Observation & réflexions
006
Errata en observation & réflexion 005 des
17.24 Juin 2007
note de bas de page n° 3 – au lieu de lire alors que trois des enfants sur quatre sont du premier lit de Mme Sarkozy,
lire alors que trois des enfants sur
quatre ne sont pas du lit actuel
note de bas de page n° 18 – lire quatre-vingt-dix ans au lieu de quatre-vingt
ans
sur quelques « fondamentaux »
Vendredi 6 . mardi 10 Juillet . mercredi 12
Septembre 2007
Aux toutes
premières semaines du nouveau quinquennat, j’avais considéré – quoiqu’ayant
commencé d’opiner, qu’un jugement immédiat serait péremptoire et doublement
erronné. D’une part, parce qu’il ne serait pas crédible auprès de ceux qui ont
souhaité l’arrivée au pouvoir du nouveau président, et d’autre part parce qu’il
s’apparenterait au procès d’intention – réservé à la joute électorale. Celle-ci
est terminée, et – en principe – pour cinq ans au plan national : c’est ce
qui a été (très malencontreusement à mon sens) décidé quand, non contente que
les mandats présidentiel et législatif soient désormais de même durée, la
classe politique, unanime ou presque, a voulu faire aussi coincider les deux
scrutins à quelques semaines, en donnant la priorité chronologique à l’élection
présidentielle. Le nouveau président prône, depuis sa campagne, une culture de
résultats. Ceux qui n’ont pas voté pour lui, dont je suis, ont surtout fait
valoir – peut-être maladroitement – ses antécédents en matière de libertés
publiques et individuelles, les banlieues, la relation impérieuse avec la
presse. Il faut donc – par honnêteté intellectuelle – attendre les résultats,
quels qu’ils soient, et s’en tenir aux faits, depuis la prise de fonctions de
Nicolas Sarkozy. Le passé peut être explicatif, l’élection a tranché.
Une note suivante
restera dans la même expectative, mais les « cent-jours », passés
d’un mois, permettent de dégager de l’éphémère des tendances quant aux
perspectives de résultats et quant à la manière d’exercer le pouvoir. Ce que
j’essaierai prochainement de caractériser.
Pour discerner
et critiquer, des repères sont nécessaires. Ils doivent évidemment tenir compte
des prémisses de qui l’on observe et des données permanentes à partir
desquelles s’exerce le pouvoir.
1° Notre pays, notre
temps, notre monde – banalités ?
Qui a jamais
dit : la France pèse peu… parmi nos dirigeants, après de Gaulle, personne
alors que leur manque d’audace, à tous, montre qu’ils ont tous manqué de
conviction intime sinon de courage. Michel Jobert, pratiquement à mains nues,
en douze mois seulement et en pré-succession présidentielle, parce qu’il
l’avait dit et le reconaissait, a redressé tout ce qui doit l’être en
crédibilité française.
La France est
– dans le monde actuel – de taille moyenne en superficie, en population, en
ressources matérielles naturelles. Dans l’ensemble européen, ces paramètres la
situent parmi les plus grands. Sa diminution de poids relatif, comparé à un
passé, où elle était en situation de peser hégéomoniquement sur la partie du
monde où elle se trouve, a certes tenu à un déclin démographique prononcé plus
tôt que chez les autres peuples européens et à une industrialisation décalée
d’une génération avec l’Angleterre et n’ayant pas bénéficié des mêmes atouts
d’époque que l’Allemagne. Elle a surtout tenu à ce que son avance de plusieurs
siècles dans l’organisation politique, la cohésion spirituelle et l’unité
territoriale s’est trouvée annulée par les unifications allemande et italienne
au XIXème sicèle, qu’elle a d’ailleurs favorisées dialectiquement sinon tout à
fait volontairement. Au XXème, la reprise démographique et les remises en ordre
drastiques opérées au début de la Cinquième République ont paru pallier les
effets psychologiques et politiques du désastre de 1940, mais de la défaite
totale d’alors il est resté une profonde divergence, chez les Français, dans
leur lecture du passé proche, et des complexes qui nous ont fait prendre de
travers aussi bien l’entreprise européenne dès que celle-ci s’est émancipée des
conditions (et des personnalités) fondatrices des années 1950-1960, que le
relationnement avec les Etats-Unis. Pour la « gestion » des conflits
et des voisinages en Europe : guerres de Yougoslavie, élargissements de
l’Union européenne, rien de nous a mis
en tête de l’imagination et de la réalisation. Impétueux, optimistes,
thématiquement révolutionnaires jusqu’en 1918, nous sommes – depuis – peureux.
Donc, compliqués, contradictoires et peu rayonnants.
Notre pays
dont la force était le sens de l’organisation et la proposition de modèles aux
autres, donc en constante expansion mentale, s’est recroquevillé. Les éléments
de rayonnement et de cohésion n’ont pas été remplacés.
Notre monde a
marginalisé l’Europe, même quand l’effondrement économique et moral du
communisme, l’improsion soviétique lui ont géographiquement rendu ses anciennes
dimensions. Même l’union monétaire et son premier rang commercial ne lui
confère pas un poids économique tel que la gestion de la planète dépendent de
nous, les Européens. L’Amérique et la Chine, les pays exportateurs d’énergie
brute (Russie comprise) nous déterminent en conjoncture et les réponses
libérales et transationales nous dépouillent de tout centre de décision
industriel et financier d’esprit et de site nationaux, sans pour autant assurer
la croissance et l’emploi – thèmes dominants pour chacun autant que pour les
gouvernants, essentiellement jugés là-dessus. La France et l’Europe ne sont pas des « pôles » de
croissance, ne sont plus de grands vecteurs de la recherche, ne parviennent
pas, malgré un savoir-faire millénaire et des exercices encore récents, à
former une puissance militaire indépendante et respectable. Les prix Nobel
en sciences et en littérature ne sont plus européens, ni a fortiori français.
