Observation & réflexions
014
Lundi 2 au mercredi
4 Décembre, à Paris VIII (délocalisation de l’université
« expérimentale » implantée en Août 1968 par Edgar Faure dans le bois
de Vincennes), j’assiste aux différentes « A.G. » et à une
conférence-débat réunissant présidents d’université, vice-présidente de l’UNEF,
secrétaire général du SNESup. ; j’y comprends que la « loi
Pécresse » et les « souhaits » d’une « démocratie
irréprochable » sont de même inspiration
Gala :
« la première dame idéale pour Nicolas Sarkozy »… Point de
vue : entretien avec la mère du
président de la République (« il n’a pas besoin de se remarier »)
Mardi 4 Décembre,
les premiers votes pour la « refonte » du Code du travail, ne peuvent
intervenir à l’Assemblée nationale faute qu’il y ait assez de députés présents
Mercredi 5
Décembre, Jack Lang à Matignon, on le croit, pour la énième fois, entrer au
gouvernement
Jeudi 6 Décembre,
pas 10.000 étudiants dans la rue
Vendredi 7
Décembre, terminant de lire les propositions du « comité Balladur »,
je constate que la limitation à deux mandats de l’exercice des fonctions
présidentielles n’y figure pas ; lisant la lettre adressée par Nicolas
Sarkozy à François Fillon, l’un président de la République, l’autre Premier
ministre, je n’y vois pas la moindre marque de la relation intime produite par
du travail ensemble et des rencontres plusieurs fois par semaine ; y
figurent le rétablissement du vœu présidentiel initial de la limitation à deux
mandats et la renonciation à toute réécriture des articles 5, 20 et 21
définissant les fonctions du président de la République et du Premier ministre
Samedi 8 .
dimanche 9 Décembre, absents ensemble du territoire métropolitain
Lundi 10, la CGT
retire son mot d’ordre de grève à la RATP.
Lundi 10, journée
des droits de l’homme : arrivée du colonel Khadafi à Paris ; Bernard
Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, prétexte une réunion
à Bruxelles pour ne pas dîner à l’Elysée et Jean-François Copé indique qu’il ne
pourra – le lendemain - être dans l’hémicyle du Palais-Bourbon quand le Guide y
entrera parce qu’il préside la réunion hebdomadaire du groupe parlementaire
dans une autre salle ; Rama Yade est félicitée par Ségolène Royal pour ne
pas se taire, elle est ensuite reçue par le président de la République pour
avoir à se taire ; Bernard Laporte, secrétaire d’Etat aux Sports (sans la Jeunesse) préconise un service
civique obligatoire.
Le président de
la République additionne publiquement les milliards d’euros en contrats signés
à l’occasion de ses voyages au Maroc, en Chine, en Algérie, et de la visite
officielle de Khadafi en France ; compte-t-il les ventes d’Airbus en
convertissant les dollars et les considère-t-il comme une exclusivité
française ? les syndicats d’Alcan et d’EADS en France s’inquiètent des
projets de délocalisation par leurs entreprises respectives
Mardi 11, la CGT
retire son mot d’ordre de grève la SNCF
Dimanche 16,
Nicolas Sarkozy à la « une » en compagnie de Carla Bruni
Subjectifs ?
indices de mise en place d’une
« dictature » ? tandis que le fond des choses n’est pas traité
Il y a plus
d’intuition et de véritable ténacité chez les Français que chez leurs
dirigeants.
Chez les
premiers, l’angoisse du présent et la prévoyance de l’avenir. L’exigence du pouvoir d’achat – auparavant on disait plus
nettement : niveau de vie et crûment il s’agit des salaires – qui peut
faire l’union d’ensemble des Français jusques dans la rue, sans qu’il soit
alors possible aux gouvernants de dénoncer le corporatisme des uns ou la
paresse des autres devant des propositions de réforme. Maître du calendrier et
des échéances jusques là, qu’il a ponctués de coups de théâtre, de lettres de
mission et d’installation de comité de proposition à un rythme tel et dans tant
de directions qu’on n’a guère que la sensation d’une
« omni-présence » très commentée par les professionnels, Nicolas
Sarkozy a été davantage pris au dépourvu par cette prise de conscience de
Français que par les aléas de la mobilisation contre la réforme des régimes
spéciaux de retraite et contre la loi censée augmenter les libertés et les
responsabilités des uiversités (loi Pécresse). S’il a pu dire à la cantonade
son souhait d’une croissance de 3%, le nouveau président de la République – peu
édifiant pour le fond de son discours devant le MEDEF en « université
d’été » - est encore moins à l’aise à propos du pouvoir d’achat. Or, les
Français en constatant que celui-ci baisse et que le niveau (autant que le
coût) de leurs retraites est également en question, énoncent avec simplicité la
cause première de la baisse de la consommation nationale. Paradoxalement, cette
baisse pourrait atténuer le déficit désormais structurel de notre commerce
extérieur, mais le cycle serait – est déjà – morbide. Nous ne tenons plus que
par les ventes d’Airbus, ce qui confirme qu’un pays n’est exportateur que s’il
a chez lui un outil de production et un savoir-faire tel qu’on ne peut lui
voler ni marchés ni sites. Or, l’obsession angoissée de cette vente des
derniers grands bien d’équipement que la France produit encore (aéronautique et
nucléaire) nous amène à d’évidentes contradictions en relations internationales
et induit les prochaines délocalisations : Renault augmentera selon le
marché russe, à la manière dont elle évait récupéré par le rachat de Nissan, un
certain équilibre et une certaine taille, EADS va se situer en Chine, autant à
cause du dollar que comme contrepartie exigée par une Chine qui attend surtout
les transferts de savoir-faire car au point où elle est, ce n’est pas l’emploi
des siens qui la hante.
Face à cette lucidité des Français et dans l’engrenage où
est la France sans outil de production et sans propension à la croissance
économique, la classe dirigeante a l’esprit tout à fait
ailleurs et le manifeste. Les ministres qui ne sont pas candidats aux
prochaines élections municipales font exception : où sont les lancinants
affichages contre le cumul ? Le patronat s’acharne à obtenir du
gouvernement une force de travail qu’il est regrettable de salarier mais
possible de désarmer complètement, en droits et en organisation
syndicale : où peuvent se trouver les consommateurs s’il n’y a plus de
sécurité et de progression des salaires ? Les médias sont l’objet de
rachats ou de crises stratégiques : Le
Monde en question après que ses rédacteurs aient basculé un directeur au
pari industriel et financier perdu, et un président de conseil de surveillance
aux multiples rentes de situation, les deux quotidiens économiques changeant de
mains pour être davantage encore situés, la névralgique Agence France presse menacée de privatisation, l’audo-visuel public
sans investissements et en énième réorganisation. Parade, le
« people ». Après six mois d’une « fascination » imposée
pour la famille « recomposée » qui est entrée à l’Elysée – avec deux
personnages-titre, la « première dame de France » dont on n’a appris
que rétrospectivement qu’elle avait toujours déclaré forfait, un fils amateur
de théâtre et sans gène en accident de la circulation – commence un autre
feuilleton, celui d’Ingrid Bétencourt, dans lequel, avec le script des
infirmières bulgares, Nicolas Sarkozy s’est introduit tellement en force qu’il
lui faut une doublure, le Premier ministre l’assure par des voyages et des
entretiens en Amérique latine qui auraient pu avoir d’autres thèmes et une
utilité. Il est probable que notre demi-compatriote y gagne sa libération et
mais pas certain qu’elle donne le rebond dans les sondages qu’en attend le
pouvoir : Jacques Chirac et Charles Pasqua avaient cru pouvoir gagner
l’élection présidentielle de 1988 grâce aux otages « libanais ». Et
cette nouvelle saga, devenue
incertaine de dénouement, a aussitôt son substitut avec ce qui ne peut être
qu’une grande science des coincidences de dates. La liaison du président de la
République avec une vedette met fin brusquement aux commentaires de la
visite-choc du premier libyen, de même que l’annonce du divorce avait pris le
devant d’une scène que la première phase de la contestation des réformes aurait
dû avoir. La rétrospective remet tout en place, la journée de grève du 15 Octobre
a été une des plus fortes mobilisations que le pays ait connu depuis des
décennies dans le service public et les amours du chef de l’Etat passent et se
succèdent, demeurent seuls un type de femme au visage lisse et glacé comme une
belle cire et un rapport avec le « beau sexe » qui a une application
politique puisque les personnages-clés du règne : la Garde des Sceaux, la
ministre de l’Economie, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, la
secrétaire d’Etat à la ville, la secrétaire d’Etat à l’écologie, la secrétaire
d’Etat aux solidarités, toutes des commençantes mais de grande présence
médiatique et de bel appétit pour cumuler les places et les fonctions, sont des
femmes. François Fillon et Jean-Louis Borloo paraissent des figurants.
La mise en scène
– ludique et égotique – est pourtant celle d’un texte difficile. Mais elle
accapare le commentaire et détourne du fond des questions posées au pays. Nous
en restons donc au préalable de savoir nous conduire.
C’est dans ce contexte d’urgences nombreuses – et dont
beaucoup de nous jugent qu’elles sont désespérées – que s’essaye et tente de se
constitutionnaliser une nouvelle manière de gouverner. Paradoxalement hors la
loi, car cette manière est – entre autres – une multiplication des textes. Une
nouvelle manière de négocier, faisant école : celle de la carte forcée,
second paradoxe. Le troisième, sans doute peu souhaité ni par le pouvoir ni par
les figurants politiques et même syndicaux (tant patronaux que salariés), est
qu’une réaction se discerne, encore très faible d’expression mais qui considère
– presque sur la table rase – les manières de nous conduire et de débattre
collectivement. Il se peut qu’il en surgisse des rapports des force – puisque
le terme et le thème sont à la mode – inattendus, et que de là résultent
quelques propositions de politique économique et sociale dont le système
français n’a plus été capable depuis une vingtaine d’années. Période d’inaction
et d’absence d’imagination qu’a fortement qualifiée le nouveau président de la
République pendant sa longue campagne électorale et depuis sa prise de
fonctions, qu’il vaut mieux appeler prise du pouvoir. Les Français, pour le
moment, continuent de « coller » à sa son analyse et à ses
médications. Je crois que les lacunes et les inadéquations des autres vont
changer cette adhésion en critique, d’autant que Nicolas Sarzkoy revendique
fortement en être l’auteur et le responsable.
Les « choses » vont donc bientôt commencer.
I – Outil-type
d’analyse : la visite officielle de Khadafi en France
Leçon d’une semaine qui a peu de précédent dans l’histoire
diplomatique récente. Elle permet la première auscultation, en détail, de notre
nouveau régime.
Ce qui est défectueux dans notre vie et notre action
nationales – actuellement – n’est pas imputable qu’au président de la
République. Tout y concourt. Et d’abord l’absence de cohérence et de mémoire
chez tous les protagonistes, Nicolas Sarkozy ayant l’avantage scénique de ne se
connaître aucun précédent ni prédécesseur et justifiant toute initiative par
son utilité pratique.
Revendiquer le rééquilibrage de la balance commerciale
française et comptabiliser en emplois industriels les contrats signés en
coincidence de ses voyages à l’étranger ou de la venue du premier libyen, est
un affichage. François Mitterrand, sans être dupe ni le revendiquer, l’a
inauguré : remplissage des avions, délégations pléthoriques, problèmes de
protocole y compris pour la sécurité que George Bush senior raconte avec
ironie. Claude Chirac en a rajouté pour son père et y a gagné son actuelle
situation de repli. Nicolas Sarkozy en fait le lien dialectique entre la
demande nationale de pouvoir d’achat et de maintien de l’emploi et une
politique étrangère en harmonie avec celle des Etats-Unis. Il revendique non
seulement les signatures (ou les promesses et évocations) de contrat
s’échangeant en coincidence (sollicitée) de dates avec ses propres éphémérides,
mais l’addition est plus précise encore que les montants engrangés, on compte
les emplois. Khadafi en France, c’est 30.000 emplois pour cinq ans… Guère
possible d’aller plus loin dans la prestidigitation.
