mardi 18 mars 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 23.27 Octobre 2007




Observation & réflexions

010


Mardi 23 . Samedi 27 Octobre 2007

A l’épaule de ma femme, convaincue par son libraire parisien qu’Actes Sud publie là un « best-seller », je suis les trois volumes de Stieg Larsson : Millenium [1]. Je lis – passim – quelques-uns des cahiers de doléances de 1788-1789 publiés en forme des cinq premiers tomes des Archives parlementaires éditées aux débuts d’une Troisième République qui ne connaissait pas encore son nom.
J’écoûte le dirigeant CFTC expliquer la grève à Air-France des personnels de cabine, suivie à 84% le 26, le président de la République dialoguer avec un cheminot (« si l’on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps pour que la retraite soit payée…le chantage à la rue, çà ne marchera pas : nous sommes en démocratie ») et Youssouf Ndour, considéré par Time comme l’une des cent personnaltés actuellement les plus influentes du monde (« il faut arrêter d’exploiter l’immigration pour parler aux Français et aux Européens au lieu des erreurs économiques commises… l’immigration il y en a eu et il y en aura toujours… l’immigration choisie ? comme on choisit des foot-balleurs ? … ce n’est pas l’Afrique qui est mal barrée, c’est le monde qui est déséquilibré ») ; son nouvel album « dans les bacs », le 27.
J’entends que les juridictions de la Sécurité sociale ont considéré que le suicide par noyade au technocentre de Renault, en 2006, était un accident du travail, qu’une cour d’appel française s’est fondée sur la Convention européenne des droits de l’homme pour estimer que la garde à vue d’un enfant de trois semaines n’est pas affaire d’adéquation des locaux mais d’atteinte à la liberté fondamentale d’une personne humaine.
Je vois les médias écrits se méprendre sur ce qui intéresse les Français, sérieusement… Match, Gala, VSD, People, Direct, Closer, Elle, leurs couvertures et déjà la garde des Sceaux aux vacances américaines du couple maintenant en rupture (rupture : slogan du candidat) et en acompagnement du président, dès le premier déplacement officiel de celui-ci en nouveau célibataire. Mais manquer cet aveu devant la communauté française de Moscou, le 10 Octobre au soir [2].
J’apprends l’existence – heureuse – d’une catégorie d’institutions en France : les ex. et qui gardent certaines capacités. Ainsi, « l'ex-Commissariat au Plan organise lundi un séminaire sur les réalités sociales françaises au cours duquel des indicateurs, recueillis entre 1999 et 2006 et compilés en 100 tableaux seront présentés : démographie, éducation, santé, emploi, délinquance, degré de bonheur et de développement humain, etc. » (AFP le 26). Crédits à « consommer » avant la fin de l’année, ou prodrome d’un rétablissement – que je souhaite.
On dit, nous dirons désormais, un Grenelle, des Grenelles pour dire d’une réunion ou d’un colloque que l’on doit tout y reprendre du sujet-titre.


. . . le temps où nous sommes,
pourquoi ne savez-vous pas le juger ?
évangile selon saint Luc XII 54 à 59

Une intuition depuis quelques jours – que je crois explicative de tout le mal-être politique de cette période qui aurait dû être un état de grâce, pas seulement pour l’élu du 6-Mai, toujours populaire selon les sondages (BVA-Orange le 23 Octobre : 55% d’opinions très bonnes ou bonnes au regard de 57% le 19 Septembre) mais pour tous les Français. Intuition en deux éléments : un diagnostic, une constatation.
Le diagnostic : Nicolas Sarkozy « hyperactif », champion de l’affichage, courageux à aller sur le terrain ou à ouvrir tous les dossiers en urgence et « sans tabou », mais ne sachant pas placer les sujets et les médications en perspective et manquant de maturité, de références, serait un bon Premier ministre et le président de la République, de beaucoup son aîné en connaissance profonde du pays et des relations internationales, ayant le souffle de la durée et le recul de sa fonction, l’équilibrerait, le garantirait tout en donnant aux Français l’assurance d’un recours quand sont trop brusques les choses ou mal orientées.
La constatation : étant président de la République et innovant complètement dans l’exercice de ses fonctions, Nicolas Sarkozy n’est pas entouré de gens éprouvés sur les sujets traités et désintéressés quand à leur avenir ou à leur signature propres. De Gaulle, dans le second semestre de 1958 où il n’est que le président du Conseil, puis dans les premières années de sa présidence, peut disposer, ou plutôt : peut appeler à la tâche de fondation et de gestion – pour du long terme et pour « le renouveau » - une pléïade de grands commis de l’Etat : François Bloch-Laïné, Roger Goetze, Louis Armand, Pierre Massé, Paul Delouvrier et bien de ses ministres ne seront pas des « politiques » mais serviteurs « sans étiquette » du bien commun : Edgard Pisani, préfet puis sénateur mais au même langage d’Etat, Jean-Marcel Jeanneney universitaire comme le directeur de son cabinet, Raymond Barre.
Nicolas Sarkozy ne correspond pas à son emploi et celui qui lui eût convenu – non en terme d’ambition, mais en celui d’utilité pour le bien de la nation – il le méconnaît. Premier ministre et non résident de la République. Et il n’a pas, avec lui, la ressource humaine correspondant à la gestion et à la conclusion des chantiers qu’il ouvre, pas non plus à la négociation et à la votation des décisions qu’il veut faire prendre collectivement au pays. Le racolage politique, l’étiquetage de comité ou commission de réflexion, les arènes à spectacle, les déplacements à l’étranger si nombreux avec collection de discours « fondateurs » ne peuvent tenir lieu d’une activité – certes intense et souvent courageuse – mais à contre-emploi et sans l’équipe adéquate. Et pourquoi le pays ne dispose-t-il plus et ne secrète-t-il pas le type d’élites qui a fait sa renaissance après la Seconde guerre mondiale et structuré – jusqu’à la mystique – le service de l’Etat aux débuts de la Cinquième République ?

