lundi 29 septembre 2008

Inquiétude & Certitudes - mardi 30 septembre 2008

Mardi 30 Septembre 2008

Il y a deux cités ; l'une s'appelle Babylone, l'autre Jérusalem. Le nom de Babylone signifie « confusion » ; Jérusalem signifie « vision de paix ». Regardez bien la cité de confusion pour mieux connaître la vision de paix ; supportez la première, aspirez à la seconde.
Qu'est-ce qui permet de distinguer ces deux cités ? Pouvons-nous dès a présent les séparer l'une de l'autre ? Elles sont emmêlées l'une dans l'autre et, depuis l'aube du genre humain, s'acheminent ainsi vers la fin des temps. Jérusalem est née avec Abel, Babylone avec Caïn... Les deux villes matérielles ont été construites plus tard, mais elles représentent symboliquement les deux cités immatérielles dont les origines remontent au commencement des temps et qui doivent durer ici-bas jusqu'à la fin des siècles. Le Seigneur alors les séparera, lorsqu'il mettra les uns à sa droite et les autres à sa gauche (Mt 25,33)...
Mais il y a quelque chose qui distingue, même maintenant, les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone : ce sont deux amours. L'amour de Dieu fait Jérusalem ; l'amour du monde fait Babylone. Demandez-vous qui vous aimez et vous saurez d'où vous êtes. Si vous vous trouvez citoyen de Babylone, arrachez de votre vie la convoitise, plantez en vous la charité ; si vous vous trouvez citoyen de Jérusalem, supportez patiemment la captivité, ayez espoir en votre libération . En effet, beaucoup de citoyens de notre sainte mère Jérusalem (Ga 4,26) étaient d'abord captifs de Babylone...
Comment peut s'éveiller en nous l'amour de Jérusalem notre patrie, dont les longueurs de l'exil nous ont fait perdre le souvenir ? C'est le Père lui-même qui, de là-bas, nous écrit et rallume en nous par ses lettres, qui sont les Saintes Ecritures, la nostalgie du retour.
[1]

Exaltation et épuisement cette nuit, tant j’ai eu conscience – après quarante cinq ans d’observation des chroniques du monde et de mon pays – que nous entrions dans une ère nouvelle dont nous ne savons rien et selon un processus qui ne fait que commencer. Je l’écris par ailleurs dans mon journal d’inquiétude & vie de certitudes. Ouvrant ma messagerie en même temps que le portail orange m’apportant les dépêches de l’AFP, c’est la proposition decommentaire l’Evangile au quotidien que je regarde d’abord. Comment n’être pas halluciné par la coincidence et le prophétisme, les deux cités, les deux amours, leur emmêlement des origines à la fin des temps. La parabole de notre moment – historique, ces heures-ci, à l’égal de 1929 ou des déclarations des deux guerres mondiales au siècle dernier, qui périment ce qu’on a pris pour des événements majeurs, le 11-septembre ou l’invasion américaine de l’Irak pour ce début de XXIème siècle – est tout entière là, et la médication aussi. Mais il faudra des années et sans doute plusieurs générations pour que nous la prenions. Humblement mais fièrement, chcaun y collaborer dès ce matin.
Prier… le livre de Job, que je considère comme l’entretien psychothérapeutique modèle, ou une analyse au sens de la psychanalyse. Il faut des répondeurs et relanceurs, en principe neutres, ceux de Job, ne le sont pas, mais du moins ils assument la fonction indispensable, que le « patient » ne soit pas enfermé dans son monologue. Job remplit d’autre part le préalable et la fin qui sont essentiels. Il souffre sans doute, mais il n’admet pas sa culpabilité. Il a par ailleurs conservé, ce que n’a plus en entrant en entretien ou en analyse le patient : ses repères. Job garde foi en Dieu.
[2] Pourquoi donner la vie à l’homme qui ne trouve plus aucune issue, et que Dieu enferme de toutes parts ? ceux dont tu ‘as plus souvenir, qui sont exclus, et loin de ta main. Chant du désespoir mais qui a son adresse : Dieu. Le désir de mort, la préférence qui caractérise la dépression : maintenant je serais étendu dans le calme, je dormirais d’un sommeil reposant. C’est là au séjour des morts que prend fin l’agitation des méchants, c’est là que reposent ceux qui sont exténués. Pourquoi donner la lumière à un malheureux, la vie à ceux qui sont pleins d’amertume, qui aspirent à la mort sans qu’elle vienne, qui la recherchent plus avidement qu’un trésor ? Le mur, donc, et l’évangile ne le fait pas franchir – aujourd’hui. Jésus en route vers Jérusalem, sa passion et sa mort humaines. Le refus d’un village de l’accueillir, ils partirent vers un autre village. Apparemment, rien de lumineux ni dans les malédictions du juste ni dans cette marche du Christ : comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Dieu lui-même sans halte ni repos, mais un repère, une direction, un moment vers lequel continuer. Prière : tu m’as pris au plus profond de la fosse, le poids de ta colère m’écrase, tu déverses tes flots contre moi, que ma prière parvienne jusqu’à toi, ouvre l’oreille à ma plainte. Ainsi soit-il…

Matin

L’ère du libre arbitre est terminé pour tout le monde. Pour les dirigeants des peuples et des entreprises occupés à faire croire que leurs politiques respectives n’ont pas d’alternatives tant elles sont les meilleures, pour les opposants captivés par leurs disputes mutuelles pour la peau d’un ours qu’ils ne savent pourtant tuer. La liberté des calendriers et des rythmes, attaquer l’Irak sous un prétexte controuvé, occuper l’Afghanistan pour y éradiquer le Moyen-Age, disputer d’un élargissement de l’Union ou de l’Alliance atlantique à l’Ukraine, à la Géorgie, à la Turquie, proposer en France des révisions constitutionnelles, la suppression de l’échelon départemental, les révisions de toutes nos géographies publiques (les implantations juridionnelles, militaires, universitaires). Les opérations de politique extérieure, les manipulations de l’organisation administrative, le dépeçage des médias publics paraissent aujourd’hui futiles, coûteux en termes d’énergie et d’imagination dépensées pour de la propagande, du débat et – au fond – « enfumer les gens » selon la jolie expression de Chérèque, secrétaire général de la C F D T à propos des statistiques du chômage.

L’urgence est apparue, elle va tout commander pour des années, et comme les solutions ou les substitutions seront longues à apparaître, et ne s’imposeront que par des faillites – pires que dans les finances – les faillites de l’esprit, des dogmes et des idéologies. Les monarchies sacralisant le pouvoir – et dispensant pendant des siècles les peuples et les autorités de l’adjectif politique pour désigner les serviteurs de l’Etat ou du roi ou du bien commun, ce qui fut synonyme pendant dix siècles – se sont effondrées spirituellement et psychologiquement bien avant de l’être pratiquement. Le communisme – dans sa version soviétique, car il y en a bien d’autres possibles… depuis Marx et avant lui Paul de Tarse, et il est probable qu’on va revisiter le marxisme, avec pour seule pudeur ou timidité de ne pas le désigner mais d’en piller probablement beaucoup des démonstrations, des utopies et des dialectiques – était ruiné de l’intérieur, dans la cervelle des dirigeants d’abord, bien avant qu’il s’effondre politiquement. Ces deux systèmes d’Etat et de gouvernement, également totalitaires – ce qui n’est pas péjoratif quand il ne s’agit que de signifier la cohérence d’un système et non son caractère éventuellement contraignant par corps et exclusion des récalcitrants ou des sceptiques – étaient réputés en leur temps éternels et irremplaçables. Le capitalisme, avec ses deux avatars que sont le mondialisme et le libéralisme au sens de la déréglementation et d’un dépérissement de l’Etat que n’aurait osé systématiser à ce point et pour un délai aussi bref, moins d’une génération, un communiste bon teint, a paru – depuis l’implosion soviétique – promis, lui surtout à l’éternité. Critères de la bienséance idéologique voire d’une simple intelligence des réalités contemporaines, la loi du marché, celle de l’unique motivation économique par le profit, ont conduit à des mutations profondes : individualisme pour les carrières de l’entreprise au lieu d’un siècle et demi de solidarité salariale, détournement des plus-values de la production vers la spéculation tarissant l’investissement. Ce mimétisme obligé faute duquel plus personne, sur les tréteaux de campagnes électorales ou dans les colloques et consultation pour pays émergents ou laissés de côté, n’est pris au sérieux, a périmé ce qui avait été plébiscité politiquement, socialement depuis la révolution industrielle à quelque époque que celle-ci se soit produite selon les pays : secteur public industriel, concertation de partenaires sociaux organisée et arbitrée par les Etats nationaux, extension à la santé, à la prévoyanc du domaine régalien. Ce qui fut appelé le modèle social français pour s’en tenir à nous, et proclamé le soir du referendum négatif de 2005 à propos du projet de Constitution européenne, et qui n’avait plus de véification pratique dans aucun des calendriers de l’Union européenne ni dans les programmes politique de droite et de gauche. L’accord sur le dirigisme – ou un néo-colbertisme – c’est-à-dire sur une responsabilité ultime de l’Etat n’était contesté par personne, il était juridiquement et mentalement organisé et l’unification européenne, le « grand marché intérieur », ne le détruisait mais l’étendait au contraire à un ensemble où chaque partie prenante voyait grandir son champ d’action. La financiarisation de l’économie, la pétition d’une libération de l’entreprise tant vis-à-vis de l’impôt que des contraintes de gestion de sa ressource humaine (naguère son personnel), l’exclusion de l’Etat de la vie économique et la soumission du débat social aux nouvelles normes de la déréglementation ont vidé de leur sens les élections politiques puisque l’objet de celle-ci est interdit de traiter l’économie. Le dogme de l’automaticité des avantages sociaux en fonction directe de la croissance économique, celle-ci étant obtenue par une liberté totale à terme de l’affectation du capital, y compris des fonds propres pour les banques, était devenu un terrorisme idélogique, la gauche nominale ne proposant que des gestions et des équipes différentes, mais nullement des changements de perspectives ou d’organisation. Rien que la réduction du temps légal de travail à trente-cinq heures a passé pour un assassinat de l’économie française. Une démocratie qui ne peut plus légiférer, des gouvernements qui ne peuvent avoir pour programme que de se désarmer au point qu’est prévu pour Janvier prochain le début d’un processus amenant à supprimer l’échelon départemental donc tout un niveau de participation citoyenne, une Union européenne effective seulement pour organiser la jachère ou empêcher certaines acquisitions à l’extérieur. L’absurdité des conséquences, la détresse des sans-travail pousant les personnages politiques au prêchi-prêcha de la modernité, de l’adaptation. Disparition soi-disant des classes et de leur lutte mais direction de l’économie, du corps social par de très petits groupes se cooptant et d’année en année le système se resserrant, l’osmose des agendas et des carrières devenant toujours plus intime entre décideurs de tous poils, et d’un mandat présidentiel à l’autre – pour ce qui est de la France – une corruption des esprits, la disparition des contrôles et en fait une perte de vue générale de la réalité, y compris par ceux qui pâtissent de cet ordre de choses, l’immense majorité des gens, médusés et enveloppés au point de ne plus vraiment protester. Un peu le système colonial qui tenait avec très peu de contrainte apparente parce qu’une alternative paraissait inimaginable pour la plupart des coloniés et illégitime à tous les égards par les tenants métropolitains. Plus encore que par la force (les puissances coloniales vaincues spectaculairement par des peuples extra-européens), le sytème s’écroûla par sa contradiction interne : l’assimilation postulait l’extension de législations libertaires et égalitaires mettant forcément fin à des supériorités discutables. L’histoire propre à chaque peuple réapparaissait, comme elle a réapparu chez chacun des satellites de l’Union soviétique, sa seule rivale devint l’économie périmant les faits, les éphémérides, matérialisant tout avec l’assentimenet paradoxal de l’Eglise de Jean Paul II promouvant le libéralisme sur la tombe du communisme, moyennant quelques conditionnements jamais vérifiés avant l’encensement. Deux analyses furent empêchées – par l’idéologie dominante – dans les années 1990 : celle marxiste qui aurait expliqué la chute du communiste par l’infidélité de ses dirigeants aux utopies initiales, celle libérale au sens politique du XIXème siècle de la liberté des personnes plus que la liberté des entités qui aurait montré les contradictions du capitalisme et surtout évalué ses performances et leurs coûts.

