mardi 28 avril 2015

chrétiens au Porche-Orient : ni une ethnie, ni une diaspora ou une errance, mais deux mille ans de présence et de vie


Le parcours historique de la présence chrétienne bimillénaire au Moyen -Orient :

1ère partie

 

publié le 30 avril 2015 par Père Jean-Luc Fabre  in « le jardinier de Dieu »

L’essence de la culture chrétienne consiste en la promotion de la paix, basée sur quatre piliers : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.

Conférence à l’UNESCO du Patriarche Card. Béchara Boutros RAI Paris, le 25 avril 2015

Introduction
1. Je voudrais tout d’abord saluer et remercier Mme Irina Bokova, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture et le Conseil Exécutif, ainsi que Dr Khalil Karam, Ambassadeur, Délégué permanent du Liban auprès de l’UNESCO, de m’avoir invité à donner cette conférence à l’occasion du 70ème anniversaire de cette Organisation, autour du thème : "La présence chrétienne au Moyen - Orient et son rôle dans la promotion de la culture de la paix".

I. Parcours historique de la présence bimillénaire des chrétiens au Moyen–Orient première partie
2. C’est dans la région du Proche-Orient que Dieu a envoyé son Fils, il y a deux mille ans, afin d’accomplir le plan de salut de tout le genre humain, et où, pour la première fois, les disciples du Christ reçurent le nom de "Chrétiens" (cf. Ac 11, 19-26). Aussi, le christianisme devint rapidement un élément essentiel de la culture de la région grâce à ses grandes écoles d’Alexandrie et d’Antioche. L’essence de la culture chrétienne était et reste toujours la promotion de la paix, basée sur quatre piliers : la vérité, la justice, l’amour et la liberté (Pacem in Terris, 88).

3. La paix constantinienne avec l’Edit de Milan (315), qui a clôturé trois siècles de persécution chrétienne, a fait apparaître une Eglise complètement acculturée, se faisant araméenne avec les araméens, copte avec les coptes, grecque ou latine avec les ethnies dominantes de l’Empire romain. Elle apparaît organisée en patriarcats : Rome, Alexandrie, Constantinople, Antioche et Jérusalem. Chaque Eglise patriarcale avait son organisation en diocèses, se gouvernait par ses propres lois et tenait la communion avec les autres Eglises et celle de Rome.

4. En franchissant les frontières de Jérusalem et du peuple juif, l’Eglise a fait son premier champ d’expansion en milieu païen de la région syrienne de l’Empire Romain, où elle s’est mise au contact des cultures grecque et araméenne - syriaque. À Antioche, capitale de la province romaine d’Orient et foyer vivant d’hellénisme, s’est constituée la première communauté significative de chrétiens d’origine païenne autour de l’année 37. Alexandrie aussi était devenue, à la fin du Ier siècle le haut lieu de l’hellénisme chrétien. Ces deux villes culturelles, jusqu’au VIème siècle, rivalisaient avec Rome et Byzance. Au IIIème siècle le christianisme a gagné l’essentiel de l’Egypte, de la Palestine, de la Syrie, de la côte phénicienne (aujourd’hui littoral libanais) et de l’Asie Mineure ; il s’est étendu loin vers l’Est, au cœur de la Mésopotamie.

5. Les chrétiens du Moyen-Orient ne sont pas donc des individus épars, ni des groupes de minorités ethniques ou religieuses. Ils sont plutôt les membres de l’Eglise Universelle, appartenant à des Eglises qui ont chacune son rite propre, c’est-à-dire son patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, représentant sa propre manière de vivre la foi selon sa culture, histoire et situation géopolitique.
La situation des chrétiens au Moyen-Orient est plus que problématique, aussi il nous a paru avisé de vous proposer de lire la conférence du Cardinal Béchara Boutros Rai, le patriarche maronite. Voilà une manière modeste mais réelle de s’unir à eux, de les comprendre, de nous comprendre, de mesurer aussi la dérive que produisent les media en usant souvent de termes inappropriés.

Dans un discours posé, le Patriarche redit quelques points essentiels aussi bien de l’histoire de la présence chrétienne au Moyen-Orient que du style de leur présence ainsi que des conditions pour que cette riche et belle histoire puisse se poursuivre. A travers cela nous pouvons y lire le mystère de l’Eglise et son incroyable capacité à s’insérer dans les peuples qui la reçoivent et bénéficient souvent par là d’une extraordinaire revitalisation…

Nous sentons, en lisant la conférence du Patriarche Rai,  combien cette présence est une richesse pour ces pays mais aussi pour nous. Par eux, nous nous éprouvons « latins » et nous nous ouvrons à une manière renouvelée d’être chrétiens, catholiques.

