgie ou à Iakoutsk furent étouffés), illustrent ce jugement ; on descendit parmi les jeunes dans la rue, parce qu'on était convaincu que la perestroïka impliquait une explication franche et un débat sur la nomination d'un nouveau Premier secrétaire du parti communiste localement (M. KOLBINE). Et que la contestation était loisible, et même souhaitée ! L'on fut cruellement détrompé. C'était un acte de force, et l'homme ne consultait pas, pas même celui qui prenait sa retraite, était populaire relativement et avait donné tous les gages (M. KOUNAEV).

               La chute de l'Union Soviétique est donc généralement analysée sans détour comme la faute d'un homme, ce qui en fait regretter la puissance et le rayonnement, mais évidemment pas le régime oppressif ; le lien n'est pas fait entre ce régime et le maintien de l'Union. Parmi les dirigeants successifs, c'est BREJNEV qui a la meilleure image, d'abord parce qu'il "régna" un temps au Kazakhstan et n'y fut pas maladroit ; ensuite parce que ses réformes économiques réussirent et furent perçues comme un certain âge d'or : stabilité des prix mais label aussi de qualité. KHROUCHTCHEV est considéré - au rebours des appréciations flatteuses en Occident et de son entente tacite avec le président KENNEDY à l'expérience de la " crise de Cuba " qui ne sont pas ici perçues - comme l'initiateur du militarisme soviétique, le vrai responsable du désastre écologique nucléaire dans tout l'Est du Kazakhstan, et économique avec la campagne pour les " terres vierges " (exécutée pourtant sous le secrétariat local de

BREJNEV) engendrant les travaux agricoles gigantesques dont pâtit la mer d'Aral et même le redoublement du goulag minier dans la région de Karaganda. Seuls, les intellectuels voient dans le début des années 1960 les premiers signes d'un "dégel" et de la possibilité de commencer à s'exprimer. Ils sont rares dans l'administration d'aujourd'hui.

               Le milieu de celle-ci est mentalement et numériquement restreint ; la plupart des responsables se connaissent et donc se jugent, pour avoir été formés aux mêmes écoles du Parti et avoir débuté dans les mêmes fonctions d'animation des organisations de base ou d'entreprises de celui-ci, quelles que soient le études techniques ou l'application politique. Le jugement sur les personnes est constant et assez simpliste, qu'il s'agisse des dirigeants de naguère pour lesquels il est ouvertement exprimé en moeurs ou en capacités intellectuelles, ou des actuels. Ce qui n'est pas démocratique dans la vie institutionnelle ou collective, l'est en revanche dans les rencontres individuelles et la conversation même officielle.

               On ne fait pas le lien entre l'ancien régime et l'incommunication avec l'extérieur, pourtant regrettée et manifeste dans les arts plastiques, ou pour la littérature contemporaine. Longtemps, L'Humanité en surplus constant dans les kiosques est une des rares ouvertures pour les francophones. La percée actuelle du sous-cinéma américain est unanimement abhorrée, quoiqu'elle ait son public de télévision bien accroché.

               A la période de relative aisance économique des années 1970 de BREJNEV fait pendant l'euphorie patriotique qui suivit la victoire de 1945 et perdura jusqu'aux débuts des années 1960 avec les conquêtes nucléaire et spatiale. La perception d'une sorte d'empire idéologique alors constitué avec la révolution chinoise et les décolonisations indienne et africaine est rare ; la latente menace que fait peser à l'Est le gigantesque voisin chinois n'est en rien liée aux conflits de puissance des années 1960 au temps de KHROUTCHEV, ou à leur apaisement par les différentes évacuations de l'Afghanistan ou de la Mongolie consentis par M. GORBATCHEV. L'analyse seulement ethnique ou locale de cette menace fait donc présumer la pérennité de celle-ci dans les esprits. Pas davantage, un lien n'est établi entre les "ethno-allemands" (pour prendre l'expression usitée en Républiqe fédérale et dans l'Ambassade de celle-ci à Almaty) et le passé impérialiste de leur pays d'origine. Lecture apatride du "fascisme" ? contrepoids mental de la République démocratique ? - qui n'eût cependant pas son consulat dans les pays où la minorité allemande était trop présente, et donc pas au Kazakhstan.

               Si devait apparaître une histoire proprement nationale, il n'est pas sûr qu'elle diviserait les nationalités. Chacune de celles-ci peut écrire les étapes de son arrivée et de son installation sans afficher de martyres ou d'occupation violente. Les Russes ne se solidariseraient pas avec la politique tsariste et celle-ci joua autant des rivalités entre les principaux clans kazakhs, que de la force. Les Kazakhs, quant à eux, mettront sur le compte de la révolution de 1917 et de ses excès, puis de la dictature de STALINE les massacres des années 1930, la sédentarisation forcée, l'affamement systématique d'une population privée de ses racines et de ses habitudes, la " dékoulakisation " et même la liquidation du premier parti communiste local ou la suppression de l'éphèmère République pourtant socialiste qui eut sa capitale à Ksyl-Orda. Plus délicates cependant seront l'inévitable analyse des camps de travail (notamment das les mines d'uranium proches de la frontière kirghize, où 200.000 Kazakhs auraient péri de fatigue) et surtout la probabilité statistique d'un quasi-génocide ayant coûté à l'ethnie-hôte peut-être 1.500.000 morts, en sorte que la population kazakh n'auraient retrouvé son nombre du début des années 1930 qu'au début des années 1980. Faits et chiffres son encore loin de la place publique. Mais cette histoire n'est pas encore écrite, et l'"idéologie" qui se cherche officiellement, spécule davantage sur l'avenir ou la sociologie, que sur la reconnaissance du passé.



               La démocratie n'est pour le moment qu'une notion théorique, le cédant de beaucoup à la conscience de libre-détermination du pays et de libre expression individuelle.

               Si la jeunesse estudiantine est avide d'entendre quelque jugement ou explication du nouveau régime par un étranger, la génération au pouvoir raisonne en termes sans doute analogues à celle de l'ancien régime : la compétence au pouvoir est plus nécessaire que la liberté des élections. On va même jusqu'à assurer que la succession au Président régnant - le sujet n'étant qu'économique - se fera non par l'émergence des partis, mais par l'accession des milieux d'affaires et d'une classe formée aux techniques du marché par l'étranger. On ne conçoit pas d'alternative au traitement de la plupart des questions du jour, et la délibération actuelle sur l'émission ou non d'une monnaie nationale, quoique pratiquement publique, est évaluée en termes de compétences.

               Paradoxalement, la fin du régime précédent est expliquée par son défaut de compétition interne, par l'absence de concurrence au parti unique, mais chacun - y compris les chefs des principaux partis, reconnus légalement ou pas - se résigne au truquage des prochaines élections parlementaires et personne ne semble rétrospectiveent choqué par l'absence de candidatures opposées en Décembre 1991 à celle du Président NAZARBAEV ; les retraits qui eurent alors lieu ne sont expliqués que par la conscience que les audacieux prirent de la valeur du candidat officiel. Le monisme actuel n'est donc en rien rapproché du système précédent. Sans doute parce que le pouvoir en place n'a jusqu'à présent heurté personne ni en sociologie, ni en nationalisme, ni même en avantages acquis.

               Pourtant, hommes et usages n'ont pas changé dans le fonctionnement des institutions. Les jeunes conseillers juridiques du Comité central sont aujourd'hui ceux de la Présidence ou de la vice-Présidence de la République. La plupart des fonctionnaires d'autorité locale sont les précédents secrétaires des comités exécutifs locaux ou des organisations de base du Parti communiste. Non seulement, les Conseils régionaux et le Conseil suprême (anciennement Soviet suprême) tiennent leur mandat de consultations d'ancien régime pour la date et pour la forme de leur élection, mais ils vivent pratiquement de la même manière. Sans doute, les débats sont vifs au Parlement à chambre unique, mais ils sont sans conséquence sauf sur certains points auxquels l'étranger est pus attentif : le statut de la Banque centrale ou le maintien d'une Cour constitutionnelle, créée d'abord par décret. La notion de séparation ou de spécialité des pouvoirs, celle de responsabilité de l'exécutif sont inconnues. Les Gouverneurs de région sont nommés par le Président, celui-ci a été plébiscité : les représentations locales ou nationale sont en droit, et plus encore en fait, sans pouvoir sur eux. Cela est parfaitement su, et semble généralement admis.

               Presse écrite et audiovisuelle sont très hiérarchisées ; un projet de taxation de la seule presse non-officielle a été annullé par la Cour Constitutionnelle sur recours d'un groupe privé, mais la pression par l'octroi ou non du papier chroniquement rare, par l'accès à l'information toujours monopolisée par une agence nationale permet les discriminations le cas échéant. Le débat existe cependant sous forme d'articles et de réponses à ces articles. Qu'il ait lieu prête cependant à critique, notamment au Parlement, ou de la part des Gouverneurs, dont la plupart sont aussi députés, ainsi que certains de leurs adjoints.

               La percée d'un syndicalisme libre est récente et presque fortuite. Elle tient beaucoup à la personnalité de M. Leonid SOLOMIN, officier en retraite, chargé des questions juridiques auprès du futur Premier Ministre, M. Sergueï TERETCHENKO, alors responsable du Parti communiste pour la région de Tchimkent, qui épousa les heurs et malheurs des premiers adeptes de la perestroïka dans l'économie ; l'émergence d'un secteur privé permit seule l'émancipation vis-à-vis du syndicalisme officiel, longtemps réputé comme la seule voie d'accès aux protections sociales et aux menus privilèges dans l'entreprise, et les mouvements sociaux commencèrent par la contestation des usages abusifs de fonds ponctionnant légalement depuis 1993, 37 % de la masse salariale, et se poursuivent aujourd'hui faute tout simplement que les salaires soient payés. La pression a été assez forte pour que le projet de loi syndicale adopté par le Consel suprême fasse l'objet d'un veto présidentiel, puis cède la place à une version proposée par ce nouveau syndicalisme comptant, à l'en croire, déjà autant d'adhérents que l'ancien.

               La seule rupture généralement perçue avec le passé, est donc l'indépendance nominale du pays - quoique le consensus autour du Président NAZARBAEV ne soit pas qu'on ait porté celle-ci à son crédit personnel. Son prestige, au contraire, est détaché de l'histoire récente et a tenu d'abord à sa réputation de compétence (nullement à un adoubement par Moscou ou par l'ancien chef local du Parti communiste, M. KOUNAEV) et tient maintenant à son habileté politique sur les deux sujets principaux que sont la paix entre les nationalités et la négociation permanente à l'intérieur de la Communauté des Etats indépendants.

               Il en est une autre, fort nouvelle dans la sociologie du XXème siècle, car elle transcenderait les analyses habituellement dualistes des classes dirigeantes d'un pays donné. La véritable alternance attendue serait dans une succession des dirigeants actuels, généralement issus du Parti communiste, par des dirigeants d'entreprises, formés à l'économie de marché et même frottés de voyages à l'étranger. Façon sans doute de demeurer dans une société refusant les clivages politiques et idéologiques, mais conscience répandue que les hommes n'ayant pas encore changé, les mentalités et les moeurs subsistent, ce qui laisse sceptiques les gouvernés et assure, dans leur comportement quotidien, les gouvernants. Et consentement général en fait à une interprétation seulement économique de la vie sociale et des nécessités de l'organisation d'Etat, ce qui était bien la doctrine ancienne, quoique son application dans l'avenir paraîtrait neuve, surtout par les hommes qu'elle ferait apparaître.

               Le débat démocratique, quand il y a toutes les apparences d'une lecture univoque de l'histoire (les hétérodoxes ne s'avouant pas encore publiquement) et la prétention que tout sujet n'est qu'affaire de compétence, est évidement difficile à nourrir. Les partis sont généralement considérés comme inutiles, quand leur existence-même n'est pas rapprochée de l'ancien Parti communiste qui aurait dégoûté tout le monde du concept-même de parti. Dans un cercle vicieux que personne n'explicite, on leur reproche tantôt leur faiblesse, tantôt leur peu d'implantation, tantôt leur mimétisme de programmes ou leur absence de contestation réaliste des politiques en cours. Certains voient dans la succession de leurs naissances depuis l'indépendance, la tentative du Président NAZARBAEV de maintenir l'ancienne habitude d'un parti dominant, sinon unique, pour lui et pour la plupart des gouvernants ou des administrants. Le Congrès populaire de M. Oljas SOULEïMENOV ou l'Entente populaire, le mouvement le plus récent, seraient justiciables de cette analyse, à laquelle échapperait seul le parti Azat créé avant l'indépendance et revendiquant celle-ci pour la nationalité kazakhe. Si l'administration compte davantage avec ce qui existe, la représentation locale ou nationale élue sous l'ancien régime et qui ne rend donc pas compte des nouveaux partis, d'autant que certains n'ont d'implantation que régionale, et que trois seulement ont une existence légale, il apparaît cependant que leur coalition et la " table-ronde " périodique qui les rassemble avec le syndicalisme non officiel et des associations à but plus sectoriel pèsent déjà sur le débat législatif et poussera sans doute à modifier, sinon de fond en comble, le régime électoral.


               L'unité mentale faite par la géographie, l'athéisme et un regard homogène sur la politique passée ou actuelle rend, pour le moment, inopérante une analyse du pays fondée sur des clivages ethniques.