       le régime se qualifie lui-même        

Dialoguant à France-Infos. le 20 Octobre les résultats du Conseil européen de Lisbonne, Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, s’en réjouit et argumente l’inutilité du referendum pour ratifier le prochain traité. L’élection présidentielle vaut referendum pour toutes les propositions de campagne du vainqueur. Je reconnais que c’était l’analyse proposée en 1972 par Edgar Faure (Le Nouveau Contrat social) et qu’il est dès lors logique que ces engagements soient tenus – même si je pense au contraire que l’élection présidentielle est un choix de personne, essentiellement, mais cela emporte une conception de nos institutions selon laquelle le président de la République n’intervient pas directement dans ce qui est du ressort du gouvernement. Second argument. Nous avons – qui, nous ? – choisi la démocratie représentative, ce qui signifie que la ratification par le Parlement est plus conforme à nos institutions. Ce qui induit aussi cette conception présidentialiste du régime à faire avaliser par une révision constitutionnelle : les représentants pour cinq ans et qui délibèrent, le président pour cinq ans qui exécute un programme voté par les électeurs d fait-même qu’ils l’ont élu. Cohérent… même si ce n’est pas du tout ma conviction et même si cela produit un régime rigide sans exutoire que la rue (ou la cohabitation sur dissolution manquée) s’il y a découplage pendant le mandat présidentiel entre l’élu et l’opinion.
Question qui se pose au sixième mois de ce mandat… et à laquelle répond le nouveau président de la République, venu dialoguer avec les cheminots à Saint-Denis. Echange direct… [3] Le chantage à la rue, çà ne marchera pas. Nous sommes en démocratie. La scène impose au moins deux réflexions. Nicolas Sarkozy aime aller à la contradiction et «  sur le terrain », il l’a montré lors des « émeutes de banlieue », il y aura bientôt deux ans. Courage ? oui, mais aussi rôle d’autres que lui, les ministres compétents pour la réforme des régimes spéciaux, ou le Premier ministre, les députés de la majorité, auraient pu se déplacer de cette manière… Est-ce de Gaulle à Dakar en 1958 et à Djibouti en 1967, face aux « porteurs de pancarte » ?
Système volontariste – dont Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient le mot mais, pour le premier, pas du tout la ténacité et, pour le second, plus une crispation qu’une stratégie à long terme, il est vrai que le premier arriva essoufflé à l’Elysée et s’en remit au Premier ministre qu’il nommait, et que le second ne pouvait avoir d’espace et de temps que si sa candidature présidentielle prenait de la consistance. Ce qui ne fut pas. Système que mettent en place et manifestent les lettres de mission et les installations de comités ad hoc. Concluant le « Grenelle de l’environnement », Nicolas Sarkozy synthétise sa manière de gouverner et aussi de concevoir le rôle de la France sur les grands sujets : Si la France a compris que son devoir était d’agir, c’est que l’Europe doit agir et que le monde doit réagir. J’aimerais que vous compreniez une chose, c’est que ce que nous avons décidé de faire, nous l’avons fait à la fois au nom du sentiment et au nom de la raison. Nous l’avons fait au milieu de difficultés de tout ordre et je n’ignore nullement qu’avec le gouvernement et le Premier ministre, nous allons tomber sur des inerties, des routines, des égoïsmes, des aveuglements, des idéologies. Mais je vous dis une chose : ce que j’ai dit ce soir, nous le ferons et nous le ferons ensemble. Je vous remercie de l’avoir compris.  
Paradoxalement, ce n’est pourtant pas le président de la République qui synthétise le contenu de l’action gouvernementale, mais le Premier ministre, François Fillon, devant les parlementaires U.M.P. réunis à Strasbourg le 29 Septembre dernier : Avec Nicolas Sarkozy, nous allons réformer, réformer et encore réformer promettant une année encore plus intense, une année passionnante et décisive parce que nous allons rénover les fondements du vieux modèle français ». Ce qui est le contrepied du programme conservateur esquissé par Jacques Chirac, le soir du referendum négatif du 29 Mai 2005.  Nous disions hier qu'il fallait réformer le système. Nous disons aujourd'hui qu'il faut le changer résolument. S'il nous faut mener toutes les réformes de front, c'est parce que nous avons trop tardé par le passé. Mais, à la suite de la journée du 18 Octobre, le Premier ministre  - devant devant le congrès de l'Union professionnelle des artisans (UPA), le 25 – n’est pas dans la peau d’Alain Juppé en Novembre-Décembre 1995, il est dans celle de jacques Chirac modérant celui-ci à l’époque et recommandant le dialogue social. La réforme efficace, c'est celle qui s'inscrit dans la durée. C'est celle qui est le résultat d'un dialogue social responsable. Mieux vaut consacrer quelques mois à bâtir ensemble les réformes qui engagent l'avenir de notre pays, que de sortir de son chapeau un projet tout ficelé qui se révélera inapplicable sur le terrain.
Et c’est un ministre, que je vois rivale de François Fillon pour l’Hôtel de Matignon et qui, en charge du front le plus difficile, celui de plaider nos finances publiques à Bruxelles et aux réunions de l’Eurogroupe, n’est pas non plus servile face à l’Elysée – Christine Lagarde qui expose le fond des choses. Il est vrai : devant un public étranger, le 22 Octobre, à New-York. Et pas seulement dans sa partie, et avec le sang-froid – sinon le cynisme – qui fut celui d’Alain Juppé en Novembre-Décembre 1995 [4]. Notre priorité est de changer la psychologie des Français face au travail. Elle aussi rappelle que l’élection présidentielle vaut accord sur le programme de gouvernement du vainqueur.
 

       l’Europe à défaire ?