En revanche, notre temps est de bonne volonté,
malgré des classes dirigeantes, plus âpres au gain monétaire, plus enclines aux
transmissions héréditaires, plus cooptantes sans doute que depuis des siècles,
au moins en Europe. Cette bonne volonté – hors la question des migrations qui
oppose radicalement les pays pauvres (qui sont aussi les pays prolifiques) aux
pays nantis (qui, non contents d’exploiter les pauvres, vivent quant à eux
au-dessus de leurs moyens) – cette bonne volonté est manifeste : exigence que
soient démocratiques les gouvernements nationaux et mondiaux (y compris dans le
fonctionnement des institutions européennes), exigence que soit respecté
l’environnement sinon l’ensemble des cycles de la vie, multiplication des
processus individuels ou associatifs de solidarité non-gouvernementaux. Distincte
de la « communauté internationale » qui n’est que celle des
dirigeants politiques, dominée par le poids ou les initiatives des Etats-Unis, il existe une conscience universelle, un
droit naturel de plus en plus présent dans les pétitions, révoltes, révolutions
ces années-ci. La décolonisation et la « décommunisation » en
avaient été les moments les plus voyants. De cela, nous avions su tout
discerner et notre analyse portait mondialement, des actions judicieuses, pas
forcément voyantes, nous avaient crédibilisés durablement. La contagion est
aujourd’hui moins mesurable, elle continue et s’accélère, mais elle n’a pas son
expression. L’altermondialisme n’est pas parvenu à s’organiser et à se donner
des points d’application négociables avec les dirigeants gouvernementaux, alors
que la lutte des classes et la syndicalisation aux deux siècles précédents
étaient parvenus à changer les donnes dans la société et dans le combat
politique.
Il n’y a plus
d’autorité morale ni nationale – dans la plupart des Etats – ni internationale
à notre époque, au moins depuis la disparition de l’exceptionnel Jean Paul II.
1° bis Notre pays, notre temps, notre monde – ce qui change
Rétrospectivement,
il est facile de caractériser une époque, et plus encore de condamner les
générations ou leurs seuls dirigeants qui n’ont pas pas été lucides et/ou
courageux. Vichy, sous Jacques Chirac… Les mandats de Jacques Chirac dont
l’immobilisme n’est révélé, entre autres, que par l’activité et le libre examen
dont fait preuve son successeur… la décolonisation sans que soient analysées, y
compris par l’Eglise et sa doctrine sociale, les formes actuelles de
l’exploitation matérielle et du déni pratique d’identité de certains. Juger unilatéralement (et d’après
aujourd’hui) le passé même proche pour éluder la responsabilité que nous avons
d’agir sur le présent ?
Notre époque,
quelques faits seulement. En stratégie et en société.
Le monde.
L’équilibre financier du monde tient à la
relation sino-américaine, alors que tout allait depuis cinquante ans vers une
relation euro-américaine. La naissance de l’euro. aura coincidé non avec un
surcroît d’influence européenne, y compris sur les cours boursiers du Vieux
Monde, mais avec l’émergence de la Chine. La dette américaine à sa discrétion,
les cours de matières premières selon ses besoins croissants et peut-être son
accumulation de réserves.
La guerre
froide soviéto-américaine remplacée par le terrorisme intégriste et islamiste.
Dans des termes que je crois fabriqués par avance pour la facilité d’une
lecture manichéenne du monde, et surtout pour disposer d’adversaires non
étatiques et faisant donc l’unanimité des Etats. Nous en restons là aujourd’hui
– et nous Français, sans doute davantage que d’autres. Alors que, précisément,
les Américains passent à autre chose malgré toutes les apparences qu’ils
restent obnubilés par l’Irak et le terrorisme. C’est de Chine, d’Inde, bien
moins Russie qu’il s’agit. La Russie ayant « le choix » de l’alliance
mais plus de la menace à elle-seule. Retour à une entente avec la Chine, qui
même au temps du communisme, n’a jamais fonctionné. Rivalités décisive en
extrême-Orient (la substance territoriale de la Russie des tzars) et en Asie
centrale (les approvisionnements énergétiques, la frontière avec l’Islam). Les
effets de masse démographique n’avaient pas d’incidence économique, et guère de
conséquence stratégique sauf aux frontières-mêmes de ces énormités.
Aujourd’hui, y compris dans la finance et la recherche mondiales, Inde et Chine
sont présentes, souvent décisives. Parler d’émergence ou d’opportunité est une
litote. Nous sommes amenuisés, sauf à changer.
Le centre du
monde – demain – serait Doah ? le plus grand aéroport du monde, la
délocalisation du Louvre et de Coëtquidan, en train de s’accomplir pour
rejoindre le marché le plus solvable ? alors que tout dit la fin de l’ère
pétrolière et donc des moyens de paiement qui sont allés avec.
La France en
ce moment.