En lisant la première partie, nous relisons en fait notre propre histoire… mesurons ce que la barbarie actuelle risque d’anéantir. Les propos du patriarche prennent des appuis dans d’autres considérations que nos média. Ainsi, il n’y a pas de « groupes de minorités ethniques » [modèle aberrant ainsi posé] mais une Eglise universelle qui a rencontré et respecté tous les peuples… et ainsi permis une extraordinaire floraison culturelle dans l’amour, la vérité, la justice, la paix chez ceux-ci…

Père Jean-Luc Fabre 

journée pour la mémoire des déportés - 26 avril - allocution de Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte


Un bruit de bottes martèle le pavé en cadence.
D’étranges pancartes blanches écrites en lettres gothiques apparaissent dans les villes pour guider l’occupant.
L’ennemi orgueilleux et arrogant impose sa loi.
Le couvre-feu vide les rues.
Une ligne de démarcation de mille deux cents kilomètres traverse 13 départements des Pyrénées atlantiques au Jura et à l’Ain et coupe la France en deux.
Comble de la lâcheté, un gouvernement aux ordres du troisième Reich s’abaisse jusqu’à nommer un ambassadeur à Paris même, ville occupée.
La France est à genoux et touche le fond de l’abîme, mais plus fort que son glaive brisé, son esprit, sa pensée rebelle appellent à poursuivre son combat multiséculaire pour la Liberté.
La résistance commence.
Le 3 juillet 1940, le Capitaine NOUTARY commandant le 1er bataillon du 7ème régiment d’infanterie coloniale écrit aux commandants de compagnie une note confidentielle.
« Après la démobilisation, nous devons nous tenir prêts à reprendre les armes... Nous devons développer notre sens de la discipline et notre esprit de sacrifice à la plus noble des causes, celle d’une France forte et libre »Le 11 Novembre 1940, plusieurs milliers d’étudiants et de lycéens bravent les ordres des nazis et défilent sur les Champs Elysées, se rassemblent à l’Arc de Triomphe et fleurissent la statue de Clemenceau.
Quelques mois après se forment les premiers maquis.
Tom MOREL et le Capitaine ANJOT tiendront avec héroïsme le plateau des Glières.
La résistance commence et s’organise, la répression aussi.
Le Professeur Paul LANGEVIN est arrêté et incarcéré à la Santé.
Le 22 octobre 1941, 50 otages du camp de Choisel à Chateaubriant sont fusillés en représailles de la mort du Feldkommandant abattu par des résistants à Nantes deux jours plus tôt.

« Mon pays, mon pays a des mares et les larmes le jour, le soir les fait sang. »
Louis Aragon
Camarades, compagnons de combat, mourir fusillé le sourire aux lèvres, bravant le peloton d’exécution à Chateaubriant ou dans la clairière sacrée du Mont Valérien, est-ce un supplice plus doux que l’enfer qui commence dans les wagons qui t’emportent vers des terres de détresse ?

« Je t’ai vue la dernière fois dans le wagon encore ouvert,
parmi le troupeau effaré, les visages des enfants juifs,
je n’ai pu te tendre la main même pour le dernier voyage. »
Spiegel Ishayahou à Rebecca

Alors commence la foire à l’Homme, la honte à jamais du genre humain.
Vos noms sonnent comme un glas terrible, lugubre et glaçant :

Belzec
Sobibor
Treblinka
Ravensbrück
Dora
Buchenwald
Le Struthof
Auschwitz

Vos noms sont à jamais maudits.

La faim y torture
« Six jours sans pain,
La mort chevauche à travers les rangs,
Les cadavres sont notre pitance ».
Edler Von Boris Georg
Les assassins font disparaître leurs crimes dans les crématoires.
« La fumée du crématoire
charrie les larmes d’enfants
dont les avenirs sanglants
accusent devant l’Histoire »
Feigelson Ralph
« C’est moi la mère brûlée qui cogne à vos cœurs languissants,
Vous ne pouvez pas me voir ; on ne peut pas voir les brûlés,
Le gaz m’a consommé les yeux,
les cheveux ont commencé en premier,
Je suis devenue de la cendre menue »
Kulisiewiez Aleksander
Je vous aime mes frères déportés, amants sublimes de la France, terre de liberté.
Vous avez porté la flamme de la résistance au-delà de la mort.
Vous incarnez à jamais le visage mourant du premier preux.
Vous êtes à jamais les frères d’Antigone et de Jeanne.