               Seuls les Allemands disposent d'une référence attractive et partent aussi massivement qu'ils le peuvent. Le mouvement est très différent d'une région à l'autre. Les Russes, s'ils sont établis localement depuis plus d'une génération, n'envient pas actuellement leur patrie d'origine : la Russie semble se débattre dans des difficultés, y compris les risques de conflits internes au sein de sa fédération, que ne connaît pas à un tel degré le Kazakhstan. De même que les notions de libertés publiques ou de démocratie pratique sont encore informulées et très théoriques, de même le droit de la nationalité et de la citoyenneté est couramment ignoré dans le pays ; d'autant que les passeports restent soviétiques, même s'ils sont à l'occasion (notamment pour voyager à l'extérieur de la CEI) tamponnés d'une référence au Kazakhstan. La récente loi sur la citoyenneté n'est pas connue, et pas davantage l'interdiction de la double nationalité par la Constitution. La rumeur est cependant de départs importants, mais ceux-ci semblent se compenser par des arrivées et ne pas excéder un solde de 100.000 dans l'année.

               Si les mariages mixtes sont rares, sauf dans l'administration d'autorité, et si les jeunesses spontanément ne se mélangent guère, la cohabitation et le travail ensemble sont la règle, et sans contrainte apparente. Sans doute le doublage, au rang d'assistant ou d'adjoint, par une des deux nationalités dominantes, de chaque fonction détenue par l'autre, est aussi rituel que voyant dans l'administration territoriale ou dans les ministères. Mais le phénomène grégaire joue plutôt en faveur des Kazakhs et tout se passe comme si l'intimité - au moins celle proposée à l'hôte étranger - n'était le fait que de ceux-ci. Alors, le parler devient exclusivement kazakh, au moins les premiers moments et un nouveau territoire mental, par ignorance du voisin ou de ses rejetons locaux, apparaît. En tout cas le fait se vérifie statistiquement pour les invitations personnelles dans la capitale et pour la suite des accueils en province. Mais s'il paraît parfois exister un "marché russe" ou un "village allemand", si la réflexion en est faite un peu péjorativement par l'ami kazakh, si les Coréens sont perçus comme fort solidaires entre eux pour les affaires, ces nuances ne sont pas décisives.

               La révolte conte la nomination de M. KOLBINE en 1986 tenait bien plus à son inexpérience totale du Kazakhstan, qu'à son appartenance ethnique, et elle est rétrospectivement comprise par les Russes d'installation locale de longue durée. L'état-major de nationalité russe et d'obédience à la Fédération de Russie, qui est actuellement au comandement de l'ex-centre d'expérimentations nucléaires de Kurtchatov, semble à la fois s'accomoder d'un protocole donnant le pas à l'administration civile que tient un Kazakh et de tâches apparemment de seule conversion économique. Des textes opportuns permettent en sus aux engagements dans l'armée, conclus antérieurement aux indépendances, de ne pas empêcher jusqu'à l'an 2.000 des réintégrations dans les armées de la nationalité d'origine, et certains des avancements d'officiers peuvent être d'initiative de la nationalité d'accueil. En fait, l'entente tient surtout à l'absence d'accords formels, au flou juridique de l'avenir et à la confiance réciproque que les habitudes et les osmoses ne peuvent se rompre ; ces liens semblent bien plus présents mentalement et pas forts pour le futur que de quelconque solidarité face à un ennemi extérieur ou à la cise économique. Car de celle-ci toutes les preuves, qu'elle ne joue pas, commencent d'être administrées. Personne cependant, malgré des analyses peu favorables aux thèses ou aux gouvernants russes, ne passe pas de l'observation économique à l'hostilité politique, et ni le ministre de la Défense ni l'homme de la tente ou de la rue ne semble s'inquiéter de prévoir si l'on pourra ici compter sur la garantie nucléaire ou le concours conventionnel de Moscou en cas d'agression chinoise.

               Il est donc tentant de conclure à une vie et à une réflexion seulement locales sur des questions internationales pour les unes et au moins inter-étatiques au sein de la CEI pour les autres. Ce qui est encore un facteur d'unité politique dans le pays. Kazakhs et Russes se rejoignent sans doute aussi dans leur appréhension que se distendent - pas du fait de M. NAZARBAEV - les relations avec la Russie. Pour ces derniers, l'intérêt à une osmose économique et culturelle est évident, mais l'élite des premiers, l'influence quotidienne de la Russie empêche une réelle pénétration de l'Iran et même de la Turquie dont l'avenir est jugé de moins en moins certain ; vis-à-vis de ces deux pays, c'est en fait d'Islam qu'il s'agit et d'une menace sociale concrète qu'introduirait dans la vie quotidienne une religion toujours peu pratiquée et encore moins connue ici.                
                                            Bertrand Fessard de Foucault

15 . 22 . 28 Août 1993 - après avoir ouvert une ambassade dans l'ancienne Union soviétique




                                                            

UNE STRATEGIE FRANCAISE ENVERS LE KAZAKHSTAN


(sommaire en dernières pages 34 & 35)
(propositions résumées d'ACTION en pages 32 & 33)




Le Kazakhstan est un objet nouveau pour la diplomatie et les intérêts français ; c'est un sujet nouveau dans la communauté internationale ; c'est un partenaire - en tant que tel - nouveau dans le commerce des matières premières (productions potentielles annuelles de pétrole : 100 millions de tonnes -, d'or : 80 tonnes, et excédents annuels de blé entre 4 et 8 millions de tonnes). C'est un pays peu connu : aucune monographie encore, pas d'agence de presse internationale résidente.
Ces seuls traits mériteraient que les dossiers ouverts, au titre du Kazakhstan, par les administrations et les entreprises françaises ne soient pas traités comme s'il s'agit d'un pays aux relations bilatérales centenaires ou plus avec la France, mais qu'ils se nourrissent au contraire d'enquêtes de marché et d'analyses politiques de première main. Ce fut d'abord le réflexe des pouvoirs publics en France puisque le Kazakhstan a été, aussitôt son indépendance proclamée (16 Décembre 1991) visité par le ministre français des Affaires Etrangèrees ( Janvier 1992), qu'un Poste d'expansion économique y a été avancé (Février 1992) avant même l'ouverture formelle de l'Ambassade (21 Juillet 1992), et qu'à celle-ci a été vite attaché un officier supérieur (Septembre 1992).

Des intérêts français, peu nombreux mais notoires, y ont précédé les pouvoirs publics : la ville de Rennes et ses divers intervenants universitaires, médico-hospitaliers, municipaux s'est jumelée avec Almaty (Mai 1992) au terme d'un processus d'aproche de quatre ans antérieur ; la société nationale Elf-Aiqtaine y a signé (Février 1992) le premier contrat qu'ait conclu avec l'étranger un pays issu de l'ancienne Union Soviétique.

La situation géo-stratégique du Kazakhstan et la personnalité de son chef actuel ont très vite beaucoup ajouté à ces faits qui n'auraient pas suffi à caractériser le pays, pour la France comme pour chacune des principales puissances contemporaines.

Frontalier de la Chine et de la Russie sur plus de 3.000 kilomètres avec chacune d'elles, le Kazakhstan est d'autant plus à l'écoûte de ces deux géants qu'il y a d'importantes minorités (800.000 Kazakhs au moins en Russie, et peut-être plus d'1.000.000 en Chine, tandis qu'il partage avec celle-ci le complexe peuplement des Ouïgours 250.000 de ce côté-ci et 4.000.000 de l'autre), que sa capitale est à moins de 800 kilomètres des centres d'essais nucélaires de Lob Nor et que sur son sol se trouvent situés le dispositif matériel, et encore en partie scientifique, de l'héritage nucléaire et spatial soviétiques (le "polygone" de Kurtchatov près de Semipalatinsk et le "cosmodrome" de Baïkonour). Le Kazakhstan est lui-même en partie constitué par la plus importante émigration russe de l'ancienne Union Soviétique (encore 36 % de sa population totale). Cette capillarité stratégique et démographique se double au sud et à l'ouest de la proximité des deux principaux conflits régionaux, marquant la succession au régime communiste centralisé de Moscou et affectant la sécurité en Asie centrale et celle de la Russie : la guerre du Tadjikistan et de ses confins avec l'Afghanistan, la guerre pour le Haut-Karabakh et les querelles entre Arménie, Georgie et Azerbaïdjan au Caucase dont le Kazakhstan est riverain par la mer Caspienne et pour ses débouchés pétroliers. Enfin, une minorité de lointaine origine allemande (900.000 âmes en 1989 - 600.000 en 1993) en fait aussi le partenaire obligé du plus intime protagoniste de la politique extérieure française : l'Allemagne.

Le Président NAZARBAEV, remarqué internationalement dès qu'il accomagna M. GORBATCHEV en voyage officiel à Paris (Octobre 1990), puis défendit le dernier projet de novation de l'Union Soviétique, malgré le coup d'Août 1991, a passé pour un possible successeur de l'homme de la perestroïka et est manifestement aujourd'hui le politique le plus attaché à une véritable émergence de la Communauté des Etats indépendants. Quels que soient les mobiles profonds de son action : nostalgie de l'ancienne Union, puissance mondiale et espace culturel et économique commun ? formation idéologique et professionnelle ? prise en considération des équilibres ethniques internes ? conscience de la puissance résiduelle et de l'avenir potentiel de la fédération de Russie ? absence d'imagination personnelle ? ou de réelle alternative géopolitique ? - le fait est que cette action est l'une des plus logiques et cohérentes (sinon la plus cohérente) de toutes les politiques menées en succession de l'Union Soviétique.

Chacune des étapes pour l'indépendance de son pays n'a été franchie qu'en réaction aux initiatives (ou aux improvisations) russes : prise en mains des forces de l'Intérieur et arrêt des essais nucléaires à Semipalatinsk (Août 1991 en réponse à la tentative des conservateurs), constitution de forces armées nationales (Mai 1992 en réponse à la "nationalisation" par la Russie de l'Armée rouge), frontière douanière (très lentement érigée encore aujourd'hui en réponse à son établissement en Mars 1993 du côté russe), protestation constante d'appartenance à la zone rouble et calque des mesures de change monétaire sur celes de la Russie (unilatéralement décrétée le 26 Juillet, après une cessation des approvisionnements en numéraire et un ultimatum le 13 Juin sur les conditions de maintien dans la zone rouble). Ces étapes, toutes vêcues comme des pis-allers, s'assortissent de la constante pétition d'une concertation sérieuse pour une Communauté des Etats indépendants qui en soit une au points de vue stratégique, bancaire et monétaire, commerciale et même culturelle. C'est le Président NAZARBAEV qui propose depuis Janvier 1992 une Banque inter-Etats gérant une monnaie supranationale, qui réclame autre chose qu'un simple état-major pour les Forces armées unifiées, et qui à défaut conclut des traités bilatéraux dans ces matières avec le partenaire russe, qui provoque les différent sommets et zèle leur préparation (celui manqué en Avril 1993 d'Erivan, celui projeté pour le début de Septembre 1993, celui improvisé au début d'Août 1993) comme il fit pièce dès Décembre 1991 par une réunion de toutes les Républiques socialistes soviétiques dans sa capitale à une entente seulement "slave" qui s'ébauchait à Minsk depuis le début de l'automne d'alors.

Le Président NAZARBAEV est enfin, pour ce qui concerne directement les orientations extérieures et intérieures du Kazakhstan et la libre détermination de son pays, un partenaire stable et fiable. Il accepte le premier l'option zéro - pour la gestion de la dette soviétque - alors qu'il ignore si la balance des actifs de l'ancienne Union Soviétique est exacte avec les % de passif qu'il avait solidairement reconnu au printemps de 1992. Il fait ratifier le premier le traité START I et répète sans désemparer, dans tous ses entretiens internationaux (notamment devant les initiateurs américains d'un financement des démantèlements nucléaires en Novembre 1992 et au quartier général de l'OTAN en Janvier 1993)), que le Kazakhstan tiendra ses engagements d'adhérer au traité de non-prolifération comme Etat non doté d'armes nucléaires. La Constitution promulguée le 28 Janvier 1993 perpétue certes la balance des pouvoirs instituée, sous l'ancien régime, dès l'émergence de la fonction et de l'élection présidentielles, mais elle consacre aussi un contrôle indépendant de la constitutionnalité des lois, établissant ainsi - sinon une démocratie de type occidental - du moins un état de droit politique, économique et social, auquel la loi fondamentale consacre 58 de ses 131 articles, sans compter les 10 relatifs aux élections et les 13 relatifs aux juridictions et à la magistrature.


Cette fiabilité est aussi une stabilité - et en cela le peuple du Kazakhstan correspond à celui qui le dirige actuellement -, puisqu'hormis les manifestations d'incompréhension de la succession de M. KOUNAEV en Décembre 1986 à la tête du Parti communiste local et dont la répression causa une quinzaine de morts, il n'y a eu aucun incident politique ou social notable cette décennie. Les syndicats libres se sont constitués et ont inspiré la loi d'Avril 1993 qui les concerne ; les partis naissants ont une table-ronde périodique avec les autres associations et assez d'entregent pour faire à la longue se substituer leurs projets de loi électorale ou d'organisation parlementaire à ceux concoctés par un Conseil Suprême élu selon l'ancien système ; les grèves se déclenchent pour de très substantiels retards dans le paiement des salaires. Les Kazakhs de souche tiennent certes le haut du pavé, mais les dispositions constitutionnelles comme la pratique quotidienne ne pénalisent pas la langue ni la culture russes, quoique celles ne soient plus les officielles. La pratique religieuse est faible, mais les lieux de culte sont partout en construction sans que l'Etat favorise aucune confession ; il en est d'ailleurs constitutionnellement séparé. Le tempérament de l'ethnie ayant accueilli par force les vagues ultérieures d'immigration russe, coréenne, allemande et autres (au point que l'on compterait plus de cent "nationalités" au Kazakhstan) est en effet d'une patience éprouvée. L'évolution démographique (natalité et courants migratoires) l'assure d'une majorité absolue à terme, et sa persistance nationale a, au cours des siècles, peu dû à la religion, au type de vie sédentaire puis nomade, ni même à la langue durant la période communiste ; elle tient à un certain esprit (peut-être des steppes ?) qui fait tache d'huile sur tous les arrivants et autres résidents.