L’histoire est à écrire du cheminement en France, en Europe qui mena des privatisations dans chaque Etat-membre des Communautés européennes au milieu des années 1980, aux accords de Marrakech pour le libre-échange mondial quel que soit le niveau de développement des pays. Le système d’aujourd’hui – celui qui a croûlé hier soir – s’est construit en toute logique depuis une vingtaine d’années avec crûdité, tous les objectifs, toutes les perspectives étant décrits publiquement plus encore par les politiques que par les entrepreneurs.

En revanche la psychologie humaine explique une bonne part du découplage de l’argent et de la production, sans que disparaisse – au contraire – l’instinct d’accaparement du maximum de biens fongibles et de liquidités, et à terme individuellement ou en groupe, l’accaparement du pouvoir : l’hérédité en politique et dans tous les métiers de notoriété se donnant en spectacle, dans les nouveaux empires familiaux notamment en France. En économie, c’est au début des années 1990 l’affadissement du métier bancaire, de l’application des fonds propres à de la spéculation sur des produits boursiers dits dérivés, de la confusion dans l’octroi du crédit des fonctions du prêteur et de l’assureur ; elle explique l’engouement des dirigeants – menés par leur libido personnelle – pour la croissance externe des entreprises à la tête desquelles ils parviennent par cooptation sans esprit de famille ni connaissance intime de la maison où ils entrent : loi du moindre effort car la prospection commerciale, l’invention technologique, l’étude des besoins sont bien plus coûteux et surtout demande bien davantage de temps. Ce ne sont pas les marchés qui ont failli ces derniers jours, ce sont les banques depuis des années qui ont changé d’objet principal. Le gigantisme a été systématiquement favorisé par les autorités et observatoires censées répondre de la légalité et de l’authenticité des raisons sociales. Selon les experts ou selon les méthodes d’évaluation, l’économie virtuelle est cinquante fois plus grande que l’économie réelle. La crainte d’un réveil de l’inflation – plaie de trois quarts de siècle en Europe – ne l’a pas éradiquée, nous le vivons, mais a surtout empêché de voir une autre inflation, celle de la "bulle financière" : concept raillé lors de la crise asiatique de 1997-1998.

Justement, les avertissements à partir de la disparition de l’apparente alternative au capitalisme que représenta – surtout socialement et militairement – le système communiste, ont été multiples, mais si variés que la synthèse n’a pas été faite et que ne se sont manifestés ni un refus global ni une critique détaillée déduite de ce refus. Crise des places d’Asie, effondrement du système bancaire japonais et remède seulement trouvé dans la nationalisation. Crise bien plus profonde mais moins éclatante pour l’extérieur, celle du financement des dettes internationales et notamment de la dette publique américaine, puis des principales entreprises de services, notamment financiers. Crise – pas seulement démographique – des systèmes de financement des retraites faisant naître les fonds de pension et introduisant dans les économies développées un nouveau patronat – virtuel et volatile. Crise morale du libre-échange par la dénonciation qui en est faite par l’ensemble des pays en voie dedéveloppement, notamment les pays africains, caraîbes et pacifiques associés à l’Union européenne. Crise des approvisionnements énergétiques illustrée par les cours erratiques du pétrole. Enfin, crise générale de discernement : la baisse continue des taux aux Etats-Unis ne palliant pas la tendance à la destruction des emplois et à l’inflation a suscité l’endettement des particuliers pour acquérir la sécurité de leur logement. Avertissements ponctuels en France, absorption-fusion-démantèlement de la sidérurgie (Arcelor), de l’aluminium (Péchiney pour Alcan puis Alcan à son tour), itinéraire d’Alcatel et de ses dirigeants même dans leur américanisation et désindustrialisation presque achevée du pays que traduit un déficit commercial croissant et désormais structurel. Bien entendu, l’ « affaire Kerviel », la même Société générale ayant fait l’objet des manœuvres de 1988 et recruté ses dirigeants dans les cabinets ministériels de la droite version 1995-1997.

Les effets de système seront analysés bientôt, les interdépendances, les sas, les vases communicants seront mis en évidence d’abord par les faits.

Donc, un système soudain en panne de financement et qui s’est coupé des racines habituelles : construction des marchés, politiques des rémunérations et revenus soutenant la consommation. 700 milliards immédiatement nécessaires aux Etats-Unis pour éviter l’effondrement de l’ensemble et à fournir par le Trésor, le contribuable donc, plus 620 en lignes de crédits accordées par la Fédérale Réserve, et dans la zone euro. plus de 120 milliards « injectés » par la Banque centrale européenne pour redonner des liquidités aux banques qui ne se financent plus les unes les autres, et qui déconnectées de la production n’ont plus les bénéfices de la consommation.

Paradoxalement, ces interventions des Etats – une soudaine réapparition d’un secteur public difficile à nommer autrement que par la garantie et la capitalisation que lui accordent les pouvoirs publics – restent dans le modèle libéral en ce sens qu’elles n’obéissent à aucun vouloir politique et à aucune conception économique a priori. On ne pense pas à des remèdes, on obéit sous la contrainte à la nécessité d’éviter la banqueroute de grands établissements financiers. Alors que pendant plus de vingt ans on n’a jamais songé à éviter la faillite d’entreprises de production et de service. On craint plus les épargnants – aux étages politiques des sociétés développées – que les salariés, la logique de dépréciation du facteur travail et de surévaluation du facteur capital ne se dément toujours pas. On ne réalise pas – mais tout a commencé il y a quinze jours seulement – que l’on déplace du niveau des banques et assurances au niveau des Etats le problème de la solvabilité et du financement des sommes qu’on met dans le circuit. Or, les Etats sont pour beaucoup – les Etats-Unis et la France déjà exsangues : notre dette nationale publique équivaut à 66% du produit intérieur brut, 1.269 milliards d’euros et chaque Français a appris la somme dont répondra chaque enfant à naître.

Le besoin de liquidités soudainement apparu a fait fleurir une critique chez les politiques unanimes. Les aveux de la chancelière allemande, le discours de Toulon. Critique pas informée des processus de l’entreprise particulière et de l’économie générale, démagogie des appels à sanctionner des responsabilités personnelles sans que soient évoquées celles des partis et des dirigeants élus qui ont mis en place les législations étaticides. Double contradiction : les droites au pouvoir en France, aux Etats-Unis, en Allemagne prônent soudain un autre capitalisme et pour ce faire ne dispose que d’un Etat croupion et d’une Union européenne, pour notre côté de l’Atlantique sans pouvoir de décision et sans concept alternatif du libéralisme désormais condamné. On a chanté, jusqu’il y a quelques jours, avec ceux qu’on voue aujourd’hui aux gémonies. Dans le cas français, cette critique démagogique et schématique s’accompagne de la réitération des projets de réformes, or toutes réformes visent à désarmer encore plus l’Etat et à privatiser services publics, processus de protection collective, enfin à transférer du domaine législatif donc démocratique bien des procédures vers des systèmes contractuels ou des professions privées : les conventions sur la durée du travail ou l’octroi des procédures de divorce, retirées des juridictions judiciaires et confiées aux offices notariaux.

Conséquences.

Multiples.

L’économie mondiale va se compartimenter, alors que toutes les réformes nationales ou à l’intérieur de groupements d’Etats comme l’Union européenne et toute la mondialisation tendaient à l’unifier. Il va y avoir des économies autonomes, retournant au circuit fermé, comme celles de l’Inde, de la Chine et de la Russie et des économies en quête de financements et entrant en dépendances des premières. Nous avions déjà les pays assistés, reculant chaque année davantage, déjà les pays dont on pille les matières premières et qu’on oblige à s’assurer collectivement un avenir non plus économique et financier en investissant dans les actifs et les services des paysles plus développées jusqu’à la semaine dernière. Les relations ne seront plus d’échange mais de dépendance, elles vont donc redevenir politiques.

Les personnes physiques chargées, parce qu’elles sont en place, de gérer la crise et dans l’immédiat de trouver les liquidités – celles à attendre des contribuables, celles mises en place par les banques centrales – n’ont aucune expertise économique. Les dirigeants des entreprises, banques, assurances et services mis en faillite ou recapitalisées par les Etats retrouveront certaianement des places de consultants, mais cessent d’être présentées au public. La presse « people » va désormais être évitées par ceux qu’elle donnait à admirer et à envier. C’est une révolution psychologique. Au simplisme des décisions d’entreprise : délocalisations, croissance externe, lcenciements, va succéder le simplisme des politiques ayant à exposer aux contribuables la légitimité d’une poursuite de leurs sacrifices. Les réfractaires du Congrès américain au plan Paulson refusent ce rôle. Il fallait donner des emplois jusqu’à la semaine dernière le dogme du libéralisme les promettait si l’on supprimait Etat et fiscalité des sociétés – du moins, c’est ce que disait le politique. Il faut aujourd’hui donner de l’argent. Le changement de discours sans qu’il y ait des concepteurs et des spécialistes du nouveau, avant longtemps, va être difficile.

L’évolution des régimes politiques est prévisible. A la confiance dans un système économique : la libre entreprise succède depuis ce matin l’appel à la confiance forcée dans le chef en place. Le système des années 1930 qu’il ait ou non mené à la dictature, va se retrouver avec moins de costumes et d’assemblées en plein air mais avec la même perfsonnalisation à outrance. La France l’a acceptée par avance depuis quinze mois que Nicolas Sarkozy est président de la République, nous sommes déjà dans un régime plus que présidentiel sans les contrôles parlementaires que George Bush junior vient d’expérimenter : l’Assemblée nationale française est prévisible, le Congrès américain ne l’est pas.

Dans l’immédiat, un processus politique nouveau change toutes les données intérieures. L’Autriche et la Bavière ont voté dimanche contre les coalitions au pouvoir. L’élu du 4 Novembre aux Etats-Unis sera immédiatemernt au pouvoir sans attendre son investiture ; la chronologie de la semaine dernière, la réunion à la Maison-Blanche, le vote d’hier soir et son éventuel amendement montrent que le président en fin de mandat n’a plus d’influence, ce sont les candidats qui en ont. En France, Nicolas Sarkozy dispose désdormais d’une rente de situation inattendue. La règle des gouvernements réformateurs était leur impopularité, aujourd’hui le sauve-qui-peut ne fera plus regarder que celui qui est aux manettes, l’opposition figée dans le calendrier constitutionnel de dévolution du pouvoir n’exercera plus aucun attrait puisque les problèmes sont immédiats. L’attrait du pouvoir en place va casser plus encore l’opposition socialiste, Jack Lang à propos de la révision constitutionnelle, Michel Rocard dans son appréciation du discours de Toulon seront rejoints par du grand nombre.