 Les Conseils européens des 25-26 Juin, à Bruxelles, et des 18-19 Octobre, à Lisbonne, sont présentés – aussi bien par les thuriféraires que par les « souverainistes », voire des gaullistes de nostalgie, comme un succès du nouveau président de la République. L’Europe est désembourbée, reconnaissent même ceux qui sont partisans du mouvement et de l’intégration.
J’étudie ces jours-ci le texte approuvé à Lisbonne et qui doit devenir le traité du 13 Décembre. Une étude le comparant aussi bien au traité de Nice, régissant actuellement l’Union, qu’au projet de Constitution, ratifié par dix-huit sur vingt-sept des Etats-membres. J’observe déjà que la lisibilité du nouveau traité est inférieure à celle de la Constitution, plus longue mais claire, puisque l’on renoue avec la série des traités modificatifs qui ne peuvent proposer comme lecture suivie que le « traité consolidé » et non leur seule lettre, puisque celle-ci est faite d’articles disposant que tel autre, dans l’état précédent du traité consolidé, est révisé ou remplacé. En nombre de pages et d’aricles, on gagne certes les deux tiers, mais le moins que l’on a, est bien moins digeste.
Second défaut, qui est une erreur d’appréciation du non français et néerlandais. Ce ne sont pas les dispositions proprement institutionnelles et fonctionnelles du projet de Constitution qui ont été censurées, mais les politiques qu’il était prévu que doivent mener ces institutions. S’il y a une discussion à porter à Bruxelles et à mener entre Etats-membres, puis à faire sanctionner par les citoyens de l’Union, ce sont bien ces politiques. Elles ne sont plus détaillées comme dans les textes adoptées en consensus par la Convention européenne, mais elles continuent d’exister et continueront d’être menées. L’effort français – et principalement celui du président de la République – n’est pas appliqué là où il le faut. Quant aux institutions, je répète que l’indépendance et l’identité de l’Europe ne seront à l’ordre du jour – devant l’opinion européenne et face au principal empêchement que sont les hégémonies américaines sur presque tous les plans de l’intégration européenne – que si s’établit le suffrage universel direct de tous les citoyens européens, en circonscription unique, pour élire durablement le président de l’Union et pour répondre aux questions que celui-ci aurait pour compétence de soumettre au referendum. On en est encore plus loin qu’en 2003-2004. Le futur traité de Lisbonne va ressembler à celui de Nice, si critiqué dès sa signature qu’il ouvrait la voie à une rédaction de Constitution pour l’Europe…
Faire l’Europe au minimum, la vraie partie se jouant dans les Etats nationaux, selon leurs gouvernants ou entre Etats nationaux – c’est me semble-t-il la conception, ou plus encore : la pratique, de Nicolas Sarkozy, devenu président de la République.
Une Union européenne qui n’est plus l’acteur unique ou premier. L’Union méditerranéenne, évoquée dès l’installation du nouveau président et prêchée à Tanger, le 23 Octobre, est comparée à l’Union européenne, elle est sur le même plan et du même ordre – ce qui a fait aussitôt communiquer par la Commission une demande d’éclaircissements. Sans doute le « processus de Barcelone » est-il mentionné, comme la « politique européenne de voisinage », mais – comme en politique intérieure française – Nicolas Sarkozy propose la rupture. Ce qui est souhaité – exactement comme dans l’affaire des infirmières bulgares, litière avait été faite des efforts de la Commission européenne depuis deux ans et de ce à quoi celle-ci aboutissait précisément – n’est pas le fruit ou la conclusion d’une évolution euro-méditerranéenne très contractuelle depuis trente ans, mais un nouveau pacte, minorant d’autant ce qui est déjà en cours. Il est vrai que ce cours est décevant mais pour des raisons de fond et de forme que l’Union méditerranéenne si elle se célèbre sur invitations l’été prochain en France – qui exercera la présidence semestrielle de l’Union européenne – va forcément rencontrer.
La défense européenne ne trouvant sa chance que dans l’intégration atlantique… ce n’est pas encore dit complètement ni solennellement, mais c’est – je crois – l’analyse ultime sous-tendant la minoration, désormais, des perspectives d’une intégration européenne renforcée. La communauté atlantique parait davantage fructueuse, réaliste. Elle est défendue – non sans crânerie – sur les deux scènes où elle expose la France, totalement nouvelle dans cette orientation, aux plus vives critiques. Scène russe et scène arabo-musulmane. Je suis un ami des Américains.
S’exprimant devant des chefs d’entreprises, marocains et français, le 24 Octobre, à Marrakech, le président reconnaît : le procès est ouvert : je serais un ami des Américains. Eh bien oui, c'est vrai, ne me torturez plus, j'avoue. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi je devrais être un ennemi des Américains. Quelle drôle d'idée ! Voici, un pays, l'un des seuls à travers le monde, avec la Pologne, avec qui nous n'avons jamais été en guerre. Ce n'est quand même pas une raison pour se détester. Faisant allusion à la préférence du Maroc pour les F16 américains au détriment de l'avion de combat français Rafale, le président français poursuit : je préfère que le Maroc achète des avions français plutôt qu'américains, mais quand eux arrivent à donner leurs avions, je me dis :  je vais regarder comment ils ont fait, et la prochaine fois, ils ne le referont pas, plutôt que leur en vouloir. Quand on arrive deuxième d'une course, il ne faut pas détester le premier, il faut le copier pour le dépasser la prochaine fois. Je ne comprends pas cette vision agressive, rétrécie, fermée, frileuse, des relations internationales. Ce n'est pas parce que je suis ami des Américains que je dois accepter la politique des Américains sur tous les sujets. Ce n'est pas parce que je serais intransigeant avec le droit à la sécurité d'Israël que je ne suis pas attentif au droit des Palestiniens à avoir un Etat indépendant pour eux.
Attitude verbalement courageuse, mais contemporaine d’Etats-Unis peut-être à la veille de bombarder l’Iran, dont il est dit que c’est pour eux « le plus grand défi » (Condoleeza Rice, le même 24 Octobre). L’agression potentielle ayant son leurre avec Israel qui s’est essayé, le 6 Septembre, sur des cibles syriennes. Israël où les trois quarts des personnes interrogées à l’anniversaire de l’assassinat d’Itsaak Rabin, répondent vouloir la libération de son meurtrier, qui – il est vrai – n’est pas peut-être celui qu’on a emprisonné. Attitude et propos que ne peuvent apprécier les Russes qui se considèrent agressés par la mise en place du « bouclier anti-missiles », à leur frontière et avec le consentement de leurs anciens vassaux polonais et tchèque. A Moscou, il répond aux étudiants aux étudiants de l’Université Bauman, le 10 Octobre :  je suis un ami des Etats-Unis, mais ami, cela ne veut pas dire vassal. J’ai des désaccords avec les Etats-Unis. Dans une famille, vous pouvez aimer les gens de votre famille sans être obligé d’être d’accord sur tout. Je vous dis les choses de la façon la plus claire. Le monde d’aujourd’hui peut être régenté par une puissance, fut-elle la première. Chaque pays a le droit d’exister, et aucun, aucun ne doit s’aligner sous prétexte qu’il y a en un plus puissant. Ce que je dis des Etats-Unis à l’endroit de la Russie, je pourrais le dire de la Russie à l’endroit des Etats-Unis, je pourrais le dire de ses voisins. Même principe, mêmes valeurs. Il n’y a pas dans le monde, de mon point de vue, de pays qui a plus de droits et de pays qui ont moins de droits. Il y a des nations qui veulent vivre, qui veulent vivre libre et qui ont le droit à cette liberté. J’espère avoir répondu à cette première question avec franchise.