Tel quel, le pays est donc un espace de stabilité, politiquement et militairement décisif pour la sécurité de la Russie à son flanc sud, un espace de transition pluraliste, laïque et pacifique entre les civilisations slave et orthodoxie au nord et musulmane au sud, un espace propre à l'aventure des grandes exploitations de matières premières, comme il en est encore peu de vierges ou quasiment dans le monde actuel.


Le Kazakhstan mérite donc de retenir l'attention. Pour lui-même et plus encore s'il est comparé aux autres Etats issus de l'Union et même de l'ancien empire soviétiques. Où sont de la ligne Oder-Neisse ou des Sudètes jusqu'à Vladivostock les Chefs d'Etat de particulière envergure ? les peuples ne cherchant pas à s'émanciper les uns des autres au rique de former des micro-Etats guère viables ou en guerre incessante ? les nationalités indépendantes des excès religieux ? la réunion de potentialités aussi diverses que le pétrole, l'or, les métaux non ferreux ou rares, de puissantes capacités céréalières et des sites stratégico-scientifiques, dont l'Europe ne dispose pas sur son sol continental ?

Mise à part l'exceptionnelle prise en compte décidée et zélée par le Président de la République et que manifeste en une seule année calendaire l'échange de visites officielles par les Chefs d'Etat dans chacun des deux pays (le Président NAZARBAEV en France : Paris et Rennes, les 23-26 Septembre 1992, le Président MITTERRAND : Almaty et Turkestan, les 16-17 Septembre 1993) ainsi qu'un séjour privé de M. NAZARBAEV dans le midi de la France (seul du genre hors de l'ex-Union Soviétique) les 7.16 Juillet 1993,
il faut bien reconnaître que la France et ses intervenants publics et économiques n'ont, sauf rares exceptions, pas persévéré dans l'élan initial.
C'est net au plan politique que symbolise le décalage dans la ratification des traités et accords des 23 et 25 Septembre 1992 (acquise à Almaty le 28 Janvier 1993, encore en cours à Paris) et dans la disponiblité à réunir le groupe de travail mixte prévu par ces accords (arrêté composant la délégation kazakhstanaise en date du 14 Janvier 1993, lettre du Ministre français de l'Industrie, des Postes & Télécommunications, et du Commerce extérieur en date du 28 Juin 1993). Dans l'année exactement écoulée entre les deux voyages présidentiels, de visite ministérielle, qu'une seule, celle de M. DURIEUX à quinze jours des élections augurant de sa démission. Plus net encore pour ce qui est des options stratégiques : des ouvertures réitérées du Président NAZARBAEV pour des exploitations et conversions communes des sites spatial et nucléaire, anciennement soviétiques et encore partagés avec la Russie, et qui privilégieraient la France déjà en accord avec cette dernière, ont été systématiquement éludées. Américains, Allemands et Japonais, voire Indiens, sans que la même approche leur ait été proposée, mais dans un contexte plus commercial et international, n'ont pas ces timidités.

Les nôtres atteignent le paradoxe dans le domaine économique, où la France n'est présente qu'à propos du pétrole (exploration par Elf-Aquitaine de la région d'Aktioubinsk, participation de Total au consortium de recherches en mer Caspienne, ingénieurie d'Hydrocarbone en bordure de cette même mer, équipements des sites de Tenguiz par Lurgi-France) et cette présence-même, très en vue au lendemain de l'indépendance locale, risque de se diluer dans une nouvelle hégémonie anglo-saxonne puisque Total ne compte que pour un siuxième dans son conroitium, qu'Elf recherche un partenaire de pays tiers, et que nos ingénieuries ne sont pas soutenues en assurance-crédit jusqu'à présent. Trois exemples : alors que deux liaisons hebdomadaires depuis la Turquie et cinq avec l'Allemagne sont constamment complètes en voyageurs et en fret, Air France estime que le marché n'est pas prometteur, mais ne l'a jamais étudié ni sur place ni même depuis son escale de Moscou ; alors que Mercedes et BMW sont représentés à Almaty depuis le début de l'année, que les PDG de ces deux groupes ont visité le Kazakhstan ou vont le visiter, que la ciculation dans la capitale met en évidence une croissance exponentielle du nombre de véhicules réputés luxueux même en Europe, les fabricants français n'ont pas même songé à une étude de marché ; alors que les groupes anglo-saxons, australiens et sud-africains ont déjà contracté des reprises de mines à faible réinvestissement, ni le BRGM ni aucune autre institution ou entreprise françaises, malgré les appels répétés de cette Ambassade n'ont pris conscience des ressources, d'envergure mondiale, du Kazakhstan en l'or, en métaux rares et en métaux non ferreux.

Vu d'ici, il semble même qu'il y ait quelque chose de vicié dans le mécanisme des décisions et des délibérations de priorité et de stratégie en France.

Au plan économique, c'est l'habituelle frilosité à sortir des frontières heureusement élargies aujourd'hui à l'espace des Douze. Cette attitude a été légitimée par la position restrictive de la COFACE et de la DREE (longtemps négative, puis ouverte aux garanties "en mer" ou pour moins de 30 millions au court terme) Il avait fallu l'arbitrage du Président de la République en Septembre 1992 pour qu'une convention de protection réciproque des investissements, encore plus exigeante que celle acceptée par les Allemands, soit signée... et il faut aujourd'hui la conjonction de l'intérêt manifeste du ministre chargé de l'Industrie et du Commerce extérieur, avec la perspective très proche du voyage présidentiel au Kazakhstan, pour que s'envisage une " ligne de crédit " et se prépare la tenue du groupe de travail mixte (échange de vues sur les méthodes à Paris le 1er Septembre, première session plénière à Almaty le 17 Septembre prochains). Depuis le 24 Juillet 1993, le Fonds monétaire a manifesté - dans les règles - sa confiance à la politique financière de ce pays...

Au plan diplomatique, l'analyse française semble privilégier un héritage uniquement russe de l'ancienne Union Soviétique, remettant à l'actuelle Russie, quelle que soient sa notoire instabilité politique et les incertitudes de sa constitution fédérale, la gestion de la dette (option zero) et le monopole nucléaire. Ce qui emporte trois conséquences décisives :
- la desserte résiduelle par notre Ambassade à Moscou des Républiques non couvertes par nos nouvelles chancelleries, notamment en Asie centrale, et une grande lenteur à habiliter ces dernières à la délivrance des visas. Ce qui symbolise sur le terrain que notre supputation d'avenir continue de faire de la Russie le pays dominant ; et ce qui nous met à terme, au moins en Asie centrale à la remorque des Américains et des Allemands pour la collecte du renseignement et les actions spéciales. Au total, un doute sur l'indépendance et la souveraineté en perspective longue des Républiques que nous avons reconnues et une moindre indépendance pour nous-mêmes dans nos mouvements sur place.
- le refus de tout engagement dans un domaine stratégique avec tout autre Etat successeur de l'Union Soviétique, que la Russie. C'est là encore un double pari, que ces pays, et notamment le Kazakhstan ne s'émancipent jamais vraiment de Moscou, et que nos concurrents fassent le même calcul que nous et ne traitent jamais directement avec Almaty. Ce qui est déjà douteux pour les Américains (rumeurs d'invitation du Président NAZARBAEV aux Etats-Unis, désignation de M. ABDILSIITOV, vice-Premier Ministre chargé des sujets stratégiquement sensibles comme co-président du groupe de travail mixte avec cette puissance) et l'est plus encore pour les Allemands, localement tenus et dans toute l'Asie centrale par leur ancienne diaspora. Dans le cas de nos coopérations spatiales avec la Russie, c'est supposer que Baïkonour n'aura jamais qu'une clé et à Moscou, et c'est évidemment renoncer à faire venir le Président NAZARBAEV à Kourou.
- un amoindrissement sensible de l'image d'indépendance souveraine et de conduite autonome, à laquelle tient la france et dont elle jouit généralement en première analyse. Donner la priorité à la Russie, c'est travailler à restaurer un monde bipolaire dont le prix est connu depuis 1945 : l'empêchement américain de toute émergence sérieuse d'une Europe disposant d'elle-même et à terme bien plus attractive pour le reste du monde que les Etats-Unis en crise économique et politique intérieures. Localement, au Kazakhstan, c'est se priver d'un pan entier d'influence et de prestige, seul de nature et de poids à compenser pour un pays comme le nôtre sa moindre pénétration économique et financière relativement aux Etats-Unis, au Japon et surtout à l'Allemagne.


A l'inverse une politique de présence au Kazakhstan et d'égards envers ce pays, ne présente aucun risque majeur.
- l'encouragement à la libération des peuples et à l'instauration d'un état de droit supposent que nous épousions une dialectique d'indépendance extérieure et d'ouverture économique. Le retour à une domination diplomatique et économique moscovite, sans la concertation et la relative parité d'une Communauté des ERtats indépendants enfin efficace et voulue de part et d'autre, signifie localement la restriction à l'économie de marché et à la circulation des personnes, donc à terme au développement de l'expression libre dans la presse et dans les élections.
- une Communauté efficace que créeraient enfin entre elles les anciennes Républiques soviétiques socialistes, n'émergera que si le Kazakhstan, seul pays absolument déterminé à la créer, est assez fort diplomatiquement et économiquement pour garantir un certain contrepoids vis-à-vis de Moscou et donc le pluralisme de la construction projetée. Que l'échec sanctionne ces efforts, et nous n'aurons rien perdu à une indépendance relative du Kazakhstan à laquelle nous aurons contribué ; que M. NAZARBAEV, avec peut-être de nouveaux interlocuteurs à Moscou, parvienne a ses fins pour le grand nombre des anciennes Républiques, et nous aurons obtenu avec lui ce à quoi nous travaillons : la constitution d'un ensemble fiable à l'est de l'Europe.
- nos intérêts pétroliers à eux seuls requièrent notre forte présence politique locale. Nos deux groupes envisafgent respectivement de disposer au Kazakhstan de quelkques 20 et 10 % de leurs réserves mondiales. Cela fait de ce pays un des éléments importants de notre stratégie et de notre indépendance énergétiques. Le même raisonnement pourrait être fait si nous avions pris déjà notre place sur les gisements aurifères ou de métaux rares.

Ce qui - analysé à Almaty - ne peut que passer pour un refus de notre part de considérer des offres explicites de partenariat privilégié dans les domaines spatial, nucléaire et militaire, est parfois argumenté chez nous comme une réponse réaliste aux véritables arrière-pensées d'un Kazakhstan conscient de sa dépendance vis-à-vis de la Russie, et ne voulant ni ne pouvant finalement pas en démordre. Cet argument fait fi catégoriquement des ouvertures explicites faites par le Président NAZARBAEV à l'Ambassadeur de France, puis surtout au Président de la République au cours de l'été et au début de l'automne de 1992. Si - depuis - bien des signatures (mais jamais aucun propos) qui pourraient partiellement donner raison à cet argument, ont été fournis par le Kazakhstan, c'est bien que nous n'avons pas su ouvrir à ce pays, jusqu'à présent la perspective d'une quelconque alternative. Ce que l'histoire post-soviétique jugera. Alors que nous étions probablement - seuls - en situation objective de le faire.
Notre redressement doit être concerté, pluridisciplinaire et considérer tous les domaines.


I –

PRESENCE POLITIQUE ET HUMAINE



Ce domaine est parfois considéré comme relevant de la seule coopération scientifique, culturelle et technique - de peu de liens avec une présence économique et commerciale, et encore moins avec une initiative politique. Dans un pays neuf aux influences organisées, cette approche est vouée à l'échec et donc au gaspillage de nos efforts et ressources.

Il importe que nous soyons très vigilants dans la distribution bilatérale ou multilatérale de nos ressources. La Communauté Euopéenne s'est dotée de deux instruments que nous ne contrôlons pas et que nous surveillons peu : les programmes TACIS et depuis Juin 1993 une Association pour la promotion de la coopération avec les scientifiques de la Communauté des Etats Indépendants. Celle-ci, qui s'est associée l'Autriche, quoique celle-ci ne soit pas encore Etat-membre, a déjà approuvé 54 projets pour un montant de subventions par la Communauté dépassant 4 millions ECUs ; le seul budget prévisionnel pour 1993 excède 20 millions ECUs. Un seul de ces projets a une application directe au Kazakhstan (coopération financée pour 30.000 sur 47.100 ECUs entre le British Geological Survey et l'Institut local d'hydrogéologie et d'hydrophysique).
Les programmes TACIS pour le Kazakhstan sont montés en puissance ; 10,6 millions ECUs pour 1991 - 20,6 millions ECUs pour 1992 - seulement 14 millions pour 1993, quoiqu'il soit possible que cette somme soit abondée pendant l'année budgétaire 1994. Leur application en encouragement de libre entreprise PME, en formation de fonctionnaires, en soutien de l'administration publique, en modernisation du système éducatif, rencontre nos propres axes.

Les concours bilatéraux de nos principaux concurrents sont - eux aussi - plus subnstantiels que les nôtres :
- Etats-Unis, 27 millions US dollars en 1993 pour l'aide à la transition vers l'économie de marché, sans compter l'arrivée en Juin 1993 de 45 " peace corps " issus d'écoles d'affaires et allant pour les deux-tiers dans l'enseignement ;
- Allemagne : 17 millions DM en coopération stricto sensu, 10 millions DM pour la communauté "ethno-allemande" et 3,6 millions DM pour la réinsertion des cadres militaires retirés de l'ancienne République démocratique ;
- Grande-Bretagne ; 15 millions US dollars.
Le volume d'aide importe moins qu'une application concertée ; il n'est cependant pas négligeable : une évaluation pour 1993 était heureusement passée de 4 à 6 millions de francs au titre de la MICECO en fin de Décembre 1992 et correspondait aux propositions de cette Ambassade. Cet amenuisement a deux causes : les contraintes budgétaires, renforcées au détriment du Kazakhstan ; le peu d'expérience professionnelle au service culturel et de coopération, tel qu'il a été constitué à l'ouverture de cette Ambassade. Les moyens humains et financiers de cette Ambassade doivent donc être réévalués, pour suffire aux projets suivants :


1 - concours à la formation des cadres et à l'état de droit.