Le printemps est revenu, les lilas refleurissent, la vie est plus forte que la mort mais ;

« Le sang ne sèche pas
aujourd’hui ni demain,
Ravensbrück ou Dora
ne sont pas si loin »
Chiroux Francine
Le fanatisme est de retour et le monde demeure une fête sanglante
« où le meurtre fourmille » Victor Hugo
Alors enfant de France, lève-toi et dit NON aux terroristes, barbares renaissants.
L’esclave dit toujours oui !

Vive nos Alliés
Vive la République
Vive la France.

Inquiétude & Certitudes - mardi 28 avril 2015

lundi 27 avril 2015

quarante-six ans . le temps d'une vie d'homme - de Gaulle, son départ et moi . circonstances personnelles


+                                                      Vendredi 25 Avril 1969


Minuit

Quinze jours que je n’ai pris aucune note .
Et je suis passé à un nouveau cahier . sans achever le
précédent . et en changeant la couleur …

L’essentiel et la raison de tout cela : petites choses de détail
en vérité –
et mes fiançailles avec Sylvie . le mardi 8 avril .

Depuis . à Valescure . temps de détente et de paix .
de certitude et de confiance .
et pas le temps d’écrire .
Et depuis mon retour à Paris .
pas le temps non plus . entre Sylvie . mes T P . et l’E N A .
Et puis surtout toute une crise . qui – je crois – s’achève .
qui m’a fait douter profondément de ma décision
et que j’ai préféré vivre .
sans m’envoûter moi-même à longueur de pages .
j’en ferai le point à tête reposée .

Ce que je peux déjà écrire .
car je l’expérimente profondément . c’est
– le mariage est un immense changement
de vie . d’échelle d’affection et de confiance . d’horizon .
de liberté . Extraordinaire pari sur l’autre et sur soi .
– l’amour est sûrement à la racine
une intense confiance en l’autre . en sa capacité de
vous comprendre et de vous rendre heureux
– tout cela se vit seul
ma décision . ma conviction . ma joie ou mon angoisse
personne n’y peut rien .
Mais – confiance en l’autre
       confiance en Dieu .

*
*   *

Ce qui me remplit aussi beaucoup l’esprit . tous ces temps-ci
c’est bien sûr le referendum du 27 Avril .

Mon opinion politique fondamentale est formée depuis l’automne 1962 [1]
et depuis que je vote – présidentielle de 1965 –
je vote suivant la stricte obédience dès le premier tour et
 sans hésitation .
Cette fois-ci . il n’y a pas de problème . et peut-être moins que
jamais s’il y en eut
– le projet est un progrès considérable et très ouvert sur l’avenir
– le referendum est un excellent procédé . dans la mesure où il
est éducatif . et fait participer concrètement à la décision .

Ceci posé . à l’échelon national . le problème a pris une toute
autre gravité .

. le combat s’est placé sur le terrain politique et du régime .
Ce que voulait ou a – au moins – nettement accepté le
Général de Gaulle

. on a glissé – dans le calme . et c’est profondément étonnant –
vers l’hypothèse du succès du ‘non’ . et du départ du Général
Cela s’est fait progressivement . et sans panique .
C’est devenu une éventualité pour la majorité dès samedi dernier
suivant les sondages : 50% . et un peu plus . au non [2]
Puis officiellement . annonce par Defferre à la TV mercredi
se fondant sur un sondage opublié par le Figaro jeudi : 53% pour le non
Et aujourd’hui . France Soir : 51% pour le non .

. l’enjeu du débat a été modifié par la remarquable intervention
de Defferre (toujours très opposition dynastique depuis son discours
du 12 Janvier 1964) : occasion extraordinaire . de départ
du Général dans le calme et la paix .
et ce soir . allocution du Général . donnant l’alternative : maintenant ou
dans 3 ans .