        le mouvement social et l’opposition parlementaire

Les commentaires étaient plus nombreux avant le jeudi 18 Octobre que pendant – le couple Sarkozy annonçait-il son divorce pour empiéter, à la une, sur les compte-rendu de la grève ? – et depuis. La comparaison obsessionnelle s’était faite avec le « mouvement de Novembre-Décembre 1995 », à la manière dont les « événements de Mai » (que de Gaulle voulait qu’on appelait : de Mai-Juin pour tenir compte du prolongement des grèves et du dénouement électoral) furent la référence des capacités gouvernementales à canaliser de 1968 à l’union de la gauche et même après, de nouveaux débordements. La réponse, à la veille de la grève des transports publics, était que cette fois le secteur public n’aurait pas mission de manifester au nom aussi du « privé », et que les Français, y compris les fonctionnaires, ayant subi en 2003 et en 2004 la réforme des régimes de sécurité sociale en général, soutiendraient le gouvernement imposant l’équité à des privilégiés.
Equité… le mot ressassé en campagne par Nicolas Sarkozy, à propos des retraites, et maintenant par le gouvernement. Sans doute… mais est-elle appliquée si l’on uniformise la durée des cotisations ? ne faut-il pas approfondir les comparaisons et considérer la totalité de ce que doit verser un salarié pour bénéficier d’une retraite « à taux plein ». Car il semble que les cotisations dans les régimes spéciaux, si elles portent sur moins d’annuités, sont en revanche de montants plus élevés. Donc, l’équité par la considération de ce qui est payé au total, quel que soit le nombre d’annuités.
Ce qui va peut-être s’appeler le « mouvement du 18-Octobre » surprend maintenant. D’abord parce que le jour-même, les usagers n’ont pas été pénalisés, ils s’étaient organisés, grâce précisément aux « 35-heures », ce qui, en revanche, les a pris au dépourvu les jours suivants. Ensuite parce que le mouvement a été très suivi dans le secteur public et que, dans cette ambiance unitaire, même si ensuite les syndicats se sont séparés pour continuer ou arrêter les grèves, il est apparu que les choses pouvaient durer et se renouveler. L’ultimatum donné au gouvernement par les syndicats expire le 31 Octobre, les transports publics se joindraient donc aux fonctionnaires et notamment à ceux de l’éducation nationale à la mi-Novembre. Dans le même temps, il apparaît aussi que les négociations dans deux secteurs très visibles pour l’opinion publique ne sont pas fondées sur une ouverture du patronat : l’Etat pour les transports, la direction pour Air France jusques là prestigieuse aussi pour son climat social. Le succès du « Grenelle de l’environnement » – apparemment consensuel et reconnu par des personnalités emblématiques comme Nicolas Hulot – a alors son importance : montrer l’aptitude du gouvernement à se prêter au débat, à écoûter et à faire siennes des propositions dont il n’a pas eu l’initiative.
Aussi bien en Novembre-Décembre 1995 que dans la crise des sans-papiers à son paroxysme en Avril 1996 (l’Abbé Pierre affirmant qu’Alain Juppé, Premier ministre, lui a menti à leur propos…), le Parti socialiste paraît peu participant… mais ce n’est pas maladroit. Le mouvement social a sa vérité et son autonomie. La sanction parlementaire – singulièrement, et à la manière dont la dissolution offrit la bonne occasion à l’opposition en 1997 – va sans doute se proposer au Congrès de révision constitutionnelle au printemps prochain et être un désaveu du gouvernement et d’abord du président de la République bien plus marquant que le détail des élections municipales. François Hollande peut donc se contenter, en conseil national, le 27 Octobre, de diagnostiquer que le président de la République veut, sur le front social, l’épreuve de force. Mais il est reçu par celui-ci le 29…
Dans cette ambiance, la reculade du gouvernement face aux internes à propos de leur liberté d’installation professionnelle semble plus une démonstration qu’un mouvement de grève a des résultats, que le gage d’une souplesse de la majorité élue avant cet été. Legouvernement peut imposer les tests ADN, il a plus de mal avec la carte judiciaire. La réforme, parce qu’elle n’est pas présentée dans une globalité telle pour l’avenir du pays, que les modalités peuvent en être discutées sans que personne n’y perde la face, risque dans quelques mois de ressembler à celles du gouvernement Raffarin : de l’ébullition dans la rue, le passage en force des textes gouvernementaux, mais une transaction sur les remèdes et une énième remise à un autre horizon des solutions complètes. Le programme de deux mille kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles, est à échéance de 2020, soit trois ans après que Nicolas Sarkozy ait achevé son second et dernier mandat – puisque lui-même souhaite que le président ne soit rééligible qu’une fois.