Ni les expertises en droit public, ni les consultations en privatisations, ni les stages de formation linguistique à l'initiative des collectivités locales telles que Rennes ou dans le cadre de l'IIAP et du CAVICAM, du CLA ou autre CAREL n'auront de portée si elles ne s'inscrivent dans une action à long terme et permanente. Il nous faut être présents, sinon en tête, dans les projets suivants :
- mise sur pied d'une école des cadres publics (en gestion de l'Etat et en gestion du secteur public industriel). Promis publiquement le 24 Septembre 1992 au Président NAZARBAREV, à la demande de ce dernier, par M. Pierre BEREGOVOY, ce concours, en une année écoulée, n'a pas donné lieu au moindre signe d'intérêt de notre part, à la moindre mission préparatoire ou d'évaluation. Il faut la venue d'un membre de la direction de l'Ecole Nationale d'Administration. Il faut une évaluation de la fonction publique locale, de ses statuts et de ses carrières. Il faut une étude des adaptations de nos disciplines à un enseignement multilingue auqquel concourront (d'Etat à Etat) nos partenaires de la Communauté Européenne, hors des programmes TACIS, dont il est avéré d'expérience locale qu'ils ne profitent qu'à des consultants outre-Atlantique en matière de formation des cadres et ne véhiculent que des modèles anglo-saxons.
Une évaluation de l'organigramme et des méthodes du Gouvernement central, de la planification et des administrations locales pourrait aussi conseiller directement le Président NAZARBAEV dans son souci d'adapter son Etat et ses cadres : M. Jean-Marcel JEANNENEY, qui fut ministre d'Etat du Général de GAULLE, assistant du Président de la République pour ses premières rencontres en G 7 et qui a fondé l'Observatoire français des conjonctures économiques, joint la très haute autorité qui sera ici nécessaire à la plus grande pluridisciplinarité possible..
- concours à la publication et à la traduction des actes officiels et des analyses juridiques ou statistiques = il n'existe pas, même en langues locales, de publication quotidiennement accessible de ces actes ! (sollicitations déjà formulées de l'Université de gestion économique, de l'Institut de l'Etat et du Droit, du Conseil suprême et de la Cour suprême en instrumentation informatique matérielle et logicielle, des administrations tenant le cadastre). Les concurrences américaines et allemandes sont déjà à pied d'oeuvre, qui peuvent emporter aussi bien le marché spirituel et en doctrine que celui des ordinateurs. Un palliatif provisoire en matière de traduction peut être trouvé, à force de dévouement local et à peu de frais, par une cellule ad hoc au sein de cette Ambassade, faute de quoi nos intervenants s'abonneront outre-Atlantique... (investissement minimum : un second emploi de traducteur mi-temps et un ordinateur spécialement affecté ; recettes en regard en régie du Centre français du Commerce extérieur tant que le Département ne saura pas se doter de l'instrument juridique valorisant ses services, autres que consulaires) - Investigation par des missions d'évaluation de haut niveau telles que celles menées par des membres de la Commission Nationale Informatique et Libertés.
- invitation de personnalités d'influence. Celles-ci sont tout indiquées par l'histoire locale de ces cinq dernières années. Il nous faut intervenir en témoin ou en inspirateur là où la liberté cherche ses mots et son chemin : le mouvement syndical, une nouvelle animation politique. Cette Ambassade - anonymement - est consultante des projets de lois en matière constitutoionenlle et politique, que ceux-ci viennentde la table-ronde des partis et associations non gouvernempentaux ou du bureau du Parlement. L'invitation de M. Oljas SULEïMENOV, écrivain publié par Gallimard (pour un voyage politique et littéraire qui pourrait utilement s'étendre à la francophonie canadienne et maghrébine), de M. SOLOMINE (fondateur des coopérations puis d'une centrale syndicale longtemps non reconnues jusqu'à une loi d'Avril 199 qu'il parvint à inspirer), jusques-là soutenu mais sans plus par la CISL, sera un premier signe de notre considération de l'avenir (sans déplaire d'ailleurs au Président NAZARBAREV qui, contrairement à ses entourages, considère ces deux personnalités). L'ancien chef de ce pays, pionnier d'un nationalisme kazakh prudent eu égard à l'ancien régime, M. KOUNAEV, aurait été - s'il avait été invité avant sa mort subite, à voir les musées et chateaux français dont il rêvait -, confirmé dans l'image de vénération dont il jouissait et dans l'efficacité de son amitié et de son conseil pour le premier Ambassadeur de la France au Kazakhstan.

- coordination des jumelages universitaires, des ententes pour les formations professionnelles et des mécénats. Les initiatives pionnières des deux Universités de Rennes (pluridisciplinaires et notamment du Pr. AUDROING), de celle de Nancy (Pr. VOROBIEV), de Nice (Pr.TOUSCOZ) et de l'IUT d'Annecy (M. DELHUMEAU) constituent un excellent faisceau, mais supoosent des présences permanentes sur place. En fait, un lecteur dans chacune des deux grandes universités d'Almaty, et des accords entre les administrations de l'Education et du Travail des deux pays. J'ai entretenu le Département de l'avantage qu'il y aurait à ce que des missions d'évaluation soient maintenant confiées successivement à Mme Martine AUBRY, ancien ministre du Travail (Gouvernement Pierre BEREGOVOY), et à Mme Marylène BERARD, ancien conseiller du Premier Ministre (M. Jacques CHIRAC) pour les affaires sociales (et actuellement zélatrice de la Chambre de commerce franco-kazakhstanaise). Enfin, les actions de formation professionnelle d'Elf-Aquitaine à Aktioubinsk, ainsi que les dons de livres et de matériels pédagogiques de la même société ou de collectvités locales (telles que les Hauts-de-Seine) doivent s'inscrire dans un projet pédagogique que concertent cette Ambassade (son BCLE) et les administrations locales compétentes.

- choix de filières et d'institutions partenaires :
il n'est ni possible budgétairement, ni judicieux politiquement de nous disperser. Une bonne coopération juridique doit chercher le contact avec ce qui nous ressemble et s'est déjà alimenté à notre expérience. En premier lieu, la Cour Constitutionnelle dont les onze membres méritent en corps, ou en bureau, notre invitation privilégiée qu'il ne faudra pas seulement consacrer au Conseil Constitutionnel mais qu'il faudra étendre à l'examen des sections pertinentes de notre Conseil d'Etat et de l'activité de notre Médiateur. En second lieu, ce qui participe des besoins immédiats du pays et correspond à notre image : la gestion économique d'un pays où la planification indicative et le secteur public industriel et bancaire gardent une grande importance (notre cas depuis 1936 et 1945, et par force celui du Kazakhstan en recherche de l'économie de marché) et où la privatisation et l'activité boursière doivent être sélectives (notre expérience des nationalisations et des privatisations en 1945, en 1986.1987 et maintenant, lesquelles sont uniques rapportées aux structrures traditionelles de notre économie) ce qui nous distingue et privilégie par rapport aux consultants ou offres des Américains et des Allemands et peut de surcroît véhiculer notre langue là où on la croit inadéquate. Ce qui suppose les lecteurs déjà présumés et un flux de conférenciers, pouvant itinérer dans l'ensemble de la Communauté des Etats Indépendants. Cette Ambassade, par ses propres agents, a déjà donné des cycles de cours en 1992.1993.
Un lecteur - de polyvalence historique et sociologique - à l'Université internationale de Turkestan aura l'avantage de marquer notre présence, au sud du pays, dans un milieu très concurrentiel (américain, allemand et turc) mais considéré comme le berceau culturel du Kazakhstan traditionnel. Il relaierait aussi l'Institut d'Asie centrale de Tachkent, et nous donnerait un point de vue intérieur aux enseignements religieux et à l'Islam local.


2 - propagation de notre langue et de notre civilisation.

Le climat est ambivalent. La fin du système des quotas fait tomber le choix des parents d'élèves pour la francophonie à  8 % dans l'ensemble du pays et à 6,5 % dans la capitale. En regard, l'héritage soviétique véhicule une image de notre histoire et de notre littérature, sans doute très tronquée et sélective, mais éminemment amicale, sinon jumelle de la culture ambiante jusqu'à présent - encore très vivace. En cela, le Kazakhstan ne se distingue pas du reste des pays de l'ancienne Union Soviétique.

Le moment pédagogique ne se reproduira pas : l'option pour la langue kazakhe emporte le renouvellement de tous les manuels d'enseignement des langues étrangères ; les universités se réorganisent et les ouvertures à l'étranger ne sont plus le fait des officiels mais le pari de chacun sur l'avenir et sur l'accueil en voyage, en étude, en profession des grands pays libéraux. La poussée anglo-saxonne est naturelle et ne suppose pratiquement aucune mise de fonds des Etats qui l'incarneraient ; les initiatives privées locales (ouverture à l'automne de 1993 d'une université privée de langue anglaise) ou importées (45 "peace corps" américains depuis Juin 1993, dont les deux tiers dans l'enseignement des affaires) y suffisent. Le choix de l'anglais est fait à 47 % dans le pays entier et 61 % dans Almaty, tandis que l'allemand bénéficie de ses racines démograpohiques encore locales : 45 % pour l'ensemble du pays, mais plus que 32,5 % dans la capitale, où l'officialité ne s'installe que lentement car le Goethe Institut passe pour recruter les départs vers l'Allemagne et n'a donc toujours pas le bâtiment convoité. Le British Council n'en finit pas d'arriver et les Etats-Unis n'interviennent qu'en séminaires et expositions ponctuels et thématiques, parfois trop orientés ou trop peu dotés. La France ne doit en principe disposer d'aucun Centre ou Institut. Le Bureau de coopération linguistique est zélé par un seul agent et la non-accréditation de cette Chancellerie au Kirghizstan pourtant jumeau du Kazakhstan à tous égards humains, empêche la synergie en Asie centrale avec un autre agent censé dépendre de notre Ambassade à Moscou.

- la langue française doit avoir ici plusieurs véhicules. La confection des nouveaux manuels d'enseignement a donné déjà lieu à une mission d'évaluation, et maintenant à un accord entre cette Ambassade et le ministère local de l'Education pour l'envoi en France, aux fins de formation, de six rédacteurs en trois ans. Une aide à l'édition locale est également nécessaire, ainsi que la refonte d'un dictionnaire fraco-kazakh qui n'a que le seul mérite d'exister. Les bibliothèques universitaires ou publiques, qu'elles soient nationale ou locales, ne permettent pas actuellement une diffusion efficace des dotations de livres parvenant à cette Ambassade ; de fortune, le BCLE établit une permanence pédagogique au sein du seul lycée de la capitale ayant le français en première langue, et la Chancellerie accueille en salle de lecture une chalandise moins spécifique. Ce rayonnement est insuffisant. L'ancien Institut pédagogique des langues étrangères, promu pompeusement Université des langues universelles, ne se défait pas de ses anciennes méthodes et ne peut au mieux qu'être pénétré pour la rédaction des nouveaux manuels. Une réelle concurrence commerciale pour l'enseignement de notre langue - littéraire et commerciale - pourra peut-être l'amener à son aggiornamento.
La solution la moins coûteuse est la mise sur pied d'une Alliance française. Elle suppose cependant qu'au départ, nous consentions à la prise en charge de quelques traitements d'enseignants recrutés localement quelle que soit leur nationalité.

- à défaut d'un Institut français, la Résidence de l'Ambassadeur, pour peu qu'elle soit de prestige, peut décisivement tenir lieu de centre d'animation et de culture.  L'opportunité exceptionnelle d'une construction en cours se prêtant à cet office aussi bien qu'à une représentation mettant la France localement hors de pair est proposée, depuis le début de Mars 1993, à l'attention du Département. Elle ne sera pas indéfiniment loisible.

- l'audiovisuel n'a jusqu'à présent retenu l'attention que d'initiatives privées, lesquelles ne se sont pas concrétisées. Le projet " Starterre " (M. ROSSIGNOT) diposerait localement de partenaires financiers (à condition de les mobiliser à temps) et aurait pour assise l'attention générale ici aux problèmes écologiques : la prospection est restée évanescente et se disperse dans toute l'Asie centrale, ce qui ne conviendra pas aux mécénats français recherchés. RFI (projet de M. LENOTRE) pourrait, à l'occasion annuelle du " Festival des voix d'Asie " propager les voix françaises et transformer ensuite cet essai en établissement permanent, qui est souhaité par les autorités soucieuses de balancer les présences anglo-saxonnes et de diversifier le quasi-monopole d'écoute russe. Nous devons commencer par un audit des télévisions locales, par des propositions d'aide à la chaine kazakhe et aux développements pédagogiques de celle-ci. Cette Ambassade, malgré une année d'appels, n'est pas parvenue à attirer ici ne serait-ce que les experts en ce domaine près notre Ambassade à Moscou...
La production cinématographique locale est de très grand intérêt, la projection de la nôtre (GODARD, TRUFFAUT et CHABROL cette seule année à Almaty et en province) est à succès assuré ; c'est donc affaire de circuit vers le Kazakhstan et l'Asie centrale de nos principaux films d'anthologie et de nos nouveautés, et aussi de considération et de réciprocité pour le cinéma kazakh. Deux productions notamment : La chute d'Otrar et Le polygone, quoique très situés, méritent notre accueil.
- la muséologie et les traditions sont ici par eux-mêmes passionnants, mais doivent être illustrés et réorganisés. Une coopération entre le Musée national des Beaux-Arts (KASTAEV) et le Centre Beaubourg s'était initiée en 1990 et doit être reprise. Le Théatre de la Ville à Paris, le Centre chorégraphique de Rennes connaissent localement leurs partenaires mais doivent être soutenus pour les échanges envisagés. Surtout, les éditions vidéo et CD peuvent - faites en France - assurer ce pays que nous sommes bien les introducteurs à la scène universelle.