Autour de ces faits .
comment s’ordonnent les positions

. leaders centristes n’ont pas pris position au départ .
n’ont fait que suivre ce qu’ils ont cru être le courant dominant .
au moins à terme : Duhamel et Giscard .
. Pompidou a été relativement ambigu
et n’a vraiment coupé court aux insinuations qu’aujourd’hui à Lyon .
a fait campagne pour la fidélité

. électorat indécis pour un tiers jusqu’à ces derniers jours
crédibilité du départ du Général : 65% . qui y croient

. argument du départ joue moins fort
car – Pompidou est là
                 – de toutes façons . même si on le voulait . de Gaulle
         n’est pas éternel : et dans 3 ans . ou maintenant .
         quelle différence .


Ce soir . rediffusé deux fois . discours du Général
clôturant la campagne .
– le départ est absolument certain si le non l’emporte
– appel à l’émotion populaire . en découvrant le futur départ –
celui qu’il demande – à la fin du mandat
– soutien très net à ceux qui de toutes façons représentent l’avenir de
la patrie .

Mon impression ce soir est la suivante
– la prise de conscience de l’électeur va vraiment s’opérer
et il va y avoir effectivement un vote de fidélité
– le oui l’emportera dimanche .
pas de beaucoup . mais nettement tout de même .

Ce que j’espère . c’est que le Général retrouve
sa majorité présidentielle de 55%
ce qui étant donné la tournure actuelle des événements –
serait un beau succès .


Sur le plan de l’échiquier politique . la situation ne semble
pas avoir été assez analysée
– le referendum . du seul fait qu’il existe et de sa date
(et c’était sûrement un des calculs du Chef de l’Etat)
exorcisait le rendez-vous de Mars . et l’anniversaire de Mai
C’est beaucoup
– de Gaulle est seul sur le podium .
et victoire ou défaite . ce sera la sienne
– Pompidou maintient ses chances . et Couve a manqué
son baptême du feu .
(Il est vrai que Pompidou n’a eu le sien finalement . qu’au bout de 6 ans)
– la gauche existe moins que jamais
le parti socialiste est plus petit que feu la Fédération . puisqu’il ne
 comprend pas le parti radical . Mitterrand est hors jeu
– si succès du non .
candidature Poher serait typiquement celle d’un PR style
IV° République : Coty en moins honnête .
et ce serait bel et bien la catastrophe pour les institutions .
qqn se ferait élire pour émasculer les pouvoirs présidentiels .

De Gaulle est à Colombey depuis cet après-midi

Au fond . actuellement le parti de l’ordre victorieux en Juin 1968
relève son masque . ce que voulait de Gaulle :
une bonne part reflue vers le non .
C’est bien la clarification des électeurs que voulait de Gaulle
– veut-on de Gaulle ?
– veut-on les réformes ?

Et si le oui l’emporte . ce sera un % nettement plus substantiel
qu’aux élections : d’au moins 9 à 10 points .

J’espère .

_

SYLVIE

Mon Dieu . fortifie-moi . lave-moi . secours-moi
Bénis-nous . tous les deux .
Fais-nous correspondre l’un à l’autre . nous deviner l’un l’autre
et nous regarder jusqu’au fond de l’âme .
en toute liberté d’expression . en toute paix et apaisement .
sans pressentiments . sans anxiété
avec confiance et joie .

_
                           
0   h   40


+                                                               Dimanche 27 Avril 1969


23   h  30

Le referendum est négatif .
De Gaulle a perdu
sur 24 . Mons .          19  Mons de votants
52 %   non .              46,9  %  oui

Pourquoi a-t-il mis son mandat en jeu ?
Et fait-il appel des élections du 30 Juin ?
Et mis en cause toute son œuvre ?

_

Et moi . ce soir . j’ai peut-être perdu Sylvie
Elle a vraiment compris que je ne l’aimais pas vraiment
et elle souffre depuis huit jours . horriblement .
Et moi . quel échec . Et quelle saloperie
que ma vie entière et sur tous les plans ?

Peut-elle me revenir ?
Peut-elle me garder confiance et estime ?

_

Dégoût profond . de moi-même .




+                                                               Lundi 28 Avril 1969


23   h   45

Geste extraordinaire de Sylvie aujourd’hui .
qui malgré tout ce que « je lui ai fait voir »
depuis quinze jours . et sa crainte que cela ne
recommence périodiquement
fait front . et accepte de reprendre pleinement la route .
Fermée et en larmes hier dans l’auto .
Ce matin . en la conduisant au cours : dubitative et
disant avoir réfléchi
Et puis à midi : « Mon amour . je t’aime »

Moi-même . ai-je vraiment pris ma décision
Je veux l’avoir prise .
Je veux l’aimer .
Mais je ne sais toujours pas si je l’aime .
Et en tout cas . ni détente . ni bonheur .