Les scenarii de longue date sont périmés, les programmes et les promesses peuvent être abandonnés parce que nécessité fait loi. Et la nécessité va dicter les comportements, les concepts. Dans le cas de la France, tout ce qui handicapait fondamentalement Nicolas Sarkozy, son goût de l’immédiat, son incapacité à donner des cohérencees et des perspectives à des actions seulement liées par un effet de catalogue et de chronologie, devient maintenant très adapté. Parer aux urgences, jour après jour. Le principe de réalité qu’il a érigé en discours politique et qui l’émancipe de toute mémoire et de tout précédent le sert aujourd’hui. Agir. Probable bond spectaculaire dans les sondages, le président dérangeant devient le recours contre la crise, celui qui garantit sécurité et épargne. Bien entendu, tout le passif d’une politique économique est épongé : la crise explique tout rétrospectivement, les lacunes demain ne seront pas sa faute. La manière d’exercer le pouvoir est maintenant justifiée par l’urgence et aussi par l’universalité de la crise.

La présidence française de l’Union européenne, bouleversée dans ses programmes par la guerre de Géorgie, rend – comme on n’aurait pu le rêver à l’Elysée, il y a quinze jours seulement – toute la main à Nicolas Sarkozy : le voici en vue au commencement de ce qu’on considèrera bientôt comme une crise comparable en importance et en effets aux déclarations de guerre de 1914 ou de 1939, à la crise économique de 1929 ou au symbolique franchissement du mur de Berlin. Nicolas Sarkozy est à l’inauguration d’une nouvelle période de l’histoire contemporaine. Il voulait la déterminer, c’était artificiel jusqu’à présent, maintenant que le calendrier n’est plus son fait mais celui des dérèglements inernationaux, le voici promu. Il se donnait une mission, pas claire et sans objectif discernable, en voici une autre avec une fin qui ne le sanctionnera pas : il défend les Français, il suscite les Européens. Enfin, comme accessoirement, la remontée du chômage depuis quatre mois, et statistiquement significativement pour Août, passe au second plan, tant il y a à commenter et à craindre.

L’élection présidentielle américaine permet d’éprouver les candidats en situation réelle d’exercer le pouvoir : Barack Obama confirme qu’il ne fera pas autrement que ce que tente, contre son propre camp, George Bush tandis que McCain se réfugie dans les mécaniques parlementaires. George Bush junior dont le bilan et l’image étaient désastreux même si l’opinion l’avait soutenu majoritairement – y compris Hillary Clinton – dans ce qui lui st reproché aujourd’hui, trouve par un retournement total de situation un événement de même portée médiatique que l’attentat du 11 Septembre pour le remettre au pinacle sans qu’il y soit pour rien.

Naturellement, la politique sera encore plus un spectacle et la montre d’un seul personnage qu’auparavant. Démagogie et autoritarisme, probable conflit avec les assemblées délibératives, mais surtout incertitude du modèle à venir. Reconstituer en vertueux ce qui ne fonctionnait que vicieusement ?

J’augure donc pour le court terme une accentuation de l’artifice des politiques, et à long terme, par force l’émergence d’une nouvelle classe de praticiens et de théoriciens de l’économie, de nouveaux entrepreneurs. Le processus peut être long mais la politique lassera assez vite pour que des élites, empêchées d’apparaître et d’entreprendre par la collusion de plus en plus grande ces dernières années entre ces capitalistes, aujourd’hui raillés mais qui n’étaient que des gérants sans fortune personnelle pendant leur exercice, et les élus.

Je constate que les politiques restent subordonnés : ils sont chargés d’ouvrir le trésor public à l’économie, non en récompense de celle-ci, mais en palliatif. Leur registre devrait être la conceptualisation et la concertation. Ils ne le tiennent pas. La prochaine réunion est beaucoup trop tardive : en principe le 15 Octobre. Chaque pays agit pour son compte, personne n’a proposé aux Etats-Unis une aide au financement des fameux 700 milliards, ils vont être refinancés par les investisseurs mondiaux acceptant encore les bons du Trésir américain. Chacun des Etats-membres agit depuis trois jours pour son compte : la concertation inter-étatique n’a lieu que quand les entreprises sont à capitaux mixtes, Fortis et Dexia.

Style aux Etats-Unis, question de personnes en France. Barak Obama va pouvoir promettre la lune, tandis que McCain est austère et avant tout congressiste. Le tribun l’emportera-t-il ? je le croyais pour la première fois samedi et dimanche, la démocratie directe, mais les Etats-Unis sont fédéraux, les élus et représentants comptent, même les juges sont élus : McCain est un parlementaire, l’opinion pour lui n’est pas une foule mais une addition de situations particulières. Chez nous, le retrait de Christine Lagarde et de François Fillon me paraît probable. Claude Guéant, dimanche soir, a parlé en Premier ministre, interprétant et accentuant le discours de Toulon.

Midi

Stupéfiant.

Comme il était à prévoir, les bourses asiatiques ont ouvert en forte baisse et la soirée américaine s’est conclue d’une façon ressemblant au sort fait à l’Irlande par ses partenaires de l’Union européenne : il suffit de revoter jusqu’à se dédire, pour que tout s’arrange.

C’est donc l’impasse. Elle devrait inquiéter. Pas à Paris où l’exception française persiste, elle est vantée. C’est depuis que nous nous sommes banalisés en abandonnant nos axes et repères des années 1950 et 1969, cette vantardise qui fait seule notre exceptionnalité. Christine Lagarde la semaine dernière, le successeur de Claude Bébéar ce matin à sa sortie de l’Elysée affirment que la France sera épargnée, que le risque « systémique » est dépassé, que le système national est stable et la solvabilité acceptable. A preuve, un chiffre et non une analyse, celui du bénéfice cumulé de notre ensemble bancaire. On se félicite publiquement que sa formule courante soit la « banque universelle » sans réfléchir que c’est cela qui a permis « l’affaire Kerviel », le jeu sur les fonds propres, que n’aurait pas une banque d’affaires. Si nous n’avons plus de banques d’affaires, Lazard a mis la clé sous la porte, c’est que le fructueux commerce de consultation en privatisation et en introduction en bourse est terminé, toute la matière possible y étant passé. Ce n’est pas un signe de santé ni de jeunesse pour notre organisation financière.

Passe encore que les diagnostics soient sans finesse, mais il n’y a pas l’amorce d’une concertation tandis que des centaines de milliards sont sollicités et placés – concertation européenne, concertation euro-américaine. Responsabilité autant de l’idéologie dominante dont personne ne veut plus porter la responsabilité de l’avoir véhiculée, imposée, vantée, que des gens de pouvoir : la mondialisation se répare par le chacun pour soi, le libéralisme par l’étatisation. L’Union européenne ne semble pas entrer en concertation, la Commission européenne ne se fait en rien remarquer, la relation franco-allemande existe : les ministres des Finances jeudi dernier à Berlin, la rencontre de la chancelière avec le président français la semaine prochaine, mais quel est son fruit. Airbus exemplaire est devenu l’exemple des dévoiements auxquels conduisent les systèmes qu’on condamne aujourd’hui : évidente crise de direction heureusement sanctionnée par le retrait de Forgeard, subordination d’un industriel majeur aux artifices de la délocamisation et d’une parité euro-dollar pas maîtrisée.

Faillite aussi de la doctrine : Greenspan avait raison contre Stiglitz il y a quinze jours. Or, comme Woody Allen, c’est en France que le prix Nobel d’économie en 201, est populaire ; bien moins aux Etats-Unis.

Vers quoi va-t-on ? Une gestion ne s’organisant pas et ne se programmant ni pour les actions, ni pour les concertations, ni pour l’élaboration des diagnostics et des formes nouvelles. Un système à venir qui va résulter des circonstances, de échecs et erreurs, non d’une volonté commune. Il est vrai que les constructions a priori ont échoué en 1919 et en 1945, du moins malgré la guerre froide la conclusion de la Seconde guerre mondiale a-t-elle accouché de l’Organisation des Nations unies et du G A T T. Cette crise financière pourrait enfanter une nouvelle organisation mondiale, englobant ce qui existe mais y ajoutant la démocratie et les peuples, la perspective planétaire qui se cherche depuis le sommet de Rio de Janeiro et le protocole de Kyoto. Cela paraît à côté de la question, mais c’est le fond, car la solution à terme de la crise de liquidités et de confiance mutuelle est une réaffectation des financements à l’économie réelle, ce qui suppose une éthique de gouvernement tant des Etats que des entreprises, donc une remise à l‘honneur des processus de planification, des prévisions concertées, et une fin acceptée de tous : le bien commun, et non le profit. Le profit ne doit être qu’une rémunération des personnes et des capitaux risqués, pas plus. Il est pour l’essentiel la matière de l’investissement.Il est de l’ordre du moyen, pas de la fin.

fin de soirée

Paradoxalement, les opposants – en France – à Nicolas Sarkozy refusent l’union nationale – ce que je comprends – pour le laisser dans la responsabilité des politiques qu’il a menées ces seize mois mais disent aussi qu’une médication ou des parades à la crise qui seraient seulement nationale, ne sont pas adéquates. Or, c’est par le biais européen que les socialistes et François Bayrou, ensemble, peuvent déborder le pouvoir en place – qui n’est pas européen d’esprit, il ignore même ce que c’est, et encore moins de pratique – en proposant l’union nationale au seul niveau des concertations à Bruxelles. Dialectique un peu complexe mais favorisant l’entrée en jeu des partis représentés au Parlement sans adouber les gouvernements.


Le Parlement européen n’a pas encore opiné. A Paris, pas d’allusion au rôle dévolu à la Banque centrale européenne, jusqu’à présent seule à agir (le total de ses concours depuis hier a doublé, atteignant 228 milliards de dollars, on compterait 400 banques « aux abois » mais toute action d’ensemble à l’américaine est exclue), parmi les institutions de l’Union. Pâleur habituelle de la Commission et de son président, mais bonne orientation des propositions possibles de mesures : Elles iront au-delà des projets de renforcement de la régulation du secteur déjà évoquées par Bruxelles : meilleur encadrement des agences de notation, amélioration de la supervision bancaire pan-européenne et durcissement des conditions de fonds propres à respecter par les banques. Mais cela reste trop « sectoriel ».

Un vocable nouveau va se répandre au moins dans le milieu politique à l’initiative de Bercy… le risque systémique, c’est pour l’éviter que nous participons au renflouement de Dexia.