Les TGVs qui
ne le sont que pour un tiers ou deux tiers du trajet affiché, les trains de
plus en plus souvent en retard : diagnostic, l’entreprise publique
n’investit plus malgré son statut, des performances d’affiche, une desserte qui
n’a plus la fiabilité des années 1930 à 1960… La Poste qui veut faire de la
banque et qui n’assure plus son service originel, l’unicité des tarifs à la
hausse seulement, les dernières levées, soit disant selon une directive
européenne, en milieu d’après-midi. Les sexagénaires parisiens ont connu trois
distributions par jour et le système des pneumatiques acheminés dans l’heure.
Le remède que serait la libéralisation permettant la concurrence, donc la
compétition pour des prix et une qualité plus attractifs, est théorique. La
concurrence légale génère l’entente cachée (cf. les offres de téléphonie), la
concentration et, par l’effet du monopole que ne peut plus contrôler un
actionnaire public, la hausse des prix et les gains de rentabilité par
suppression de personnel et amoindrissement des prestations en couverture
desservie et en qualité.
L’école et
l’hôpital en défaut de personnel.
La banque, les
fusions-absorptions à une cadence telle qu’employés et clients changent de
raison sociale tous les six mois pour les enseignes spécialisées, tous les
quatre-cinq ans pour le dépôt et le guichet. Un bouleversement total du
« paysage » mais la pérennisation
d’un système dans lequel les banques renvoient au marché boursier les
entreprises, au lieu de les financer et de s’associer à leur gestion, et à des
sous-traitances (souvent étrangères) pour la définition des stratégies et
le contrôle interne; je tiens que la perte de notre patrimoine national, la
diminution de notre capacité productrice, donc le déséquilbre à nouveau
structurel de notre commerce extérieur tiennent à cela, et non pas, comme on le
fait dire, aux trente-cinq heures ou à la paresse des Français préférant les
allocations au travail. Notre problème est double : l’organisation, la
démocratie. Nous n’avons plus ni l’un ni l’autre. Et nous prétendons demeurer
exemplaires de l’un et de l’autre. Naguère « veaux » (ce que n’a en
réalité jamais dit de Gaulle), les Français seraient des dindons ?
Lacunes que
nous n’avions pas : nous ne savons plus analyser ni discerner, ce qui fait
la très courte vue aussi bien de nos immibilismes de la présidence précédente
que de nos activismes et libvres examens de la présidence qui a commencé. Nous
ne savons pas non plus prévoir. Et nous n’avons pas recensé nos intérêts
fondamentaux. Nous défendons âprement notre marché de l’emploi ou notre
identité culturelle ou « ethnique », mais nous nous sommes dépossédés
de notre industrie et de nos services, presque complètement de nos réseaux à
l’extérieur. Désastre sciemment consommé en pas vingt ans… et qui vaut les
défaites de 1815 et de 1870 largement. Nous battons notre coulpe mais pour
motiver une soumission à des dirigeants peu démocrates, nous ne savons pas ce
que nous perdons ni comment.
2° Les
paradoxes qui demeurent
Pour la France
dont l’existence s’est faite par l’institution monarchique, elle-même garante
d’un Etat dont l’essentiel – en recueil du consensus général et en pratique –
avait survêcu jusqu’en 1986, le paradoxe demeure d’une volonté générale des dirigeants politiques et économiques de
défaire ce qui nous a constitué. La plupart des dirigeants des grandes
entreprises proviennent cependant de la haute fonction publique ou ont dépendu,
à un moment ou à un autre, soit de leur carrière propre, soit pour le progrès
de leur industrie ou de leur service de l’influence ou du pouvoir d’achat de
l’Etat. La libéralisation de l’économie,
c’est-à-dire sa dérèglementation et la suppression de tous les garde-fous, est
zélée par l’Etat et non par une extension naturelle – et inventive – du secteur
privé, à qui – à l’expérience – l’Etat pourrait laisser certaines de ses
prérogatives non régaliennes. Les inventions juridiques diverses pendant cent
cinquante ans d’économie mixte française (concession, cahier des charges,
établissement public à caractère industriel et commercial, planification
« à la française »).
La
décentralisation et la désétatisation des activités, des procédures, des
solidarités – créées ou concédées à l’origine par l’Etat – est contemporaine de
la concentration des grandes entreprises, et plus encore des pôles de décision
dans l’économie et dans l’évolution des orientations et protections sociales. Quelles que soient les appellations ou le
degré de participation au conseil des ministres, les gouvernants en titre ne
sont qu’une quarantaine depuis des années. Les groupes dirigeant l’économie
d’entreprise, et à la tête de chacun les décideurs, sont – pour la France – en
bien moindre nombre et surtout bien plus pérennes au pouvoir. Jusqu’il y a
peu, l’imagination sociale ou le « meccano » industriel étaient la
rencontre de la haute fonction publique, d’une certaine élite politique et
parlementaire et de la pression syndicale, sinon de tous les salariés.
Aujourd’hui, l’initiative – de la « refondation sociale » négociée
depuis 1997 aux grandes fusions absorptions bancaires ou industrielles – vient
d’un très petit nombre d’entrepreneurs, eux-mêmes en rivalité ou en complicité
personnelles. Les politiques se sont fait contaminer mentalement – la thèse
libérale pour l’emporter en 1986 électoralement – et en conduite personnelle de
leur carrière – les « passages » dans le privé d’anciens ministres ou
d’anciens dirigeants de fait de notre Etat.