Et elle a presque toutes les qualité du monde .
Et elle m’aime passionnément et je crois – de plus en plus
lucidement
        
_

Immense tristesse : de Gaulle n’est plus là .
La France . l’Etat . la politique paraissent complètement vides .
Cela me touche profondément .
Il n’y a pas de successeur possible .
C’est lui ou rien .
A moins . qu’il ne soit clairement convenu qu’il continue de
gouverner par personne interposée .
je vais m’abstenir aux prochaines élections présidentielles .

Et s’il était candidat ?

Le fait qu’il ne soit plus à la tête des affaires .
me paraît une monstrueuse anomalie .

_

Maison . et Maman chamboulées .
par mes embardées de cœur . et mes hésitations .

Je fais souffrir tout le monde

Et pourtant . pour voir clair . et « retomber amoureux »
– ou au moins en expérimenter la certitude – il me faut être calme
et détendu . et ne penser à rien .

Qu’est-ce qu’aimer ?
Un sentiment . une « évidence » ?
Se donner complètement . consentir et s’abandonner .

_




























Copie  lettre manuscrite adressée à La Boisserie             Mardi 29 Avril 1969

           
                              Mon Général,

je suis bouleversé par votre départ
et me sens profondément triste et vide
jusqu’à l’âme .

La France . et chacun de ceux qui
croient vraiment en elle . et partagent
du fond de leur esprit et de leur cœur
l’idée si noble et exaltante que
vous avez d’elle . se sentent seuls
et ramenés à de minuscules dimensions
et à de bien pauvres possibilités
et visions d’avenir .

Nous voilà profondément divisés
et démunis . Car vous seul
pouviez et vouliez rendre aux Français
confiance dans leur pays et dans son avenir
et élever le débat . pour en faire
une ambition et une vie nationales .
qui font que l’on se sent fier d’être
Français . Fierté que j’ai vêcu de
tout mon être depuis que vous êtes
à la tête de l’Etat .

Au sortir de l’Ecole Nationale d’Administration .
je suis à la veille d’entrer dans le service public .
et je me sens – avec votre départ –
sans raison de servir et de me dévouer .
sinon l’espérance que votre œuvre va être
continuée sur tous les plans . et strictement
et que nous ne nous abandonnerons pas à
nouveau .

Je pense à vous . à votre exemple .
à votre action . et à tout ce que
vous nous avez dit et montré sur
notre pays . sur la façon de le voir .
de l’aimer . de le faire rayonner
au maximum .

Mais votre action est-elle vraiment
terminée ? je refuse de penser
à vous . au passé . mais ne peux
dominer ma tristesse . devant l’issue présente .

Veuillez agréer . mon Général .
l’expression de ma profonde et très
respectueuse affection et l’hommage
de mon fidèle et total dévouement .

Je souhaiterai pouvoir vous exprimer
tout cela . de vive voix . si cela était
possible . et surtout recueillir
directement votre pensée et votre
espérance .

A ces fins . je sollicite l’immense
honneur d’être reçu par vous .
quand vous le voudrez

Bertrand Fessard de Foucault


2 av. Hoche    75 . Paris 8°










 


+                                                               Mardi 29 Avril 1969


22   h   45

De Gaulle :
– tout ce qui était en cours est tranché net .
toutes les actions diplomatiques . les rendez-vous . les anniversaires
ce qui est cruel . et aussi toute la vision d’une œuvre
institutionnelle
– sur tout cela . il ne sera pas remplacé
déjà . on loue la « simplicité » de Poher . que j’exècre
et plus d’un est tenté par le retour au Président bonhomme et potiche
Quant à Pompidou . il se servira du nom de de Gaulle .
et encore … « Il est candidat d’ouverture et de continuité »
du meilleur style III° .
– comme le règne aura été court !
Il semble que de Gaulle n’a fait que passer .