        l’économie seconde

Le comité qu’anime Jacques Attali paraît symétrique de celui présidé par Edouard Balladur. Il a permis la référence au « comité Rueff-Armand » travaillant aux débuts de la Cinquième République. Ce n’est pas exact.
Le comité qui a fait le redressement économique de la France dès la fin de 1958 a été le « comité des experts », dont faisaient partie Jacques Rueff et Louis Armand, mais entre autres Roger Goetze, Jean Guyot, Jean-Marcel Jeanneneny, et que présidait, à Matignon, le directeur du cabinet du président du Conseil (Georges Pompidou pour le général de Gaulle). Le comité a travaillé dans le secret, son existence et a fortiori sa composition échappèrent à la presse. Ses recommandations furent connues – y compris une dévaluation susbtantielle qui aurait pu être discutée – par la publication des décrets par lesquelles le gouvernement du général de Gaulle les fit siennes. Aucune distance entre la réflexion, la proposition et l’exécution. Antoine Pinay, ministre des Finances et des Affaires économiques, n’eut aucune part à ces décisions, sinon celle de les avaliser selon l’exposé de Pierre Esteva qui dirigera dans des circonstances, aussi marquantes, celles de l’immédiat après-Mai 1968, le cabinet de Maurice Couve de Murville, gardé tel quel par François-Xavier Ortoli.
Tandis que le « comité Attali » va d’étape en étape dans des propositions dont la publication ne semble susciter aucun débat, le gouvernement travaille dans un autre registre, essentiellement la fiscalité. Le « bouclier fiscal », la détaxation des heures supplémentaires creusent le déficit budgétaire : le manque à gagner correspondant à la moitié de ce déficit, qui est lui-même équivalant à la charge annuelle de notre dette publique. Il semble que les économies budgétaires soient la motivation des réformes de l’Etat alors que le « rapport Camdessus » a établi que le non-remplacement d’une moitié des fonctionnaires partant à la retraite serait sans incidence sur le coût de fonctionnement des administrations publiques.
L’accord est fait – entre connaisseurs – sur la déficience principale de notre économie : la faiblesse de notre appareil productif à la fois parce qu’il a été délocalisé ou supprimé (fusions-absorptions nous dépossédant et stratégies des groupes nationaux survivants) et parce que l’investissement est insuffisant. Mais il ne fonde pas l’analyse gouvernementale : celle-ci diagnostique que les Français ne travaillent pas assez (manque d’ardeur ou de « motivation », ou bien faute d’emploi ?). Bonne raison d’allonger la durée de cotisations pour les retraites mais quelle est la significaiton de l’âge légal de départ si, en pratique, la pré-retraite ou la mise au chômage concernent une part appréciable de la population active ? Quant à augmenter le pouvoir d’achat – ce qui économiquement creuse le déficit commercial – c’est tenter de répondre à la revendication et au mouvement social sans en avoir les moyens ni budgétaires pour l’Etat et le secteur public, ni en croissance interne pour les entreprises.
Or, de la croissance économique, sans laquelle il n’y aura pas de hausse du pouvoir d’achat, dépend finalement l’appréciation par les Français de l’action gouvernementale (présidentielle, maintenant). Et rien ne permet d’augurer favorablement. Ce qui n’est pas « la faute » du gouvernement, et ce qui caractérise la zone euro. selon le Commissaire européen aux affaires économiques Joaquin Almunia, s’exprimant le 25 Octobre.

La réalité de mon observation liminaire se manifeste ici.

Nicolas Sarkozy n’a pas l’expérience des questions économiques et financières qui lui permettrait une direction effective de nos affaires en ce domaine, comme celle qu’il assume dans tous les autres domaines – il ne peut et ne sait parler qu’en politique, il ne se voit donc de prise que sur ce que produisent les administrations publiques en fait de réglementations ou d’empêchements [5], et il n’a pas non plus la ressource humaine. D’ailleurs, l’équipe d’aujourd’hui n’est pas celle initialement prévue : Alain Juppé manque et Christine Lagarde était à l’Agriculture, pas à Bercy. Il est vrai qu’elle s’y impose bien mieux que Jean-Louis Borloo. Les diagnostics sont posés – les rapports Camdessus, Pébereau, Beffa sont publics et pas périmés – mais pas assimilés. La capacité, les énergies gouvernementales, la crédibilité du système d’ensemble ne s’exercent que dans les « réformes » – principalement, sinon essentiellement, la diminution de l’Etat et des solidarités dans les coûts généraux de la nation – pas dans la gestion. Le cadre de celle-ci est forcément européen, les médications ne peuvent se mettre au point puis en place qu’en concertation avec nos partenaires ; or, nous ne considérons plus l’Union européenne ni comme une fin en soi, sinon même la fin en soi pour notre génération, et celles à suivre, comme le moyen privilégié de notre progrès.