Aux Etats-Unis, McCain sur la défensive, il est regardé par une majorité d’Américains comme ayant fait échouer le plan Paulson


Mauritanie… l’Union européenne et les A C P lâchent l’Union africaine, c’est en train de devenir un test. Cette organisation du continent qui nous a pris pour modèle, et qui m’est très sympathique car elle est assez capable de consensus précis, a là – pourtant – la pierre de touche de son crédit international. La question pour elle n’est pas de se faire respecter (et craindre) par les putschistes eux-mêmes, mais d’être la conscience et l’expert de la « communauté internationale » à charge pour celle-ci de devenir son bras séculier. Avec cynisme, le Premier ministre des putschistes, partant pour le sommet des A C P à Accra, observe dans un entretien que lui a ménagé R F I que la démocratie est sauve, qu’aucun embargo ou quelque chose d’approchant n’est envisageable ni envisagé et que les parlementaires ont fait savoir que tout est négociable surtout en conclusion des états-généraux de la démocratie réunissant tout le monde d’ici douze à quatorze mois. Il compte présider aussi la délégation mauritanienne aux discussions prévues pour se tenir le avec l’Union européenne. Il est pour moi certain que Moktar Ould Daddah, au pouvoir, aurait non seulement resopecté à la lettre la résolution du Conseil de sécurité et de paix de l’Union africaine, mais encore œuvré avec ténacité et intransigeance, comme il le fit à propos de l’apartheid et du conflit israëlo-arabe.


Zimbabwe, retour à la case départ. Le gouvernement d’union nationale avec l’opposant historique comme Premier ministre et un partage du reste des portefeuilles, qu’on croyait fait, cette fin de semaine, n’est pas accepté par Mugabe. Deux mois de prison ferme pour un journaliste doutant au Caire de la santé de Moubarak.



[1] - Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église Sermon sur le psaume 64 (trad. cf En Calcat)

[2] - Job III 1 à 23 ; psaume LXXXVIII ; évangile selon saint Luc IX 51 à 56

Inquiétude & Certitudes - lundi 29 septembre 2008



Lundi 29 Septembre 2008

Prier… que de fêtes à souhaiter [1]. Ces anges et archanges, attestés par la Bible, reconnus par l’Islam. Une spiritualité, une réalité, guère de « mode » en ce moment. Ce petit livret-fascicule de ma première enfance que j’ai gardé, l’histoire de mon ange gardien, la bande dessinée du Figaro des années 30 ou 40, mise en parole par mon grand-père. Donnée psychanalytique certaine, dédoublement, protection intime, assimilation et répondant des mauvais génies, du diable, etc… résurgence du paganisme gréco-romain autant que cette « foi » aux esprits, notamment mauvais, qui semble avoir été la clé d’une médecine au temps du Christ. Un esprit mauvais le possédait, un ange lui a peut-être parlé, et ils … Jésus l’assume et le reprend, « l’échelle de Jacob », vision promise à Nathanaël mais vision certaine est celle que Dieu a de nous. Etre connu, apprécié, aimé, appelé nous bouleverse, nous avons du mal à l’accepter quand une telle vérité nous est donnée, or c’est de cette vérité, et de sa réciprocité que nous allons vivre éternellement. Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. Le texte est elliptique, car c’est d’abord Jésus qui voit, en profondeur, Nathanaël, et ensuite le disciple qui est appelé à voir la réalité de toutes choses. Sa vocation devenue presque secondaire. Jésus appelle en connaissance de cause, Judas compris comme le veut la tradition. La splendeur de ces créatures spirituelles nous laisse entrevoir comme tu es grand et combien tu surpasses tous les êtres. Le combat de l’ange… titre de romans, tapisserie de l’Apocalypse. J’y vois, nous pouvons y voir surtout la manifestation de l’amour de Dieu pour chacun de nous, une aide permanente et proportionnée qui nous est proposée effectivement, mais tout cela est mystérieux, difficile à conceptualiser. Est-ce d’ailleurs nécessaire, le compagnon merveilleux de Tobie nous suffit. La belle transposition en termes contemporains de Sylvie Germain, Tobie des marais chez Gallimard, il y a une quinzaine d’années. Sois donc dans la joie, ainsi que vous tous qui demeurez aux cieux, mais soyez surtout rejoints par nous tous, croyants ou incroyants sur cette terre, peu importe au regard de la réalité de notre accomplissement à tous.


Matin

Cela va être vertigineux. La présidente démocrate du Congrès commente le plan Paulson (passé de trois pages à sa présentation à cent neuf au moment du vote – favorable) : ce n’est pas un coup de main aux banques, c’est un signal à Wall street que la fête est finie. Tokyo a ouvert en baisse, les bourses asiatiques sont maussades, celles de l’Europe commencent elles aussi en baisse. En fait, le « plan » a une semaine de retard s’il devait avoir un effet sychologique. Mais tout de même sept cent milliards doivent avoir un effet trechnique. Il semble cependant que ce soit le maëlstrom de Novembre 1968 ou de Mai 1981, chez nous, que le cher Raymond Barre me commentait quand je suis venu le faire parler sur Couve de Murville : à ce stade, alors, plus personne n’y peut rien. La « grande peur » de l’été de 1789 est ce qui a fait tomber la monarchie. Tant que les choses restaient – le pouvoir et la manœuvre politiques – à Versailles, le roi pouvait reprendre la main et tout le monde y aurait gagné, nous aurions probablement et encore cette réserve d’arbitrage et de sacralité. Aujourd’hui, malgré la Constitution, nous sommes déjà en régime présidentiel mais sans l’esprit démocratique des Américains.

Depuis trois jours, nous sommes avertis que les chiffres du chômage vont être mauvais, très mauvais, on nous les dit cependant : 30 à 40.000 demandeurs d’emploi en plus au moins d’Août, la plus mauvaise performance depuis quinze ans, c’est-à-dire l’ambiance quand la main est revenue de gauche à droite. Ce qui fait présager que ce sera bien davantage que 40.000. La réunion à Bercy de directeurs départementaux d’A N P E ou du Travail, voire une réunion télévisée des préfets est hors d’échelle.

Fortis donc cette nuit, une douzaine de milliards, croissance externe aventurée. Par un de nos neveux qui y fut, nous l’avons vêcu. Et confusion des genres dont tous les emprunteurs immobiliers défaillants font les frais, banque et assurance ont caisse et prospection liées. Le Monde titrant que Sarkozy réhabilite l’Etat devant l’échec des marchés, est inexact. Ce n’est pas l’échec des marchés, ceux-ci enregistrent et profitent des espaces réglementaires et de l’opportunité offerte par des jeux de jambe malencontreux, c’est l’échec des banques par une désatreuse dérive professionnelle : avoir cessé de transformer les dépôts des personnes physiques pour financer l’économie réelle, et s’être dirigé vers la spéculation sur fonds propres. L’exemple Kerviel n’est que contemporain, ces nouveaux métiers et profits de la banque datent du début des années 1990, ma chère femme me l’a enseigné dès qu’elle l’a vu professionnellement. Et personne – pour l’instant – ne le dit. Quant à se fonder sur l’A M F pour corriger, ce que semble pourtant (naïveté ? ou complicité ?) faire Noyer, l’actuel gouverneur de la Banque de France, c’est rêver : collusion, corruption, amateurisme, révérence pour les gros, on y impitoyable pour la P M E financière qui est cependant la plus contrôlable en interne et par ses mandants, et qui, du fait de sa taille, ne peut tout de même faire des trous à milliards.

Un milieu qui continue imperturbablement à bien fonctionner, le grand bandistime et ses mafias. Un détenu tiré à trois cent mètres du dehors de sa prison, en cour de récréation. Mopeurs gouvernementales d’aujourd’hui : la démagogie. Rachia Dati, enceinte, sur les lieux à passée minuit. Elle y est arrivée sous les huées.

Un sursis à excéution aux Etats-Unis. Un « tchétchène » descendu sous les « fenêtres » de Poutine. J’irai les chercher dans les ch… avait-il dit, pourquoi n’iraient-ils pas le trouver, eux aussi ?

Autriche… va-t-on recommencer les grotesques simagrées dans l’Union européenne, avec Bernard-Henri Lévy se croyant aux commandes d’un avion monoplace de combat, celui de Malraux parmi les Brigades internationales pour dénoncer la hideur fasciste ? Jörg Haider, son parti, et le F P Ö qu’il a quitté, obtiennent ensemble 29% des sufrages, le S P Ö à peine plus de 30 et l’Ö V P pas 25. La coalition va cependant être reconduite. Le pays est solide, il s’auto-organise très bien, il est sain, il faut y vivre pour le comprendre : mais il ne fonctionne pas comme nous, il est consensuel et la démocratie n’y est pas une alternance mais un accord historique en renégociation (parfois musclée) permanente. Années de bonheur et d’un peu de germanophonie : l’Europe centrale de l’Est en mûe de Berlin à Cracovie, Prague, Bratislava et Budapest, depuis l’observatoire de Vienne, mes fenêtres ouvrant sur le Belvédère supérieur, l’avance maximale des Turcs en 1683. J’ai alors affecté de dire Agram pour Zagreb, et je faisais plaisir. D’ailleurs, c’est un monde qui demeure et la communication qui donna l’ambiance au franchissement du mur de Berlin, passait par la frontière sans visa entre Autriche et Hongrie….

Midi


Je me prépare à participer à un exercice durant toute cette année, une rencontre par mois : des personnels soignants, des psychanalystes à propos de « la solitude du directeur ». Tous les outils que fournit la pyschanalyse à l’observation de la polique, de ses acteurs, de ses thèmes, de ses manières. Ma kiné. opine que ce’est particulièrement opérant pour Nicolas Sarkozy. En campagne l’an dernier, cela lui sembla manifeste : il ne se conduit qu’à l’instinct, il n’obéit qu’à ses pulsions. Elle me donne la clé que je cherchais, cette inculture, ce refus de la mémoire vraie (car les mémoires à célébrer de la Shoah ou de l’esclavage, quand elles viennent de l’Etat, sont un acte politique mais une mémoire de l’expérience nationale habitant l’homme du moment) et la même incapacité d’une projection dans l’avenir, y compris sa propre projection. L’ambition d’être élu est de l’arrivisme, pas une vision communicable de l’avenir commun. - J’ajoute quand à moi deux éléments : comment intégrer ses échecs féminins, et sans doute une position de demandeur et de dominé ? pas de mémoire de son père absent, mais mémoire conflictuelle de Jacques Chirac dont il prend le contre-pied, tout sauf l’immobilisme et l’irresponsabilité.

Conduire à la pulsion personnelle peut cependant donner – parfois – quelques bonnes postures. Demain, après les pâles et fébriles réunions d’aujourd’hui (fébriles vis-à-vis de l’Elysée mais pas des Français, Nicolas Sarkozy s’en charge mais le fait payer à ses ministres), une assemblée de banquiers et d’assureurs autour du président de la République : va-t-il s’informer, comprendre ? ou discourir ? et reparler sanctions ? Du Premier ministre, il n’est pas question. Le régime ne fait pas la promotion d’autrui.