Les politiques croient se faire juger par
leurs gestions, alors même qu’ils diminuent d’année en année l’outil du bien
commun : l’Etat, qu’ils sont censés gérer. Les dirigeants de grands
groupes ne font plus que de la politique (et les résultats en croissance
interne montrent que ce n’est plus là que s’appliquent leur énergie et leur
compétence…).
Ce sont des fonctionnaires qui ont fait les
privatisations et qui, défroquant, en ont personnellement profité. Ce sont des
fonctionnaires – à Paris et à Bruxelles – qui poussent à la déréglementation
et à la libéralisation, alors que mensualisés et protégés par statut, ils n’ont
aucun des risques du patron de petite entreprise ou des salariés que leurs
recommandations dogmatiques font à terme court licencier.
Alors que les
techniques de communication, d’archivage, de composition permettent une
diversité de la presse sans précédent, la centralisation des sources
d’information et de la décision de diffusion est plus grande que jamais. La
presse a perdu ses différences même si les titres ont une ancienneté de trente
ou soixante ans. Les couvertures et les investigations se ressemblent, les
dirigeants des principaux groupes d’entreprises – sauf les banques en tant que
telles – contrôlent personnellement des périodiques ou des quotidiens ;
ils sont forcément plus accessibles à d’éventuelles collusions politiques. Ce
qui était exceptionnel et critiqué dans les années 1930 ou 1950, est général
aujourd’hui et ne semble pas choquer.
Qu’il n’y ait pas d’autorité morale – par la
littérature ou par la politique – n’étonne donc pas. Exemple… la polémique
nationale sur les retouches de photo. du président de la République en petite
tenue à l’étranger, et l’absence de réactions à ce que les disparitions coup
sur coup de deux anciens Premiers ministres, chacun gaullistes s’il en est et
depuis la France combattante où ils s’étaient engagés volontaires, n’aient pas
donné lieu à la couverture du principal hebdomadaire que reste chez nous Paris-Match comme si les « fans »
de Claire Chazal et de Ségolène Royal ne pouvaient attendre en pages
intérieures quelques jours consacrés au deuil national mérités par Raymond
Barre et Pierre Messmer…
3° Les précédents ne valent
que pris dans la période Cinquième République
Marianne a proposé le « IIIème Empire » et
le bonapartisme pour caractériser l’exercice du pouvoir par le nouveau
président. Un régime autoritaire, les moyens de la démagogie, une fibre
sociale, le libéralisme économique, tous ces éléments sont, en eux-mêmes, déjà
très hasardeux : le traité Le Chevalier de 1860 instaure le libre-échange
franco-britannique, la tendance française de maintenant est au protectionnisme,
du referendum qui ne serait pas forcément un plébiscite positif, il n’est pas
question sur quoi que ce soit au début de ce quinquennat, la liberté
d’association enfantant la légalisation des syndicats en 1864 et la
contestation aujourd’hui, explicite, de leur représentativité.
Ces éléments – confondant d’ailleurs
plusieurs époques et références pour le bonapartisme – avaient été plaqués sur
le général de Gaulle, dans les premières années de la Cinquième République, par
Pierre Mendès France et François Mitterrand se relayant d’ailleurs pour
produire une analyse historique du « Deux-Décembre » [1].
La polémique alors portait surtout sur la pratique référendaire.
En revanche, la Cinquième République offre à
réflexion par les analogies qui peuvent se trouver entre le présent et
plusieurs de nos époques récentes.
La novation de 1958-1960 a été invoquée, en
précédent, par le nouveau président de la République « installant »
la commission de réflexion, animée par Jacques Attali, sur les moyens de la
croissance économique. Le comité Rueff-Armand. Les réformes initiant et fondant
la Cinquième République ont eu le rythme, l’ambiance d’obligation nationale à
peine de grave défaite vis-à-vis de nous-mêmes, la diversité de thèmes,
d’impact et d’acteurs qui leur apparenteraient celles d’aujourd’hui. Mais les
différences sont de taille. D’abord et évidemment, les réformes ont été, à
l’époque, menées à bien. Ce qui se vit en ce moment est la mise en place de cercles
de réflexion, pas davantage. Elles ont surtout été le fait d’une action
davantage signée, menée et revendiquée par le gouvernement, et principalement
le Premier ministre, que par le général de Gaulle, se consacrant de son côté à
la question d’Algérie et à celle de l’Europe, et ces questions-là traitées en
accord intimement vérifié et entretenu avec le ministre des Affaires
étrangères. Certes, une tête, mais beaucoup de personnes (Michel Debré, Maurice
Couve de Murville, Pierre Messmer, Edgard Pisani, Jean-Marcel Jeanneney et le
directeur de son cabinet, Raymond Barre) et la mobilisation des acquis du
régime précédent : croissance économique, traité de Rome, premières
options nucléaires.
La rupture d’image, la présence médiatique,
la subordination relative du Premier ministre ont caractérisé les deux
premières années du mandat présidentiel de Valéry Giscard d’Estaing. Le
précédent à notre actualité paraît manifeste, y compris l’évocation de John
Fitzgerald Kennedy. Est-il oublié du nouveau président qui date, pourtant de
1974, son entrée en politique ? et des Français ? la différence entre
les deux époques est d’une part que la domestication tentée des fonctions de
Premier ministre a abouti au mouvement constant d’hostilité du R.P.R. et de
Jacques Chirac démissionnaire envers le président régnant, dont le septennat a
été gâché, au moins d’ambiance. D’autre part, le second des Premiers ministres
de Valéry Giscard d’Estaing est sans doute l’un des modèles de la Cinquième
République en efficacité, en loyauté et en stature propre. Long feu donc pour
la rupture… toute la fécondité de Valéry Giscard d’Estaing qui eut la chance de
n’avoir pas la paternité de la « cohabitation » à laquelle il s’était
cependant préparé, a tenu à ses continuités (imaginatives) notamment dans la
relation franco-allemande ou dans l’option monétaire européenne.