Nous allons nous concentrer, pour les semaines et mois qui viennent, dans deux débats, l’un inutile, celui de la manière d’être gouvernés (personne n’empêche Nicolas Sarkozy de pratiquer sa fonction comme il l’entend, même s’il perd de vue tout le ressort que lui donnerait un retour à la conception fondatrice de la Cinquième République), l’autre au développement imprévisible, la contestation sociale. Ces deux registres sont familiers à nos gouvernants, mais il n’est pas certain qu’ils restent ouverts à son avantage. En revanche, le diagnostic économique est contestable : Si la France a moins de croissance que les autres, il y a une raison, c'est parce que nous travaillons moins qu'ailleurs. Si nous voulons créer des emplois et de la richesse, il faut travailler davantage. Si cette idée gêne, j'en suis désolé, mais c'est la réalité et elle est incontournable – assure le président de la République, participant le 30 Août à l’université d’été du MEDEF. Or cette constatation – si partielle – emporte manifestement toute la politique gouvernementale : elle est le credo déjà exprimé en campagne électorale [6], mais qui n’avait alors de portée que politique. Elle nous fait manquer le discernement essentiel. Nous n’avons plus assez d’entreprises, nous n’avons plus d’outil productif. Ce n’est pas la force de travail qui manque, c’est l’outil. Le président et son gouvernement transfèrent sur la réforme sociale ce qui devrait une restauration de nos outils industriels, financiers et institutionnels : réappropriation de technologies ou recherche massivement dotée de nouvelles, réorientation et réorganisation de notre système bancaire, rétablissement de la planification et de ses organes de concertation, de prévision et de sanction par le Parlement d’autant plus aisément que coincident, au moins pour le moment, les mandats du président de la République et de l’Assemblée nationale. Un an pour le délibérer, quatre ans pour l’exécuter : le Plan, et non d’obscurs conseils d’analyse ou de stratégie pour la  lecture du Premier ministre, qui n’en pourra mais... Paradoxalement, le président oublie un diagnostic antérieur, qu’il avait posé comme candidat il y a seulement huit mois : … la croissance, pour être durable, a besoin d’investissements à long terme. (…) Le débat sur les finances publiques est souvent obscurci par le fait qu’il est plus facile de mesurer la dépense que le retour sur investissement parce que le cout des maux qui accablent la société est trop diffus pour être aisément identifiable ou parce que tout simplement il est délibérément ignoré. (…) La France souffre d’avoir accumulé depuis vingt-cinq ans un énorme retard d’investissement. [7]

Pas plus que de notre retour à la compétitivité, nous n’allons traiter du plus récent – et peut-être le plus grave à terme – de nos maux : le fléchissement de nos valeurs. Les tests A.D.N. le révèlent tandis que les parlementaires, un moment hésitant au Sénat, ont obtempéré malgré l’Afrique et la Méditerranée, thèmes du lyrisme présidentiel, malgré la mise en garde des églises de France, malgré les manifestations de l’opinion.
Paradoxe de ces six mois, quelqu’un qui n’est pas orateur multiplie les discours, quelqu’un dont la « plume » est identifiée et qui livre sa pensée en avertissant d’enrée qu’il ne lira pas le texte qui lui a été préparé (Epinal, Sofia, Marrakech…). Que suivre ? les résultats ? ou l’expression d’une volonté de changer le cours de toutes choses? tant répétée qu’elle toucherait si l’action ou la lacune politiques devait n’avoir aucun effet pratique. Paradoxe d’un dire faisant de la confiance et de la concertation la clé du succès, et d’un faire où la plupart des acteurs ou des sujets se sentent contraints.

L’explication peut se trouver dans la conception que Nicolas Sarkozy se fait de l’élection présidentielle. Selon lui, celle-ci est le plébiscite d’une manière de voir et d’une manière de faire. Plus personne n’a le choix, ni lui de se déjuger ou de temporiser, ni les Français qui ont voté en connaissance de cause.
Il n'y a pas de dynamisme économique, il n'y a pas de croissance qui ne trouve son origine dans les mentalités, dans les valeurs, dans les croyances.
Nos blocages sont d'abord dans les têtes. Ils sont dans les préjugés, dans les a priori, dans le manque d'audace et, pardon du mot, dans le manque de courage d'une partie des élites françaises qui pensent que la France est rétive au changement, alors qu'eux-mêmes n'ont pas eu le courage de le proposer. La France n'est pas rétive au changement et à la modernité.
Cette rupture je la crois nécessaire.
Cette rupture je m'y suis engagé.
Cette rupture les Français l'ont approuvée.
Cette rupture je la ferai.
Je ne laisserai personne y faire obstacle.
Je ne laisserai personne l'édulcorer.
Je ne laisserai personne la dénaturer.
Cette rupture je la conduirai dans le dialogue, dans la concertation, dans la négociation, mais je la conduirai jusqu'au bout parce que c'est le mandat que les Français m'ont confié. Je veux parler le langage de la vérité.[8]



disponibles par courriel sur demande :


15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007


journal réfléchi

14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles

25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à faire ?

31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?
15 . 16 Juin 2007
La manière du candidat ne peut être celle du président de la République
La démocratie de gouvernement
Les débuts de « l’action »

17 . 24 Juin 2007
Déblais…      
Une claire distribution des rôles et des stratégies, au pouvoir et dans l’opposition
La fausse obligation de hâte
Le mode de scrutin pour désigner les députés  l’Assemblée Nationale est-il adapté ?

6 . 10 Juillet & 12 Septembre 2007
Notre pays, notre temps, notre monde – banalités ?
Notre pays, notre temps, notre monde – ce qui change
Les paradoxes qui demeurent
Les précédents ne valent que pris dans la période Cinquième République         
Concept et pratique de la carrière politique - Logique républicaine et accélération des dévoiements
Difficulté de l’émergence d’une nouvelle éthique des grands patrons français

19 Septembre 2007
Des bons points        
Des mauvais points
Des indices
Des sujets d’inquiétude

4 Octobre 2007
I – Politique intérieure
tout se répète
la nouveauté : l’organisation du pouvoir
l’ouverture
le risque de saturation
la pierre de touche
la lacune
l’isolement
II – Politique extérieure
le changement vis-à-vis des Etats-Unis
l’abandon de la priorité européenne