Interrogé sur France-Infos. par Olivier de Lagarde, François Hollande. L’appel à l’unité nationale lancé par le Premier ministre… Tout seul, on n’a donc pas réussi. On n’a pas anticipé. D’accord pour cette unité si on remet en cause le paquet fiscal, la privatisation de La poste, le budget avec els suppressions d’emploi dans la fonction publique, à l’éeducation nationale, si l’oin supprime les franchises fiscales. La crise, nous l’avons vu venir. C’est la crise du libéralisme, du capitalisme et de la déréglementation, des privatisations, de la financiarisation de l’économie. L’urgent, c’est l’accès au crédit. Les banques ont pris des engagements pas sains, il ne faut pas qu’elles reviennent sur le crédit. Une décision doit être prise, créer une garantie publique de la distribution du crédit, les prêts aux petites et moyennes entreprises, et aux particuliers, un système de garantie publique du crédit. Mais c’est le discours de Toulon ! Non, car il n’est question que de pallier les défaillances. C’est la loi de 1999 garantissant les dépôts jusqu’à 70.000 euros de dépôt. Elle est seulement à confirmer et à proroger. Que feriez-vous à la place ? La décision sur le crédit, soutenir les investissements : le paquet fiscal distribué en pure perte au lieu de faire une politique de croissanbce. L’impôt sur les sociétés diminué si les bénéfices sont réinvestis et majoré dans le cas contraire. Mais c’est un cadeau aux entreprises ? les socialistes…Non, ce n’est pas un cadeau, c’est de la création de richesses. Troisième mesure, les exonérations de cotisations de sécurité sociale (25 milliards) en fonction des accords sociaux. C’est créer de la richesse, c’est préparer l’avenir. Nicolas Sarkozy réhabilite l’Etat… heureux qu’il admette ses erreurs et qu’il s’aperçoive que la gauche avait raison : je ne m’en plains pas.. C’est aujourd’hui la gauche qui doit formuler les réponses à la crise. Nous l’avons prévue, le chômage en hausse depuis quatre mois : la suppression des emplois aidés, les exonérations sur les heures supplémentaires faisant préférer celles-ci à des embauches, pas de créations d’emploi. Nous : soutien à l’investissement, stablisation du pouvoir d’achat.
Ségolène Royal, le Zénith, la "fête de la Fraternité" … je ne me plains pas qu’il y ait des rassemblements socialistes, le mot que je pérfère : l’unité. Chacun son style. Mais Ségolène Royal : c’est le sien. Une équipe soudée, un projet, une équipe soudée et un candidat, une candidate le moment venu. Emmanuelli dit…il vaut mieux tourner les critiques vers les Français, plutôt que vers nous.

Je le trouve excellent. D'ordinaire, dans ce registre économique, Michel Sapin porte les couleurs et fort bien. Bons réflexes aussi aux questions politiques. Je comprends donc de moins en moins selon quel enregrenage il faut qu’il passe la main pour le Premier secrétariat du Parti ? Quant aux candidatures à l'Elysée, D S K est fragile, l'affaire de la MNEF l'a montré et il aura toute sa gestion - visible et invisible - du FMI derrière lui, en sus de nombreuses obligations envers Sarkozy. Et Bertrand Delanoë ne tiendra sûrement pas les rôles multiples qui avaient déjà complètement érodé Jacques Chirac avant 1995. Pourquoi ne pas ressusciter L'Unité ? l'éditorial de François Mitterrand était repris partout chaque semaine. Mais surtout – stratégie – il faut dans la discrétion - mais avec parfois un relais mutuel aux répliques de l'un ou de l'autre face au pouvoir actuel - faire quelque chose avec François Bayrou. Les Français, la France ne peuvent attendre 2012 aux mains d'une équipe incompétente et un pouvoir mené par un homme d'instinct, de pulsions, inculte même si parfois il a de bonnes sensations pour se protéger lui-même - alors que l'incendie se propage et va devenir plus qu'énorme : sans précédent puisque - heureusement - il n'y aura pas l'exutoire du réarmement et de la guerre pour clore le cycle de 1929-1931. Mais les dégâts peuvent être tels que tout sera méconnaissable, quand la pièce aura été joué – ravages peut-être pires qu’une guerre mondiale à l’ancienne… et ils peuvent durer longtemps jusqu'à ce que de nouveaux équilibres - hors des volontés, des prévisions et des consensus - se fassent : imprévisibles aujourd'hui. En géostratégie, en conséquences sociales. Evidence, l'Union européenne en tant que telle n'existe - malheureusement - pas.

Soir

La confusion augmente et la descente vers des enfers qu’on ne connaît pas mais que tout le monde appréhende, continue. Nationalisation ou tout comme en Belgique et Pays-Bas, nouvelle opération donc en Angleterre pour Bradford, pis que pour Richmond l’an dernier, l’Hypo-real en Allemagne, et la Suisse prévoit son entrée en récession. Le débat est partout le même puisque, pour le moment, les recettes immédiates sont uniques : réglementation, « injection » de milliards (quelques 120 par la Banque centrale européenne). Ce débat est évidemment que les politiques, censément hors jeu et n’ayant plus de mission que de désarmer au possible la puissance publique et d’anéantir le secteur public, reprennent du poil de la bête. Typique, le dialogue par medias interposés entre Angela Merkel et le chef de file des banquiers outre-Rhin, avec la sanction d’un revers en Bavière pour la chancelière, hier.

En France, le débat est autre. Le « sarkozysme » ne change pas, en ce sens qu’il n’est suivi dans son camp d’origine que par contrainte tandis qu’il divise le camp adverse. Michel Rocard, qui a pourtant été ministre trois ans et Premier ministre trois ans, termine sa vie dans la frustration ce qui le met – faute d’avoir été président de la République – en constante situation de trouver les siens en-dessous de tout et le pouvoir en place acceptable dans certaines occurrences. Il a donc salué le discours de Toulon. Je suis enclin à penser que Pierre Mendès France en aurait fait autant, quelque gêné qu’il eût constamment été par la conception qu’a Sarkozy de ses fonctions. Mais P M F pendant ses sept mois de pouvoir n’était-il pas – lui aussi, et avant tous autres – l’homme-orchestre et celui d’un compte-rendu direct à l’opinion ? 44% des Français auraient d’ailleurs été convaincus par Nicolas Sarkozy, alors que la presse ne l’a pas été du tout.

La réalité est que ces milliards, ces convocations de « sommets » ad hoc, les réunions aujourd’hui à Bercy et demain à l’Elysée ne rassurent personne. La récession américaine est un fait qu’on présente distinctement de la déconfiture des établissements financiers, mais la référence est perdue. Celle de la bourse de Paris n’est pas à l’Elysée : chute aujourd’hui de plus de 5%, le CAC est passé en-dessous des 4.000 points. Confusément, on se rend compte partout que l’on est en train d’écluser la mer et qu’aucun diagnostic ferme n’est posé. C’est un méli-mélo de mises en accusation du libéralisme, du capitalisme, des dirigeants trop rémunérés ou trop somptueusement congédiés. On va vite aller au mondialisme, au libre-échange, aux délocalisations quoique le lien ne soit pas encore nettement fait entre ces deux avertissements que le système économique mondial – mono-idéologique – allait foirer parce que le consensus se lézardait : crise des subrime l’été dernier, crise à l’ O.M.C. ces derniers mois. On n’a pas non plus analysé ces erratismes des cours du pétrole et de la relation euro-dollar. L’attention des politiques, au moins dans les pays « industrialisés » a été focalisée pendant quatre mois sur la question des Jeux olympiques, à boycotter ou pas, pour marquer la Chine au Tibet. Et l’on sort de la crise géorgienne non résolue pour entrer dans la crise ukrainienne où la belle Ioulia Timochenko est passée d’une bannière anti-russe à une posture électorale pro-russe, tandis que la Biélorussie vient de confirmer qu’elle est en dictature. Les questions de personne en pays slaves… Climat économique et politique délètère tandis que la plus importante élection politique du monde va très probablement s’improviser.

Nicolas Sarkozy – imperturbable de santé apparente, d’énergie affichée, avec son illustration « people » qui ne cesse pas (procès de presse, procès divers affectant les enfants de chacun des lits du couple actuel et du couple précédent) – persévère à traiter sans hiérarchie tous les sujets à la fois. La réforme des « administrations locales » est annoncée pour Janvier : la suppression de l’échelon départemental ? mais forcément remplacé à l’identique quoique sous un autre nom (les commissaires de la République qu’à l’instigation de Michel Jobert, j’avais proposé à François Mitterrand quelques semaines seulement avant son élection : suppression promise des préfets mais…). Beau chantier et belle polémique qui devrait se terminer par un match nul mais des apparences cependant de victoire, comme à propos de la révision constitutionnelle. Humiliation chronique du Premier ministre convoqué comme par raccroc aux réunions de demain des banquiers et assureurs à l’Elysée : impossible d’opiner en tiers, prendre des notes, haïr.

Déficit de la sécurité sociale, aussi. Quinze milliards prévus, six de trop. Cela tombe mal quand on veut renflouer des banques. Maintenir le moral des troupes et nos engagements en Afghanistan, le budget de la Défense est le premier poste de dépenses, et encore ne concerne-t-il plus la gendarmerie, sauf erreur de ma part, comprise dans les crédits de l’Intérieur puisque cette arme est à la disposition de la place Beauvau. L’ambiance et l’attention change chaque jour ce qui permet de régler dans le silence d’un coin ce qui faisait hurler la veille quand la lumière n’était pas dans un autre coin. EDVIGE maintiendra donc le fichage des jeunes putativement dangereux, la réforme de la télévision publique qui est d’abord affaire de financement se fait par une disposition budgétaire. La tradition française – particulièrement illustrée en Juin-Juillet-Août 1944 – est que l’administration, l’Etat tourne en toutes circonstances même quand les sujets sont tout autres que ceux qu’ils décrètent, même quand l’opinion souhaite tout le contraire de ce qui se concocte. La commission pour préparer la privatisation de La Poste tranquillement mise en place vendredi.

. . .

J’allais fermer ce blog : 20 heures 41 et prends auparavant les dépêches de « dernière minute » à l’A.F.P. A 20 heures 23, La Chambre des représentants américains a rejeté lundi le plan de sauvetage des banques de 700 milliards de dollars, par 228 voix contre et 205 voix pour. Je pense d’abord et évidemment qu’il s’agit de lundi dernier… et que le conflit s’est résorbé dans la semaine. Non ! c’est de ce soir qu’il s’agit. Nous entrons donc dans une crise mondiale où tout peut arriver. – Accessoirement, Medvedev et Chavez concluent une alliance militaire et économique. Les Canadiens s’inquiètent des menées russes – de la prospection pétrolière – dans l’Arctique, au mépris disent-ils du droit international. L’O.T.A.N. dément avoir provoqué la crise géorgienne. Le mouvement est maintenant brownien. Hitler aurait dit vers 1922 : « l’invraisemblable est ce qu’il y a de plus sûr. »

Mauritanie… puisque ce pays m’est cher et que maintenant il est devenu exemplaire. Un pustch uniquement par ce que le président veut s’émanciper de ceux qui l’ont manipulé, aux dires et au su de toute la population mauritanienne. Une explication ressassée que l’emprisonnement du président de la République régulièrement élu est une « rectification » indispensable pour rétablir « le processus de transition démocratique ». Un pouvoir qui s’installe sans aucun calendrier électoral, sans aucune indication qu’il repassera la main à qui que ce soit. L’Union africaine à qui toutes les autres organisations internationales et les « grandes puissances » dont l’Union européenne et la France, ont tout délégué pour comprendre et diagnostiquer la question, rend son verdict le 22 Septembre : libération du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi dans les dix jours et retour à la légalité. Réplique, les militaires font donner tous les élus et groupements de complaisance : c’est le jeu, et font du non-retour dans ses fonctions du président déchu la question sur laquelle ils ne transigeront pas. Mais voici l’Union européenne qui désavoue l’Union africaine : la France accorde un visa au ministre du Pétyrole et de l’Energie pour qu’il réponde à une invitation (samedi soir) de Gaz de France, alias Gérard Mestrallet depuis trois mois (carrière initiée au cabinet de Pierre Mauroy), l’Union européenne reconduit l’accord de pêche (cet après-midi). La politique française cherche des interlocuteurs intègres en Afrique, elle a ceux qu’elle mérite. J’ai plus haut rappelé ce que le président du Sénégal avait pensé du discours lu à Dakar par le président de la République française. Tristesse et écoeurement.