Par exemple…
Dans leur
comportement au pouvoir, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont ceci de commun
qu’ils empruntent (sans les révérer) beaucoup à leurs prédécesseurs. Pour leur
élection, ils ont fait valoir la même énergie, la même proximité, la même
fraîcheur.
4° Concept et pratique de la carrière politique - Logique républicaine
et accélération des dévoiements
Slogan
électoral, slogan présidentiel, la rupture. Dans l’opinion – approbative –
c’est vis-à-vis de Jacques Chirac (douze ans, comprenant le quinquennat de
Lionel Jospin à Matignon) qu’elle devait s’opérer : l’immobilisme s’avère
sur presque tous les sujets, au mieux le mi-chemin qu’on soit féru des réformes
engagées par les gouvernements Juppé et Raffarin ou qu’on déplore fond et
méthode de tout.
Mais il n’y a
pas rupture sur deux points qui – bien davantage que la réécriture ad personnam
de notre Constitution [2] –
appellent pourtant le changement : la pratique, au moins vue par les
électeurs, des mandats électoraux ; la révérence envers le génie ou la
fonction présidentielle.
Ce qui devrait être révocable ad nutum et
d’exercice contrôlé, le mandat électif, tend à sa perpétuité. Ce qui n’est que
délégation à une personne sortie du rang produit un pouvoir concentrant
alternativement et exagérément l’encensement ou la critique – beaucoup trop
le commentaire d’attitude et pas assez la réflexion sur le fond ou les
présupposés d’une action. Il n’y a pas que les médias ou l’entourage qui en
soient responsables. Le consentement du grand nombre et le profit pratique
qu’en tirent les élites de l’économie et de la fonction publique me paraissent
plus déterminants, ils révèlent une grande vulnérabilité de notre
société : l’action est déléguée ou souterraine, des législations et des
agissements contraires à notre tradition, à notre honneur et à l’image que nous
voulons donner de nous-mêmes sont rendus possibles et souvent perpétrés.
L’Ancien
Régime a été analysé de façon doublement tendancieuse. La ligne approbative
pensant fonder la République et la démocratie – de Michelet à Jaurès, Furet
inaugurant une lecture enfin alternative mais peut-être encore simpliste. La
ligne « réactionnaire » qui en réalité contient des propositions très
différentes et exclusives les unes des autres : une autre forme de
monarchie (celle des Bonaparte, elle-même très différente version 1804, version
1815, version 1852 et version 1870), des analyses longtemps très neuves sur la
décentralisation, le bien commun, la primauté du politique, le flou
autoritariste et nationaliste du général Boulanger et de ses nombreux
descendants, se gardant tous de sa référence. Les libertés concrètes ont
cheminé avant 1789, des femmes ont voté pour les Etats-Généraux sur convocation
de Louis XVI. Il y a en réalité à distinguer deux éléments, pas forcément
liés : le mode de dévolution du pouvoir (à l’époque, l’hérédité de mâle en
mâle) et l’exercice du pouvoir [3] .
La République,
chez nous, n’est pas une rupture avec l’Ancien Régime (la construction
napoléonienne en avait repris l’essentiel pour les institutions
administratives), elle est un compromis forcé entre les tenants des trois
familles ayant régné sur la France (branche aînée et branche cadette des
Bourbons, les Bonaparte), le régime parlementaire pratiqué entre 1815 et 1848
vers lequel ont penché à leur fin Napoléon Ier et Napoléon III, moins
l’hérédité, ce qui produisit un régime d’assemblée auquel il était d’autant
plus facile aux républicains de conviction de se rallier qu’ils conquéraient la
majorité dans les deux Chambres. La novation constitutionnelle a été
l’introduction du referendum, version démocratique (il peut être négatif et
entraine alors la démission de ceux qui en ont signé la proposition – si
ceux-ci ne démissionnent pas, cas de 2005, nous revenons à une conception
encore plus critiquable que la pratique plébiscitaire du Second Empire,
celui-ci avait soif des suffrages, Jacques Chirac s’en est moqué…) puis la
restauration du chef de l’Etat [4] :
c’est l’œuvre du général de Gaulle. Construction devant servir de matrice à une
vie politique plus efficace et plus démocratique que sous les versions
précédentes de la République. Nous allons maintenant procéder –
intellectuellement et concrètement – d’une manière contraire, en réfléchissant
hors des institutions existantes (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat,
commissions parlementaires), sur demande d’une personne et non selon
l’impérieuse nécessité des circonstances à la manière d’adapter des textes, en
principe faits pour la pérennité et la continuité, à la pratique de cent et
quelques jours d’un pouvoir conféré pour seulement cinq ans. C’est effectivement
une rupture.
En revanche, tout ce qui n’est que peu ou
pas démocratique dans notre vie politique ne semble toujours pas faire
question. Pas de rupture en vue.
Le
compte-rendu de mandat, éventuellement sanctionnable par un rappel devant les
électeurs, a été proposé, peut-être de façon mal dite par la compétitrice du
second tour de l’élection présidentielle. L’élu, en fait, n’a pas à redouter le
jugement de ses électeurs propres mais le refus de réinvestiture de son parti.