- la réciprocité en France d'une certaine diffusion de la langue et de la civilisation kazakhes serait d'un faible coût à l'investissement mais d'un énorme retentissement au Kazakhstan, en Asie centrale et dans tout ce qui se dit la "turcophonie" ; elle aurait valeur autant d'exemple que d'application ponctuelle.
Il s'agit de :
. créer une chaire de langue et de civilisation kazakhes à l'Ecole des Langues orientales. Son titulaire kazakh de haute qualification aurait en sus la possibilité d'accomplir chez nous une tâche particulièrement souhaitée ici : celle d'assembler tout ce que nous avons par chance en archives écrites ou sonores de chanteur ou d'exilés politiques réputés. Ce serait bien entendu aussi une certaine "subvention" accordée à l'Ambassade du Kazakhstan en France, mais celle-ci est plus que méritoire et digne dans sa période d'installation chez nous.
. éditer en langue française de grandes oeuvres locales à portée universelle. Un choix des oeuvres d'ABAï, un florilège des poètes et sages kazakhs du XIIème siècle à maintenant. Un remarquable illustrateur, pionnier de l'amitié russo-kazakhe (SIDORKHINE, décédé en XXX, de souche russe et d'épouse Kazakhe) et remarqué par PICASSO dont il inspira certaines oeuvres, notamment tauromachiques, viendrait à l'appui de ces textes, dont l'Ambassade a déjà recueilli et traduit beaucoup.
. le rôle de l'Institut d'Asie centrale, à partir de son judicieux établissement à Tachkent, doit s'étendre résolument à une investigation au Kazakhstan aussi bien des quelques 300 sites probables d'étapes de la "route de la soie" et de l'époque sédentaire de la civilisation tameris puis kazakhe, que jusqu'aux études des arrivées slaves et des nomadisations kazakhes. La capillarité ethnique (en sus des Kazakhs, la nation ouïgour, notamment) avec l'au-delà des frontières chinoise et mongole doit être localement exploitée et peut nourrir notre analyse géo-stratégique.


3 - coopération médicale et écologique


Elle correspond à l'un des besoins les plus concrets du pays, qui l'a spectaculairement manifesté par :
- l'arrêt imposé à la partie russe, à l'occasion du coup manqué d'Août 1991, de tout essai nucléaire au polygone de Kurtchatov-Semipalatinsk ;
- la lettre adressée en Juin 1993 à la plupart de ses homologues dans le monde occidental par le Président NAZARBAEV en tanbt que président du Fonds international pour le sauvetage de la mer d'Aral ;
- l'extension par voie législative des zones géographiques censées contaminées dans le nord-est du pays et dont les habitants ont droit à indemnités compensatoires.
Elle donne lieu à trois initiatives de notre part et à une initiative locale :
- la Fondation "Bobek", instituée en Avril 1992 et animée par Mme Nursultan NAZARBAEV, qui traite de l'enfance orpheline ou maltraitée par la création dde foyers familiaux ;

- le secours en insuline et l'aide en formation hospitalière prodigués par l'association "Pelikan" de quelques 240 médecins libéraux rennais aux enfants diabétiques d'Almaty ;

- le considérable Projet environnement-santé inspiré par le Pr. CHENAL : 1.243.000 francs pour 1993 dont l'Université Rennes I finance 145.000 F, l'INSERM 170.000 francs, l'Institut de Protection nucléaire 30.000 francs, le laboratoire de l'initiateur 47.000 francs, la MICECO 304.000 francs. Il s'agit, en coopération avec le Centre d'études nucléaires de l'Acadélie nationale des Sciences du Kazakhstan (coordonnateur, Pr. BIGALIEV), de réhabiliter l'homme et la flore, de mesurer les dégâts en utilisant les séries anciennement soviétiques auxquelles l'IPSN aura accès, d'expérimenter de nouvelles techniques de soin et de diagnostic des nuisances et endémies d'origine nucléaire. Le site de Semipalatinsk présente des caractéristiques que nous ne pouvons étudier ailleurs et qui diffèrent sensiblement de Tchernobyl. Le programme pour 1994 est de 22.340.000 francs. Il est vital que des financements trop muiltilatéraux (OMS, TACIS et surtout la Communauté en tant que telle) ne dissimulent pas la nationalité de l'initiative. D'autant que celle-ci - dans l'hypothèse d'une reprise des essais nucléaires français - constitue un très efficace contrepoids pour notre image locale ;

- les jumelages hospitaliers avec Almaty ou d'autres chefs-lieux de région pour la fourniture de matériels ou de compposants en surplus ou obsolètes chez nous mais d'un renfort local inestimable. Ainsi, le CHR de Rennes fournissant ses anciens équipements scopiques et des stages de formation (besoins de financement en 1993 : 44.575 francs, et en 1994 : 55.780 francs).

L'accord, mis en oeuvre par une première mission sur place les 27.29 Septembre prochains, entre le CNES et l'Académie kazakhstanaise des Sciences, s'inscrit aussi dans cette coopération (observations agricoles et mesures de la désertification).


4 - entente politique


Quoique de jeune expérience internationale, le Kazakhstan a à coeur quelques grands sujets dont chacun mérite débat et proposition de coopération sur place et dans les enceintes internationales. - Conformément à l'article 2 du traité bilatéral signé le 23 Septembre 1992 et au moins par la rencontre annuelle (article 3) des ministres des Affaires Etrangères (Paris le 24 Septembre 1992 - Almaty les 16.17 Septembre 1993). - Il est important rétrospectivement de remarquer qu'à la signature de ce traité, la référence française faite de manière insistante à " l'importance de l'édification de l'union européenne " (article 8) n'avait été, en aucun article, équilibrée par une référence du Kazakhstan à la Communauté des Etats Indépendants ou à des engagements envers la Russie ; la mention des Etats tiers (article 19) étant usuelle.

- la manière de constituer la Communauté des Etats Indépendants en espace économique et stratégique commun est le souci premier du Président NAZARBAEV, bien moins à raison des équilibres ethniques propres à son pays, que pour des nécessités commerciales, monétaires et stratégiques le plaçant dans un tête-à-tête trop inégal et trop contraint avec la Fédération de Russie. La pétition du Kazakhstan est une subtile entreprise de décolonisation : au lieu d'une extension des doctrines militaires et des politiques monétaires de la seule Russie à ceux des ses anciens satellites qui l'accepterait ou y seraient obligés, il s'agit d'obtenir un fonctionnement supranational du rouble, de la zone rouble et des forces stratégiques unifiées. Au plan monétaire, le Kazakhstan est sans doute parvenu à faire adopter au sommet de Minsk (Janvier 1993) les statuts d'une Banque inter-Etats, mais le maintien du rouble, même en vignettes seulement russes, n'est plus l'option que d'un seul autre Etat, même en Asie centrale : l'Ouzbékistan. Au plan militaire, ni les traités de sécurité collective (celui de Tachkent notament en Mai 1992) ni les arrangements bilatéraux n'ont abouti à la garantie nucléaire explicite de Moscou et à l'élaboration d'une doctrine commune.

Le modèle des Douze, l'abolition des frontières intérieures et la notion de tarif extérieur commun, l'intégration monétaire, les accords de Schengen et les " quatre libertés " sont donc cités explicitement en exemple par le Président NAZARBAEV à chacune de ses rencontres avec ses pairs de la CEI ; il a proposé à ceux-ci une expertise-même du fonctionnement des institutions européennes. Chacun des reculs perceptiibles jusqu'ici, dont souffre cette année la Communauté, est source de questions et d'enquêtes qu'il pose et mène personnellement : l'Europe est une référence, bien plus qu'un partenaire. L'entente franco-allemande dans tous les domaines lui est moins familière, mais une fois exposée, a inspiré la matrice des accords militaires en gestation avec la Russie. Expliciter l'expérience française de l'entreprise européenne, depuis près de cinquante ans c'est à la fois saluer la démarche du Kazakhstan au sein de la Communauté des Etats Indépendants, mais aussi prendre parti pour un ensemble d'Etats s'émancipant du centre russe et forçant celui-ci à ne plus exercer qu'un pouvoir collégial et concerté. Option que nous n'avons pas encore exprimée. (articles 8 et 9 du traité).

- le fondamentalisme peut inquiéter autant Paris qu'Almaty, à raison de voisinages méridionaux politiquement incontrôlables et d'une possible identification de la renaissance ou de la différenciation nationale avec des pratiques, sinon des convictions religieuses. L'esprit des steppes, le peu de mordant autrefois d'une arabisation que le changement d'écriture en 1917 a gommé, l'athéisme militant du régime communiste, la direction des affaires musulmanes en Asie centrale placée hors du Kazakhstan à Tachkent, depuis 1943, tout semble a priori confirmer une indifférence religieuse, qui est localement générale puisqu'elle ne caractérise pas seulement les Kazakhs où pourrait recruter l'Islam, mais aussi les milieux slaves a priori susceptibles de revenir à l'Eglise orthodoxe.

La question est donc politique : les autorités ont éludé les bourses coraniques turques l'été de 1992, circonscrit les mécénats d'Etats musulmans (la Turquie participe à la restauraytion du mausolée de Turkestan, mais couplée avec des entreprises tchèques - l'Egypte finance le centre islamique d'Almaty, mais pas la grande mosquée) et séparé constitutionnellement les pouvoirs publics des confessions religieuses. L'expérience française en statuts réciproques de l'Eglise et de l'Etat, en régime des écoles, en recherche scientifique du droit musulman, de la civilisation et de la langue arabes, devrait être proposée au Kazakhstan. En tout cas, faire partie du discours que nous lui tenons. Ce serait d'une pierre deux coups car le peu de francophonie dans les milieux gouvernementraux a été acquis en coopération soviétique avec l'Algérie. Les préparations aux écoles commerciales au lycée français de Stamboul, aussi.

Elle est surtout géostratégique. Le Kazakhstan entretient (depuis Avril 1993) un contingent à la frontière tadjiko-afghane, qu'il a contribué à faire considérer commune au sommet russso-asiatique du 7 Août 1993 ; il entend ne pas être mis hors des négociations commencées le 15 Août suivant à Douchambé et souhaite explicitement une action commune avec la France pour le recours aux Nations-Unies, et une éventuelle proposition de notre part pour des pourparlers en lieux tiers (Paris ou Genève). Il serait fait application de l'article 4 du traité.
- le nucléaire est un domaine très sensible localement à deux points de vue : les essais soviétiques aériens (183) puis tardivement souterrains (598) n'ont été conduits jusqu'en 1991 qu'au "polygone" de Kurtchatov dans la région de Semipalatinsk ; leurs nuisances sur la faune et sur l'homme ont été d'autant plus mal ressenties au Kazakhstan que les autorités soviétiques les ont observées à titre d'expérimentation d'une guerre éventuelle de cette nature, mais guère curées. La pétition écologique, qui fait l'unanimité de toutes les souches ethniques, est née là ; son expression est l'un des rares modes de confrontation ouverte avec la Russie mais s'équilibre par des manifestations à chaque expérimentation chinoise à Lob-Nor (à Almaty devant le Parlement et devant l'Ambassade de Chine ou en velléités de marches vers la frontière). La production d'énergie nucléaire est faible et risquée ; sa sûreté et son augmentation sont proposées aux expertises européennes ; notre intérêt s'est limité à une mission de l'EDF in situ en Juillet 1993, et ne s'est manifesté politiquement que par la mention du sujet dans le traité de Paris.
Le désarmement, consenti par la signature des protocoles de Lisbonne en Mai 1992, est autant un engagement politique de bonne volonté vis-à-vis de la communauté internationale (article 9 du traité) qu'un instrument de négociation militaire avec la Russie et financière avec l'Occident. Nous n'avons jusqu'à présent qu'une attitude suiviste des Etats-Unis ce qui nous a été reproché quand, en Février 1993, sur instructions et au nom des Douze, l'Ambassadeur ici a dû demander au Ministre des Affaires Etrangères des explications sur le retard constaté à l'adhésion du Kazakhstan au traité de non-prolifération. Les explications sont pourtant évidentes : toujours pas d'intéressements financiers au démantèlement balistiques et au désarmement des têtes stationnées sur le territoire (malgré des propositons de sénateurs américains en Novembre 1992), pas de garantie contre des menaces nucléaires envers un Etat qui n'aurait plus ni ce statut ni cette arme.

- l'écologie ne se limite pas aux réhabilitations des sites contaminés par les explosions soviétiques. Elle est un souci internationalement manifesté pour la mer d'Aral. Elle pose un problème social et démographique, puisque la désertification vide le centre et l'ouest du pays, sédentarise et urbanise les Kazakhs de souche. Nous sommes déjà engagés sur le terrain et le traité nous y oblige (article 16).

- la sécurité par des moyens pacifiques : garanties et arbitrages, correspond au tempérament kazakh et aux options militaires locales. L'engagement d'adhérer au traité de non-prolifération en qu'Etat non doté des armes nucléaires est sincère ; l'abandon à la seule Russie du potentiel nucléaire soviétique est analogue au consentement à l'"option zéro" pour le traitement de la dette de l'ancienne Union ; mais ils ne signifient pas que le Kazakhstan accepte un rang second dans la communauté internationale.