Car la crise mondiale est en fait celle de la langue de bois : il est dit le contraire de ce qu’il se fait et de ce qui existe, et il est fait le contraire de ce que l’on dit. En France, l’affichage se lit : tenir les promesses de 2007.

Ce soir : est-ce nous ? l’impudence humaine qui avons englouti le monde et la morale en toutes choses, ou est-ce le monde qui nous engloutit ? Chacun, à commencer par les « grands de ce monde » et par les « grandes » institutions est devenu minuscule.

nuit

La donne changeant complètement, Barack Obama a désormais de bonnes chances de se faire élire en « homme de gauche » (quoique la notion droite/gauche n’ait pas de sens aux Etats-Unis comme elle en a chez nous ou en Europe), c’est-à-dire à la manière de Franklin Roosevelt. Mais le vote au Congrès reflète peut-être aussi un état d’opinion resté attaché aux dogmes du libéralisme, du fédéralisme et donc hostile à l’intervention de l’Etat quoi qu’il arrive. Auquel cas, ce vote de refus du plan Paulson présagerait l’élection de McCain. Nous ne connaissons pas les Etats-Unis, nous ne connaissons pas l’étranger.

François Fillon, dans le ciel des Yvelines, a failli être heurté en vol par un autre avion le frôlant à soixante mètres : erreur de couloir…


[1] - Apocalypse de Jean XII 7 à 12 ou Daniel VII 9 à 14 passim ; psaume CXXXVIII ; évangile selon saint Jean I 47 à 51

dimanche 28 septembre 2008

Inquiétude & Certitudes - dimanche 28 septembre 2008

Dimanche 28 Septembre 2008

Il pleut de la globalité et du prophétisme à retardement

De la démocratie en Amérique, ôtez les guillemets

L'Europe, aussi

Le rythme de Mai 1968, mais sans héros



Prier…[1] les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis. Le problème aujourd’hui, du moins « autour » de moi, de l’incroyance ou de l’athéisme, ce qui n’est pas la même chose, ou de la révolte contre Dieu (ou l’Eglise faisant scandale ou sourire), ce qui est encore autre chose, n’est ni une repentance : nos excès de repentances et expressions de regret pour des événements passés genre colonisation ou Shoah ou inquisition n’en sont pas de vraiment personnelles, nous n’avons pas davantage le sens du péché originel sauf à ressentir les limites de notre nature humaine et de notre personnalité, ni une absence, un vide. Je crois bien que c’est un excès de foi, mais de foi en soi, ce que l’on a établi pour soi à propos de tout. On s’est organisé mentalement, et parfois très bien. Peut-être l’âge ou un malheur (ou le bonheur ?) font-ils question ? On est mûré. Mais je le suis tout autant dans ce que je crois être ma foi (chrétienne) et qui est peut-être ma suffisance et un certain sommeil. Aimer cet homme qui vêcut en Galilée il y a deux mille ans, ce Dieu dont parle si bien la Bible et parfois quelques humains en notre temps ? Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole.
Je trouve la réponse à la question qui m’était posée hier soir par courriel : Réf. : textes du jour - veuillez svp ne plus m'envoyer vos textes..Je n'ai pas de dieu. Merci. Rencontre dans une salle d’attente d’hôpital, une femme jeune, plutôt belle, le visage manifestement qui a beaucoup pleuré, elle est seule, avec son fils genre du héros de Mort à Venise ; elle est tellement évidente dans sa détresse, les lieux d’ailleurs indiquent laquelle ou à peu près que je lui adresse la parole, quelques mots pour lui dire qu’elle a tout pour vivre, échange d’adresses électroniques. Plus tard, j’entrevois son fils qui continue d’attendre, elle consulte, ce qui m’avait amené à la regarder et à l’aborder, n’était pas tant elle que la relation qu’elle manifestait avec son fils, une adoration, une protection, une dépendance, ce n’est plus très précis dans ma mémoire, mais cela me paraissait dérangé. La parabole interrogative du Christ part vraiment d’elle, si elle me courielle n’avoir pas de dieu (minuscule), c’est bien qu’il y a en elle, par son fils probablement, quelque chose qui à la fois l’habite et la désespère. Mais elle est habitée. Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne’. Il répondit : ‘Je ne veux pas’. Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils lui répondirent :’Le premier’. Nous sommes le public du Christ, quand nous entendons cela, nous répondons comme ses contemporains, nous comprenons notre propre inconsistance autant que nos contradictions si seulement nous rentrions vraiment en nous-mêmes, et en étant disponibles au constat que nous ferions. Mais que faisons-nous ? La réponse d’une vie n’est pas la foi, mais ce que je fais, moi, de cette vie qui m’est accordée. Et Paul commente : s’il est vrai que dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on a de la tendresse et de la pitié … que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres… recherchez l’unité. Le prophète aussi : Je ne désire pas la mort du méchant, et pourtant vous dites : ‘La conduite du Seigneur est étrange’… est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? Si le juste se détourne de sa justice, c’est à cause de sa perversité qu’il mourra. Mais si le méchant se détourne de se méchanceté… parce qu’il a ouvert les yeux, parce qu’il s’est détourné de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra. Alors, la réponse du psalmiste… Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours. Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse, dans ton amour, ne m’oublie pas. Vieillissement et perte de mémoire, nous n’avons plus besoin que du présent pour vivre, nous nous y enfonçons et probablement, quoique diminués physiquement et physiologiquement, nous vivons davantage, seule nous est restée la mémoire de nos enfances et jeunesses, et Dieu nous a suivi en cela. Oublie les révoltes… ne m’oublie pas. Contrairement à tout ce que nous disons et voyons, vieillesse et amour vont de pair, ainsi. Nous sommes décapés autant par l’amour que par l’âge, du moins est-ce ce que le bonheur reçu m’apprend. Les malheureux, les incroyants sont bien davantage au seuil que nous, tellement plus aptes à recevoir, soudainement, ou à comprendre, apparemment par eux-mêmes, ce qu’ils avaient et vivaient déjà. Mais pour moi, pour nous … si je puis dire : nous, en pensant/priant avec tant… enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Vous regarder, Seigneur, est la route. Amen.

matin

Il pleut de la globalité. A bon marché. C’est-à-dire qu’en Europe, chez nous, ce sont les politiques seuls qui parlent. Prophètes une fois la catastrophe, là. Aucun en France, au vu de l’affaire Kerviel, n’a eu une analyse de fond sur les métiers de la banque. La réforme de la Commission des opérations de bourse s’est faite entre quelques-uns et selon les vœux des dirigeants de celle-ci. Une fois que l’on a dit qu’il fallait réformer de fond en comble et en identifiant au plus large, c’est-à-dire en se mouillant au minimum faute d’un vrai travail d’observation et de concept réclamant expertise et durée d’examen : le système monétaire international, le système financier international – une fois qu’on a récité les manuels d’histoire contemporaine, Marshall à toutes les sauces que l’aire d’application soit grande (l’Afrique) ou tout de même exigüe (la Géorgie), on en est à Bretton-Woods dont je parie que Sarkozy ne pourrait pas dire deux mots… on n’a guère avancé, car on n’a rien proposé. On n’a pas démonté le système de financement des déficits budgétaires publics de par le monde, les endettements des entreprises, des particuliers et des Etats, on n’a pas regardé les mécanismes permettant de spéculer. Un début cependant – semble-t-il – lors de la réunion franco-allemande de jeudi à Berlin : les marchés à terme.
Dominique Strauss-Kahn après tout le monde mais bien avant 2012, quand même… donne aussi son discours et avertit les Européens que le pire – la baisse de leur niveau de vie à l’Ouest – est devant eux. Lui, il vit à l’extrême-Ouest, maire de sarcelles longtemps mais appartement dans le XVIème arrondissement de Paris..

De la démocratie en Amérique. Le plan de « sauvetage des banques » est concocté par la Banque centrale, avalisé et présenté par le gouvernement d’un président en fin de mandat et pas renouvelable. Il est débattu entre celui-ci et les candidats à sa succession, ceux-ci se rendent à son invitation, ne sortent aucun communiqué ensuite, acceptent. L’affaire se joue entre Républicains, McCain sur la plupart des sujets, et particulièrement sur le thème des « nationalisations » (en réalité des étatisations car les citoyens ne seront pas pour autant propriétaires ni vraiment consultés à l’achat comme à la revente), est bien plus opposant à Bush junior que Barack Obama. Et Bush va l’emporter grâce à ses adversaires nominaux, les Démocrates qui ont la majorité au Congrès. L’Alliance atlantique, le Plan Marshall passèrent ainsi : une politique bipartisane sur les grands sujets, tandis qu’en France, Hervé Morin qui ne tient rien dans nos armées, daube Jean-Marc Ayrault soi-disant mal à l’aise quand les socialites censurent notre engagement en Afghanistan. Résultat dudit engagement : quatre blessés hier parmi nos hommes.

soir

Le doute sur le plan Bush, son montant, son impact, son adéquation à la chronologie des événements.

L’Europe est gagnée maintenant : Fortis « nationalisée » ce soir par le Benelux, l’Angleterre va en faire autant demain pour Bradford & Bindley, les dettes aux contribuables, les guichets au Banco de Santander, l’Allemagne… Le reproche fait à McCain s’applique à Lagarde : les fondamentaux sont solides avait-il dit à la déconfiture de Lehman, la banque universelle à la française plébiscitée commente-t-on, sur commande en France, etc…

Je suis en train de saisir informatiquement mon journal manuscrit d’il y a quarante ans, les anniversaires, un éditeur intéressé, des acteurs de l’époque me conseillent cette publication, façon de voir, façon aussi d’aimer et de regarder la vie quand on la commence… c’était autre. Les dépêches cette nuit de l’A.F.P. sur « la crise financière » : il me semble retrouver le rythme de Mai 1968, mais il n’y a pas de héros. Je me couche…


[1] - Ezéchiel XVIII 25 à 28 ; psaume XXV ; Paul aux Philippiens II 1 à 11 ; évangile selon saint Matthieu XXI 28 à 32

samedi 27 septembre 2008

journal - samedi 28 septembre 1968

+ Samedi 28 Septembre 1968


22 h .

J’ai été reçu à nouveau ce matin . pendant deux
heures . par le Président Moktar Ould Daddah
qui m’a paru assez fatigué .

Plusieurs choses me frappent
- une certaine façon . inconsciente et certainement pas voulue
car je sais depuis un an maintenant que j’ai vraiment
sa confiance – donc une certaine façon de fuir la
question directe et de répondre à côté .
En particulier sur la question PRM . du referendum à faire ou ne
pas faire . Il se sert d’une question pour répondre à une autre .
Ce qui n’est d’ailleurs nullement une façon de camouflage .
car quand je lui demande le document précis . il est prêt
à me le fournir . et au contraire me sait gré de ce souci
de précision .
- un sentiment d’isolement .
Non pas d’isolement politique . Je crois qu’il a une
emprise croissante depuis 4 ou 5 ans sur les événements
et les hommes . Mais un isolement humain .
J’ai été frappé ce matin de ses propos sur le manque
de cadres capables à propos de la régionalisation . Il sent
que c’est là que se brisent ses efforts . Idem pour le
fonctionnement de son Cabinet . Et a contrario . ce plaidoyer
pour expliquer que les jeunes restent malgré tout au pays .