Ce qui détermine une discipline de vote, une médiocre qualité de beaucoup de
débats et l’absentéisme des représentants en même temps que le dédain des
Français pour la vie des hémicycles.
Les
circonscriptions « sûres » continuent de se négocier et de s’échanger
(Evreux à l’encan puisque Jean-Louis Debré était rétribué à la présidence du
Conseil constitutionnel et que Dominique de Villepin, à qui Montargis au départ
de Xavier Deniau avait été naguère offert, n’y alla pas… mais Alain Juppé à
Bordeaux avec la bénéfiction de Jacques Chaban-Delmas quoique ce dernier ne
devait rien à Jacques Chirac depuis 1974… ou Fréjus abandonné par François
Léotard introduit à l’inspection générale des Finances), la liste des
parrainages et des élections de pure forme est longue. Il y a heureusement des
résistances : le retour de Philippe Douste-Blazy à Lourdes, l’installation
de Dominique Perben à Lyon. Les transmissions héréditaires : à Nice, à
Toulouse ou – presque – à Neuilly, sont fréquentes. Le cumul demeure, pour la
montre le maire inamovible devient le premier adjoint, s’il entre au
gouvernement.
La droite
donne l’exemple continu depuis la fondation du R.P.R. d’un fonctionnement
machinal du parti dominant, sans débat interne avoué, qu’en tout cas puisse
suivre l’opinion, sans concurrence pour la direction, à l’exception de la
succession d’Alain Juppé, qui fut alors très ouverte et emportée par Michèle
Alliot-Marie qui n’était pas la candidate de l’Elysée : le candidat pour
2007 s’est imposé, élu sans compétition. La gauche, au contraire, montre des
partis et mouvements très délibératifs. Mais quelle que soit la famille
d’esprit, et sans doute le mode de scrutin, la mainmise des appareils sur le
processus électoral est totale. Les débuts de carrière se font ainsi par le
cabinet ministériel, par la suppléance d’un député promu ministre :
illustration à droite du duo Michel Barnier – Hervé Gaymard, le premier perdant
son siège de député, ne parvenant pas, faute que son jeune suppléant s’efface à
son retour, à retrouver un siège ni chez lui ni à Paris, où l’appareil U.M.P. a
le culot de soutenir qu’il ne sait pas se faire élire, et le second
politiquement éliminé parce qu’il avait été en situation de briguer la
présidence du parti au lieu qu’elle revienne à Nicolas Sarkozy (les
« bébé-chirac ») ; illustration à gauche, Benoît Hamon arrivant
à Auray de la rue de Solférino en 1997 et accaparant l’attention militante de
tous dans le Morbihan et le parrainage de soi-disant locomotives électorales
pour ne pouvoir finalement être casé que par la liste socialiste au Parlement
européen, avec comme résultat d’être l’un des plus prolixes en solutions
rénovatrices et en analyse du parti devant les médias, à la suite des deux
scrutins de 2007.
Le vocabulaire
le stigmatise, les circonscriptions sont des « fiefs ». La réflexion
qui a cours rendrait automatique le retour de l’ex-ministre à son banc de
parlementaire sans repasser devant ses électeurs. A l’inverse, pour devenir
ministre, l’élection est plus que souhaitable, sauf les précaires nominations
gouvernementales au titre de la « société civile » - dont je ne sais
toujours pas la définition – ou par débauchage, nouvelle forme de recrutement
inaugurée par l’actuel quinquennat, à ses débuts.
Ces travers
sont aussi vieux que la politique, ils choquent davantage quand est invoqué
l’idéal et le désintéressement républicains, ils semblent dévoyer le processus
électoral mais l’alternative n’est ni
cherchée ni, je le reconnais, facile à trouver. Le scrutin de liste permet
la représentation proportionnelle, quoique celle-ci puisse aussi s’appliquer à
un scrutin uninominal où le « reste » ferait « élire » des
personnalités forcément sélectionnées par les partis
« bénéficiaires » de ces voix de « reste ». La discipline de vote et l’absence de débat
interne ne tient pas à la lettre de la Constitution, ni même au règlement
intérieur des assemblées, mais au fonctionnement des partis et à des
cooptations qu’avalise l’électeur-même ne votant jamais pour des
« indépendants ». Ils ne pourraient se modifier que de l’aveu du
gouvernement confortant des carrières politiques hors la voie élective et
parlementaire ou imposant, au moins dans sa majorité, le débat intérieur, ce
qui reviendrait – paradoxalement – à organiser sa propre contestation ou à
encourager les « courants », ce qui ne s’est jamais encore vu. Si le
nouveau président de la République avait – par exemple – jugé naturel qu’un des
ministres, mais d’origine socialiste, Jean-Marie Bockel reste contesté dans sa
ville pour sa réélection municipale par le candidat du parti majoritaire au Parlement,
il aurait commencé d’explorer le chemin du pluralisme, proposé par François
Bayrou et prisé par une partie non négligeable des votants au premier tour de
la présidentielle.
Plus choquant
parce que s’aggravant de mandat en mandat, l’esprit de cour, qui – au
commencement de ce quinquennat – semble avoir débordé même du champ politique.