Sur le fond : notre balance commerciale est
structurellement déficitaire parce que nous n’avons plus d’outil de production.
Les « fabuleux contrats » sauvent les apparences pour un exercice, le
flux constant ne peut être qu’un effet de grand nombre : nous ne l’avons
plus et toute relance qu’elle soit des investissements industriels ou de
la consommation des ménages (y compris leur équipement) augmente nos
importations. La plupart de nos partenaires de l’Union européenne exportent
sans spectacle politique, et le travail de couloir, voire divers chantages sont
menés par les Américains dans la discrétion. Nous faisons exception et ne
compensons pas pour autant notre retard statistique. Pour des idéologues de la
liberté de l’entreprise et du découplage entre l’Etat et les choix des grands
acteurs économiques, le système de Nicolas Sarkozy est paradoxal, à moins que
les relations de personne à personne servent à établir un nouveau système
politique, bien plus qu’à rendre cohérente notre manière de conduire
collectivement l’économie.
La critique de « l’euro.
fort » n’est recevable que venant d’E.A.D.S. ou de l’Allemagne – qui
exportent, pas de nous, qui ne savons plus nous y prendre. La moindre expérience des échanges extérieurs fait savoir
qu’un contrat d’importance ne se signe qu’au bout d’un long processus. Il est
probable que même les contrats libyens ont plus d’ancienneté que le début de
l’actuel mandat présidentiel, c’est certain pour tous les autres. La France
pâtit de la perte de ses entreprises et de ses sites industriels, elle n’a su
conserver aucun de ses avantages, aucune de ses avances : erreurs
stratégiques des gouvernants depuis qu’en 1986 la droite s’est vengée des nationalisations
de la gauche, erreurs ou intéressement personne des dirigeants d’entreprises
préférant la « croissance externe », le jeu des fusions-absorptions,
plutôt que la conquête de nouvelles technologies et de nouveaux marchés.
Nicolas Sarkozy n’a pas posé ce diagnostic,
ne traite pas notre mal à cette racine, ne joue pas le redressement par
la concertation européenne. Exception Airbus
mais l’avionneur se délocalise hors d’Europe, c’est sans doute une des
clauses des contrats chinois et les recapitalisations et coopérations, qui
commençaient de s’esquisser avec un partenaire décisif : la Russie, vont
se faire vers les acheteurs arabes et donc accentuer notre vulnérabilité
vis-à-vis de Boeing. Je gage qu’avant
dix ans, les deux avionneurs se seront entendus au détriment de l’indépendance
européenne. La privatisation a été faite par Lionel Jospin et Dominique
Strauss-Kahn. Et EADS publie carrément une logique de moindre solidarité avec
son avionneur et de croissance externe – penchant et faute qui sont devenus la
psychologie courante de nos dirigeants d’entreprise.
Le nucléaire civil autour de la Méditerranée sur
propositions de la France. Le nucléaire militaire – acquis en d’autres temps
par Israël puis par le Pakistan, devenu ensuite très proliférant (Iran et Corée
du nord, selon l’aveu du « père » de la bombe pakistanaise) – a été
fourni officiellement ou secrètement par la France. L’Afrique du sud, au temps
de l’apartheid, a été également notre bénéficiaire. Logique des contrats qui
n’est donc pas nouvelle. Mais alors comment prétendre sanctionner l’Iran,
surtout si les services de renseignements américains et l’Agence internationale
pour l’énergie atomique s’accordent pour assurer que la République islamique,
même si elle en la possibilité technologique, ne poursuit pas actuellement ses
programmes militaires ? nés des technologies civiles. Je demande depuis
longtemps au nom de quoi l’arme atomique est légitime aux mains de certains
Etats et pas d’autres. La pétition d’irresponsabilité ou d’agressivité des candidats
à cette arme n’est plus recevable depuis que la première puissance nucléaire
militaire du monde est manifestement agressive : Irak… La logique
d’indépendance qui, dès avant le général de Gaulle, fit choisir à la France de
posséder, elle aussi, l’arme censément suprême, a sa légitimité partout sauf à
revenir à une autre – soviétique ou coloniale – selon laquelle il y a des Etats
et des peuples moindres… des souverainetés limitées, voire abdiquées.
Nicolas Sarkozy ne dit donc pas toutes les conséquences de
ses choix et les retombées de ceux-ci sont politiquement avérées, mais moins
liées économiquement qu’il ne le prétend.
Les critiques ne
lui sont pas supérieurs en logique, en mémoire et en cohérence.
Ségolène Royal oublie son propre voyage en Chine et ses
observations aventurées sur la justice de ce pays. Il semble qu’elle ait
traité, aussi, des contrats guignés par AREVA. Féliciter Rama Yade pour un
entretien de presse et quelques fortes expressions, puis la presser de
démissionner en conséquence, c’est oublier le « trouble » affiché par
Laurent Fabius, Premier ministre, quand François Mitterrand reçut, sans
beaucoup de consultations préalables, le général Jaruzelski. Approche utile qui
permit aussi bien à Jean Sauvagnargues qu’à Roland Dumas d’établir nos
relations avec Yasser Arafat, malgré une opinion publique à l’époque très
prévenue contre le Palestinien : de Gaulle lui avait pourtant écrit en
Octobre 1969 que son combat lui rappelait le sien, depuis Londres en 1940…
Bernard Kouchner et Jean-François Copé ne sont évidemment pas glorieux, mais au
total cette « cacophonie »
dans le gouvernement et dans la majorité parlementaire – que dénonce facilement
l’opposition – sert le président de la
République qui ne se formalise pas de ces dédouanements : le pluralisme,
la liberté d’expression sont ainsi manifestés, sans frais. Ce sont les
démissions – seules – qui le gêneraient et le désavouerait. Ni la secrétaire
d’Etat aux droits de l’homme ni la secrétaire d’Etat à la ville ne songent à
quitter le gouvernement et quelques imprécations – rituelles – sur la gauche (qui…
et que…) font tout pardonner. Le rôle est tellement convenu, la secrétaire
d’Etat a tellement répété le sketche, au risque du comique de situation, qu’il
y a donc des fonctions gouvernementales d’affichage au recrutement et de mises
en scène quand le jeu – qui devient celui de la France – demande à être
bivalent.
Cela donne – très malheureusement – un style vraiment
nouveau aux réceptions officielles en France. Voilà qu’à l’arrivée de l’hôte
officiel, ce n’est pas l’échange des bienvenues qu’on entend, mais un plaidoyer
du président de la République directement devant l’opinion pour fonder le choix
d’accueillir celui-ci. Voilà que les deux partenaires au lieu de s’enfermer
dans le huis clos, seul productif d’une connaissance mutuelle (dont pourtant
avait auguré l’enlèvement des infirmières bulgares en Juillet), donnent à leurs
opinions respectives le spectacle d’un dialogue dissonnant. Voilà que pendant
le séjour chez nous d’un chef d’Etat étranger, le pays, la classe politique
entrent en ébulltion, sondages et manifestations, que les choses sont ajustées
heure par heure part de nouveaux communiqués, par de nouvelles entrées en scène
et par des audiences ou des séances de l’un et de l’autre complétant ou
contredisant pour la scène nationale de chacun ce qui se dit entre les deux
partenaires, au point que ce dialogue-là paraît ce qu’il est sans doute :
sans contenu ni portée. Comme si ce n’était pas assez dégradant, la pièce est
jouée avec un premier rôle qui – pour une fois – n’est pas Nicolas Sarkozy,
totalement surclassé par un homme dont le patibulaire donne le change. L’homme de Syrte est d’une dialectique
supérieure, d’un sang-froid total et maîtrise les médias comme la plupart des
personnalités « occidentales » pourraient l’envier. Car le problème
de cette visite du colonel Khadafi chez nous ne tient pas à la personnalité
reçue mais à celle qui invite, l’actuel président de la République. Nicolas
Sarkozy, en effet, a été élu dans une ambiance (ou malgré une ambiance) le
suspectant – précisément – à propos des droits de l’homme. Ministre de
l’Intérieur, il n’a pas donné la preuve que c’était son premier souci. La
France de cette décennie, tous gouvernements confondus, est mal placée pour donner
des leçons d’égards envers les personnes et envers les nécessiteux : la
scandaleuse série, inaugurée plus en parole à l’époque qu’en acte par Charles
Pasqua, ministre de l’Intérieur de la première « cohabitation », a
vraiment commencé avec les « charters » d’Edith Cresson, Premier
ministre… La question des « sans-papiers » est récurrente, à laquelle
ajoute les formalités nouvelles – le plus souvent ridiculisantes pour nous –
qui sont imposées à ceux qui, de l’étranger et parfaitement en règle, doivent
justifier de leur francophonie (cas grotesque d’une jeune québécoise) ou subir
une journée d’éducation civique (cas d’une jeune urguayenne sortie dans les
premiers de Sciences-Po. Paris…) : la France est pandore. Le succès
d’estrade de Mouammar Khadafi, chez nous
et devant un public africain, était à prévoir. Notre hôte ne s’en est pas
privé. Parler des droits de l’homme – si
tant est ce que ce soit sujet alors qu’il est tout, et uniquement, de pratique
vérifiable – suppose que l’interrogateur soit absolument sans reproche. La
France de Nicolas Sarkozy ne l’est évidemment pas. Les extraditions
d’anciens brigadistes italiens nous parjurent, la parole donnée par François
Mitterrand fut pour la première fois transgressée quand Nicolas Sarkozy arriva
place Beauvau [1] et c’est
pendant le séjour du Libyen que s’est joué le sort de Marina Petrelli.
Les seuls
conséquents – dans l’affaire libyenne,
considérée dans le long terme – sont les avocats des familles éprouvées par
l’attentat perpétré contre le courrier UTA, naguère : justice n’est
toujours pas faite, des mandats d’arrêt ne sont pas exécutés. Bien entouré en
cela mais avec des résultats très sélectifs, le président de la République l’a
compris et y a aussitôt remédié par du spectacle : on en est à se
féliciter à l’Elysée quand les propositions d’audience (familles de
Villiers-le-Bel) ne sont pas refusées. Conséquents aussi, les négociateurs
européens qui étaient près d’aboutir à la libération des infirmières
bulgares : les contreparties (qu’il est vrai on ne connaît pas) n’auraient
en tout cas pas été celles concédées par la France, qui lui coûtent en termes
d’honneur et qui sont les seules à importer au dictateur de Syrte : la
respectabilité. Sans se déjuger, l’Union européenne – par le processus de
Barcelone (que court-circuite sans aucun ménagement la
« proposition » d’Union méditerranéenne) – travaillait à cette
réinsertion libyenne mais avec un autre objectif : couvrir toute l’aire
méditerrannéenne et traiter toutes les questions, y compris celle de Palestine,
avec Israël à la même table. Le discours
de Tanger et sa redite à Constantine ne tiennent pas compte d’une expérience
européenne de dix ans. Mouammar Khadafi ne l’envoit pas dire qui ne
considèrera le projet français que si Israël en est exclu.