Il a donc conscience de cette limite humaine.
Et puis aussi . très visiblement . quand il juge les autres .
on sent une lucidité extraordinaire sur les hommes
et sur les événements . Il met à nu les pauvretés et
la contingence . C’est net pour les hommes . C’est sous jacent
pour les événements . car la démarche ne peut être que la
même .
Ce n’est pas un homme qui se glorifie lui-même .
et se croit capable de tout . Non . C’est un homme
sans illusion sur ceux qu’il a eus comme collaborateurs .
Il a des affections . des estimes . mais il a été souvent
déçu . Et il n’a pas rencontré cette alliance
du caractère . du patriotisme . et aussi de la
puissance de travail et d’ouverture moderne qu’il souhaite.

C’est un homme de foi . et s’il dit souvent non . et s’il
se rassure ( ? peu lisible ) par des institutions . c’est pour renforcer cette foi
C’est d’ailleurs assez pathétique que cette constitution
portée et voulue par un homme comme lui . d’apparence
chétive et timide . Et comme il pose ( ? peu lisible ) toujours en avant .
la réalité paraît démentir ses souhaits .
En fait . il n’a que quelques années d’avance .
Car si ses souhaits d’aujourd’hui ne sont peut-être pas remplis
encore . ceux d’hier le sont nettement . Et c’est un extraordinaire
succès .

- et la dernière chose . encore que banale .
c’est la confiance et l’amitié qu’il a pour moi .
Mon travail le passionne . Et au fond . plus je pose de
Questions . plus je demande de documentation . plus il
en est satisfait . comme si c’était – et c’en est d’ailleurs une –
une marque de sérieux dans mon travail .
C’est assez difficile à dire . mais l’ambiance de nos entretiens
et tout ce qu’il y a de sous jacent . est extraordinaire .

Il est certain que personne n’aura l’occasion comme moi
d’étudier ce pays . Et qu’une synthèse d’un pays .
comme j’ai les moyens de la faire . est rarissime .
vu la documentation dont je dispose . de tous côtés .

Enfin . et c’est même une immense joie . le Président
m’invite à passer une dizaine de jours à Nouakchott
aux vacances de Noël .
Déjà . mardi dernier . il souhaitait que je rencontre
Sidi El Moktar .
Et aujourd’hui . à ma demande précise de documents .
Il a suggéré que je prenne connaissance des archives de la
Présidence . et de la Permanence . Et que pour cela . je vienne
sur place . Et puis cela me retremperait .
Il me recevra dans sa propre villa d’amis .

C’est évidemment formidable .

Depuis 1965 . la Mauritanie est ma seule joie et mon
seul dérivatif .
Le pays . son étude . son caractère . les gens que j’y rencontre .
Et la confiance qui m’est faite .


+




publié par Le Monde du 27 Août 1975 - Bretons, Basques, Catalans, Corses . une organisation à la carte

publié par Le Monde daté du 27 Août 1975


Les Français ont droit à la différence


Le drame d’Aleria comme les prises de conscience de certains Bretons, Basques, Catalans et d’autres demain, si minoritaires soient-ils dans leur propre village, sont une « chance » pour la France. Ils l’obligent à s’interroger – enfin – sur la nature de son Etat et de sa nationalité.

Notre régionalisation, depuis Vichy, les décrets de 1964 et la loi de 1972 se fait sur un modèle aussi jacobin – c’est-à-dire uniforme – que l’organisation départementale par la Constituante. Modèle jacobin en ce que le sorganismes administratifs locaux, leurs compétences et leur aire d’autorité sont partout les mêmes d’un bout à l’autre du territoire national. Pourquoi ne pas comprendre aujourd’hui que des parties de l’Hexagone tiennent de par leur passé, de par leur potentiel économique original, à s’administrer en vaste région : la Bretagne par exemple, la Normandie (haute et basse) peut-être, tandis que d’autres se contenteraient de structures simplement départementales ou bidépartementales : l’Alsace, la Savoie, que d’autres encore ne ressentent leur homogénéité et leur communion d’intérêts et de problèmes à résoudre qu’au sein d’entités encore plus exigües : le Pays Basque par exemple, bien plus restreint que l’actuel département des Pyrénées-Atlantiques.

Ce pluralisme territorial se doublerait d’une semblable souplesse dans la définition des compétences. Certaines parts de notre territoire veulent faire reconnaître leur personnalité pour des raisons quasi « nationales » : la Corse, la Bretagne, le Pays Basque. Les compétences transférées par l’Etat à ces Français seront donc fort étendues. D’autres régions, telles l’Auvergne, l’Aquitaine, ont davantage que des cultures à promouvoir, une économie à défendre, des investissements à atirer, une population à fixer : elles auront des compétences surtout économiques. D’autres encore, telles l’Alsace, la Lorraine, veulent pouvoir traiter directement et dans des domaines précis (migrations journalières, harmonisation des investissements de chaque côté de la frontière franco-allemande) avec les régions germaniques mitoyennes ; elles auront délégation pour ce faire.Et les Parisiens décideraient enfin de leur urbanisme et de leurs transports en commun.

Sans doute ce pluralisme compliquerait-il l’enseignement des organigrammes. Sans doute ces chartes dont la précision situerait à prportion les responsabilités dévolues aux communautés territoriales, seraient-elles chacune d’un modèle différent. Mais l’administration réelle n’en souffrirait pas, elle se décongestionnerait, deviendrait d’arbitrage, dincitation, de conseil « technique » ; elle ne serait plus gérante. L’échelon se consacrerait à ce qu’il est seul à pouvoir entreprendre et sauvegarder, c’est-à-dire précisément ce que les collectivités territoriales par nature ne peuvent faire elles-mêmes à moins d’admettre le monstrueux abus de la partie sitpulant pour le tout. Abus précisément reproché à Paris stipulant pour des provinces si diverses.

L’unité nationale n’en souffrirait pas davantage, car elle ne serait plus masquée par le quotidien administratif, véritable repoussoir parfois d’une conscience française. La solidarité et la communauté de destin seraient fortement marquées par l’exercice des compétences que précisément les citoyens expérimenteraient qu’ils ne peuvent les exercer au seul échelon de leur communauté locale. D’ailleurs, notre Constitution, implicitement, prévoit cette novation de l’Etat et sa plus grande décentralisation possible, et cette unité nationale dont le ciment serait le consentement et non plus la contrainte et la routine. Les compétences nationales sont essentiellement celles décrites par l’article 5 de la Constitution et définissant le rôle du président de la République, précisément élu directement par l’ensemble de la nation. Le Premier ministre verrait son existence encore plus justifiée qu’aujourd’hui, puisqu’il exercerait toutes les compétences « administratives » que les collectivités territoriales ne peuvent exercer que peu ou pas du tout à leur niveau.

L’Etat retrouverait sa vocation première : maintenir, en les « entourant », l’unité des divers peuples et terroirs de France. A lui alors d’imposer, entre les collectivités de tailles et de ressorts si différents, les solidarités financières, les causes communes qui sont l’intérêt de tous. Bien entendu, la « rénovation » du Sénat proposée par le général de Gaulle en 1969 deviendrait une évidence, puisque ces communautés locales devraient avoir – face à la représentation nationale maintenue dans son mode jacobin d’aujourd’hui – une représentation conforme à leur pluralisme et à l’exclusivité de leurs compétences propres. Eduqués à la gestion de leurs affaires terrioriales, les Français s’orienteraient naturellement – sans contrainte législative illusoire, sans freins syndicaux rétrogrades – vers des modèles d’autogestion analogues dans leurs autres communautés que sont l’ « ensemble résidentiel », l’entreprise, le circuit local de la consommation et de la vente.

Pour que les citoyens ne s’absorbent pas pas dans ces gestions quotidiennes – qui sont cependant la seule chance collective d’échapper au gouvernement par ordinateur, sondages d’opinion et contrainte publicitaire qui nous menace, – pour conduire les Français à voir loin et grand, il est clair que l’unité nationale, dépouillée de ses vestiges autoitaires, n’a d’autre fondement que l’indépendance, déjà reconnue, dans la conduite des affaires locales. L’indépendance nationale doit être – dans cette France réorganisée, rendue à chacun des Français – le leitmotiv du discours politique, de la formation civique, de la décision économique, de l’organisation sociale. C’est cette indépendance qui justifie seule l’unité nationale et l’existence de l’Etat. Ne pouvant défendre cette indépendance pour lui seul, ou pour son seul terroir, le citoyen ne peut croire en la France que si celle-ci est la réalité première, la fin ultime de tout geste, de toute action, de toute ambition politiques.

On en est loin aujourd’hui. Et ce n’est pas une coincidence si l’idée régionale – surtout sensible dans les périphéries de notre Hexagone – fleurit dans le même temps qu’on nous éduque par tous moyens et tous les raisonnements à l’atlantisme et à l’européisme, qu’on nous prêche donc la mort de la France. L’ « imagination au pouvoir » – si elle refuse, comme aujourd’hui, le souhaitable et même l’utopie, si elle n’entend pas que sa responsabilité est de rendre possible ce que souhaitent les citoyens – sera bientôt le miroir aux alouettes. Le « soutien de l’activité économique » suppose la mobilisation des cœurs et des esprits, leur consentement à l’Etat et à la politique. Ce consentement, les minoritaires, les plastiqueurs, les clandestins du désespoir – qui n’ont plus que ce langage, nous en indiquent la voie. Bien maladroitement peut-être, criminellement quelquefois.