15.19 Octobre 2007
Les pièces du puzzle ? ou « les silences du scenario »
. consacrer quelques premiers mois d’un exercice du pouvoir par une modification de la Constitution ?
. un fonctionnement à risques quotidiens de l’ensemble du mécanisme élu ce printemps
. elle aussi sans précédent, la mise en scène en responsabilité partagée d’une vie de couple
. vis-à-vis de nos partenaires en Europe et de l’entreprise d’Union, une attitude toute nouvelle et sans précédent depuis les fondations des Communautés européennes et de la Cinquième République
. c… par-dessus tête en économie et en social
. les contre-pouvoirs qui s’établiront sans octroi du pouvoir en place


In memoriam (méditation personnelle à la « nouvelle » de leur mort)
Maurice Couve de Murville + 24 Décembre 1999
Michel Jobert + 26 Mai 2002
Jacques Fauvet + 2 Juin 2002
Moktar Ould Daddah + 15 Octobre 2003
Raymond Barre + 25 Août 2007
Pierre Messmer + 29 Août 2007


quotidiennement, une méditation courte des textes du jour de la liturgie catholique


[1] - traduit du suédois, l’auteur inconnu meurt à cinquante ans d’une crise cardiaque juste après avoir déposé son manuscrit – 1 . Les hommes qui n’aimaient pas les femmes ; 2 . La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette ; 3 . La reine dans le palais des courants d’air – De fait, cela vaut les Ludlum…

[2] - Vous avez fait le choix de l’expatriation momentanément et j’imagine que ce que cela peut représenter comme intérêt, comme passion, comme découverte et en même temps comme déchirement. Cela veut dire des amis, une partie de la famille, des parents, des enfants qui sont restés derrière. J’imagine que, chaque jour, on doit se poser la question : « Est-ce que j’ai fait le bon choix ? Est-ce que tout ceci ne me pèse pas ? » Il y a une jeune femme, très jolie, qui me fait un signe : « non cela ne me pèse pas ». Vous avez rencontré l’amour ? Félicitations ! Parce que j’imagine qu’il n’y a que cette raison qui peut faire dire que…

[3] - France SAINT-DENIS (AFP) - 26/10/07 18:39 - Dialogue tendu entre Sarkozy et des cheminots à Saint-Denis

Une semaine après la grève contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, la président Nicolas Sarkozy s'est invité vendredi dans un centre d'entretien de la SNCF à Saint-Denis pour une séance d'explication agitée avec des cheminots.
A peine arrivé, vers 08H30, M. Sarkozy a été apostrophé par des syndicalistes CGT, FO, Unsa et Sud.
"Avec vous, c'est +travaillez plus pour gagner moins+", lui lance Cyril Renaut, de la CGT, parodiant le slogan de campagne de M. Sarkozy "Travaillez plus pour gagner plus". Le ton est donné. Il va dominer les discussions durant deux heures.
Les régimes spéciaux, pour lesquels 73% du millier d'employés du site SNCF du Landry ont fait grève le 18 octobre, sont le sujet principal.
"Pas un cheminot ne gagnera moins", promet M. Sarkozy. "Faux. c'est de l'instrumentalisation", lui rétorque le syndicaliste. "Avec votre réforme, on est en train de s'appauvrir", dit-il.
Les syndicalistes évoquant la pénibilité de leurs emplois, des 3X8, des fins de semaines travaillées, de leurs maigres salaires, de leurs inquiétudes sur leur avenir. Le président répond "problèmes de financement des retraites".
"Je ne peux pas croire que vous êtes à ce point inconscients de la réalité. Il faut qu'on cotise plus longtemps" même "si c'est pas marrant à entendre", insiste-t-il.
"On peut tout dire de moi, sauf que je suis un lâche et un hypocrite. Je ne vous prends pas en traître. La réforme des régimes spéciaux, j'avais dit que je la ferais", ajoute-t-il.
"Avec ce que vous faites, on ne va pas être aimables", lance un syndicaliste.
Le dialogue de sourds se poursuit. Chacun campe sur ses positions.
Le président: "je ne céderai pas" sur les régimes spéciaux. "En revanche, je m'engage à ce que personne ne perde de sa retraite en cotisant plus. Votre statut de cheminot, vous le garderez. On peut discuter de tout: la politique de l'emploi et des salaires, la pénibilité, la décote, la date d'application".
Un syndicaliste de Sud-rail lance en allusion à la grève envisagée à la mi-novembre: "C'est la rue qui va parler. On n'arrivera pas à se mettre d'accord aujourd'hui".
Le président à nouveau: "Le choix de la rue dans une démocratie, ce n'est pas un bon choix. Ca montera une partie des Français contre les cheminots".
Après sa visite, M. Sarkozy prend de nouveau la parole, cette fois devant l'ensemble des employés. "En venant ici, je ne choisis pas la facilité. Je ne m'attendais pas à des bravos ou des vivats", dit-il en parlant d'une "modification du dialogue social".
"C'est du bla-bla. Arrêtez de faire des cadeaux fiscaux au patronat. Donnez-les aux travailleurs", lance un représentant CGT.
Fin de partie. Applaudissements, mais aussi sifflets.
"Quand quelqu'un vient vous parler, quel qu'il soit, on ne le siffle pas", lance le président. "Les Français vous regardent. Si vous voulez que les cheminots soient respectés, ne donnez pas une image qui n'est pas la vôtre".