Jacques Chirac avait inauguré le paradoxal cumul – en République – d’une totale
irresponsabilité politique et d’une à peine moindre immunité juridique avec
l’exercice de prérogatives qu’a seulement limité la tradition désormais acquise
du partage des compétences en cas de « cohabitation ». Comment un citoyen, parce qu’il a emporté
une élection, devient du jour au lendemain infaillible, génial pour ses
contemporains ? Que la parole présidentielle soit exécutoire selon des
procédures prévues par le droit public national, quoi de plus légitime, mais le
bon plaisir ? l’improvisation ? Je n’entame pas ici le procès
d’intention que je refuse par principe, comme je l’ai dit en introduction, je
ne regarde pas ici le nouveau président de la République mais l’ensemble des
personnels politiques de la majorité. Je reconnais que l’automatisme dans
l’approbation ou le commentaire ne date pas de 2007, il a sévi avec de Gaulle
mais peut-être était-il nécessaire quand tout, des institutions aux
orientations politiques, tout restait précaire, que la vie du décolonisateur
était manifestement menacée. Sous les successeurs, il y avait des ralliés,
généralement les plus flatteurs, mais il y avait fronde et l’opposition
parlementaire n’était pas seule à contester. Jusqu’au Premier ministre,
pouvaient s’entendre des désaccords d’importance. L’élu pour l’Elysée est un
citoyen venu du rang, son succès ne sacre ni sa propre préparation mentale, ni
sa supériorité intellectuelle, ni son charisme. Tout reste à développer et à
prouver par l’exercice du mandat. Autant au régime républicain qu’à celui qui
l’incarne pendant cinq ans, l’esprit de cour, la courbure, c’est-à-dire le
non-dit, ou la rétention mentales de certains, de beaucoup nuisent :
l’assise dans l’opinion, l’efficacité dans l’exécution, l’agilité dans la
conception en sont amoindries. S’il y a à réfléchir sur le fonctionnement des
institutions, c’est en quoi elles peuvent corriger les mœurs à l’intérieur des
partis et dans le gouvernement.
Jacques
Attali, peu après la fin des mandats présidentiels de François Mitterrand,
remarquait que la prérogative décisive
du chef de l’Etat c’est la nomination. Celle de Noël Forgeard, imposée par
Jacques Chirac, à la tête de l’aéronautique européenne a mis en faillite
une industrie, qui était devenue gagnante face à la plus puissante concurrence
qui soit. Nicolas Sarkozy a proposé, à plusieurs reprises, dans ses livres et
en campagne électorale que les principales nominations soient délibérées –
comme aux Etats-Unis, et comme ce l’est maintenant pour le président et les
membres de la Commission européenne – en commissions des assemblées. Mais
combien – de décisives – ont été prononcées depuis sa prise de fonctions ?
Le régime parlementaire, appliqué franchement, déplace la question, les
nominations sont le fait de l’exécutif mais cet exécutif peut être censuré et
donc les nominations contrecarrées.
5° Difficulté de
l’émergence d’une nouvelle éthique des grands patrons français
Jusqu’il y a
peu de temps, la critique des dirigeants d’entreprise n’était que celle du
capitalisme, donc un débat sur un système et des institutions. Les modes
d’accès au pouvoir dans l’entreprise, l’absence de contrôle en fait des salariés
(ce n’est pas nouveau) et des actionnaires (ce l’est davantage), les cumuls et
jeux de réciprocité dans les conseils de direction auraient déjà donné prise à
la contestation. Mais quand à la fois il y a échec des stratégies, des
prévisions, peu de résultats en croissance interne et rémunérations de plus en
plus importantes, assorties d’indemnité de départ, même et surtout en cas de
déconfiture de l’entreprise, le scandale s’installe. Michel Rocard le résume,
quand cette rémunération et les accessoires restent de l’ordre de 3% de la
masse salariale, cela va, mais quand cela dépasse 10% la question se pose. Or
elle se pose dans le cas de groupes nationaux qui étaient la pointe de
l’exportation, de la performance et de l’innovation françaises, et qui ont été
mis en faillite par des dirigeants plus préoccupés de leur fortune personnelle
que du sort de l’entreprise, il ne s’agit pas même des salariés mais d’un
patrimoine et d’un outil reçus en termes de responsabilité et cette
responsabilité n’est plus – de nos jours – sanctionnés.
Sans doute
l’Etat en est en partie comptable, par la législation mais aussi par la
considération qu’il ne retire pas aux zélateurs de ces mœurs. L’antidote paraît
devoir n’être qu’interne mais ces dirigeants deviennent apatrides, surtout
quand ils sont de longue lignée française. Les hauts fonctionnaires défroquant
quand , du cabinet du ministre des finances, ils sont passés dans l’entreprise
qu’ils conseillaient de privatiser, ont – pour une part – donné l’exemple de ce
dévoiement.
La refondation sociale que souhaitent
les patrons d’entreprises petites ou moyennes n’est pas empêchée par une
contestation anticapitaliste, elle est mise
en doute parce que la compétence et l’honnêteté de certains dirigeants dans de
très grandes entreprises ne sont plus certaines. On peut se demander si le
simple et contagieux goût du métier qui apparenta longtemps le patron à
l’ouvrier, même si le métier du premier était de penser, prévoir, ajuster et
celui du second de fabriquer, produire, économiser en temps et en matière, n’a
pas cédé le pas au goût du lucre – certes humain, mais aujourd’hui envahissant
– qui, une fois assouvi tant sont importantes les rémunérations d’un petit
nombre, a lui-même un nouveau susbtitut, proche de la libido, la destruction du concurrent par fusion-absoprtion, pompage
de sa capacité commerciale et inventive et mise à la casse de son site et de
l’outil. Au contraire, parce que collégial et recruté sur le terrain, en
capillarité avec toutes les ressources humaines de l’entreprise, le comité
d’entreprise – précisément et selon son appellation – est souvent mieux
informé, plus délibératif et donc plus avisé pour définir une stratégie ou, si
rien d’autre n’est possible, consentir les sacrifices. Là est sans doute chemin
de la participation des salariés,
pas seulement « aux fruits de l’expansion » (ou « à
l’accroissement des valeurs d’actifs » : l’amendement Vallon si
fameux qu’il retourna contre de Gaulle une part des élites françaises
installées), mais à la direction de
l’économie. Une partie du patronat l’accepte et la souhaite, mais l’Etat
n’y pousse pas, au contraire. Affichant une préférence pour les petites et
moyennes entreprises, il ne conforte que celle des grandes.