Sans doute, ses médiations dans la question du Haut-Karabakh n'ont guère abouti, et il n'est pas pilote dans les affaires afghanes. Il le serait si des contagions se produisent en mer Caspienne ou en Kirghizie. il s'intéresse aux " quatre dragons " d'Extrême-Orient et - admis à la Banque asiatique de développement - ainsi qu'à faire valoir pour tout le groupe asiatique aux Nations-Unies les mesures de confiance et de sûreté prise dans ce continent, et mérite donc une attention qui ne se limite pas aux relations bilatérales ou au fonctionnement de la Comlunauté des Etats Indépendants. Son réseau diplomatique en Asie tend à équivaloir celui de la Russie et est tenu par de grands noms traditionnels kazakhs. La route de la soie a traversé millénairement ce pays, dont les diasporas comptent en Chine et en Mongolie. C'est le seul Etat au monde à avoir été autorisé à adhérer aussi bien à la Croix-Rouge qu'au Croissant-Rouge.
                     
- le désenclavement est une nécessité économique dont les intérêts commerciaux et financiers français doivent profiter dans chacun des pays que vise le Kazakhstan. Quoique les pourparlers soient déjà très avancés avec la Chine pour les télécommunications en fibre optique et pour une liaison ferroviaire au financement et à la modernisation desquels participera le Japon, commercialement et stratégiquement très intéressé -, quoiqu'aussi l'évacuation pétrolière se fasse suivant un tracé septentrional via Novorossiisk dont la Russie vient de ratifier le traité qui l'établit, le Kazakhstan continue de chercher d'autres voies en Asie centrale, vers Karachi et vers le Golfe arabo-persique. Sa militance pour des liaisons aériennes communes à l'Organisation de Coopération Economique, une compagnie de navigation et d'assurance, une banque de développement ad hoc n'est mal comprise parmi ses partenaires slaves de la Communauté des Etats Indépendants qu'à proportion de desseins bien moins pratiques qu'ils continuent parfois d'entretenir entre eux, malgré tant de leurs désaccords.
C'est aussi un projet politique qui peut intéresser la France. Battre davantage les confins occidentaux de la Chine guère connus, intégrer l'Iran dans un ensemble plus réaliste que sa solitude de la dernière décennie, distraire s'il se peut le Pakistan de son voisinage exclusivement indien sans qu'il s'agisse seulement des séquelles afghanes serait autant de conséquences indirectes mais fort positives des efforts du Kazakhstan pour s'émanciper des lignes de communications russes.
Conformément à la lettre du traité d'amitié, d'entente et de coopération du 23 Septembre 1992, chacun de ces sujets est justiciable d'un dialogue politique aux niveau gouvernemental et parlementaire, ainsi que de nos offres de coopération technique.

La constitution récente de groupes d'amitié parlementaire à l'Assemblée Nationale (président : M. Aimery de MONTESQUIOU) et au Sénat (président : M. Jacques GOLLIET) doit permettre autant ces échanges de vues entre les deux pays que des contributions concrètes à l'état de droit par l'échange des expériences du fonctionnement parlementaire (article 14 du traité).


II –

PRESENCE & PROSPECTION
ECONOMIQUES  ET   COMMERCIALES




Avant que ne s'effondre l'Union Soviétique, le Kazakhstan représentait 6,5 % de sa production agricole (derrière la Russie : 47,1 % et l'Ukraine : 22,6 %) et 4,1 % de sa production industrielle (derrière la Russie : 58,7 % - l'Ukraine 19,0 % et de justesse la Biélorussie 4,8 %). Ce troisième ou quatrième rang, correspondant aussi à son "statut" nucléaire, à sa part dans la dette extérieure (3,8 %) et dans la circulation monétaire (5%) n'était pas reflété par le " produit matériel net " : le pays venait en 10ème place des quinze Républiques sovoiétiques socialistes. C'était en fait une colonie d'exploitation de la Russie, détenant 90 % des réserves de chromites, 50 % de celles de plomb et tungstène, 40 % de celles de zinc et de cuivre, 25 % de celles de bauxite de toute l'ancienne Union. Le Kazakhstan produisait 18 % de son charbon et fondait 70 % de son plomb, 50 % de son zinc et 33 % de son cuivre. Il en résultait de très fortes relations d'interdépendance, surtout à l'importation au Kazakhstan dont 60 % vient de Russie, et dans une moindre mesure à l'exportation (le marché russe étant de 36,3 % et celui de l'Ouzbékistan, non négligreable : 23,8 %) ; mais produits par produits, elles étaient et demeurent décisives : 40 % des consomations intermédiaires de l'industrie russe seraient des matières premières du Kazakhstan et le marché russe absorbe toutes les ventes de prpoduits ferreux, de chrome et d'alumine, 95 % du plomb, 80 % du pétrole, 75 % du cuivre raffiné, 65 % du zinc et du fer-blanc. Le bassin minier d'Ekibastouz (80 millions tonnes/an) fait tourner 110 centrales électriques en Russie.


1 - politique des autorités et de nos concurrents.

Les autorités, devenues indépendantes, conduisent donc une politique d'émancipation structurelle du pays. Elles estiment les recettes virtuelles du Kazakhstan à l'exportation à enviuron 15 milliards US $. Il est certain que rien qu'une production prévisible de pétrole de 100 millions de tonnes/an, aux prix actuellement pratiqués), équivaudrait à plus de 4 milliards de rentrées en devises. Le pays peut enfin se prévaloir de deux atouts relatifs :
      - le bon niveau technique et scientifique de la main d'oeuvre, quoiqu'y prévalent des souches hallogènes qui peuvent émigrer ;
      - une situation centrale dans les communications en gestation entre Extrême-Oriet et Méditerrannée, et sur des marchés, certes peu solvables mais nullement prospectés.

Les plus importants projets concernent
      - les secteurs extractifs et d'abord le pétrole (notamment l'exploration des régions de Timir et Aktioubinsk confiée à Elf-Aquitaine, de la mer Caspienne septentrionale confiée à un consortium dont Total fait partie - l'exploitation conjointe de Tenguiz avec Chevron, de Manguyschlak avec un partnaire à trouiver) et sa mise en valeur : remodelage des raffineries d'Aterau, de Pavlodar et de Tchimkent.
      - la diversification industrielle, par l'édification d'une usine d'aluminium et d'une usine d'acier inoxydable.
                        - la conversion des usines d'armement.
      - la création d'une industrie agro-alimentaire, notamment dans le secteur sucrier (performant au repli en 1941 des capacités ukrainiennes mais ne fonctionnant plus qu'à des rendements de 80 quintaux/ha avec 8 sucreries obsolètes), laitier, de l'alimentation pour enfants, de la conserve de viande.

Une Agence nationale pour l'accueil des investissements étrangers a été créée le 23 Décembre 1992, une loi sur leur régime est en gestation qui a l'aval de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, des conventions bilatérales de protection réciproques sont systématiquement conclues (avec l'Allemagne le 22 Septembre et avec la France le 25 Septembre 1992).  L'octroi des garanties reste à la signature du Premier Ministre et la pratique observée est d'un consentement usuel aux demandes de comptes à l'étranger, de garantie souveraine et de paiements par compensation. La nouvelle organisation bancaire (loi du 14 Avril 1993) s'est inspirée des recommandations du Fonds. Enfin la Constitution du 28 Janvier 1993 garantit l'égalité de traitement des étrangers avec les nationaux (article 6) ainsi que la propriété privée (articles 18, 45 et 47) en en excluant pourtant " la terre, le sous-sol, les eaux " (article 46).

Le commerce extérieur est nouvellement régi par décret du 30 Juillet 1993.  la suite des libéralisations en 1992 et la rétention généralisée des devises par les exportateurs, il est de nouvceau à la main de l'Etat (le ministère des Relations Economiques Extérieures) agissant comme naguère par l'intermédiaire de sociétés publiques de commerce extéreieur, suivant les secteurs d'activité. Sauf accord inter-gouvernemental, les exportations vers la Communauté des Etats Indépendants sont taxées (décret du 9 Mars 1993).
                   Les principales exportations du Kazakhstan sont :
                        Pétrole brut                             600 000,t
                        Produits raffinés                       300 000,t
                        Charbon                                  580 000,t
                        Chrome                                   700 000,t
                        Engrais minéraux                      772 000,t
                        Acier                                       300 000,t
                        Alliages ferreux                        126 000,t
                        Cuivre                                      200 000,t
                        Zinc                                           73 000,t
                        Plomb                                        56 000,t
                        Ciment                                       17 000,t
                        Laine                                          1 800,t
Les matières premières représentent 99 % des exportations du Kazakhstan.

Les principaux produits importés en 1992 par le Kazakhstan étaient :
                        * produits alimentaires  (66%)
                        maïs                 561 000,t
                        blé                   244 000,t (mauvaise récolte en 1991)
                        sucre                312 000,t
                        orge                  20 000,t
                        viande              12.000,t
                        thé                   4 400,t
                        produits laitiers                         1 200,t
                        * machines et équipements (12 %)
                        * produits chimiques ( 9 %)
                        * vêtements  ( 5 %)

Dans ce contexte, les positions commerciales (millions US $ - chiffres 1992 - sources locales) se prennent déjà :
Chine                exp. 228,7   imp. 204,6
Suède                exp. 175,1   imp. 9,9
Suisse                exp. 100,9   imp. 13,7
Allemagne         exp. 119,3   imp. 18,4
Etats-Unis        exp. 93,6    imp. 5,9
Oman              exp. 70,6
Grande-Bretagne   exp. 91,5    imp. 18,6
Pays-Bas          exp. 51,8
Autriche          exp. 50,2    imp. 29,8
Japon             exp. 48,4    imp. 4,1
Pologne           exp. 48,0    imp. 7,9
Finlande          exp. 42,7    imp. 25,0
Italie            exp. 37,7    imp. 2,3
Chypre            exp. 32,6
Luxembourg        exp. 28,5
Liechtenstein     exp. 23,3
Hongrie           exp. 19,4    imp. 27,1
Cuba              exp. 18,9    imp. 29,3
France            exp. 18,5    imp. 6,6
Bulgarie          exp. 16,8    imp. 1,7
Corée du Nord     exp. 16,6
Turquie           exp. 16,2    imp. 3,5
Yougoslavie       exp. 13,9    imp. 26,9
Corée du Sud      exp. 12,6    imp. 0,2

soit pour la France, la 20ème place de client et la 14ème ou la 13ème comme fournisseur. Même en considérant de transit ou de compensations une grande partie des échanges avec la Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein, Oman et sans doute aussi la Suède et la Finlande, les performances françaises sont faibles. Leur mesure est cependant malaisée, puisque les sources françaises donnent 9,6 millions US $ d'avantage à la France et les sources kazakhstanaises 12 millions en faveur du Kazakhstan. Les différences devant venir à des transits russe et balte, enregistrés en France pooiur ces provenances. A l'exportation vers la France, il s'agirait principalement de produits pétroliers, de polymènes, d'engrais et de matières premières pour cosmétiques ; à l'importation de France, ce serait surtout des médicaments et équipements médicaux, des colorants, des outils de fabrication pour la matière plastique, de la parfumerie, des céréales et fourrages.


Hors zone Rouble, la Chine est donc devenue le premier partenaire du Kazakhstan, avec 43 % de ses importations et 15 % de ses exportations.
Les échanges avec les pays de l'Est (12 %) ont légèrement diminué par rapport à 1991 (15 %). C'est que les accords de coopérations antérieures sont maintenant tombés en désuétude. La part des pays libéraux européens a doublé par rapport à 1991 atteignant 44 % des exportations et 25 % des importations du Kazakhstan. Les marchés de compensation ont représenté 38 % du total des exportations.

Nos concurrents s'appuient déjà sur des lignes de crédit comme suit :
      - Allemagne = 500 millions DM garantis par la Hermes (sur plus du milliard sollicité pour des projets déjà négociés)
      - Japon = 300 millions US $ (probablement dans les domaines énergétique et ferroviaire)
                        - Turquie = 200 millions US $ (déjà affectés)
      - Autriche = 100 à 200 millions US $ (en cours d'affectation dans les domaines ferroviaire, hotelier et métallurgique)
      - Etats-Unis = 50 millions US $ de garantie sollicitée
                        - Inde = 20 millions US $ à négocier
      - Oman, l'Italie, l'Espagne, le Canada, la Finlande, le Pakistan sont probables, sans compter les crédits d'aide et d'assistance technique déjà cités.
On recenserait ainsi 48 projets industriels pour l'Allemagne, 32 pour l'Autriche et 19 pour la Turquie.
L'expérience des concurrents montre qu'on peut à la fois investir dans l'appareil industriel et dans la distribution des biens de consommation. Nous ne faisons encore ni l'un ni l'autre.


              2 - stratégie des intérêts français.


En regard, les principaux contrats signés par des entreprises françaises, depuis l'indépendance du Kazakhstan, sont (en millions francs) pour :
- Bouygues (palais présidentiel)                         200
- Speichim/Spie  (distillerie d'alcool)                   76
- Sapex   (équipements médicaux )                    30
- Brun export (livraison tubes)                           20
- Sucden  (culture betterave)                             20
- Actini   (laiterie)                                              16
- Roussel Uclaf   (pesticides)                             15
- Rhone Poulenc                                               12
- Amalric (traitement laine)                                  5
- Citroën, Peugeot,Renault                                 6
ainsi qu'un certain nombre d'opérations de négoce, avec ou sans compensation. Et sans compter les contrats dans le domaine pétrolier.
                                 