Inquiétude & Certitudes - samedi 27 septembre 2008


Samedi 27 Septembre 2008

Le droit à la différence, ou le séparatisme : la question basque ? Corse et Bretagne signifient bien moins que le pays Basque

Le contribuable américain, nouvel Atlas

Nicolas Sarkozy, bon élève de primaire mais pas prophète

Le Parti socialiste prépare la réélection du vainqueur de 2007

La Russie après vingt ans d'humiliations et de frustrations, a cessé d'être patiente



Le croissant de lune au-dessus de ‘Minnohar me Mamm’, brillant et vif, tout d’argent, encore fin. Sur le ciel pâle, les étoiles d’Orion désormais seules, le baudrier bien net et Sirius toujours évidente. Prier…[1] réjouis-toi, jeune homme, dans ton adolescence, et sois heureux aux jours de ta jeunesse. Suis les sentiers de ton cœur et les désirs de tes yeux. Mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera au jugement. Je cherchai alors ces sentiers et ne les trouvai point, mes désirs étaient indistincts, ils embrassaient tout et n’étreignaient, ne sentaient finalement rien ni personne. Quant au jugement, trop occupé à me débattre sans aucun repère ni structure que ceux de l’échec et l’échec me venait de la non-correspondance et de la non-réponse des autres que jappelais d’amour et qui me renvoyaient des questions analogues aux miennes, et sans doute vêcues dans la même ambiance de cécité et de lumière mêlées et vagues, le jugement m’était complètement hors de vue. Le jugement vient des hommes, de la société et des conséquences des actes ou des omissions que nous avons posés à ces débuts d’exercice de notre liberté. De Dieu, nous n’expérimentons que la suite, qui est sa miséricorde et – selon mon expérience – toujours la seconde chance. J’ai vu parmi ceux que j’aimais le plus et connaissais le moins mal, tous les signes d’une prédilection divine, en tout cas de vocations religieuses éclairant leur vie, la prenant entière et leur donnant enthousiasme et assurance (trop peut-être, je regardais, enviais, partageais et écoutais), mais aujourd’hui, ils expérimentent dans l’au-delà ou ici-bas seulement la miséricorde, le chemin a été une impasse ou s’est barré ou ils l’ont barré. Les jours mauvais… les années dont tu diras ‘Je ne les aime pas’, ce sont eux qui m’ont déversé, comme d’un brancard, celui de mes fortunes et dissipations, déversé dans le bonheur et la chaleur de celles que Dieu m’a données pour enfin vivre. J’espère alors que viendra le plus tard possible ce moment – splendidement décrit par l’auteur de l’Ecclésiaste,les pleureuses sont déjà au coin de la rue… le fil d’argent se détache… la lampe d’or se brise…la cruche se casse à la fontaine… la poulie se fend sur les puits, avant que la poussière retourne à la terre comme elle vient, et le souffle à Dieu qui l’a donné. Au contraire, ce que j’ai lu de Christiane S. ou entendu de Dom Gaston témoigne de ce que la mort est lumière et s’annonce par de grandes et heureuses récapitulations et découvertes en nous et autour de nous, la mort nous transfigure par avance. Dom Amédée fut ainsi aussi. Jésus seul – parce qu’il est Dieu – fut défiguré mais par les hommes et par nous, Ecce homo… Le temps, mesure commune à l’homme que je suis, que sont les miens, et à Dieu : reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? La conscience du temps nous rapprochant de Dieu, nous donnant le décalage, la dépendance, le désir et donc la disponibilité à L’accueillir. Tout notre chemin, toutes nos voies spirituelles ne sont possibles, ne nous sont ouverts que par l’incarnation du Fils de Dieu, Sa mort et Sa résurrection. Plus nous Le regardons, parfait, complet, attirant, plus Il insiste sur Son destin terrestre, sur la rançon de notre liberté : le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes.

Cà y est, le pays Basque va devenir un de nos soucis majeurs. A la fin des années 1960, les attentats contre des bâtiments publics en Bretagne ne furent plus des protestations paysannes, mais la marque d’un régionalisme se voulant un nationalisme. Les discours du général de Gaulle à Lille, sa patrie, puis à Quimper où il avait des ascendants, traitaient de la question et mirent une nouvelle organisation et la décentralisation au referendum. La Corse est devenue – d’abord dramatiquement, puis banalement chronique – depuis la fusillade d’Aleria, dix ans plus tard. J’ai alors pensé et écrit que « les Français ont droit à la différence ». Ce qui anticipait de trente ans le « droit à l’expérimentation », intelligemment proposé par Jean-Pierre Raffarin en tant que Premier ministre et inscrit dans notre Constitution parallèlement avec la proposition référendaire – dans la seule région Corse – d’une nouvelle organisation. Que la réponse ait été – là – négative n’enlève rien à l’importance et à la mouvementation du débat. La question basque nous a paru – de topujours – une question espagnole. L’horrible guerre civile outre-Pyrénées de Juillet 1936 à Avril 1939 a d’abord eu cet enjeu : le séparatisme. Chroniquement, nos provinces du Midi ont d’abord abrité les républicains et les résistants espagnols à Franco, puis les Basques des deux côtés de la Bidassoa ont forcément marqué leur solidarité, les espagnols à l’aise chez les Français, et les Basques ayant leurs arrières en Bretagne depuis plusieurs années. Nationalistes de tous les pays, unissez-vous… Nous entrons dans une nouvelle phase, me semble-t-il en ce sens que notre pays Basque n’est plus un simple refuge et que l’entente des polices espagnole et française ne peut continuer de passer pour un maintien de l’ordre et une lutte ensemble contre le terrorisme. Nous devons ouvrir les guillements si nous ne les avions pas mises auparavant à ce mot qui conduisait au peloton d’exécution pendant l’occupation allemande et à la médaille de la Résistance à la Libération. Il y a maintenant du monde, des Français, au pays Basque pour vouloir quelque chose qu’il va nous falloir comprendre et vite. L’Europe ne fonctionne plus depuis Maastricht, ses seules décisions ont été de militer partout, et notammentt chez nos voisins et protégés d’Afrique et de Méditerranée pour l’O.M.C. ce qui détache ceux-ci de nous, auparavant généreux avec des préférences commerciales dissymétriques, et d’élargir l’Alliance atlantique au risque de faire revivre l’expansionnisme russe. Ls rapports franco-espagnols sont en question, la substance de l’Espagne l’est depuis longtemps, la nôtre pourrait le devenir et ce ne sera pas une affaire Rossi-Clavier.

McCain, au détour de la campagne présidentielle et indépendamment des circonstances et de la médication de la crise financière américaine, pose la question du déficit public des Etats-Unis : 490 milliards de dollars en 2009. Le budget français, lui, sera en déséquilibre de 52 milliards d’euros… Naguère, la question monétaire internationale se résumait au déficit de la balance des paiements américaine. Aujourd’hui, qui la résume ? alors que l’ouverture des marchés asiatiques commande Wall street bien plus que celle des bourses européennes, que le dollar continue – et de très loin – à primer toutes les autres monnaies du monde qu’il soit faible ou fort, que l’euro. vaille un dollar et demi ou seulement quatre vingt cents. Le même McCain a affirmé, il y a trois semaines, c’est-à-dire avant cette semaine, qui a été de la prise de conscience de tous les gouvernants du monde, qu’il fallait que les marchés et la bourse des Etats-Unis restent dominants et la référence mondiale. La médication trouvée en catastrophe par Bush junior ressemble au plan Marshall, pas seulement par les montants en jeu, mais par cette solitude américaine – qui n’est pas que le prix de l’hégémonie – faisant porter au contribuable d’outre-Atlantique la garantie de l’épargne de certains de ses compatriotes et de la solvabilité des institutions financières nationales, et comme celles-ci avec les marchés qui les accompagnent, sont la référence mondiale, le contribuable américain a sur le dos comme Atlas la terre entière. Ne pouvant quand même tout porter mais garantissant à terme les bons du Trésor, il est le vecteur le plus solide de Washington vers ceux qui acceptent ces bons, la Chine et le Japon, pourtant tant redoutés par l’opinion américaine. Le comprenant parfaitement, mais sachant qu’il n’y a pas de rechange pour le crédit américain, McCain focalise en politique extérieure sur la Russie. Ce qui ne coûte rien puisque les éventuels dommages collatéraux en matière de voisinage quotidien seront l’affaire des Européens. Ceux-ci – un jour de plus – laissent les Américains se dépatouiller seuls dans la gouvernance mondiale. C’est ce que nous appelons – selon le président en exercice de l’Union européenne – prendre nos responsabilités.

Les discours de Sarkozy feront sans doute l’objet d’anthologie, ils n’ont guère été psychanalysés et il ne s’agit pa seulement de la si insistante première personne du singulier (sous Louis XIV, elle était au pluriel et cela indiquait aussi que le roi gouvernait en conseil, son absolutisme ne signifiait que l’indépendance de la France vis-à-vis des deux internationalismes de l’époque, le Saint Empire romain germanique et le Saint-Siège). Mais leur impact politique est de plus en plus faible Abdoulaye Wade mercredi devant l’Assemblée générale des Nations Unies revient sur le morceau qui a rendu célèbre Henri Guaino : le Sénégalais ironise (avec un évident plaisir) sur le nègre qui a planté le président de la République française en début de mandat et surtout en premier voyage fondateur. La nouvelle relation n’a pas suivi puisqu’elle est en train de dépendre des tribunaux de Dakar après avoir défrayé l’audiencier de N’Djamena. La presse sur le discours de Toulon, jeudi soir, est unanime, au point que le Premier ministre a dû donner un « annule et remplace » : l’unité nationale est un peu facile à invoquer, mais il y avait du fond. Tandis que Nicolas Sarkozy n’avoue que maintenant, François Fillon avait un été d’avance en nous proclamant en faillite. Les autres discours : finance internationale réglées par un sommet ad hoc et la mise au pain sec des patrons déficients, ou la compostion du Conseil de sécurité qui fait question depuis que l’Allemagne s’est agrandie d’elle-même, que le Japon donne la sensation de n’être plus du tout celui d’avant, et que ces deux pays sont les plus fortes économies du monde, ces autres discours, mal dits, font « patch-work ». Nicolas Sarkozy a de la tactique pour se faire suivre par ses ministres, de la stratégie pour se faire élire (et réélire : quoiqu’il soit à 35% de popularité mensuelle, il serait sûrement réélu encore aujourd’hui), mais il n’a pas le sens de la perspective et n’est donc pas prophète. Or les relations internationales ont besoin d’un avenir riant et différent à viser, et un pays doit rêver à ce qui pourra le reconstituer.

Les socialistes : deux courses qui ne sont pas, censément, les mêmes. Le premier secrétariat – je continue de me demander pourquoi on en décharge François Hollande, car le Parti étant ce qu’il est, du fait de ses concurrences au sommet et de sa pratique démocratique à la base, personne ne l’administrera mieux que l’ex-compagnon de Ségolène Royal. La candidature à la présidence de la République, pour laquelle Dominique Strauss-Kahn – aussi peu prophète que Nicolas Sarkozy – en quinze mois de nouvelles fonctions, serait ajourd’hui le mieux placé, devant Bertrand Delanoë et Ségolène Royal. Surprenant, Benoît Hamon toujours pas élu à Auray, mais bénéficiant des positions d’appareil au Parlement européen, est en 5ème position avec 6% de vœux. En marge Christophe Cambadélis stigmatise le « faux pas » de Michel Rocard, lequel ? Les deux courses mènent, pour le moment à l’échec. Aucune réplique, coup par coup, aux projets et aux gestions du pouvoir en place. Aucune alternative intelligible et perceptible pour l’opinion générale. Surtout aucun sens des circonstances et du rythme, car la France ne peut continuer encore près de quatre ans à être gouvernée et incarnée comme elle l’est en ce moment. C’est en ce moment que 2012 s’anticipe ou se joue.

La Russie – qui n’a plus qu’une semaine pour honorer ses engagements en Géorgie – propose autre chose, un sommet sur la sécurité collective en Europe, c’est le langage des années 1930 et 1940, comme s’il n’y avait pas eu la conférence fondatrice d’Helsinki, en 1973 – où se confirma l’illustration de Michel Jobert, pour la France, et où commença le compte à rebours du dégel et de la détente, qui pouvait, aussi, être celui de l’unité européenne. L’ordre du jour proposé par Moscou commence par le Kosovo… Les relations internationales sont dominées par l’émergence, à tous égards, y compris olympique, de la Chine, émergence après cent soixante ans de frustration et d’opiniâtre patience pour déchirer « les traités inégaux ». Nous sommes en train d’apprendre la patience russe et de comprendre la frustration des nationaux d’un empire formidable qui s’est effondré en 1989-1990 sans que nous en tirions d’autres conséquences que d’attirer à nous les morceaux apparemment disponibles. C’est l’erreur de notre génération, une telle chance et une telle cécité.

[1] - Ecclésiaste XI 9 à XII 8 ; psaume XC ; évangile selon saint Luc IX 13 à 15