En revanche, Nicolas Sarkozy ne fait pas le lien – pourtant décisif – entre la
relation libyenne et l’évolution de l’Union africaine, celle aussi du
panafricanisme. Khadafi, après le mauritanien Moktar Ould Daddah, est l’un
de ceux qui ont réuni les deux parts du continent : la noire et la
blanche, la musulmane et l’autre. La Mauritanie a su, dans les années 1970,
associer les monarchies pétrolières au développement de l’Afrique
sub-saharienne. La Libye, à elle seule, fait contrepoids à l’Afrique du sud et
au Nigéria. Les francophones – nous, donc – principaux au début du processus
panafricain sont maintenant en arrière de la main. Une relation avec la Libye
et avec l’Afrique du sud peut rééquilibrer les influences, la montée en
puissance de la Chine nous y incite. La question du Darfour a peut-être ses
solutions entre Pékin et Tripoli.
La France du 6 Mai commet deux fautes. La première est
morale : monnayer son désintéressement à l’égard de nos compatriotes de
l’arche de Zoé, détenus à N’Djamena contre les permissions d’intervenir au
Darfour sollicitées d’un chef d’Etat tchadien qui ne tient que par l’armée
française mais monte cependant sa population contre nous. Realpolitik odieuse de part et d’autre. Rama Yade sur place y a
contribué, qui, sur le moment et sans examen, adopta la thèse du pouvoir
tchadien et la légitima donc. Les infirmières bulgares et Ingrid Bétancourt
mobilisent Nicolas Sarkozy, pas eux. L’autre faute est de ne regarder la Libye
qu’en termes économiques ou des droits de l’homme : Georges Pompidou
naguère et les commissaires européens depuis longtemps ont fait l’option
stratégique, qui n’appelle que des contre-parties stratégiques et aucun
dialogue pour la montre entre des conceptions et des pratiques antagonistes,
option qui devance toute supposition sur les centres d’intérêt. Le plus
ridicule est que les fameux contrats – l’ambiance de la visite ayant été ce
qu’elle a été – ont de bonnes chances de n’être honorés qu’au minimum, la
partie libyenne n’ayant pas pu ne pas ressentir combien elle était finalement
rejetée par une opinion française jusques là peu manifestée faute d’occasion.
Le plus méprisé n’aura pas été celui qu’on croyait. Et nous sommes battus de
près de deux milliards en montant de contrats par l’Espagne…
Au lieu de stimuler – chez nous – un débat susceptible
d’aboutir, la manière dont Nicolas
Sarkozy traite avec Mouammar Khadafi depuis six mois, démobilise et réduit à la
pantomime nos gouvernants et nos opposants. L’Allemagne nous démontre que
le contraire est possible : représentative de son opinion nationale et
conséquente avec un passé inoubliable, même s’il tend à devenir lointain,
Angela Merkel a dénoncé Guantanamo et Mugabe, elle a caractérisé – avec
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – les élections à la
Douma russe.
II – L’enjeu des
« réformes » n’est plus économique, pas même politique : il est
idéologique
Entreprise par Alain Juppé qui – douze ans avant François
Fillon – avait jugé calamiteuse notre situation financière, la réforme des
comptes sociaux, à commencer par ceux des régimes de retraite, avait comme
objectif avoué et sincère le retour à l’équilibre. Le malheur du Premier
ministre de l’époque fut que cet objectif ne « collait » pas du tout
avec la campagne électorale selon laquelle Jacques Chirac était parvenu –
contre beaucoup de pronostics – à se distinguer assez d’Edouard Balladur pour
le distancer décisivement. Deux conséquences. A court terme, le discours de
soutien du nouveau président de la République à la politique de rigueur réclamée et
incarnée par le Premier ministre, sembla une trahison à beaucoup. La posture
des salariés du secteur public et des fonctionnaires ne parut donc pas en 1995,
corporatiste, au contraire de cet automne où le pouvoir est parvenu à le faire
accroire à l’opinion générale. Il est vrai que la pétition sur le
« pouvoir d’achat » est de nature à refaire le front commun entre
affiliés au régime général et affiliés aux régimes spéciaux quand auront été
transcrites en termes de lois et décrets, les « initiatives »
présidentielles d’il y a quinze jours, et qu’elles n’auront pas produit
d’effets. Quand il apparaîtra surtout qu’aucune des réformes de 2003 et de
2004, et celles de maintenant, ne suffisent et qu’il faut consentir à 41 et
probablement 42 annuités pour financer une retraite à taux plein. Alors, la
population fera bloc. Les négociations de cet automne – sectorielles et
concernant peu de monde – anticipaient du côté gouvernemental cette coalition
générale, et du côté syndical, il a mieux valu se réserver pour l’échéance la
plus nationale et la plus mobilisatrice.
Les élections
municipales auront probablement le même sens de désaveu que le renouvellement
anticipé en 1997 de l’Assemblée nationale – mais ne produiront pas de sanction, autre que morale. Ce qui ne pèsera pas sur l’exercice du
pouvoir. Car celui-ci s’appuie sur une deuxième conséquence de la volte-face de
Jacques Chirac au début de son premier mandat : les promesses électorales
doivent être tenues, la victoire de Nicolas Sarkozy vaut – pour cinq ans –
referendum positif sur les « réformes ». Celles-ci ayant été
énumérées par l’élu personnellement, le mandat impératif lui donne le pouvoir
de prendre tous les moyens pour aboutir, et donc de pratiquer et d’interpréter
les institutions et tous les usages nationaux à sa guise. Jacques Chirac –
contre-exemple permanent pour Nicolas Sarkozy en termes d’exercice du pouvoir –
a non seulement permis sa prise de contrôle de l’appareil politique et de
l’électorat, il a fondé dialectiquement le raisonnement qui nous est répété
depuis le 6 Mai.
La réforme des régimes spéciaux, telle qu’elle a dérivé
depuis les grèves du 18 Octobre et de la mi-Novembre, réduira peu les déficits.
De fait, les régimes vont demeurer spéciaux. Sur le fond, le gouvernement et
les entreprises publiques qu’il contrôle, ont reculé. Il a été également
démontré que la grève reste un instrument privilégié pour que les salariés
soient pris en considération, dans le secteur public. Les propositions des
quatre entreprises – E.D.F., G.D.F. S.N.C.F. et R.A.T.P. – n’ont été avancées
puis publiquement communiquées que sous la menace. Il est probable que les
préavis du 12 et le mouvement du 13 – retirés ou effectifs – auront au
dénouement pesé plus dans les négociations que la seule habileté dialectique
des uns et des autres.
Les déficits publics ne sont pas principalement sociaux. La
balance entre les frais généraux de la France et la fiscalité des Français ne
peut être exposée qu’à deux conditions. Une ambiance politique telle que le civisme paraisse à chacun la loi
pour tous, donc l’égalité et la solidarité. Ce consensus – dans les
mots : la réforme des régimes spéciaux est une équité – n’existe pas dans
les faits quand des actes symboliques ont été posés : le
« bouclier » fiscal, schématisé par les « quinze
milliards donnés aux riches », le système des retraites-chapeaux et des
stocks-options réglementé mais pas limité en sorte qu’il a trouvé, à la
sauvette cet été, une légitimation, l’augmentation proprio motu des émoluments
personnels du président de la République. L’autre condition est de placer les comptes en perspective :
les contribuables en ont besoin, nos partenaires du traité de Maastricht et de
la monnaie unique l’exigent. Nous ne le faisons pas. Le quinquennat, qui
pourrait être aussi la période d’exécution d’un Plan économique et social
débattu en campagne présidentielle, voté par le Parlement et appliqué pendant
tout le mandat. Le remède est évidemment la croissance économique. Celle-ci est
inférieure aux prévisions les plus pessimistes du gouvernement, démenties par
tous les observateurs dont l’O.C.D.E. L’attendre de la réforme du « marché
du travail » et de nouvelles facilitations au licenciement économique est
l’erreur constante de tout notre personnel politique quand il croit être dans
son domaine en proposant des lois au patronat. Les propositions sont des
vide-corbeilles, ne pouvant former un ensemble comme le furent les plans
d’ajustement dans les vingt premières années de la Cinquième République. Les
deux discours là-dessus de Nicolas Sarkozy – devant l’université d’été du MEDEF
et en dialogue avec Patrick Poivre d’Arvor et Arlette Chabot – sont éloquents
par des professions de foi et par des reprises de quelques législations et
règlements très ponctuels, faisant l’unanimité tant elles sont anodines et
attendues ; ils ne constituent pas une politique économique. L’U.M.P. et
le Parti socialiste sont figés, l’une dans le soutien à « l’homme
fort » depuis que Jacques Chirac avait commencé de laisser faire, l’autre
dans la course au premier secrétariat et – déjà – à l’investiture du candidat à
l’élection présidentielle suivante. De l’immédiat d’un côté, de la perte de vue
de l’autre. La commission Attali est en l’air, au contraire de ce que seraient
celles organisées et suivies par un ministère et un commissaire au Plan, au
contraire de ce que fut le comité d’experts qui, dans le quasi-secret, prépara
pendant l’été de 1958 la mise en œuvre – à la date promise et contre toute
attente – du traité de Rome.
La France n’a
donc plus son propre modèle : le plan et la gestion tripartite des
problèmes et des comptes sociaux, quoique
la pétition de ce modèle, au soir du referendum négatif de 2005, n’avait aucune
définition. Elle ne s’invente pas
davantage : comment expliquer que le pays dont la propension à
épargner était telle avant 1914 qu’elle put être la banquière de son vainqueur
après 1870, et qu’après la Grande Guerre son emprise en Europe centrale et
orientale était davantage fondée en finances qu’en dispositifs militaires, ne
soit pas capable aujourd’hui de mettre en œuvre, à l’occasion de sa réforme des
régimes de retraite ces fonds d’investissements alimentés par les fameux fonds
de pension qui permettent aux Américains et aux Néerlandais de contrôler nos
propres entreprises, en tout cas de peser sur leur gestion ? Type
d’erreur : l’annonce par le président de la République de la vente d’une
partie d’E.D.F., au lieu de se transcrire par une mise en bourse dès le
lendemain matin et d’ouvrir au grand public la souscription – ce qui eût été un
referendum pour la politique économique et sociale exposée la veille – n’a été
mise en œuvre que le lundi suivant (manque à gagner de près de 40%) et avec
pour seuls partenaires, les « investisseurs institutionnels », donc
le huis-clos.
Car nous n’avons pas
davantage un modèle étranger. L’Allemagne subit les mêmes interrogations et
crises que nous, tout en restant performante. Débat sur l’instauration du
salaire minimum, grève des chemins de fer, soupçons de corruption chez des
dirigeants de très grandes entreprises, critique nouvelle de l’euro.
fort : elle nous ressemble, mais son gouvernement est de coalition et
veille à ses actifs industriels. Le débat sur les alternatives budgétaires et
de politique générale est ouvert, la succession des congrès des deux principaux
partis politiques l’atteste. La « flexi-sécurité » des Scandinaves, en
matière sociale, avait été découverte par le dernier gouvernement de Jacques
Chirac, celui de Dominique de Villepin. Elle est de nouveau ignorée,
aujourd’hui. Les Etats-Unis sont – eux – invoqués mais la connaissance qu’en ont nos
dirigeants et particulièrement le président de la République est superficielle,
au mieux incantatoire.