Nos points forts sont :
L'énergie : avec la présence d'Elf et Total. En sous-traitance d'Elf : Forasol, Heli-Union, CIS, SHRM, Geoservices, ONF.          Plus ancienne, la présence de Lurgi et Litwin qui ont construit en commun des unités de séparation à Tenguiz (ce qui laisse un contentieux de 16 millions US $). Litwin, par ailleurs, a créé une société mixte à Aktao, en coopération avec l'usine de matière plastique de cette ville et participe au capital d'une autre société mixte américano-kazakhe pour la production de boues de forage. Enfin, EDF et GDF participent à des études de développement.
Les projets en négociation sont ceux de l'ingénieurie Hydrocarbon - extension de la raffinerie d'Aterau (400 millions francs en part rapatriable). Sofresid, Heurtey - modernisation de raffineries (Tchimkent et Pavlodar). Thomson - sécurité nucléaire.
Ces bonnes positions ne sont pas irréversibles. Elf-Aquitaine, qui dépense 80 millions US $ dans une prospection devant aboutir au prelier coup de trépan le 15 Octobre prochain, recherche un partenaire, ce qui figure au contrat initial, mais inquiète le Gouvernement local. Total, qui paye 12,5 millions US $ son droit de participer à un consortium majoritairement britannique pour la mer Caspienne, est isolé. La prodction possible de nos deux compagnies n'approchera pas celle, acquise, du géant américain Chevron.

Les services : principalement avec l'entente (signée en Décembre 1992) entre le Crédit Commercial de France et Alem Bank, ancienne succursale locale de la Banque soviétique du Commerce extérieur, gérant pour l'essentiel les lignes de crédit étranger (et les paiements locaux en devises par carte). La même banque française dirige - depuis Juillet 1993 - le premier contrat de conseil obtenu auprès du Comité national de la privatisation. Dassault Automatisme et Centrocommerce tentent une expérience de carte bancaire locale, à usage restreint.
 
Notre pénétration du système bancaire local est renforcée par la Banque de France, remodelant la comptabilité de la Banque centrale du Kazakhstan et de Kirghizie, sur concours du Fonds monétaire international. Notre avantage devrait demeurer pour la fourniture de logiciels.


Le domaine médical :  sont présents Sanofi et Sapex (équipement hospitalier) ainsi que les Laboratoires Fabre. La synergie est à faire avec nos coopérations (la région de Kaaganda, non loin du "polygone" de Semipalatinsk, est demanderesse d'investissements) et lectorats d'université.

La construction : Bouygues, ayant remporté le marché du palais présidentiel en Février 1993, a perdu en Juillet celui du ministère des Affaires Etrangères. Suivant maintenant une dizaine d'autres projets (centres d'affaires, hôtels, aéroports) à Almaty et en province, il reste isolé, et sa manière de candidater est incertaine.

Nos points faibles sont :

Le transport : Renault, Citroën et Peugeot ne sont pas en tant que tels représentés, malgré des ventes ponctuelles qui ne semblent pas s'être faites pour le marché local.
Les transports ferroviaires profitent à la cponcurrence allemande et autrichienne ; une mission polyvalente en Mai 1993 a dégagé des possibilités de marchés pour Geismar, Alsthom et Sofrerail (qui ont signé plusieures conventions),
ainsi que dans le domaine aérien :
  ATR                - remplacement de 20 Antonov 24
  Dassault           - Falcon 900
  Bouygues         - agrandissement de l'aéroport d'Almaty
  Thomson          - centre radar
  Airbus  - qui a déjà signé un contrat pour deux A310 en prêt-bail et qui           pourrait en vendre deux autres neufs. L'absence d'escale de notre Compagnie nationale et de convention entre les administrations d'aviation civile nous dessert à terme.

Les télécommunications : depuis 1992, le Kazakhstan a réussi à établir les bases de bonnes communications internationales grâce à l'intervention d'OTC (Australie), de sociétés turques et israëliennes. Une liaison par fibres optiques se négocie avec la Chine.
Pour les lignes intérieures, Sel-Alcatel et ATT ont remporté d'important contrats mais il reste de nombreux autres marchés :
          Sagem :          centre telex
          SAT : contrôle optique pipe-line
          FCR : liaison ouest Kazakhstan-Europe
          Après celle de Mars 1993, une seconde mission de France-Télécom a lieu au début de Septembre.

L'agro-alimentaire :             Seules les sociétés Actini (laiterie) et Sucden (mise en valeur betterave) et Itochu France ont à ce jour remporté des marchés. Les entreprises françaises prospectant sont rares : Matalexa (usine de conserve), Gersar (irrigation). Une mission agro-alimentaire a pu, cette fin d'Août 1993, déterminer de nouveaux projets.
Le Kazakhstan est exporteur annuel net de 4 à 7 millions de tonnes de céréales.

Les mines :
L'extraction et le traitement de l'or, de l'argent, de la plupart des métaux non ferreux n(ont fait l'objet d'aucune propsection de notre part, alors qu'il s'agit du potentiel reconnu internationalement le plus prometteur au Kazakhstan !
La part du Kazakhstan dans la production d'or de l'ancienne Union Soviétique était d'environ 7 %, soit 20 à 22 tonnes par an. Dès l'indépendance du pays, il a été décidé de constituer des réserves nationales d'or, en augmentant la production (accroissement prévu de 300 %) et en créant une industrie d'affinage, soit
      - Combinat minier-chimique de Tseline dans la région d'Akmola (affinage)
      - Combinat plomb-zing d'Oust-Kamenogorsk (affinage)
      - Combinat minier et métallurgique de Bakyrtchik dans la région de Semipalatinsk                   (extraction)
      - Combinat d'enrichissement minier d'Akbakaï dans la région de Djamboul
      - Combinat d'enrichissement minier de Vassilovski dans la région de Koktchetav.

Trois candidats se sont déjà ces marchés :
- Goldbelt resources (Canada) qui étudie la possibilité de traiter des déchets miniers de Léninogorsk ; selon une première estimation ceux-ci contiendraient 85 tonnes d'or et 650 tonnes d'argent (projet = 36 M $).
- Chilevitch International Corp envisage de traiter le minerai du gisement de Bakyrtchik qui, outre l'or, recèle de l'arsenic. Le Kazakhstan ne dispose pas de la technologie pour ce type de traitement.
- l'Union de Banques Suisses contribuera au développement du gisement de Maïkanski et à la formation professionnelle.

Enfin, la société australienne Moonstone Mines a crée une société conjointe avec Altynalmas (le monopole d'Etat) pour le traitement de l'or de la région d'Akbakaï.

Il est peu probable que les autorités du pays accordent des concessions d'exploration dans le domaine de l'or. Elles s'orientent plutôt vers la formule du partage de production sous la forme d'entreprises conjointes. Le Gouvernement garderait le contrôle de ces sociétés mixtes et déterminerait les objectifs de production, compte tenu des contraintes techniques et écologiques. L'activité d'importation et d'exportation de métaux précieux (sauf la bijouterie) est réservée à la Banque Centrale du Kazakhstan selon la loi du 4 Avril 1993. Un décret du 15 Septembre 1992 prévoit d'affecter 45 millions US $ au premier programme d'industrialisation.
Les gisements d'or se répartiraient en 173 sites ont été enregistrés au Kazakhstan parmi lesquels 117 gisements à filons et 56 gisements polymétalliques.
Les plus importants avoisineraient les villes de
      - Jelambet, Bestioubé, Kvartnovié, Youbilicinovik, Akbakaï (18,5 gr/tonne de minerai),
      - Maïkan, Alpys, Bakyrtchik, Taskara (19,2 gr/T),
      - Bablyusty (22 gr/T),
      - Aksou (33,6 gr/T)
      - Akbet (34 gr/T).


3 - le soutien des pouvoirs publics.


Le groupe de travail mixte institué par le protocole de coopération économique, annexe au traité du 23 Septembre 1992, et qui doit se réunir à Almaty le 17 Septembre prochain, en marge de la visite d'Etat du Président de la République, a déjà mis en évidence les projets suivants :
      - accord de coopération dans le domaine de la santé (Sanofi)
      - production d'aliments pour enfants (Sanofi)
      - équipement gazier à Ouralsk (Schlumberger)
      - développement de la production de matière plastique (Litwin)
      - coopération dans la mécanique lourde avec l'usine AKPO d'Almaty
      - radars en contrôle aérien (Thomson)
      - systèmes de sécurité nucléaire (Thomson)
      - développement de l'usine de Tchimkent (forges, presses)
      - coopération industrielle avec le combinat de titane-magnésium d'Oust-Kamenogorsk
      - conserveries de viande de Semipalatinsk
      - production de laine à Semipalatinsk

dont certains nous sont directement proposés et chiffrés (en millions US $) :
- 50 = construction d'une usine de cable
(Alcatel Cable)
- 500 = construction d'une usine d'aluminium (Pechiney)
- 950 = usine de matière plastique d'Aktau (Litwin)
- 2.000 = assemblage de voitures à Pavlodar (Renault)
- 530 = production de tracteurs 40 à 165 CV (Renault)
- 60 = matériel agricole rotatif (Kuhn)
- 40 = production de herses de tracteurs (Kuhn/Leli)
- 110 = production de semeuses pneumatiques (id°)
- 50 = modernisation équipement TV (Thomson)
- 64 = unité de traitement du cuir (Rial)
- 36 = emballages plastiques agro-alimentaires (Sidel)
- 10 = citernes pour transports de phosphore (Arbel).

Des prospections en province donnent à titre d'exemple pour la région de Taldy Korgan, les propositions suivantes :
      - modernisation de l'usine d'accumulateurs en plomb (60 M$)
      - fabrication d'électrodes de soudure
      - modernisation d'une usine de chaussures
      - modernisation de l'usine de meuble "Chanrak"
      - extension de l'usine de tube OERM
      - modernisation d'une marbrerie
      - fabrication de bijoux à partir de pierres semi-précieuses.

Les financements de la Banque mondiale (hors le soutien de 180 millions US $ aux programmes de réforme économique) sont autant d'indications stratégiques pour nos intérêts :
      150 M $          développement pétrolier
      200 M $          aide aux réformes économiques structurelles
       50 M $           développement des ressources humaines
       30 M $           amélioration des transports urbains dans les trois premières villes du pays
       80 M $           travaux d'irrigation et d'assainissement
       50 M $           aide à la privatisation
       33 M $           assistance technique pour la modernisation et la réforme des institutions d'Etat
       60 M $           assistance technique dans le secteur énergétique

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement s'est assurée (voyage de M.ATTALI à Almaty en Mars 1993) de sa compétence géographique locale (malgré l'admission du Kazakhstan à la Banque asiatique de Développmeent en Août 1993) et son nouveau Président, par la coopération qu'il a personnellement favorisée entre les deux Banques centrales, a un prestige certain ici. La coopération technique déjà approuvée porte sur :
      - l'environnement législatif de la privatisation
      - la restructuration du réseau routier
      - les télécommunications
et les projets de financement sur :
      - la construction d'oéoducs
      - des travaux d'infrastructure en zones pétrolières : routes et aéroports
      - la création d'une banque d'investissement.

Une ligne de crédit doit être mise en place. Quel qu'en soit le montant, elle disposera les exportateurs. Disposant en outre à Paris, depuis le 27 Juillet 1993, d'une Chambre de commerce mixte, dont le fonctionnement au Kazakhstan sera de peu d'investissement puisque situé au sein de la Chambre nationale de commerce et d'industrie, ceux-ci auront encore moins de raison de se défier. Il s'agit pour eux d'anticiper une croissance qu'ils n'auront pas été seuls à déterminer.

                                 









       
III –
COOPERATION MILITAIRE


Nées le 9 Mai 1992, les Forces Armées Kazakhstanaises, héritées de l'ex-40ème Armée Soviétique, qui s'est illustrée en Afghanistan, ont d'emblée cherché à se démarquer de ce glorieux passé souvent peu populaire localement. En effet, cette Armée jusques-là constituée de cadres à 90 % Russes ou Slaves, se retrouve maintenant dirigée par un Ministre de la Défense de souche kazakhe (Héros de l'Union Soviétique), le Général d'Armée NURMAGAMBETOV, dont la mission principale semble être la mise en place rapide de cadres et de collaborateurs de la même nationalité que la sienne en vue d'acquérir une certaine autonomie vis-à-vis du grand voisin russe, sans pour autant s'en démarquer complètement.

En Juin 1992, le Ministre effectue, en France, son premier voyage à l'étranger où d'emblée il est séduit par l'accueil qui lui est réservé. La décision d'affecter à cette Ambassade un officier supérieur, Attaché de Défense, est aussitôt prise car les perspectives de coopération militaire entre les deux Pays s'annoncent nombreuses (article 10 du traité bilatéral).

Profitant de ce contexte rare de mise sur pied d'une armée de doctrine et de formation nouvelles, dans une situation politique et géostratégique essentielle, nous avons proposé une assistance technique dans les domaines de l'organisation des Forces Armées, de la formation des personnels,du recrutement et de la conversion des industries de défense. Ce qui correspondait de surcroît aux offres de coopération privilégiée, faite par le Président NAZARBAEV à l'Ambassadeur, en Août 1992.

Cette action qui s'est traduite par des résultats concrets durant cette première année va être poursuivie mais risque à terme de ne pas porter les fruits initialement espérés si elle n'est pas à brève échéance relayée par la visite d'un haut responsable militaire, voire du Ministre de la Défense lui-même.
  

              1 - organisation des Forces Armées
 
Les Forces Armées du Kazakhstan, souhaitant avoir leur propre identité basée sur une doctrine strictement défensive au sein d'une Alliance qui reste à préciser, présentent certaines similitudes, au moins de situation, avec les Forces Armées Françaises.

Aussi toutes les informations ouvertes concernant :  - notre concept de défense,
                                       - l'organisation des Forces Armées françaises,
                                       - la Brigade Franco-Allemande,
                                       - le Corps d'Armée Européen...
ont été données et expliquées par l'Attaché de Défense près cette Ambassade.