[4] - politique NEW YORK (AFP) - 22/10/07 21:29
Les Français "savent qu'il faut réformer", scande Mme Lagarde à New York
La ministre française de l'Economie Christine Lagarde a affirmé lundi devant la presse, lors d'un passage à New York, que son gouvernement voulait "changer la psychologie des Français face au travail" et que ces derniers voulaient des réformes, tandis qu'à Paris les grèves continuaient.
"Notre priorité est de changer la psychologie des Français face au travail", a-t-elle affirmé, alors que le gouvernement fait face à son premier mouvement social massif.
Lors d'une matinée à New York qui l'a menée du Council of Foreign Relations à Europlace en passant par la French American Foundation, elle a voulu promouvoir l'attractivité de la France pour les investisseurs, tout en adressant quelques messages vers l'autre côté de l'Atlantique, à la veille d'une rencontre avec les syndicats et le patronat français pour le lancement de la conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat.
Elle a ainsi rappelé que Nicolas Sarkozy avait été élu "à une très large majorité" et que "le mot rupture était au coeur de son programme".
Maintenant que le gouvernement mène des réformes, personne ne peut dire "Oh non, je ne savais pas!".
"En 1995, les gens soutenaient les mouvements de grève maintenant ils pensent que oui, il faut réformer" a-t-elle ajouté.
A propos du mouvement débuté jeudi dernier, Mme Lagarde a estimé que "ce qui était critique" était de savoir s'il "allait durer et s'il allait être très fort". Or le mouvement "était moins fort vendredi et moins fort encore samedi", a-t-elle jugé.
Elle a souligné que "la priorité du gouvernement cet été a été de faire que le travail rapporte, d'où notre décision de défiscaliser les heures supplémentaires".
"C'est une première pierre lancée aux 35 heures, et nous allons continuer", a-t-elle affirmé, ajoutant que son gouvernement allait "mettre fin aux allocations chômage de ceux qui refusent deux offres d'emploi valides" et allait aussi "réformer le droit du travail pour réduire les formalités administratives".
"On croit que les Français sont paresseux", a-t-elle poursuivi. "En fait ils sont extrêmement productifs, si l'on calcule sur une base horaire" mais "avec la semaine de 35 heures c'est un peu un problème", selon elle.
Elle a toutefois admis que l'"on ne crée pas des changements du jour au lendemain" et que "le processus de négociations continue".
Parmi les réformes au programme de son gouvernement, elle a fait allusion au rapport de la commission Attali sur la croissance et à la proposition de réformer le secteur de la distribution, aux mesures fiscales pour encourager l'investissement dans les firmes innovantes, au bouclier fiscal fixé à 50% des revenus et qui "fait de Paris une place presque aussi attractive que Londres", selon elle.
"Le nouveau système fiscal Français ne prélèvera pas plus de 40%" des revenus, "si l'on prend en compte tous les impôts", a-t-elle martelé.
Elle a par ailleurs jugé que les retombées en France de la crise financière devraient être "compensées par les mesures sur les heures supplémentaires" et les autres mesures engagées.
Se refusant à commenter le niveau de la monnaie européenne face au dollar, au lendemain d'un G7 Finances dont le communiqué final n'a fait ni mention du billet vert ni du yen, la ministre s'est bornée à dire que sur les questions de changes, les choses avancent "un pas à la fois. Il faut obtenir un consensus. Sur le yuan il y avait un consensus".
L'euro a atteint un nouveau record face au dollar à 1,4347 dollar lundi, dans la foulée du G7.
Enfin, la ministre a noté que la politique française s'était "clairement durcie" sur l'Iran: "nous avons pris des mesures en ce qui concerne le secteur de la finance afin d'augmenter la pression" économique face à Téhéran, affirmant que sur les sanctions économiques, Paris et Washington étaient en phase.

[5] - Notre prospérité future dépend de notre capacité à réduire les dépenses du passé pour accroître nos dépenses d'avenir. C'est pourquoi j'ai décidé que toutes les dépenses de recherche seraient désormais prises en compte dans le calcul du crédit d'impôt recherche, je dis bien toutes. Je me suis d'ailleurs intéressé au système qui existait avant, j'ai compris pourquoi cela ne marchait pas. Il faut être polytechnicien, sorti dans la botte, pour comprendre les dépenses qui étaient éligibles de celles qui ne l'étaient point. Désormais, c'est simple, tout sera éligible. Par ailleurs, j'ai décidé que le taux de défiscalisation des dépenses de recherche sera triplé. Et en plus du triplement, la première année, pour encourager les entreprises, il y aura une majoration de 50%. Que les choses soient claires, les entreprises qui veulent investir dans la recherche, nous allons les aider à fond. Mais cela ne suffit pas. Je veux aussi que les procédures soient simplifiées.
Je ne peux pas accepter qu'il faille six mois à l'administration fiscale pour dire si un programme de recherche est ou non éligible. Je ne peux pas accepter non plus que la procédure soit tellement compliquée et tellement aléatoire qu'elle décourage les entreprises d'y recourir ou qu'elle les place en insécurité juridique. Je veux en finir avec cette situation ubuesque où les mesures prises pour aider les entreprises deviennent pour elles des sources de difficultés et de risques supplémentaires, du fait de certaines pratiques de l'administration fiscale. Comme si l'administration cherchait à reprendre d'une main ce que le législateur avait donné de l'autre. devant l’université d’été du MEDEF, 31 Août

[6] - C’est le travail qui crée le travail. C’est le travail qui crée la richesse, le bien-être, le sentiment de l’utilité sociale, l’estime de soi. On ne sortira par le haut de la crise française qu’en revalorisant le travail.
Je suis convaincu que la revalorisation du travail est la clé de notre avenir. Je veux en fairte la priorité et me critère de toutes nos politiques publiques. Ce n’est pas seulement un problème technique, un problème écnomique, c’estr aussi, c’est d’abord un problème moral, un problème de valeur, un problème humain et social, et même, au final, une question de civilisation.
La politique que je propose est d’abord un choix moral. Le principe de ma politique c’est la récompense de l’effort, du mérite, du risque, c’est les moyens donnés à tous les talents pour s’épanouir, c’est l’égalité des chances, c’est la possibilité pour celui qui a échoué de recommencer.
Les leviers de cette politique sont dans les salaires, dans la fiscalité, dans le budget, dans la monnaie, dans les conditions de travail, mais aussi dans la protection sociale, dans l’école, dans la formation… Mais elle doit commencer par un pacte de confiance entre le monde du travail et la nation. 
Ensemble  (XO Editions . Mars 2007 . 159 pages) pp. 127 & 128

[7] - ibid. op. cit. pp. 70 & 126

[8] - devant l’université d’été du MEDEF, 31 Août

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