La loi sur les libertés et les responsabilités des
universités dite « loi Pécresse » convainc de cette ignorance, et –
sur un sujet apparemment distinct de la trame politique qui nous devient
habituelle depuis l’élection du 6-Mai – confirme le modèle qui s’essaye. Le
dédain pour les domaines à faible débouché professionnel et donc peu susceptibles
de dotation privée si le mode de financement devait devenir celui-là :
lettres et sciences humaines, n’est pas américain. Certes, le système
outre-atlantique est concurrentiel, la sélection réelle. Mais quelle que soit
la place d’une institution ou d’un cursus
sur l’échelle symbolique, toutes elles défendent les mêmes principes :
l’ « academic freedom ». La liberté universitaire est d’expression,
d’investigation et d’expérimentation. C’est un principe constitutionnel – l’esprit
de contestation est sanctuarisé comme le premier amendement. Les « liberal
arts » – ce qui serait nos sciences humaines et qui a fondé la Renaissance
européenne (tout ensemble à l’époque la théologie, la grammaire et l’astronomie)
– restent à l’honneur. Sociologie, anthropologie, langues, civilisations sont
des formations de premier cycle, la culture générale plrudisciplinaire est le
socle et les étudiants appréciés en tant que tels. Les Etats subviennent à ce
que ne finance pas le privé. Enfin, les institutions sont démocratiques, comme
l’était l’université du modèle Edgar Faure et Alain Savary. La « loi
Pécresse » - à la lecture aussi difficile que le nouveau traité européen,
censément traité simplifié, car elle est modificative des textes précédents et
non pas écrite comme un tout – présidentialise ce qui ne l’était pas dans la
gestion et la direction des universités. Les pouvoirs du président ne sont
apparemment pas augmentés, ils sont déjà considérables, mais son mode
d’élection et le fonctionnement des conseils sont changés. Exemple parmi
d’autres – mais qui m’est familier selon mon actuelle profession de
substitution [2] - :
les réformes sont de contenu difficile à apprécier si l’on n’est pas
directement concernés et si on ne les juge pas d’expérience et de l’intérieur,
elles ont toutes une parenté. Et elles visent le même effet. Parenté dans le
bouleversement opéré des acquis, des traditions nous faisant perdre ce qui
fonctionne et ne nous apportant pas les remèdes à ce qui paraît à la
quasi-unanimité défectueux. Effet de désintégration de ce qu’il reste en France
d’institutions politiques et sociales collectives : partis, syndicats,
associations ne sont pas encouragés mais montrés, un par un, domaine par
domaine, dans une inefficacité provoquée. La « refondation sociale » ambitionnée par le MEDEF est
paradoxalement prise en charge par un Etat qu’il était de doctrine partagée par
le vainqueur de la campagne présidentielle et le patronat, de diminuer.
Si les réformes
avaient un objectif économique, elles ne sont pas adéquates.
« Pouvoir d’achat » … alors que l’inflation est
revenue, faible encore pour ceux qui ont la mémoire (perdue) des années 1970,
mais forte selon le jugement courant qui la date de l’euro… alors que quelques
symboles sont mis en place – par culot – tels que les exemptions de redevance
télé. (concédées par Nicolas Sarkozy, de passage aux Finances) remplacées par
une demi-cotisation et Gaz de France
veut augmenter de 5 à 6% ses tarifs aux particuliers. Les simulations à Bercy
étonnent. Celle de la ministre de l’Economie et de l’Emploi assurant d’un
treizième mois la plupart des Français puisque la grande distribution aura été
réformée à temps, que les baisses de prix y seront certaines notamment pour
ceux qu’on dit fonction du pétrole ou des céréales, que les heures
supplémentaires en réserve seront payées à raison d’une dizaine. Celle du
ministre des Comptes stupéfie. Alors que nos officines se sont trompées sur
toutes les estimations pour 2007, que le Premier ministre en est à se réjouir
que la réalité ne soit pas trop éloignée de la « fourchette basse de nos
prévisions », il assure que nous aurons une croissance de 2,25% en
2008 : or, l’Union européenne, le Fonds monétaire internationale,
l’O.C.D.E., le président de l’eurogroupe estiment que nous entrons – la
France autant que quiconque et probablement plus encore – en récession. Que la
crise financière mondiale est là, l’impuissance ces jours-ci des banques
centrales principales, même coalisées étant patente. Les diminutions de
prestations publiques – la carte judiciaire et la carte hospitalière, les
dessertes de fret ferroviaire – font économiser ou rentabiliser, mais dans le
détail, il apparaît – notamment pour l’organisation de la justice – que des
investissements récents auront été faits en pure perte et que les
« redéploiements » (équivalant des « restructurations »
dans l’économie des entreprises, pour dire dans les deux cas :
rétrécissements) vont coûter un demi-milliard. Les rattrapages et rallonges
financières pour « faire passer » la loi universitaire, la nouvelle
carte judiciaire, la réforme des régimes spéciaux (et non plus leur abolition)
additionnent soit des coûts imprévus dans une situation budgétaire tendue, soit
des réserves organisées à l’avance et qu’il était cynique de ne pas avoir
dispensées dès avant les conflits.
Si les réformes
avaient un objectif politique, elles le manqueraient. Leur mise en œuvre ne se fait plus – malgré des
préparatifs en période estivale – selon un calendrier maîtrisé par le
gouvernement. Les unes montent les élus locaux quelle que soit leur
appartenance politique contre le gouvernement à la veille d’élections locales
s’il en est : les suppressions de service public ne sont pas
« vendables » aux électeurs. Les autres prennent de court une
clientèle de base : l’entreprise et le patronat. L’intervention
présidentielle en conclusion de la crise sociale de Novembre a ouvert un
chantier et installé une méthode qui n’étaient pas prévus par ces soutiens.
L’Etat au centre du dialogue social – ce n’est pas le souhait du MEDEF… – et
sur les sujets les plus sensibles, qui – au contraire des régimes spéciaux de
retraite et de la réforme universitaire – ne sont pas corporatistes et
intéressent tous les Français : pouvoir d’achat, droit et marché du
travail. La réorganisation du Code du travail – exactement comme la réécriture
de la Constitution européenne dans son condensé signé à Lisbonne – complique au
lieu de simplifier : l’instrument attendu n’est pas fourni et le point
difficile qu’est le futur contrat d’embauche est mis en exergue alors que la
stratégie était de le placer dans un ensemble rénové. Les réformes aliènent,
une à une, les clientèles, les soutiens ; elles restent souhaitées, pour
elles-mêmes, par la généralité de l’opinion publique, mais la manière dont
elles sont conduites et déjà leurs auteurs sont perçus de moins en moins ave
faveur. Les autorités morales sont elles aussi défiées : ainsi l’Eglise de
France à propos des tests A.D.N. et de l’ensemble des politiques régissant
l’immigration, ou la loi Pécresse peu appréciée de la Ligue des droits de
l’homme.
En fait, Nicolas
Sarkozy n’a de politique économique que celle qu’il a apprise et pratiquée rue
de Bercy pendant les six mois qu’il y a passés [3].
Retour du déficit budgétaire en dessous de 3% du produit intérieur brut, réforme
du statut d’E.D.F., relance de la politique industrielle avec notamment la
recapitalisation d’Alstom et l’intervention du gouvernement dans la fusion Sanofi-Aventis, accords avec la grande distribution et avec les banques de
dépôts pour la réduction de leurs prix et de leurs tarifs. Les sept premiers
mois du quinquennat sont le calque des mesures et initiatives prises il y a
quatre ans, aux noms de sociétés près. Rien de moins, à peine plus : la
critique de l’euro. « fort ». Mais le nouveau président de la
République a un dessein. Qui est de forme : gouverner autrement.
Il s’agit donc de bien autre chose que de politique ou
d’économie ou de diplomatie. Un non-dit.
III – La synthèse dite et
non-dite : un nouveau régime s’essaye
A chaque fois que se commet une grande faute dans notre
histoire nationale, la classe politique est quasiment unanime pour ne pas la
dénoncer, si même elle la voit. Les lucides sont rares et – c’est le système –
empêchés d’exprimer ce qui est en train de se perpétrer. Qualifier la manière
dont le nouveau président exerce le pouvoir serait transgresser un tabou. Son
« hyper-activité » ou son « omni-présence » y compris au
journal télévisé est daubée, commentée mais sans que rien en soit déduit.
Il y a les faits, il y a leur projection.
Le fonctionnement
des institutions n’est plus que formel.
Sans doute, la Cinquième République n’a-t-elle vu à
l’Assemblée nationale que des majorités d’un monolithisme et d’une discipline
de vote la faisant paraître peu sensible aux mouvements du pays, à peine élue.
Exceptions : la première législature, dominée par la guerre d’Algérie,
celle de 1967-1968 où le gouvernement ne disposait que d’une voix d’avance sur
une éventuelle coalition des oppositions de la gauche et du centre, celles que,
de 1974 à 1980, le R.P.R. dominait en sorte que Valéry Giscard d’Estaing,
quoique président de la République, et Raymond Barre quoiqu’assurément
gaulliste, ne purent gouverner que sous la contrainte et la critique
internes ; exceptions aussi, la cohabitation. Depuis l’été, les votes ne
sont pas ceux du for intérieur ou qu’attend l’opinion. Candidat déclaré à la
présidence du Sénat
On dira que cet abaissement de l’Assemblée nationale tient
au « fait majoritaire » et que la contestation a son cours en groupe
parlementaire et en commissions, que les distanciations du Sénat, dominant
paradoxalement l’assemblée élue au suffrage direct, avaient déjà cours au temps
de la gauche, jamais en force au palais du Luxembourg, mais la prétention du
président de la République à intervenir désormais dans les débats
parlementaires va amenuiser encore la prérogative essentielle des
députés : la mise en cause possible de l’existence du gouvernement. De
celle-ci le chef de l’Etat répondra directement, un dialogue nouveau va s’instaurer
puisque les projets de révision constitutionnelle vont permettre les
résolutions du Parlement en réponse aux discours présidentiels dont rien ne
limitera la périodicité, rien ne précisera l’époque ou le thème.
Pour le moment, c’est l’exécutif qui fonctionne autrement.
L’entourage présidentiel n’avait jusqu’ici pas d’existence politique car il n’a
pas de personnalitéjuridique, il est nommé selon la procédure la moins
solennelle du droit public : par arrêté (le préfet, le maire ne peuvent
prendre que de tels actes). Seul, le président s’exprime et signe. Sans doute,
y a-t-il eu toujours un service de presse, mais la communication présidentielle
était soit celle du président de la République en personne, soit celle d’un des
ministres pour compte de l’Elysée. Le secrétaire général n’apparaissait que
pour la lecture de la liste des membres du gouvernement ;
exceptionnellement, Michel Jobert, pour Georges Pompidou, avait annoncé la
dévaluation du 8 Août 1969 et avait, dans le secret, négocié l’entrée de la
Grande-Bretagne dans le Marché commun en 1970-1971. Claude Guéant est une des deux variantes de la conception qu’a Nicolas
Sarkozy du Premier ministre – conception non dite mais pratiquée et qu’a
signifiée le terme de collaborateur, récusé par François Fillon, principal
intéressé… C’est le secrétaire général de la présidence de la République qui a
instrumenté, de fait, la candidature et la campagne électorale du vainqueur du
6-Mai. C’est lui qui a veillé sur toute l’ « affaire des infirmières
bulgares » et surtout dans les deux phases délicates : le déplacement
en Libye de l’épouse du chef de l’Etat, la conclusion en commission d’enquête
parlementaire. C’est lui qui a théorisé, à l’avantage du pouvoir, les
dissonnances gouvernementales pendant la visite-retour du Libyen. Il paraît
dans les médias écrits et audio-visuels. Il est question de rattacher à lui le
domaine entier du renseignement sécuritaire et de l’intelligence économique,
s’il ne l’a pas déjà en pratique. Et il y aurait – à côté – un conseiller en idéologie et un metteur en
page, autorisé à se mettre et à se maintenir en vue.