La
réinstallation, dans les comptes macro-économiques français, d’un déficit
commercial structurel vient sans doute, à la racine, de ce sans-gêne et de
cette incompétence incontrôlées. Ces comportements ont été rendus possibles par
l’affaissement des traditions d’honneur et de responsabilité qui avaient été
celles de grandes familles françaises, et par le changement de stratégie des
banques (je l’ai dit plus haut). La
croissance, cherchée uniquement en externe (plus facile de s’approprier des
récoltes que de semer et défricher), délocalise les productions, diminue donc
nos exportations et augmente d’autant nos importations de ce que nous
fabriquions et ne produisons plus. Tenous-en à l’actualité ou aux années
récentes. En laissant Péchiney à Alcan, en acceptant le démantèlement du Crédit
Lyonnais, en mettant en procès Elf, en n’empêchant pas la vente des
biscuiteries nantaises, des savonneries marseillaises, des eaux minérales
Perrier, l’Etat a fait perdre au pays la valeur des premières places et des
réseaux qui valaient nos empires d’antan. La France importe plus qu’elle
n’exporte tout simplement parce qu’elle n’a plus d’industrie en propre et que
ses services sont de plus en plus filiales de l’étranger, la consultation, la
vérification. Que nous reste-t-il de notre patrimoine ? [5]
L’emploi est une question permanente certes, mais bien davantage : toute
la substance française.
Une bonne entente entre le pouvoir
politique – élu et démocratiquement exercé – et la direction des grands groupes
de production et de services, est en soi un grand bien. Mais tout dépend de la
fin de cette entente. S’il s’agit d’une bonne répartition des rôles, le
législateur prenant acte de la croissance des actifs nationaux ou des
nécessités requises par cette croissance et l’inventivité technique et
commerciale qui la produise, et les dirigeants des principales entreprises
produisant cette extension française chez nous et au dehors, rien à redire. Si
c’est pour légaliser l’immoral ou laisser la décision de l’avenir concret du
pays à un petit nombre que personne ne limite ou contrôle, c’est une trahison.
*
* *
Ces réflexions simplement pour que ne soient pas confondues
ciconstances et fondation. C’est la grandeur de la démocratie, sa morale –
celles de la République concrète – de refuser également permissivité et cécité.
Tout pouvoir qui mithridatise une opinion, des médias, dans quelque registre
que ce soit, économique, social, éthique – sous prétexte de modifier une
idéologie dominante, censée être pernicieuse – est dangereux, même s’il est à
terme inefficace ; il aura privé ses successeurs et leurs propositions de
redressement du ressort principal, un soutien actif et lucide de l’opinion ;
et même si un seul revendique tout de ce pouvoir, la responsabilité de son
exercice aura été collective. Responsabilité, nous le savons a postériori pour
notre histoire contemporaine, qui n’est pas que des « entourages »,
mais bien de toute la génération adulte dans le pays.
disponibles par courriel sur demande :
15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007
journal réfléchi
14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles
25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à
faire ?
31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?
15 . 16 Juin 2007
La manière du candidat ne peut être celle du président de la République
La démocratie de gouvernement
Les débuts de « l’action »
17 . 24 Juin 2007
Déblais…
Une claire distribution des rôles et des stratégies, au pouvoir et dans
l’opposition
La fausse obligation de hâte
Le mode de scrutin pour désigner les députés l’Assemblée Nationale est-il adapté ?
[1] - la collection chez Gallimard des « Trente journées qui
ont fait la France »
[2] - je
rédige une note à l’intention de chacun des membres identifiés de la commission
dite de réflexion sur nos institutions, après un échange de correspondance avec
le nouveau président de la République, signant personnellement, mais ne me
recrutant ni pour l’officialité ni pour le conseil aulique
[3] - je
crois avoir montré dans une note de Février dernier sur « une possible
proposition capétienne pour que vive la Cinquième République » que
l’hérédité de la fonction présidentielle, dans la Maison de France, rétablirait
tous nos équilibres institutionnels, et les garantirait mieux que toute
refonte ; et ce serait extrêmement simple à écrire
.
[4] - le
terme est apparu, pour nous, dans la Charte octroyée de 1814, instituant le
régime parlementaire, en principe à l’anglaise mais selon un droit écrit à la
française et donnant au roi les plus fortes prérogatives
[5] -
j’ai suggéré au nouveau président de la République un examen préalable à toute
grande décision : l’inventaire de notre patrimoine, exercice induit par la
nécessité de l’ « intelligence économique » reconnue par tous
aujourd’hui, depuis le rapport Martre rendu en 1995 dans le cadre de ce qu’il
existait encore de planification à la française
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