Les autorités militaires kazakhstanaises rencontrées, et le Ministre de la Défense lui-même entrepris avec l'Ambassadeur, se sont montrés à chaque fois très attentifs et ont posé de nombreuses questions. Et huit mois après les débuts de ces conversations, on constate que certaines idées ont été reprises et transposées à l'Armée Kazakhstanaise :
      - mise sur pied progressive d'une force d'action rapide,
      - projet de création d'unités mixtes russo-kazakhstanaises,
                        - notion de première riposte,
      - maintien du système de conscription qui assure la dissuasion populaire et permet d'avoir des réserves conséquentes et formées, notamment.


                         2 - formation des personnels

Le Kazakhstan ne possède qu'une seule Ecole de formation d'Officiers à Almaty et une division d'instruction à Otar pour les Sous-Officiers. Les appelés étaient formésjusqu'à présent au sein même d'unités d'instruction spéciales.
Les besoins en Officiers s'élèvent à 650 par an. Le pays ne pouvant former dans son Ecole que 250 Officiers fantassins par an, il a donc fallu pour les autorités militaires trouver une solution qui à terme rende le pays moins dépendant de la Russie où tous les autres Officiers sont formés.
Le problème majeur rencontré est celui de la langue. Hormis le russe, peu d'officiers parlent une autre langue étrangère : avant d'envisager l'envoi d'officiers ou d'élèves à l'étranger, il a semblé préférable de trouver une solution d'attente à l'intérieur même du pays. L'exemple des Ecoles de Coetquidan a été présenté par l'Attaché de Défense.
A l'heure actuelle, la solution retenue a été de transformer cette Ecole d'Infanterie en une Ecole Inter-Armes (Infanterie, Blindés, Artillerie, Génie, Transmissions). Dans le même temps, deux projets d'apprentissage de la langue française ont été lancés :
- perfectionnement du français au niveau des Officiers de l'Etat-Major du Ministère de la Défense ;
- développement de l'apprentissage du français au niveau de l'Ecole d'Officiers d'Almaty.

La formation des Sous-Officiers (tous issus du contingent) va être améliorée par l'affectation de moyens pédagogiques supplémentaires à la Division. Les responsables kazakhstanais étudient actuellement le système français et envisagent de mettre sur pied des Ecoles spécifiques. Le système soviétique n'est en effet pas satisfaisant car il n'y existe pas de Corps de Sous-Officiers, c'est-à-dire de cadres de contact professionnels chargés de veiller en permanence sur l'état du moral de la troupe et de rendre compte à l'autorité supérieure des problèmes éventuellement rencontrés.
 
La formation des spécialistes appelés commence à se faire directement dans les régiments (système en vigueur chez nous).
L'explication du système d'instruction par la méthode participative et par le processus des missions globales (P.M.G.)mis en place au début des années 1980 en France a retenu l'attention. Notre Attaché de Défense en était l'un des pionniers.
Cette méthode d'instruction est actuellement testée dans une grande unité et semble donner des résultats satisfaisants

                  3 - recrutement

C'est le problème majeur, car le pays n'a pas les moyens de financer une telle réforme et n'a pas les ressources humaines suffisantes au niveau des Universités pour se doter de futurs cadres militaires Kazakhstanais compétents.
Cependant, les orientations suivantes sont prises en attendant une réforme profonde du système d'éducation et de formation de la jeunesse à ses devoirs vis-à-vis de la nation :
      - mise en place progressive d'un service long (V.S.L.),
                        - d'un service sous contrat.
La conscription sera maintenue et le problème des objecteurs de conscience est maintenant reconnu (mais le service spécial de substitution manque toujours


                  4 - conversion

Jusqu'à présent, en matière d'armements, le système soviétique avait principalement confié au Kazakhstan la fabrication des armes destinées à la Marine (paradoxe pour un pays sans débouché sur des mers ouvertes). De ce fait, le Gouvernement se trouve totalement dépendant de la Russie pour tous les autres types d'armement, et a un besoin vital de marchés nouveaux pour les quelques 45 usines du complexe militaro-industriel local. Des marchés potentiels pour renouveler son parc en matériels militaires lui sont également nécessaires.
Baïkonour, Semipalatinsk (Kurtchatov) ainsi que quelques autres terrains ou centres d'essais militaires, passés depuis l'été de 1992 sous la juridiction du Kazakhstan sont "partagés" avec la Russie et les autres membres de la Communauté des Etats Indépendants, mais cela n'empêche pas pour autant une certaine coopération avec la France sur ces sites-même.

Un séminaire de deux semaines en France, organisé au profit de représentants de la Russie, de l'Ukraine, de la Biélorussie et du Kazakhstan, en Mai 1993, l'a particulièrement démontré.
Le pays était représenté par son Vice- Ministre de la Défense chargé des questions de l'armement, l'un de ses Adjoints et le Président de la société KEMPO (commercialisation des produits militaires, restructuration et conversion des 44 usines de défense). Des perspectives de coopération avec certaines entreprises françaises, comme MATRA,THOMSON,GIAT,SNECMA et des sociétés comme SOFRINFRA se sont dessinées, quoique l'héritage de l'ancien VPK soviétique au Kazakhstan soit si difficile à gérer, apprécier et évaluer que le Vice-Ministre de la Défense, M. SAFRYGUINE et M. MILOVANOV, directeur de KEMPO, préfèrent la venue au plus tôt d'une mission d'évaluation au Kazakhstan. Ils se sont déclarés prêts à ouvrir les dossiers et les portes des usines aux membres de cette mission, sans pouvoir financer les travaux d'une telle mission ; nous devons donc financer nous-même ou recourir à la Communauté. Le risque est déjà actuel - négociation d'un accord de partenariat convenu depuis Janvier 1993 entre les présidents NAZARBAEV et DELORS - de voir nous échapper certains domaines comme Baïkonour ou le nucléaire reconvertis à des fins civiles.                     
La mission d'évaluation devrait faire apparaitre les principaux domaines où la coopération franco-kazakhstanaise serait possible. M. SAINT-RAYMOND, expert à BRUXELLES au titre de la  reconversion des industries militaires de la Communauté des Etats Indépendants a été approché par l'Attaché de Défense près cette Ambassade.                       
Le séminaire a permis aussi de dégager déjà quelques possibilités éparses de coopération entre le Kazakhstan et telle ou telle entreprise mais il semble plus judicieux de mener une coopération plus globable et plus coordonnée, car certains projets de coopération impliquent la présence de plusieurs sociétés à la fois.

L'exemple le plus frappant est celui de la proposition de coopération faite par le Vice-Ministre dans le domaine balistique. Celui-ci propose en effet de mettre à la disposition de la France deux sites importants : le site de Shary-Shagan (bordure septentrionale du Lac Balkach) et le site de Kapoustin-Yar (à l'Ouest d'Ouralsk) distants l'un de l'autre de près de 3.000 kms. Ces sites peuvent actuellement servir au lancement, à la réception des missiles balistiques, à l'étude des trajectoires, aux expérimentations d'interceptions, etc... Une infrastructure déjà existe déjà qui pourrait être ouverte aux experts français. Or, ces deux sites étaient jusqu'à présent tenus à 100 % par les Russes qui progressivement se replient vers leur pays sans pour autant abandonner toute coopération avec le Kazakhstan, ce dont il faudra impérativement tenir compte dans les relations franco-kazakhes. Il en va de même pour les autres sites dits stratégiques.

Nous ne devrions pas, pour la mise en oeuvre de nos coopérations ou lors de nos évaluations, négliger la composante parlementaire du système de décision au Kazakhstan, et au moins solliciter, au Soviet Suprême, le président de la Commission de Défense.

La France occupe donc déjà une position privilégiée dans le domaine de la coopération militaire. Ce qui confirme les offres faites, au niveau politique, dans les domaines sensibles, du spatial et du nucléaire. Nos interlocuteurs, et le Ministre de la Défense en particulier, se montrent très francophiles et très preneurs de toutes nos propositions (ils le montrent dans les décisions qu'ils prennent). Nous ne semblons pas en prendre conscience, au niveau approprié chez nous.

Le ministre turc de la Défense est déjà venu (18 Avril 1993), celui d'Allemagne fédérale aussi (18-20 Août 1993). Les Américains approchent plus progressivement par de longs séjours d'officiers supérieurs, dont l'un féminin, ce printemps, qu'avait - à West Point - remarquée et invitée le Président NAZARBAEV./.


Propositions résumées d'action

                                          



1° affecter, en missions successives de longue durée, alternativement un ingénieur du C.E.A. et un ingénieur du C.N.E.S., pour ordre à cette Ambassade, au fin d'audit des capacités autonomes du Kazakhstan dans les domaines de l'espace et du nucléaire ;

2° donner à l'Ambassadeur la résidence, proposée depuis Mars 1993, qui permettra une image et une animation culturelle locales hors de pair ;

3° conseiller directement le Président NAZARBAEV par un audit de ses structures étatiques et de la planification au Kazakhstan (mission de M. Jean-Marcel JEANNENEY, ancien Ministre d'Etat) ;

4° inspirer et soutenir la création d'une Ecole locale pour les cadres d'administrations et d'entreprises publiques ;

5° affecter un lecteur dans chacune des deux Universités d'Almaty, et un troisième à celle de Turkestan - renforcer le secrétariat recruté local du B.C.L.E. ;

6° réaliser et prévoir budgétairement que les envois en France de stagiaires ne peuvent s'effectuer sans la prise en charge de leur voyage aerien et retour ;

7° inviter le bureau de la Cour Constitutionnelle ;

8° éditer un florilège des auteurs kazakhs ;

9° créer une chaire de langue et de civilisation kazakhes à Langues-O. ;

10° financer davantage (notamment par l'IPSN du CEA) le projet " Environnement-Santé " ;

11° être présent pour la mise en place de la chaine télévisée éducative kazakhe et à la radio si ce n'est pas immédiatement possible (audit léger mais au plus vite des medias audio-visuels locaux) ;

12° refondre et éditer le dictionnaire franco-kazakh ;

13° tenir régulièrement le groupe de travail économique mixte ;

14° ouvrir une ligne de crédit ;

15° investir dans l'extraction aurifère (BRGM) ;

16° participer à l'usine de cables (Alcatel-Cable) ;

17° soutenir la présence dans l'agro-alimentaire, (notamment SUCDEN : betteraves à sucre) ;

18° profiter des opportunités en télécommunications (faisceaux, fibres, cables) (France Télécom)

19° ouvrir une ligne aérienne faisant escale à Almaty et à Tachkent (Air France) et traiter avec la direction de l'aviation civile du Kazakhstan ;

20° faire une mission locale pour la reconversion des industries d'armements ;

21° présence de nos fabricants d'automobiles et véhicules lourds (Renault, Peugeot-Citroën) ;

22° organisation de l'Institut d'Asie centrale à Tachkent, avec de fréquentes interventions au Kazakhstan ;

23° inspirer et soutenir la création d'une Alliance française ./.

S O M M A I R E


page 1     Un objet nouveau

page 2     Situation géostratégique et personnalité du chef
page 4     Fiabilité et stabilité
page 5     Prises en compte par M. le Président de la  République
page 5     Frilosité française
page 7     Une politique de présence ne sera pas risquée

page 8     I - PRESENCE POLITIQUE ET HUMAINE

page 9    Nos concurrents

page 9    1. Concours à la formation des cadres et à l'état de droit
page 9    Une école des cadres publics
page 9    Concours à la traduction desactes offciciels
page 9    Invitation de personnalités d'influence
page 10    Coordination des jumelages et mécénats
page 10    Choix de filières et institutions partenaires

page 11    2. Propagation de notre langue et de notre civilisation
page 11    Plusieurs véhicules pour notre langue
page 12    Résidence de l'ambassadeur
page 12    Présence dans l'audiovisuel
page 14    Muséologie et traditions
page 14    Réciprocité franco-kazakhe

page 13    3. Coopération médicale et écologique
page 14    Projet " Environnement-Santé"

page 14    4. Entente politique
page 15    Manière de constituer la CEI
page 15    Fondamentalisme
page 16    Nucléaire
page 17    Ecologie
page 17    Sécurité par des moyens pacifiques
page 17    Désenclavement

page 19    II - PRESENCE ET PROSPECTION ECONOMIQUE ET                                 COMMERCIALE

page 19    Poids spécifique du Kazakhstan

page 19    1. Politique des autorités et de nos concurrents
page 20    Agence pour l'accueil des investissements
page 20    Commerce extérieur en 1992
page 22    Lignes de crédit concurrentes

page 22    2. Stratégie des intérêts français
page 22    Energie
page 23    Services
page 23    Médical
page 23    Construction
page 23    Transports
page 23    Télécommunications
page 23    Agro-alimentaire
page 24    Mines

page 25    3. Le soutien des pouvoirs publics
page 25    Le groupe de travail mixte
page 26    Les financements multilatéraux
page 27    Ligne de crédit française


page 28    III - COOPERATION MILITAIRE

page 28    Climat général

page 28    1. Organisation des Forces armées
page 29    2. Formation des personnels
page 30    3. Recrutement
page 29    4. Conversion
page 30    Concurrence des tiers

page 32    Propositions résumées d'ACTION





non disponibles dans la version demeurée en possession de l’ambassadeur

Annexes    Données statistiques de base (FMI)

Cartes de        1 - Situation 
                        2 - Atouts stratégiques
                        3 - Régions administratives
                        4 - Géographie industrielle
                        5 - Distances intérieures
                        6 - Oléoducs et gazoducs
                        7 - Oléoduc Tenguiz-Novorossiisk
                        8 - Tracés alternatifs éventuels