La relation avec le Premier ministre et les ministres est
telle que la présence médiatique de ceux-ci semble subordonnée en thème, en
moment, en débit. Elle est parfois ridiculisée. Les exposés des motifs, les
dispositifs de lois – toutes d’urgence et souvent de circonstances : le
pouvoir d’achat – sont textuellement les dires du président de la République en
entretien radiotélévisé. Le rythme attendu des effets – davantage dans la
réponse de l’opinion publique que dans celle de l’économie générale du pays –
impose même une anticipation du vote et de la promulgation des textes. Il n’y a
plus la distance et les étapes – ménagés par toute organisation des pouvoirrs
publics dans un Etat de droit. Le souhait présidentiel – à défaut de devenir
relède opérant ou réalité objective – est aussitôt traduit selon le seul outil dont dispose
discrétionnairement le pouvoir politique en France : le texte de loi.
Les sujets sensibles – la nationalité, l’immigration mais aussi la fiscalité –
sont depuis vingt ans l’objet d’une succession à rythme accéléré des textes et
de leurs ajustements, signe qu’ils sont chacun bâclés. A prétendre conclure ces
cycles sur les grandes questions de politique intérieure, le pouvoir n’est nouveau
que par son ambition du définitif, pas
par sa méthode.
Le commentaire de
l’opposition et celui des médias est ailleurs. C’est d’ailleurs l’une des
habiletés du nouveau président que de faire porter l’attention sur des points
accrocheurs mais non essentiels.
Les médias sont d’un ton et dans une situation tels que les
coincidences sont vraiment nombreuses. Toutes allant dans le même sens,
précarisation des titres, menaces sur l’emploi, nouveaux dirigeants. Assèchement
des budgets pour les ondes publiques et disgrâces à France Télévision. Rumeurs de privatisation de l’Agence France Presse, rachat par une des fortunes françaises de
la couverture nationale d’Associated
Press. Les Echos et La Tribune changent de patronat et de
liberté, encore plus insérés dans une stratégie de fortune personnelle :
certes la tendance n’est pas que française, la presse économique d’influence
mondiale tombe dans le giron de Murdoch, mais il semble que l’Elysée ait été
mis en mesure ou se soit mis en mesure de suivre le processus. Le Monde est en difficulté manifeste et le paradoxe de la bonne volonté du Figaro à raison des espérances de vente
du Rafale qui pourraient ne pas se
concrétiser, ferait de ce quotidien le dernier refuge de la dissonnance. Hormis
Marianne – qui n’est pas encore de
fondation – et Le Nouvel Observateur
qui l’est et – ironie ou danse de la mort – peut s’offrir un entretien sur la
liberté de la presse avec celui qui pourrait être l’ordonnateur de tout ce
domaine de la vie publique et civique, les
hebdomadaires et magazines français n’ont plus une ligne éditoriale
indépendante et surtout continue : ils sont des supports, ils
continuent d’être composés avec talent mais ils n’ont plus rien à voir avec les
titres qu’ils portent encore et qui naguère caractérisaient et stabilisaient –
à l’instar des partis dans le paysage politique et des syndicats dans le
mouvement social – le commentaire en grandes tendances et familles d’esprit,
correspondant assez bien avec les grandes strates de l’opinion publique.
Exactement comme à propos des syndicats et des partis, l’évolution de notre
société – ou la manipulation de la société par un pouvoir qui réduit de plus en
plus la liturgie démocratique – tend à inverser les rapports initiaux entre le peuple
et ses représentants. Journaux, partis, syndicats émergeaient de grandes
tendances ; aujourd’hui, il s’agit de susciter de nouveaux classements ou
plutôt d’éviter qu’il en existe pour atomiser tous les groupements, toutes les
associations. La compétition dans l’entreprise, la gestion de la fonction
publique selon les parcours individuels, la délégitimation des syndicats sous
prétexte que les élections par les salariés ou par les étudiants se
caractérisent par l’absentéisme, concourent au même effet : le peuple en
corps disparaît – le referendum ne le convoque plus – et le pouvoir dont sont
avoués les liens avec des fortunes individuelles et le tropisme vers un modèle
étranger (et d’ailleurs fictif, car il ne se vérifie guère aux Etats-Unis) est
en situation de tout faire… mais quoi ? Impasse d’un projet qui serait totalitaire s’il avait un but, mais quel
est le but de la machine qui se met en place ? La volupté de l’ego politique ? comme celle qui
a saisi ces derniers temps certains grands patrons français, souvent défroqués
de la fonction publique, et excellant dans la croissance externe mais peu dans
les marchés où la concurrence est à mains nues ? L’image, peut-être
forcée, semble voulue par le maître. Elle est contraire à ses intentions si le parti est pris de ne croire qu’à la
bonne volonté du nouveau président de la République et à son souhait de tout
traiter sans a priori, avec détermination d’en finir.
Procès d’intentions, coincidences ? Perquisitions au Point et à L’Equipe, même si le sujet n’est pas présidentiel. Tentative au Canard, au printemps, même si c’était
encore sous l’emprise du précédent mandat. Maintenant, la garde à vue, les 6 et
7 Décembre, d’un journaliste refusant de donner ses sources, puis contraint
d’en livrer la moins directe [4].
Or, les grandes décisions, notamment de politique dite étrangère, se prennent
sur le fondement d’informations reconnues erronnées quelques années plus tard
par leurs autreurs-mêmes : la question d’Irak. Et les candidatures aux
grandes fonctions se jouent, en bonne partie, sur des images.
Contrôlables ? Comment ? par qui ? La
« peapolisation » accentue cette pente – réelle pendant les guerres
coloniales, mais avec quelque motif, qui aujourd’hui ne saurait plus exister –
elle la banalise puisque les sujets sont souriants. Il y avait eu, sur
intervention du ministre-candidat auprès du propriétaire de Paris-Match, le vidage du directeur
imprudent sous lequel avait été publié la photographie de l’infortune de
Nicolas Sarkozy. Il y a eu, pour changer de registre après qu’ait été démontée
la tente bédouine du palais Marigny, la mise en scène de Disneyland pour
« faire savoir » qu’un nouveau couple s’est bâti [5].
La télévision de ces décennies a intronisé le personnage unique et la confusion
de la vie privée avec la vie publique quand celle-ci existe. Autrefois, le
président de la République, les membres du gouvernement étaient – selon un
statut non écrit – interdits de vie privée ; la transgression était hors
de prix, Jules Grévy démissionne du fait de son gendre, le destin de Georges
Pompidou a failli basculer et la succession anticipée du général de Gaulle
s’est faite en partie selon des rumeurs concernant l’épouse de l’ancien Premier
ministre. La vie privée de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand ne
fut que supposée, en permanence et rétrospectivement pour le premier, presque
jusqu’en fin de règne pour le second. Elle est aujourd’hui un des éléments du
système nouveau. Son contenu importe peu mais la confusion des genres et la manière de s’imposer, donnera de plus en
plus prétexte à censure si le fil conducteur échappait à l’impétrant.
Même tendance (ou nécessité ?) à manipuler les
indicateurs : le directeur général de l’I.N.S.E.E. est remercié, comme la
rumeur en courait depuis le début du quinquennat, et malgré qu’il ait changé
opportunément le calcul des taux d’emploi de la population active, la fusion
des A.N.P.E. et de l’U.N.E.D.I.C. présente (accessoirement) l’avantage
d’étouffer une source contradictoire d’évaluation du chômage, la nouvelle indexation
des loyers permet aussi d’avoir de nouvelles bases de référence. Les
comparaisons d’un quinquennat à l’autre ne seront donc plus possibles.
L’opposition est
tout entière occupée par son autogestion et par les prochaines élections
municipales. Des réconciliations dans les
familles radicales, des éventualités entre un centre et les socialistes, entre
un autre centre et le parti présidentiel, des conditionnalités et des
échéances. Des destins ministériels sans cesse niés, mais toujours projetés :
Jack Lang, Jean-Marie Cavada, Jacques Attali, ce qui attise les rumeurs de
remaniement gouvernemental à peine l’exrecice quinquennal commencé. Le fond
demeure, la candidature présidentielle de 2007 est rétrospectivement autant
discutée par les appareils du Parti socialiste qu’est déjà disputée, entre les
mêmes, celle pour 2012. Perplexité habituelle : la mise au point d’un
programme l’emporte-t-elle en priorité et en susbtance avec la définition des
alliances ou la personnalité portant les couleurs. Ségolène Royal continue – à
elle seule – d’émerger, elle sait commenter incisivement selon le rythme
quotidien de son vainqueur du 6 Mai la geste foisonnante de celui-ci, mais –
précisément – le foisonnement est tel qu’elle lui accorde quelques points :
Ingrid Bétancourt évidemment et ne le dessert pas dans ses refus de la
procédure référendaire, qui était pourtant – dans son propre programme – le
point fort. Le premier referendum – les institutions et la procédure de la
« démocratie sociale » - était prévu pour se tenir cet automne,
notamment pour les mécanismes du marché du travail qu’aujourd’hui on traite en
séance de nuit et à quelques dizaines de parlementaires présent sur 577.
La seule coalition qui serait efficace, ne se fait
pas : celle empêchant d’atteindre la majorité constitutionnelle au Congrès
de révision tant pour l’adoption du nouveau traité européen que pour la
soi-disant modernisation de nos institutions, contraignant le nouveau pouvoir
soit à l’abandon soit à cette procédure référendaire à laquelle il répugne,
pour des raisons que – quant à moi – je ne discerne pas. Sur les deux sujets
auxquels il tient, Nicolas Sarkozy aurait, dans l’état actuel de l’opinion
publique, certainement de belles majorités, que François Mitterrand et Jacques
Chirac lui envieraient. Ou alors, raison ! éviter un vrai débat car chacun
des comités, au travail sur des sujets qui ne sont pas secondaires, la
politique de relance économique et la révision constitutionnelle dans un sens
présidentiel, ne produit qu’un débat interne. La protestation du président
régnant que le débat est ouvert à tous n’est que formelle, la mise en ligne de
certaines des auditions du « comité Balladur » n’est pas une
intrusion populaire. Il n’est qu’accusé réception des critiques et suggestions
quand elles sont hors cadres, aucun des arguments n’est repris dans ces
courriers de courtoisie (et de statistiques). Les médias ne s’intéresseraient
au débat que s’il était référendaire. L’opposition
est complice de cette stratégie d’étouffement du débat puisqu’elle a les moyens
de contraindre le pouvoir au referendum : pourtant d’emblée – sans même
laisser le temps du suspense – elle y a renoncé. Elle ne procède à aucune
critique, à aucun examen d’ensemble ni de la politique économique des premiers
mois du quinquennat, ni de ce qui ressort des travaux du « comité
Attali », ni du nouveau traité européen dit « simplifié », ni
des propositons du « comité Balladur ». Elle reste
professionnelle : les investitures, les élections, les gestions diverses
selon les mandats acquis. Elle n’est pas fonctionnelle, ses critiques et ses
analyses ne devancent jamais un échéancier pour lequel le gouvernement a certes
l’avantage de la situation, mais que les circonstances peuvent bousculer.