_

une page – journal des sentiments


+                                                                         Mercredi 30 Avril 1969


16   h

deux pages = journal des sentiments

Candidature de Pompidou .
« continuité et ouverture »         le meilleur langage de « politicien
radical » .
Il y a chez lui un sens aigu de l’opinion . et le souci
probable de la suivre .
Faire du gaullisme . sans le dire . mais en le réalisant .
Ou bien . compromettre à l’infini . et ne pas poursuivre
ce qui a été engagé .
De toutes façons . en période électorale . l’ambiguité est de règle

Egalement . maintenir à tout prix les institutions .
et le rôle du Président de la République :
ce que Pompidou et probablement Defferre feraient .
Mais sûrement pas Poher . ou une candidature Guy Mollet .

_

une page = journal des sentiments

A voir la facilité avec laquelle l’opinion publique
Et la « classe » politique acceptent le départ du
Général de Gaulle .
On a l’impression que la chose est parfaitement naturelle
et va presque de soi .
(C’est peut-être pour cela qu’il a choisi de partir :
il n’y avait plus de « nécessité » à ce qu’il soit là)

On peut se demander si finalement     il y a des habitudes
prises ?avec lui
Et pourtant . cette élection présidentielle en est bien une 
que de Gaulle nous lègue . et elle est finalement
la clé de voûte de sa pensée et de son œuvre :
un Chef de l’Etat . élu et dépendant du peuple . et
du coup pouvant agir sur lui . avec lui .
et gouvernant .

L’œuvre est-elle terminée ?
Le terme est impropre . Pour le Général . c’est plutôt d’action
qu’il faut parler . Et une action n’est jamais terminée .
Aucune œuvre . historique . n’est achevée .
Il n’y a pas pour un peuple et un Etat .
un état de perfection et d’aboutissement mot illisible . où il n’y aurait
plus à faire . ni à défendre .
Ce n’est qu’une tranche de vie .

Mais ce qui manque déjà .
c’est l’allure . le style . le verbe . la hauteur de vues .
quel que soit le gagnant des présidentielles .
c’est le retour de Monsieur tout le monde .
avec le bon sens . le veston . et les mots usuels
et sans éclat . qui reviennent .

Pressentiment que ce qu’en politique extérieure
on va changer très vite . et peut-être de Gaulle y songeait-il
déjà . mais ne pouvait abandonner son idée et son rêve :
c’est vis-à-vis de l’Allemagne .
Les guerres et positions d’influence se gagnent maintenant
diplomatiquement et économiquement . et nous sommes en guerre
avec l’Allemagne .

_

Papa .
qui reste et est mon père .
que je comprends .
que je voudrais admirer . estimer .
ce que je ne puis plus .[3]
_

40ème
Le Quai est possible . si je fais un bon exposé oral .

_

Comme je retrouve sa mère dans Sylvie .
Et cela ne me plaît guère .
Quand je crois aimer Sylvie . est-ce elle .
ou une image d’elle ?
Qui est réellement Sylvie ?

_



+                                                      Jeudi soir 1° Mai 1969


01   h    du matin

deux pages = journal des sentiments

De Gaulle .
qui n’est plus au pouvoir .

Vulnérable . et attaquable . on peut maintenant diffamer
sa politique . et peser ses actions : cela ne va pas tarder .
Le réduire à ses « justes » proportions

Mais le plus extraordinaire en lui . n’est ce pas que
ce soit simplement un homme .
Et que simple homme . il ait pu penser . dire . affirmer
et faire tant .

Un roi de France : et crier vive le roi c’est la même chose
Que crier vive la France .

L’avenir ?
Un Cincinnatus national . mondial ?
Rappelé dans trois mois ? mais il refuserait de revenir
Tout simplement . à écrire ses Mémoires ?

_

Suis-je malade sur le plan de l’imagination et

de l’affectivité ?
_

Revenir à la vérité du Christ .
A sa Providence
Avec loyauté et générosité . et lucidité
_

                                                                             01   h    40




+                                                                         Samedi 3 Mai 1969

13  h .


Je reste toujours aussi indécis et sans enthousiasme
pour Sylvie

ue page – journal des sentiments

23  h   20

De Gaulle est depuis une semaine un homme comme tout le monde .
Il n’en paraît que plus grand .
Mais il est bien sûr qu’il est irremplaçable
et qu’il n’y aura plus de gaullisme sans lui
– en matière éco. et soc. il est clair que Pompidou
sera libéral . tendance Pinay
– en pol. ext : les grandes décisions : Algérie . OTAN .
Moyen-Orient . Québec : de Gaulle les a prises . souvent
contre son entourage . Lui seul savait et pouvait
dire non ou oui envers et contre tous . Id. pour Marché Commun .
Pompidou risque fort de revenir au train-train
Pourquoi ?    par souci de plaire – à l’opinion publique
                                                   – au personnel politique
De Gaulle ne cherchait à plaire à personne .