Tout le champ est donné au président de la République. Et
d’abord celui des institutions, qu’il
les pratique ou qu’il en préconise la révision. Le « comité
Balladur » ne s’est écarté que sur un point de la commande
présidentielle : il n’a pas recommandé la limitation à un seul
renouvellement du mandat présidentiel. Il a revanche acquiescé au souhait
de prise de parole personnelle et en a camouflé l’effet sur l’équilibre des
institutions, en traitant sans lien avec cette modification – qui n’est pas de
détail – la procédure nouvelle de résolutions de politique générale qui sera
désormais ouverte aux assemblées. Les esquisses de retouche au libellé des
fonctions du président de la République et du Premier ministre ont montré
l’impasse dans laquelle on s’engagerait. L’ensemble – exactement comme les
protestations du ministre des Affaires étrangères et de la secrétaire d’Etat
aux droits de l’homme – sert Nicolas Sarkozy : pluralisme gouvernemental
d’un côté, abandon souverain du souhait de nouvelle définition des rôles dans
l’ « exécutif ». La démocratie octroyée… au peuple et à
l’opposition : on laisse au souverain le soin des belles concessions. La Haute-Cour jugeant le maréchal Pétain
n’avait pas eu ces égards pour le général de Gaulle, explicitement et
expressément prié de commuer la condamnation à mort.
La moindre conséquence de cette appropriation du champ
entier de la vie politique et la revendication d’aller à l’extrême de tous les
sujets traités ou se présentant, est dans une certaine contagion. Les dires et souhaits présidentiels sont la
référence, le repère, même pour l’opposition. Nicolas Sarkozy a libéré le
fonds d’extrême-droite que dans l’U.M.P. et parmi les hiérarques de la majorité
et du gouvernement on n’osait jusqu’alors montrer. L’échec principal du général
de Gaulle – et la quadrature de son cercle de gouvernement – ont bien été de ne
pouvoir recentrer vers la gauche et de vraies générosités et imaginations
sociales la majorité qui se faisait sur son nom, mais pas sur sa politique. De
Gaulle n’était suivi ni sur la participation, ni pour notre retrait de
l’O.T.A.N., ni à propos du « Québec libre ». Louis Vallon et René
Capitant étaient archi-minoritaires d’un bout à l’autre de sa présidence, ceux
qui jugeaient, dans son premier gouvernement et à l’Assemblée nationale l’indépendance
algérienne inéluctable, et probablement bénéfique à terme même et surtout pour
la France, étaient très peu nombreux. Trois peut-être parmi les ministres de
l’été de 1958. C’est ce qui a marqué toute la suite. L’U.M.P. ne trahit aucun
héritage ; elle ne sait pas ce dont elle a hérité et ce dont elle pourrait
répondre devant l’histoire. Avec bonheur, elle va, court au travail dominical,
aux tests A.D.N. et aux comptages raciaux, à la durée illimitée du travail, à
des rapports sociaux déréglementés, à l’atomisation de la société, à
l’individualisme revendiqué et théorisé, elle n’est retenue que par des
prudences électorales de dernier moment, elle ne sera contrainte que par les
événements. Nicolas Sarkozy est son rêve : le chef, enfin, en quoi Jacques
Chirac, suiviste de son Premier ministre dès ses débuts et prostré dans
l’hésitation pendant tout son second mandat, avait complètement déçu ceux qui
révèrent la force. Le chef et le démantèlement de toute solidarité et de toute
organisation. Le nouveau président de la République ne gênera ses soutiens que
s’il échoue en ayant suscité des forces plus irréductibles que lui. Il semble
parfois qu’il les appelle [6].
Dans l’immédiat, on ne cherche autour de lui à se faire valoir qu’en le
doublant à droite, le Premier ministre en rajoute en pétition de fermeté, en
rappel du dessein réformateur d’ensemble : lui-même ne s’est-il pas fait
un nom avec la première étape de la réforme des retraites et sa rupture avec
Jacques Chirac ne date-t-elle pas de l’ingratitude de ce dernier pour le
travail alors accompli ? ce qui donne des postures à contre-pied comme
celle de Christine Boutin sur un sujet sensible – à plusieurs points de vue de
la solidarité au maintien de l’ordre – et populaire comme le problème des
sans-logis
IV – La confirmation d’un
concours de la France à un ordre mondial innommé qui va péricliter et qu’elle
n’avait jamais soutenu
Nicolas Sarkozy, en sept mois de présidence, a multiplié
les changements d’attitude et de cap – sujet par sujet, théâtre par théâtre, d’une
association ou d’un ensemble dont fait partie la France, souvent de fondation,
à un autre assemblage. Réintégration de l’organisation du traité de
l’Atlantique du nord pour faciliter la fusion de la défense européenne avec la
défense atlantique. Adoption des appréciations stratégiques des Etats-Unis sur
l’Iran, sur la nécessité de placer un bouclier anti-missile en Europe orientale
soi-disant pour parer à une agression iranienne en fait pour faire face à la
Russie, sur le maintien d’une présence militaire en Afghanistan, sur le
Darfour. Ce qui conduit à ne plus considérer l’entreprise européenne que comme un outil de gestion et de
concertation parmi d’autres, au lieu que depuis plus de cinquante ans
quelle qu’ait été la République, quels qu’aient été les gouvernement l’union de
l’Europe était un but en soi et la façon contemporaine de la France de
s’émanciper à tous égards de l’hégémonie du moment, celle des Etats-Unis. La
proposition d’Union méditerranéenne non concertée avec nos partenaires dans
l’Union ne fait pas cas de la pratique du « processus de Barcelone »
dont il vise pourtant les mêmes pays d’outre Méditerranée. Sans la pression
allemande très habilement motivée (que la France fasse cavalier seul au sud et
Berlin en fera tout autant vers l’est…), le projet aurait écarté tous les Etats
membres qui ne sont pas de climat méditerrannéen.
Nos partenaires ne sont pas à l’aise avec nous. Ils ne
l’ont à vrai dire jamais vraiment été, sauf en 1950… et à plusieurs reprises,
sans y être pourtant fondés, ils ont cru que nous voulions défaire ce qui était
en train de se faire. L’euro-scepticisme étant devenu général et les
gouvernants se ressemblant tous dans leur refus/crainte de grande solutions
européennes (élection du président de l’Union par l’ensemble des citoyens au
suffrage direct et en circonscription unique, referendum européen le même jour,
sur la même question et en circonscription unique pour trancher les grandes
alternatives), Nicolas Sarkozy ne tranche que par une manière personnelle et
solitaire qui heurte, parce qu’elle est déplacée. Une vie ensemble suppose le
respect d’autrui, des égards et un certain effacement pour que tous signent,
sans distinguer inspirateur ou dénégateur. D’autant que le plus souvent la
France actuelle se pare des plumes du paon et emprunte à des fonds communs,
sous couvert d’originalité ou d’initiative. Trop en vue pour seulement
accaparer les apparences, nous donnons prise.
Le rapprochement
franco-américain s’opère à la seule initiative de la France, sans avoir été souhaité
à Washington. Il ne peut donc produire aucune concession en retour, il est un acquiescement de Paris donné sans condition ni
autre préavis que la plate-forme du vainqueur de l’élection présidentielle.
Rien que cela le rend inefficace pour ceux qui en auraient espéré des
infléchissements américains. Mais l’inefficacité française a une raison bien
plus forte. Le changement de cap – par rapport à un partenaire en fin de mandat
et donc en recherche de postérité moyennant tous les faux-semblants imaginables
comme l’a été la conférence d’Annapolis – semble ignore des changements dans
les relations internationales bien plus importants que celui qu’il constitue
par lui-même.
Le premier changement est le retour, commencé depuis le printemps et accentué ces derniers jours
– depuis les élections législatives russes – à des postures qu’on pouvait
croire révolues en Europe. La Russie s’est crue agressée à l’ouest autant par
l’adhésion de ses anciens satellites à l’Union européenne que par leur
intégration dans l’O.T.A.N., le positionnement du « bouclier
anti-missile » en Pologne et en Tchéquie confirme son analyse.
L’opinion nationale ne s’y est pas trompée. Le triomphe électoral de Vladimir
Poutine est l’œuvre de l’Occident – dénomination d’un certain nombre d’Etats
pendant la guerre froide qui aurait dû conceptuellement disparaître à
l’implosion soviétique et que l’ambiance de confrontation rend de nouveau
courante. Nous avons – sans qu’un seul Etat-membre de l’Union fasse exception –
donné toute matière à une renaissance nationaliste qui en Russie ne peut
tolérer la démocratie. Nicolas Sarkozy eût été bien mieux inspiré de refuser le
bouclier antimissile pour ensuite donner un poids à une absence de
félicitations du vainqueur de ces élections : il eût placé nos relations
sur le plan stratégique (comme il aurait fallu le faire avec la Libye et comme
chaque fois que manquent les affinités personnelles). Le réalisme en relations
internationales ne gagne pas à être au premier degré – comme il a été invoqué
cette semaine pour notre liaison libyenne – il est de règle au second : il
fonde, pour le moment, la tolérance de la Chancelier allemande à notre endroit.
Mais tandis que Berlin a tout à gagner dans son hinterland à limiter une Russie
qui ne l’en respectera que davntage, Paris au contraire a avantage à peser pour
que l’Union européenne ne se donne pas le prétexte de la menace orientale pour
reporter une fois de plus aux calendes sa dépendance stratégique vis-à-vis des
Etats-Unis. Toute analyse manichéenne de
la situation en Europe retarde notre émancipation. Elle est un alignement
sur une hégémonie dont la stratégie depuis longtemps considère l’émancipation
du Vieux Monde comme redoutable mais très improbable : théorique. La
nouvelle posture française y concourt, donc. Nous avons laissé se commettre par
l’Union européenne, depuis ce printemps, la même faute que celle commise au
début de 2006 à la suite des élections palestiniennes : ostraciser le
vainqueur, le Hamas, comme le voulaient Etats-Unis et Israël. Alors même que la
formation extrêmiste était en chemin de reconnaître l’Etat hébreu, nous l’avons
poussé à la décisive sécession d’aujourd’hui qui rend la question de Gaza
distincte de la question palestinienne, et donc leur ensemble insoluble malgré
les jeux de scène à Annapolis et maintenant à Paris. La chance veut – pour combien de temps – que la Russie ne s’implique
que dans le nucléaire iranien et dans l’opposition serbe à l’indépendance
kosovar, pour combien de temps. La probabilité est un retour aux diplomaties d’avant
la chute du mur de Berlin, la langue de bois qui caractérise la scène
politique intérieure française selon le clivage majorité/opposition ou plutôt
pouvoir/opposition, va se parler de nouveau et couramment sur la scène
internationale. Tout va se gripper, tout va être dangereux et les négociations
et débuts de solution ne seront plus que secrets, donc exclusivement
russo-américains. L’Europe, partenaire potentiellement décisif depuis 1992, est
à nouveau marginalisée donc dépendante.
Le second changement est qu’à l’instant où tout le monde s’est aperçu de la collusion
sino-américaine, celle-ci précisément se défait. Pour des raisons dont
l’échéancier était facile à prévoir. La relation monétaire est trop décisive
pour les Etats-Unis et à terme trop coûteuse pour l’économie chinoise pour
qu’elle soit sécurisante, du point de vue de chacune des parties. La priorité
chinoise étant l’approvisionnement à l’extérieur et le contrôle d’une
population domestique – en nombre et en maintien de l’ordre – les autorités de
Pékin ont été acculées à des vues stratégiques que la « révolution
culturelle » naguère n’avaient jamais inscrites que sur le papier :
la guerre du Vietnam et la brigue d’une admission en tant que telle aux
Nations-Unies accaparaient tout. Aujourd’hui, le pétrole dont les producteurs
arabes et iraniens ne veulent plus le paiement en monnaie incertaine : le
dollar, commande une nouvelle donne monétaire. Imprudemment, Européens et
Américains ont poussé à l’évaluation du yuan, en calculant que le vrai sujet
serait ainsi traité par prétérition ou reporté de médication : la relation
entre l’euro. et le dollar. Les deux fondements de l’équilibre monétaire et
budgétaire américain – qui sont donc le fondement de l’économie boursière
mondiale – sont aujourd’hui précaires : l’endettement des ménages
insupportable (la crise du « subprime »), le financement des déficits
par la Chine en question. La relation sino-américaine devient conflictuelle.
Symétrique de l’incident aérien en début du premier mandat de George Bush
junior, l’incident naval de ces jours-ci.
Le troisième changement est que le jeu avec les pays tiers,
c’est-à-dire avec le monde hors la Chine, les Etats-Unis et la Russie, n’est
plus du registre néo-colonialiste et pas encore du registre libéral. C’est sans doute à l’O.M.C. avec comme
enjeu la relation de l’Union européenne avec son voisinage territorial
immédiat, la Méditerranée et l’Afrique, que se joue la seule partie où les
cartes ne sont pas encore définitivement distribuées. Les débats sur le
changement climatique et l’environnement auraient pu être un de ces champs.
Pour des raisons de politique intérieure, le président de la République – par
le « Grenelle de l’environnement – avait conforté un outil thématique dont
Jacques Chirac avait eu, avant lui, l’heureuse intuition (marquée par une
révision constitutionnelle peu traditionnelle). La chose a peu servi à Bali,
malgré le bain d’un ministre et les félicitations décernées à la Chine par la
secrétaire d’Etat, après que la fin de partie ait été tristement sifflée.
Paradoxe :
le président a tout pour faire
s’interroger, sinon attirer, ses partenaires, donc pour disposer quelque temps
de l’effet de surprise et nous rendre une crédibilité perdue depuis une
quinzaine d’années. En cela, il ajoute certainement aux cartes et à l’offre
traditionnelles de la France dans le monde. Sa manière et son énergie, son
égotisme aussi - son courage ou sa naïveté ? intellectuels enfin –
tranchent sur beaucoup de ses pairs sur la « scène internationale » où il y a certainement jeu de rôles, tranchent aussi sur
certains de ses prédécesseurs en France. Sans se ménager, sans laisser aux
circonstances le soin de lui dicter un agenda, Nicolas Sarkozy reçoit tous les
partenaires – et le plus souvent, au très bon moment –, va sur tous les
théâtres en donnant une sensation d’urgence et de premier commencement ;
il sait, mieux que beaucoup, le lien entre les événements joués à l’extérieur
et ceux de nos compatriotes qui en pâtissent ; il joue bien de l’intimité
(les familles d’Ingris Bétancourt ou des humanitaires de l’arche de Zoé le
savent comme celles de Villiers-le-Bel et pourquoi pas les Erignac et les
Colonna, sur la stricte scène intérieure) et son adresse à l’opinion publique a
toujours le support en parallèle ou au préalable d’un dialogue tête-à-tête. Il
a donc le don de l’explicite. Mais il n’a pas la culture ni de ce qui l’a
précédé ni de ce qui est attendu, il réfléchit et agit seul. Trop dirigé ou pas
assez capable d’utiliser l’outil - formidable – que représente pour le pays une
personnalité telle que celle qui a été élue le 6 Mai, l’entourage ne semble pas
proposer ce qui convient : appétissant pour un président qui veut marquer
et fonder, correspondant aux nécessités mondiales dont il est de tradition
française que nous y répondions.
La probabilité est une déception. L’audace n’aboutit qu’au
suivisme, les propositions et actions novatrices n’ont pas d’écho, la coalition
se fait des intéressés qu’on a déranger et des jaloux habituels de notre pays,
contempteurs de nos défauts nationaux auquel surajoute l’équation personnelle,
trop démontrée et trop invoquée, du président de la République. Une autorité
morale se bâtit – soit par un geste fulgurant (ce qui a été tenté mais sans
réelle stratégie de préparation ni de suite par Dominique de Villepin il y a
quatre ans pour l’Iak), soit par une prémonition et une analyse riches de
beaucoup d’autres ensuite (l’homme du 18-Juin).
D’un agenda – de rencontres et d’accueil à l’Elysée ou en
visite guidée de la France, de voyages à l’étranger – très judicieusement
organisé, il ne semble sortir ni une analyse du monde de la part de celui qui
reçoit et voyage, ni une sensation générale de la part de ses interlocuteurs.
La substance d’un rayonnement qui commence, se fait attendre.
Peut-être manque-t-il à Nicolas Sarkozy l’ingrédient essentiel : les
circonstances. Une gestion – et malgré les apparences, nous restons dans ce
registre à l’extérieur comme à l’intérieur – se juge à ses résultats. Tandis
que l’exception appelle l’exception. Il se peut que Nicolas Sarkozy rencontre
des circonstances, alors si sa mesure se confirme et est enfin adéquate, un
certain règne pourrait commencer. Mais les circonstances, en relations
internationales et en état du monde, ne se convoquent qu’en situation d’extrême
force, ce qui n’est plus la situation française, et ce qui n’est pas la volonté
de nos partenaires pour l’Union européenne : le déroulement de la
conférence de Bali sur les changements climatriques l’a montré, le traitement à
l’Organisation mondiale du commerce de la question de nos préférences à
maintenir en faveur des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique le
confirme, alors même que l’Union européenne, sur ces sujets, peut être la très
grande puissance.
*
* *
En conclusion du
moment :
paradoxes, risques et
gaspillage d’une personnalité
ambivalence de son attitude
Le président de la République court le risque et fait
courir à la France le risque d’une désorganisation sans reconstruction positve.
A ouvrir un chantier ou un débat presque chaque jour, il
sature l’opinion, le commentaire et disperse. A dicter lui-même quasiment la
lettre des projets de loi, il empêche la discussion et l’approfondissement de
la matière en cause. A réagir personnellement sur chacun des sujets ou à chacun
des événements qui lui paraissent porteur d’un mécontentement contagieux, il
prend des engagements qui ont toutes chances de n’être pas tenus. L’ensemble du
gouvernement se meut à l’identique, sans rupture avec le passé pourtant si
réputé oublieux des promesses d’Etat que le redressement devait d’abord
restaurer une crédibilité de la parole donnée. Ainsi, le Grenelle de
l’environnement n’a pas été suivi d’un moratoire de tous les cultures O.G.M. et
la taxe-carbone n’est pas de compétence nationale, les mal-logés continuent
d’être bercés de promesses, conditionnés par une sagesse et une non-récidive
qu’ils ne peuvent avoir en préalable…Les
Français ne discernent pas d’étapes dans le processus de gouvernement et ne
peuvent donc repérer où ils en sont, notamment pour ce qui est des efforts ou
sacrifices à consentir : le cas des réformes en matière de retraites
et de sécurité sociale est exemplaire et Nicolas Sarkozy hérite d’une manière
de réformer ou d’ajuster qu’il pérennise : d’années en années,
allongements de durée de cotisation, apparition de franchises, diminution
des prestations. Ni vue d’ensemble ni réexamen des structures. L’obsession
d’économiser ne fait pas pourtant diminuer la dépense ni le déficit mais
recouvre pratiquement le concept-même de réforme : exactement comme le
pratique l’entreprise – surtout celle qui est cotée en bourse – et en cela il
légitime son comportement, l’Etat confond réforme de lui-même avec diminution du
nombre de ses fonctionnaires et agents. Services et entreprises publics
empêchent désormais – sciemment et s’en vantent – l’aménagement du territoire ;
la carte judiciaire et la carte hospitalière accentuent les
désertifications : les suppressions de tribunaux ou d’hôpitaux ont leurs
émules dans la réduction par la société nationale de sa desserte du fret
ferroviaire.
La rupture est certes dans la constatation d’une grande
activité présidentielle, mais celle-ci est telle que les ministres et les
administrations n’apparaissent plus qu’au mieux en mime ou en exécutant.
L’embouteillage de l’agenda présidentiel ne fait plus discerner ce qui est
ponctuel de ce qui a valeur d’entrainement et d’orientation.
Autre paradoxe : une personnalité qui n’est ni
écrivain ni orateur, qui revendique l’efficacité et le sens du pratique, du
concret, se donne comme moyen quasi-unique le discours, la lettre de mission,
la verbe et la plume ; un homme politique qui voit dans la diminution de
l’Etat la libération des énergies nationales productives, ne’organise pas le
champ libre et ne joue que du registre législatif et étatique.
Le Président fait réfléchir – et c’est certainement son
meilleur point – sur quantité de sujets mais rarement sur des causes et moins
encore sur des remèdes, parce qu’il donne en même temps que l’envoi en mission
les résultats qu’il attend de celle-ci.
L’hyperactivité – d’un homme, en position éminente – peut
mener à l’immobilisme parce qu’il est impossible de suivre autant de pistes
parallèles à la fois si n’a pas été définie une direction d’ensemble. L’indépendance
de comportement et de pensée – novatrice – produit une soumission à l’ambiance
internationale et aux idéologies dominantes.
Risque aussi d’attribuer tout à une personne, puisqu’elle
le revendique. Tout lui prêter ? le meilleur puisqu’elle le souhaite, le
pire ou l’occasionnel ? Clarté, franchise, transparence ont été le
leit-motiv du R.P.R. depuis sa fondation… n’avons-nous pas récolté
« cabinet noir » et opacité ? avec les procès, mises en cause et
mises en examen qui continuent de faire les éphémérides français d’un mandat
présidentiel à l’autre. Nous ne pouvons demeurer dans de telles interrogations.
Antidotes aux
risques et aux hypertrophies, et bonne utilisation de l’outil
présidentiel : la collégalité au niveau gouvernemental, la participation
au niveau populaire. Mentalement, nous donner une perspective. Tout cela
est nécessaire et urgent. Cette perspective – seule – peut lever l’hésitation
fondamentale que suscitent en permanence l’attitude de Nicolas Sarkozy et sa
propension à accumuler des « faits » : qui est-il au fond ?
noir ou blanc ? où notre consentement forcé ou délibéré à son gouvernement
(manière de faire et lois de changement) nous mène-t-il ? Question de
confiance s’il en est, qu’aucun de ses prédécesseurs ne nous faisait nous poser
de façon aussi globale, et – est-ce bon ? – aussi liée à la psychologie
d’une personne.
C’est cette contingence qui a inspiré mon vote : le
risque. Elle hante notre vie nationale, elle est plus profonde encore qu’en
campagne électorale, elle ne ressemble pourtant pas à ce qui pouvait s’observer
du ministre de l’Intérieur, candidat à l’Elysée de 2002 à 2007 : il me
semblait alors totalement négatif. Mais passer du refus à l’hésitation tient
aussi à ce que la réalité a changé. Nicolas Sarkozy est au pouvoir, il
l’accapare, il est le pouvoir sans partage. Ce n’est pas son emprise qu’il faut
évaluer, mais ce qu’il en fait./.
disponibles par courriel sur demande :
1°
15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007
2°
journal réfléchi
14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles
25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à
faire ?
31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?
15 . 16 Juin 2007
La manière du candidat ne peut être celle du président de la République
La démocratie de gouvernement
Les débuts de « l’action »
17 . 24 Juin 2007
Déblais…
Une claire distribution des rôles et des stratégies, au pouvoir et dans
l’opposition
La fausse obligation de hâte
Le mode de scrutin pour désigner les députés l’Assemblée Nationale est-il adapté ?
6 . 10 Juillet & 12 Septembre 2007
Notre pays, notre temps, notre monde – banalités ?