Remarquable déclaration de Debré hier en C M .[4]
Bien entendu . série de gens pour penser que la publication
de ce texte est inconvenante
(alors que celle de Poher ne l’est pas…)
Les mêmes gens qui ont jugé inconvenant
– le départ de l’O T A N            – le voyage en U R S S
– le Québec libre              – l’embargo contre Israël
et qui ont spéculé contre le franc en Novembre .
et songé à P M F en Mai . . .


six pages – journal des sentiments


+                                                         Dimanche 11 Mai 1969


22   h    30

deux pages = journal des sentiments

On va vers un duel incertain Pompidou . Poher .
Le vrai pb. n’est plus droite ¹  gauche
Mais IV° ¹ V° . : institutions . indépendance nationale .
De Gaulle s’efface complètement . va en Irlande .
voir jusqu’où ira le reniement des Français ?
En tout cas . contrairement à ses détracteurs . respecter profondément
les Français . en ne voulant en rien peser sur leur choix .

Pompidou sera sûrement un Président qui gouverne .
Conservera-t-il les options essentielles du Général .
surtout en politique extérieure
Je n’en suis pas . sûr .
Langage très « radical » : continuité et ouverture
Cela peut mener à l’atlantisme . et à l’abandon du projet social .

Campagne unique de faire de deux manières une image semblable
– Pompidou accentuant sur le libéral . et l’ouvert
– Poher accentuant sur le PR responsable
et tous deux . flattant ce qu’ils croient avoir discerné :
lassitude devant gaullisme .
Moins que jamais . de l’éducation .
Et toujours plus de flatterie .
De Gaulle . lui . ne flattait pas .
ou du moins rarement
Il disait la vérité . que cela plaise ou non .
Maintenant on veut plaire .
et non pas faire objectivement ce qui est bon .

_


+                                                                         Mardi 13 Mai 1969


21   h    40


Les sondages donnent Pompidou 1° au 1er tour . avec 43 % .
mais battu au 2ème tour . par Poher qui fera le plein
de l’opposition avec 56 %.
Ce serait donc bien la défaite définitive du gaullisme
– en la personne du Général : c’est déjà fait depuis le 27 Avril
  – dans sa politique : ce sera fait . même si c’est Pompidou qui gagne
  – dans les institutions : si Pompidou est battu

Il n’y a donc de gaullisme qu’avec de Gaulle .
Maintenant qu’il est parti . on rivalise de « modestie »
de réalisme . d’atlantisme . d’europe [5]. d’ouverture
d’union . de réconciliation . de progrès . etc . . .
bref le bon sens !

Pour se battre mutuellement . Pompidou et Poher s’acharnent à
se ressembler .
Ce qui n’empêchera pas Pompidou de passer pour gaulliste .
Mais ce qui l’aura – dans les faits – amené à renier de Gaulle
Et s’il est battu . ce sera peut-être qu’il ne se sera pas assez montré
gaulliste . en indiquant bien aux Français les conséquences de leur vote .
Car les arguments de continuité . de progrès .
et d’éviter le retour à la IV° . et l’éventuelle dissolution
tout cela est bien faible . rebattu .
et après tout . cela n’a pas empêché de ‘non’ au referendum .

Il est vrai que l’important est d’être élu

De Gaulle filmé sur la plage en Irlande
Discours de Couve de Murville aux Chambres de commerce .
Tout cela est maintenant fantômatique .

Si j’ai le Quai . tout cela n’a rien d’exaltant
pour entrer dans la « carrière »



[1] - j’étais à la Muette

[2] - écrit en plus petit que le reste de ma page …
[3] - si j’étais malhonnête, je supprimerais cette observation de guerre avec l’Allemagne et ce que j’écris sur mon père que – toutes nos vies respectives revues – je continue d’aimer et d’admirer profondément, quoiqu’il se soit factuellement passé dans un parcours, pour lui, plus subi que voulu
[4] - je l’ai notée sur le champ en fiche de lecture – habitude contractée auprès de Dom Jacques Meugniot, moine de Solesmes et à l’époque hôtelier de l’abbaye Saint-Pierre ; je l’ai déjà évoqué
[5] - écrit sans majuscule