Notre pays, notre temps, notre monde – ce qui change
Les paradoxes qui demeurent
Les précédents ne valent que pris dans la période Cinquième République
Concept et pratique de la carrière politique - Logique républicaine et
accélération des dévoiements
Difficulté de l’émergence d’une nouvelle éthique des grands patrons
français
19 Septembre 2007
Des bons points
Des mauvais points
Des indices
Des sujets d’inquiétude
4 Octobre 2007
I – Politique intérieure
tout se répète
la nouveauté : l’organisation du pouvoir
l’ouverture
le risque de saturation
la pierre de touche
la lacune
l’isolement
II – Politique extérieure
le changement vis-à-vis des Etats-Unis
l’abandon de la priorité européenne
15.19 Octobre 2007
Les pièces du puzzle ? ou « les silences du
scenario »
. consacrer quelques premiers mois d’un
exercice du pouvoir par une modification de la Constitution ?
. un fonctionnement à risques quotidiens de l’ensemble du mécanisme élu
ce printemps
. elle aussi sans précédent, la mise en scène en responsabilité
partagée d’une vie de couple
. vis-à-vis de nos partenaires en Europe et de l’entreprise d’Union,
une attitude toute nouvelle et sans précédent depuis les fondations des
Communautés européennes et de la Cinquième République
. c… par-dessus tête en économie et en social
. les contre-pouvoirs qui s’établiront sans octroi du pouvoir en place
23.25 Octobre 2007
. . . le temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas
le juger ?
le régime se qualifie lui-même
l’Europe à défaire ?
le mouvement social et l’opposition parlementaire
l’économie seconde
5.6 Novembre 2007
La gestion des crises
La gestion du fond
Desseins et tempêtes
La contradiction
13 Novembre 2007
Erreurs propres au gouvernement et voulues par Nicolas
Sarkozy,
vulnérabilités françaises
13.23Novembre 2007
Chronique d’une confrontation
Chronique d’une solution ?
« Gérer » l’ambiguité
Pour voir ?
Avant quoi ?
L’Esprit souffle où il veut
Fini ?
[1] - Paolo Persichetti en
Août 2002
[2] -
enseignant à Paris VIII en droit fonctionnel et en relations extérieures de
l’Union européenne, faute qu’ait été continuée par défaveur du prince et de la
corporation, une carrière dans la diplomatie économique et financière, puis
comme ambassadeur
[3] - 1er Avril au
29 Novembre 2004
[4] - médias PARIS (AFP) - 06/12/07 23:26 - Le journaliste Guillaume Dasquié mis en examen pour compromission du secret de la défense
Le journaliste Guillaume
Dasquié a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour compromission
du secret de la défense, soupçonné d'avoir divulgué des éléments provenant de
rapports de la DGSE
relatifs au terrorisme, a-t-on appris de source proche du dossier.
Le journaliste a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST (trois hommes et trois femmes) qui ont effectué une perquisition.
Selon une source proche de l'enquête, il est reproché à M. Dasquié une "compromission du secret de la Défense) pour avoir publié dans un article du Monde du 17 avril des éléments provenant de rapports de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) sur le terrorisme.
En avril, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, avait décidé de saisir le Garde des sceaux d'une plainte contre X, après la divulgation par Le Monde de documents classifiés avertissant d'un détournement d'avion américain huit mois avant le 11 septembre 2001.
La plainte concernait "notamment six notes classifiées de la DGSE".
Selon l'article et les documents publiés par Le Monde en avril 2007, les services de renseignements extérieurs français avaient alerté en janvier 2001, soit huit mois avant les attentats du 11 septembre, leurs homologues américains d'un projet de détournement d'avion américain par Al-Qaïda.
Le Monde précisait alors être en possession de 328 pages de documents de la DGSE frappés de la mention "confidentiel défense", des "notes, rapports, synthèses, cartes, graphiques, organigrammes, photos satellite". Le tout, précisait alors Le Monde, représentait "rien de moins que l'essentiel des rapports de la DGSE rédigés entre juillet 2000 et octobre 2001".
Il serait également reproché à M. Dasquié, selon sur une autre source proche de l'enquête, la divulgation d'un document du ministère des Affaires étrangères relatif à l'affaire Borrel (du nom d'un magistrat décédé dans des circonstances non élucidées à Djibouti, ndlr), également dans un article publié dans Le Monde, daté du 10 juin dernier.
Reporters sans frontières a dénoncé jeudi dans un communiqué les "procédés abusifs" utilisés à l'encontre de Guillaume Dasquié.
L'organisation de défense des journalistes indique que "l'irruption de policiers, à l'aube, au domicile d'un journaliste, suivie d'une perquisition de cinq heures et de son placement en garde à vue par le contre-espionnage, sont des procédés abusifs, inédits en France."
Guillaume Dasquié et son associé Philippe-André Dayan sont les fondateurs du site internet geopolitique.com, spécialisé dans la publication de documents classifiés.
Le journaliste a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST (trois hommes et trois femmes) qui ont effectué une perquisition.
Selon une source proche de l'enquête, il est reproché à M. Dasquié une "compromission du secret de la Défense) pour avoir publié dans un article du Monde du 17 avril des éléments provenant de rapports de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) sur le terrorisme.
En avril, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, avait décidé de saisir le Garde des sceaux d'une plainte contre X, après la divulgation par Le Monde de documents classifiés avertissant d'un détournement d'avion américain huit mois avant le 11 septembre 2001.
La plainte concernait "notamment six notes classifiées de la DGSE".
Selon l'article et les documents publiés par Le Monde en avril 2007, les services de renseignements extérieurs français avaient alerté en janvier 2001, soit huit mois avant les attentats du 11 septembre, leurs homologues américains d'un projet de détournement d'avion américain par Al-Qaïda.
Le Monde précisait alors être en possession de 328 pages de documents de la DGSE frappés de la mention "confidentiel défense", des "notes, rapports, synthèses, cartes, graphiques, organigrammes, photos satellite". Le tout, précisait alors Le Monde, représentait "rien de moins que l'essentiel des rapports de la DGSE rédigés entre juillet 2000 et octobre 2001".
Il serait également reproché à M. Dasquié, selon sur une autre source proche de l'enquête, la divulgation d'un document du ministère des Affaires étrangères relatif à l'affaire Borrel (du nom d'un magistrat décédé dans des circonstances non élucidées à Djibouti, ndlr), également dans un article publié dans Le Monde, daté du 10 juin dernier.
Reporters sans frontières a dénoncé jeudi dans un communiqué les "procédés abusifs" utilisés à l'encontre de Guillaume Dasquié.
L'organisation de défense des journalistes indique que "l'irruption de policiers, à l'aube, au domicile d'un journaliste, suivie d'une perquisition de cinq heures et de son placement en garde à vue par le contre-espionnage, sont des procédés abusifs, inédits en France."
Guillaume Dasquié et son associé Philippe-André Dayan sont les fondateurs du site internet geopolitique.com, spécialisé dans la publication de documents classifiés.
médias PARIS (AFP) - 07/12/07 15:01 - Journaliste mis en examen: le SNJ dénonce une "censure moderne"
Le Syndicat national des
journalistes (SNJ) a dénoncé vendredi la mise en examen du journaliste
Guillaume Dasquié pour compromission du secret défense et "l'organisation
d'une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête
journalistique".
Guillaume Dasquié a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour compromission du secret de la défense, soupçonné d'avoir divulgué des éléments provenant de rapports de la DGSE relatifs au terrorisme dans un article du Monde du 17 avril 2007.
Il a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST qui ont effectué une perquisition.
Le SNJ, premier syndicat de la profession, "refuse que les journalistes et les citoyens de notre pays soient les victimes de l'organisation d'une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête journalistique afin de priver le public des informations qu'il est en droit de recevoir".
La perquisition et la mise en examen "résument toute la question posée par la protection des sources (...). Il y aurait des révélations +autorisées+ et d'autres pas", ajoute le SNJ.
Le SNJ "apporte tout son soutien" à M. Dasquié et "rappelle que depuis avril 2005 où il a déposé un texte de proposition de projet de loi pour harmoniser le droit français avec la jurisprudence européenne, les différents gardes des Sceaux n'ont pas suivi, en dépit de toutes leurs promesses et de l'engagement écrit du candidat Sarkozy".
Guillaume Dasquié a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour compromission du secret de la défense, soupçonné d'avoir divulgué des éléments provenant de rapports de la DGSE relatifs au terrorisme dans un article du Monde du 17 avril 2007.
Il a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST qui ont effectué une perquisition.
Le SNJ, premier syndicat de la profession, "refuse que les journalistes et les citoyens de notre pays soient les victimes de l'organisation d'une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête journalistique afin de priver le public des informations qu'il est en droit de recevoir".
La perquisition et la mise en examen "résument toute la question posée par la protection des sources (...). Il y aurait des révélations +autorisées+ et d'autres pas", ajoute le SNJ.
Le SNJ "apporte tout son soutien" à M. Dasquié et "rappelle que depuis avril 2005 où il a déposé un texte de proposition de projet de loi pour harmoniser le droit français avec la jurisprudence européenne, les différents gardes des Sceaux n'ont pas suivi, en dépit de toutes leurs promesses et de l'engagement écrit du candidat Sarkozy".
médias PARIS (AFP) - 09/12/07 17:37 - Guillaume Dasquié, menacé de détention, dit avoir donné le nom d'une source indirecte
Le journaliste Guillaume
Dasquié, mis en examen jeudi soir pour compromission du secret de la défense, a
confirmé dimanche avoir été menacé de détention provisoire et déclaré qu'il
avait fini par donner le nom d'une de ses sources indirectes au cours de sa
garde à vue, préservant sa source principale, dans des déclarations au Journal
du Dimanche et à France 5.
[5]
- médias PARIS (AFP) - 17/12/07 10:10 -
Point de Vue: Sarkozy et Carla Bruni "avaient envie de le faire
savoir" -
"Nicolas Sarkozy et Carla Bruni avaient envie de le faire savoir,
sinon je ne vois pas pourquoi ils seraient allés à Eurodisney pour aller
regarder la parade de Mickey", a dit Colombe Pringle.
Elle a expliqué que "des photographes dont c'est la spécialité les
suivaient depuis 15 jours" et avaient appelé Point de Vue à ce sujet.
"Je ne publie pas des photos volées. Je considère que ce ne sont pas des
photos volées, mais des photos données dans la mesure où c'est une façon
d'officialiser quelque chose", a ajouté la directrice de la rédaction de Point
de Vue.
Pour sa part, Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l'Express, qui a
publié dimanche l'information sur son site, a expliqué sur la même radio être
un ami de l'ex top-model Carla Bruni, mais qu'au départ elle "ne lui avait
rien dit".
"Je ne lui avais rien demandé jusqu'à dimanche comme nous mettions en
ligne sur le site de l'Express l'information, il m'a semblé normal que je
l'appelle et lui explique un peu la teneur de notre papier. A cette occasion,
elle a confirmé la relation et elle m'a signalé que la publicité faite autour
de cette histoire ne la gênait pas à partir du moment où maintenant ça allait
être une aventure, une histoire d'amour publique", a commenté Christophe
Barbier.
[6] - pas de
semaine, sans – en hors texte – que soit placée cette affirmation : "Je ne me laisserai arrêter par
personne (...) des décisions ont été prises, nous les appliquerons (…) Moi, je
ne veux pas qu'à la fin de mon quinquennat, on dise qu'il a beaucoup parlé et
peu décidé (...) je veux qu'on décide tout de suite". Camargue – mardi 18 Décembre 2007
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire