jeudi 13 mars 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 6.10 Juillet & 12 Septembre 2007




Observation & réflexions

006

Errata en observation & réflexion 005 des 17.24 Juin 2007
note de bas de page n° 3 – au lieu de lire alors que trois des enfants sur quatre sont du premier lit de Mme Sarkozy, lire alors que trois des enfants sur quatre ne sont pas du lit actuel
note de bas de page n° 18 – lire quatre-vingt-dix ans au lieu de quatre-vingt ans

sur quelques « fondamentaux »


Vendredi 6 . mardi 10 Juillet . mercredi 12 Septembre 2007

Aux toutes premières semaines du nouveau quinquennat, j’avais considéré – quoiqu’ayant commencé d’opiner, qu’un jugement immédiat serait péremptoire et doublement erronné. D’une part, parce qu’il ne serait pas crédible auprès de ceux qui ont souhaité l’arrivée au pouvoir du nouveau président, et d’autre part parce qu’il s’apparenterait au procès d’intention – réservé à la joute électorale. Celle-ci est terminée, et – en principe – pour cinq ans au plan national : c’est ce qui a été (très malencontreusement à mon sens) décidé quand, non contente que les mandats présidentiel et législatif soient désormais de même durée, la classe politique, unanime ou presque, a voulu faire aussi coincider les deux scrutins à quelques semaines, en donnant la priorité chronologique à l’élection présidentielle. Le nouveau président prône, depuis sa campagne, une culture de résultats. Ceux qui n’ont pas voté pour lui, dont je suis, ont surtout fait valoir – peut-être maladroitement – ses antécédents en matière de libertés publiques et individuelles, les banlieues, la relation impérieuse avec la presse. Il faut donc – par honnêteté intellectuelle – attendre les résultats, quels qu’ils soient, et s’en tenir aux faits, depuis la prise de fonctions de Nicolas Sarkozy. Le passé peut être explicatif, l’élection a tranché.
Une note suivante restera dans la même expectative, mais les « cent-jours », passés d’un mois, permettent de dégager de l’éphémère des tendances quant aux perspectives de résultats et quant à la manière d’exercer le pouvoir. Ce que j’essaierai prochainement de caractériser.


Pour discerner et critiquer, des repères sont nécessaires. Ils doivent évidemment tenir compte des prémisses de qui l’on observe et des données permanentes à partir desquelles s’exerce le pouvoir.

        Notre pays, notre temps, notre monde – banalités ?

Qui a jamais dit : la France pèse peu… parmi nos dirigeants, après de Gaulle, personne alors que leur manque d’audace, à tous, montre qu’ils ont tous manqué de conviction intime sinon de courage. Michel Jobert, pratiquement à mains nues, en douze mois seulement et en pré-succession présidentielle, parce qu’il l’avait dit et le reconaissait, a redressé tout ce qui doit l’être en crédibilité française.
La France est – dans le monde actuel – de taille moyenne en superficie, en population, en ressources matérielles naturelles. Dans l’ensemble européen, ces paramètres la situent parmi les plus grands. Sa diminution de poids relatif, comparé à un passé, où elle était en situation de peser hégéomoniquement sur la partie du monde où elle se trouve, a certes tenu à un déclin démographique prononcé plus tôt que chez les autres peuples européens et à une industrialisation décalée d’une génération avec l’Angleterre et n’ayant pas bénéficié des mêmes atouts d’époque que l’Allemagne. Elle a surtout tenu à ce que son avance de plusieurs siècles dans l’organisation politique, la cohésion spirituelle et l’unité territoriale s’est trouvée annulée par les unifications allemande et italienne au XIXème sicèle, qu’elle a d’ailleurs favorisées dialectiquement sinon tout à fait volontairement. Au XXème, la reprise démographique et les remises en ordre drastiques opérées au début de la Cinquième République ont paru pallier les effets psychologiques et politiques du désastre de 1940, mais de la défaite totale d’alors il est resté une profonde divergence, chez les Français, dans leur lecture du passé proche, et des complexes qui nous ont fait prendre de travers aussi bien l’entreprise européenne dès que celle-ci s’est émancipée des conditions (et des personnalités) fondatrices des années 1950-1960, que le relationnement avec les Etats-Unis. Pour la « gestion » des conflits et des voisinages en Europe : guerres de Yougoslavie, élargissements de l’Union européenne, rien de nous a mis en tête de l’imagination et de la réalisation. Impétueux, optimistes, thématiquement révolutionnaires jusqu’en 1918, nous sommes – depuis – peureux. Donc, compliqués, contradictoires et peu rayonnants.

Notre pays dont la force était le sens de l’organisation et la proposition de modèles aux autres, donc en constante expansion mentale, s’est recroquevillé. Les éléments de rayonnement et de cohésion n’ont pas été remplacés.

Notre monde a marginalisé l’Europe, même quand l’effondrement économique et moral du communisme, l’improsion soviétique lui ont géographiquement rendu ses anciennes dimensions. Même l’union monétaire et son premier rang commercial ne lui confère pas un poids économique tel que la gestion de la planète dépendent de nous, les Européens. L’Amérique et la Chine, les pays exportateurs d’énergie brute (Russie comprise) nous déterminent en conjoncture et les réponses libérales et transationales nous dépouillent de tout centre de décision industriel et financier d’esprit et de site nationaux, sans pour autant assurer la croissance et l’emploi – thèmes dominants pour chacun autant que pour les gouvernants, essentiellement jugés là-dessus. La France et l’Europe ne sont pas des « pôles » de croissance, ne sont plus de grands vecteurs de la recherche, ne parviennent pas, malgré un savoir-faire millénaire et des exercices encore récents, à former une puissance militaire indépendante et respectable. Les prix Nobel en sciences et en littérature ne sont plus européens, ni a fortiori français.

En revanche, notre temps est de bonne volonté, malgré des classes dirigeantes, plus âpres au gain monétaire, plus enclines aux transmissions héréditaires, plus cooptantes sans doute que depuis des siècles, au moins en Europe. Cette bonne volonté – hors la question des migrations qui oppose radicalement les pays pauvres (qui sont aussi les pays prolifiques) aux pays nantis (qui, non contents d’exploiter les pauvres, vivent quant à eux au-dessus de leurs moyens) – cette bonne volonté est manifeste : exigence que soient démocratiques les gouvernements nationaux et mondiaux (y compris dans le fonctionnement des institutions européennes), exigence que soit respecté l’environnement sinon l’ensemble des cycles de la vie, multiplication des processus individuels ou associatifs de solidarité non-gouvernementaux. Distincte de la « communauté internationale » qui n’est que celle des dirigeants politiques, dominée par le poids ou les initiatives des Etats-Unis, il existe une conscience universelle, un droit naturel de plus en plus présent dans les pétitions, révoltes, révolutions ces années-ci. La décolonisation et la « décommunisation » en avaient été les moments les plus voyants. De cela, nous avions su tout discerner et notre analyse portait mondialement, des actions judicieuses, pas forcément voyantes, nous avaient crédibilisés durablement. La contagion est aujourd’hui moins mesurable, elle continue et s’accélère, mais elle n’a pas son expression. L’altermondialisme n’est pas parvenu à s’organiser et à se donner des points d’application négociables avec les dirigeants gouvernementaux, alors que la lutte des classes et la syndicalisation aux deux siècles précédents étaient parvenus à changer les donnes dans la société et dans le combat politique.
Il n’y a plus d’autorité morale ni nationale – dans la plupart des Etats – ni internationale à notre époque, au moins depuis la disparition de l’exceptionnel Jean Paul II.


1° bis              Notre pays, notre temps, notre monde – ce qui change

Rétrospectivement, il est facile de caractériser une époque, et plus encore de condamner les générations ou leurs seuls dirigeants qui n’ont pas pas été lucides et/ou courageux. Vichy, sous Jacques Chirac… Les mandats de Jacques Chirac dont l’immobilisme n’est révélé, entre autres, que par l’activité et le libre examen dont fait preuve son successeur… la décolonisation sans que soient analysées, y compris par l’Eglise et sa doctrine sociale, les formes actuelles de l’exploitation matérielle et du déni pratique d’identité de certains. Juger unilatéralement (et d’après aujourd’hui) le passé même proche pour éluder la responsabilité que nous avons d’agir sur le présent ?

Notre époque, quelques faits seulement. En stratégie et en société.

Le monde.

L’équilibre financier du monde tient à la relation sino-américaine, alors que tout allait depuis cinquante ans vers une relation euro-américaine. La naissance de l’euro. aura coincidé non avec un surcroît d’influence européenne, y compris sur les cours boursiers du Vieux Monde, mais avec l’émergence de la Chine. La dette américaine à sa discrétion, les cours de matières premières selon ses besoins croissants et peut-être son accumulation de réserves.
La guerre froide soviéto-américaine remplacée par le terrorisme intégriste et islamiste. Dans des termes que je crois fabriqués par avance pour la facilité d’une lecture manichéenne du monde, et surtout pour disposer d’adversaires non étatiques et faisant donc l’unanimité des Etats. Nous en restons là aujourd’hui – et nous Français, sans doute davantage que d’autres. Alors que, précisément, les Américains passent à autre chose malgré toutes les apparences qu’ils restent obnubilés par l’Irak et le terrorisme. C’est de Chine, d’Inde, bien moins Russie qu’il s’agit. La Russie ayant « le choix » de l’alliance mais plus de la menace à elle-seule. Retour à une entente avec la Chine, qui même au temps du communisme, n’a jamais fonctionné. Rivalités décisive en extrême-Orient (la substance territoriale de la Russie des tzars) et en Asie centrale (les approvisionnements énergétiques, la frontière avec l’Islam). Les effets de masse démographique n’avaient pas d’incidence économique, et guère de conséquence stratégique sauf aux frontières-mêmes de ces énormités. Aujourd’hui, y compris dans la finance et la recherche mondiales, Inde et Chine sont présentes, souvent décisives. Parler d’émergence ou d’opportunité est une litote. Nous sommes amenuisés, sauf à changer.
Le centre du monde – demain – serait Doah ? le plus grand aéroport du monde, la délocalisation du Louvre et de Coëtquidan, en train de s’accomplir pour rejoindre le marché le plus solvable ? alors que tout dit la fin de l’ère pétrolière et donc des moyens de paiement qui sont allés avec.

La France en ce moment.

Les TGVs qui ne le sont que pour un tiers ou deux tiers du trajet affiché, les trains de plus en plus souvent en retard : diagnostic, l’entreprise publique n’investit plus malgré son statut, des performances d’affiche, une desserte qui n’a plus la fiabilité des années 1930 à 1960… La Poste qui veut faire de la banque et qui n’assure plus son service originel, l’unicité des tarifs à la hausse seulement, les dernières levées, soit disant selon une directive européenne, en milieu d’après-midi. Les sexagénaires parisiens ont connu trois distributions par jour et le système des pneumatiques acheminés dans l’heure. Le remède que serait la libéralisation permettant la concurrence, donc la compétition pour des prix et une qualité plus attractifs, est théorique. La concurrence légale génère l’entente cachée (cf. les offres de téléphonie), la concentration et, par l’effet du monopole que ne peut plus contrôler un actionnaire public, la hausse des prix et les gains de rentabilité par suppression de personnel et amoindrissement des prestations en couverture desservie et en qualité.
L’école et l’hôpital en défaut de personnel.
La banque, les fusions-absorptions à une cadence telle qu’employés et clients changent de raison sociale tous les six mois pour les enseignes spécialisées, tous les quatre-cinq ans pour le dépôt et le guichet. Un bouleversement total du « paysage » mais la pérennisation d’un système dans lequel les banques renvoient au marché boursier les entreprises, au lieu de les financer et de s’associer à leur gestion, et à des sous-traitances (souvent étrangères)  pour la définition des stratégies et le contrôle interne; je tiens que la perte de notre patrimoine national, la diminution de notre capacité productrice, donc le déséquilbre à nouveau structurel de notre commerce extérieur tiennent à cela, et non pas, comme on le fait dire, aux trente-cinq heures ou à la paresse des Français préférant les allocations au travail. Notre problème est double : l’organisation, la démocratie. Nous n’avons plus ni l’un ni l’autre. Et nous prétendons demeurer exemplaires de l’un et de l’autre. Naguère « veaux » (ce que n’a en réalité jamais dit de Gaulle), les Français seraient des dindons ?

Lacunes que nous n’avions pas : nous ne savons plus analyser ni discerner, ce qui fait la très courte vue aussi bien de nos immibilismes de la présidence précédente que de nos activismes et libvres examens de la présidence qui a commencé. Nous ne savons pas non plus prévoir. Et nous n’avons pas recensé nos intérêts fondamentaux. Nous défendons âprement notre marché de l’emploi ou notre identité culturelle ou « ethnique », mais nous nous sommes dépossédés de notre industrie et de nos services, presque complètement de nos réseaux à l’extérieur. Désastre sciemment consommé en pas vingt ans… et qui vaut les défaites de 1815 et de 1870 largement. Nous battons notre coulpe mais pour motiver une soumission à des dirigeants peu démocrates, nous ne savons pas ce que nous perdons ni comment.


                    Les paradoxes qui demeurent

Pour la France dont l’existence s’est faite par l’institution monarchique, elle-même garante d’un Etat dont l’essentiel – en recueil du consensus général et en pratique – avait survêcu jusqu’en 1986, le paradoxe demeure d’une volonté générale des dirigeants politiques et économiques de défaire ce qui nous a constitué. La plupart des dirigeants des grandes entreprises proviennent cependant de la haute fonction publique ou ont dépendu, à un moment ou à un autre, soit de leur carrière propre, soit pour le progrès de leur industrie ou de leur service de l’influence ou du pouvoir d’achat de l’Etat. La libéralisation de l’économie, c’est-à-dire sa dérèglementation et la suppression de tous les garde-fous, est zélée par l’Etat et non par une extension naturelle – et inventive – du secteur privé, à qui – à l’expérience – l’Etat pourrait laisser certaines de ses prérogatives non régaliennes. Les inventions juridiques diverses pendant cent cinquante ans d’économie mixte française (concession, cahier des charges, établissement public à caractère industriel et commercial, planification « à la française »).

La décentralisation et la désétatisation des activités, des procédures, des solidarités – créées ou concédées à l’origine par l’Etat – est contemporaine de la concentration des grandes entreprises, et plus encore des pôles de décision dans l’économie et dans l’évolution des orientations et protections sociales. Quelles que soient les appellations ou le degré de participation au conseil des ministres, les gouvernants en titre ne sont qu’une quarantaine depuis des années. Les groupes dirigeant l’économie d’entreprise, et à la tête de chacun les décideurs, sont – pour la France – en bien moindre nombre et surtout bien plus pérennes au pouvoir. Jusqu’il y a peu, l’imagination sociale ou le « meccano » industriel étaient la rencontre de la haute fonction publique, d’une certaine élite politique et parlementaire et de la pression syndicale, sinon de tous les salariés. Aujourd’hui, l’initiative – de la « refondation sociale » négociée depuis 1997 aux grandes fusions absorptions bancaires ou industrielles – vient d’un très petit nombre d’entrepreneurs, eux-mêmes en rivalité ou en complicité personnelles. Les politiques se sont fait contaminer mentalement – la thèse libérale pour l’emporter en 1986 électoralement – et en conduite personnelle de leur carrière – les « passages » dans le privé d’anciens ministres ou d’anciens dirigeants de fait de notre Etat.

Les politiques croient se faire juger par leurs gestions, alors même qu’ils diminuent d’année en année l’outil du bien commun : l’Etat, qu’ils sont censés gérer. Les dirigeants de grands groupes ne font plus que de la politique (et les résultats en croissance interne montrent que ce n’est plus là que s’appliquent leur énergie et leur compétence…).
Ce sont des fonctionnaires qui ont fait les privatisations et qui, défroquant, en ont personnellement profité. Ce sont des fonctionnaires – à Paris et à Bruxelles – qui poussent à la déréglementation et à la libéralisation, alors que mensualisés et protégés par statut, ils n’ont aucun des risques du patron de petite entreprise ou des salariés que leurs recommandations dogmatiques font à terme court licencier.

Alors que les techniques de communication, d’archivage, de composition permettent une diversité de la presse sans précédent, la centralisation des sources d’information et de la décision de diffusion est plus grande que jamais. La presse a perdu ses différences même si les titres ont une ancienneté de trente ou soixante ans. Les couvertures et les investigations se ressemblent, les dirigeants des principaux groupes d’entreprises – sauf les banques en tant que telles – contrôlent personnellement des périodiques ou des quotidiens ; ils sont forcément plus accessibles à d’éventuelles collusions politiques. Ce qui était exceptionnel et critiqué dans les années 1930 ou 1950, est général aujourd’hui et ne semble pas choquer.

Qu’il n’y ait pas d’autorité morale – par la littérature ou par la politique – n’étonne donc pas. Exemple… la polémique nationale sur les retouches de photo. du président de la République en petite tenue à l’étranger, et l’absence de réactions à ce que les disparitions coup sur coup de deux anciens Premiers ministres, chacun gaullistes s’il en est et depuis la France combattante où ils s’étaient engagés volontaires, n’aient pas donné lieu à la couverture du principal hebdomadaire que reste chez nous Paris-Match comme si les « fans » de Claire Chazal et de Ségolène Royal ne pouvaient attendre en pages intérieures quelques jours consacrés au deuil national mérités par Raymond Barre et Pierre Messmer…


        Les précédents ne valent que pris dans la période Cinquième République
              
Marianne a proposé le « IIIème Empire » et le bonapartisme pour caractériser l’exercice du pouvoir par le nouveau président. Un régime autoritaire, les moyens de la démagogie, une fibre sociale, le libéralisme économique, tous ces éléments sont, en eux-mêmes, déjà très hasardeux : le traité Le Chevalier de 1860 instaure le libre-échange franco-britannique, la tendance française de maintenant est au protectionnisme, du referendum qui ne serait pas forcément un plébiscite positif, il n’est pas question sur quoi que ce soit au début de ce quinquennat, la liberté d’association enfantant la légalisation des syndicats en 1864 et la contestation aujourd’hui, explicite, de leur représentativité.
Ces éléments – confondant d’ailleurs plusieurs époques et références pour le bonapartisme – avaient été plaqués sur le général de Gaulle, dans les premières années de la Cinquième République, par Pierre Mendès France et François Mitterrand se relayant d’ailleurs pour produire une analyse historique du « Deux-Décembre » [1]. La polémique alors portait surtout sur la pratique référendaire.

En revanche, la Cinquième République offre à réflexion par les analogies qui peuvent se trouver entre le présent et plusieurs de nos époques récentes.

La novation de 1958-1960 a été invoquée, en précédent, par le nouveau président de la République « installant » la commission de réflexion, animée par Jacques Attali, sur les moyens de la croissance économique. Le comité Rueff-Armand. Les réformes initiant et fondant la Cinquième République ont eu le rythme, l’ambiance d’obligation nationale à peine de grave défaite vis-à-vis de nous-mêmes, la diversité de thèmes, d’impact et d’acteurs qui leur apparenteraient celles d’aujourd’hui. Mais les différences sont de taille. D’abord et évidemment, les réformes ont été, à l’époque, menées à bien. Ce qui se vit en ce moment est la mise en place de cercles de réflexion, pas davantage. Elles ont surtout été le fait d’une action davantage signée, menée et revendiquée par le gouvernement, et principalement le Premier ministre, que par le général de Gaulle, se consacrant de son côté à la question d’Algérie et à celle de l’Europe, et ces questions-là traitées en accord intimement vérifié et entretenu avec le ministre des Affaires étrangères. Certes, une tête, mais beaucoup de personnes (Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Pierre Messmer, Edgard Pisani, Jean-Marcel Jeanneney et le directeur de son cabinet, Raymond Barre) et la mobilisation des acquis du régime précédent : croissance économique, traité de Rome, premières options nucléaires.

La rupture d’image, la présence médiatique, la subordination relative du Premier ministre ont caractérisé les deux premières années du mandat présidentiel de Valéry Giscard d’Estaing. Le précédent à notre actualité paraît manifeste, y compris l’évocation de John Fitzgerald Kennedy. Est-il oublié du nouveau président qui date, pourtant de 1974, son entrée en politique ? et des Français ? la différence entre les deux époques est d’une part que la domestication tentée des fonctions de Premier ministre a abouti au mouvement constant d’hostilité du R.P.R. et de Jacques Chirac démissionnaire envers le président régnant, dont le septennat a été gâché, au moins d’ambiance. D’autre part, le second des Premiers ministres de Valéry Giscard d’Estaing est sans doute l’un des modèles de la Cinquième République en efficacité, en loyauté et en stature propre. Long feu donc pour la rupture… toute la fécondité de Valéry Giscard d’Estaing qui eut la chance de n’avoir pas la paternité de la « cohabitation » à laquelle il s’était cependant préparé, a tenu à ses continuités (imaginatives) notamment dans la relation franco-allemande ou dans l’option monétaire européenne.  
Par exemple…

Dans leur comportement au pouvoir, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont ceci de commun qu’ils empruntent (sans les révérer) beaucoup à leurs prédécesseurs. Pour leur élection, ils ont fait valoir la même énergie, la même proximité, la même fraîcheur.


        Concept et pratique de la carrière politique - Logique républicaine et accélération des dévoiements

Slogan électoral, slogan présidentiel, la rupture. Dans l’opinion – approbative – c’est vis-à-vis de Jacques Chirac (douze ans, comprenant le quinquennat de Lionel Jospin à Matignon) qu’elle devait s’opérer : l’immobilisme s’avère sur presque tous les sujets, au mieux le mi-chemin qu’on soit féru des réformes engagées par les gouvernements Juppé et Raffarin ou qu’on déplore fond et méthode de tout.
Mais il n’y a pas rupture sur deux points qui – bien davantage que la réécriture ad personnam de notre Constitution [2] – appellent pourtant le changement : la pratique, au moins vue par les électeurs, des mandats électoraux ; la révérence envers le génie ou la fonction présidentielle.
Ce qui devrait être révocable ad nutum et d’exercice contrôlé, le mandat électif, tend à sa perpétuité. Ce qui n’est que délégation à une personne sortie du rang produit un pouvoir concentrant alternativement et exagérément l’encensement ou la critique – beaucoup trop le commentaire d’attitude et pas assez la réflexion sur le fond ou les présupposés d’une action. Il n’y a pas que les médias ou l’entourage qui en soient responsables. Le consentement du grand nombre et le profit pratique qu’en tirent les élites de l’économie et de la fonction publique me paraissent plus déterminants, ils révèlent une grande vulnérabilité de notre société : l’action est déléguée ou souterraine, des législations et des agissements contraires à notre tradition, à notre honneur et à l’image que nous voulons donner de nous-mêmes sont rendus possibles et souvent perpétrés.

L’Ancien Régime a été analysé de façon doublement tendancieuse. La ligne approbative pensant fonder la République et la démocratie – de Michelet à Jaurès, Furet inaugurant une lecture enfin alternative mais peut-être encore simpliste. La ligne « réactionnaire » qui en réalité contient des propositions très différentes et exclusives les unes des autres : une autre forme de monarchie (celle des Bonaparte, elle-même très différente version 1804, version 1815, version 1852 et version 1870), des analyses longtemps très neuves sur la décentralisation, le bien commun, la primauté du politique, le flou autoritariste et nationaliste du général Boulanger et de ses nombreux descendants, se gardant tous de sa référence. Les libertés concrètes ont cheminé avant 1789, des femmes ont voté pour les Etats-Généraux sur convocation de Louis XVI. Il y a en réalité à distinguer deux éléments, pas forcément liés : le mode de dévolution du pouvoir (à l’époque, l’hérédité de mâle en mâle) et l’exercice du pouvoir [3] .

La République, chez nous, n’est pas une rupture avec l’Ancien Régime (la construction napoléonienne en avait repris l’essentiel pour les institutions administratives), elle est un compromis forcé entre les tenants des trois familles ayant régné sur la France (branche aînée et branche cadette des Bourbons, les Bonaparte), le régime parlementaire pratiqué entre 1815 et 1848 vers lequel ont penché à leur fin Napoléon Ier et Napoléon III, moins l’hérédité, ce qui produisit un régime d’assemblée auquel il était d’autant plus facile aux républicains de conviction de se rallier qu’ils conquéraient la majorité dans les deux Chambres. La novation constitutionnelle a été l’introduction du referendum, version démocratique (il peut être négatif et entraine alors la démission de ceux qui en ont signé la proposition – si ceux-ci ne démissionnent pas, cas de 2005, nous revenons à une conception encore plus critiquable que la pratique plébiscitaire du Second Empire, celui-ci avait soif des suffrages, Jacques Chirac s’en est moqué…) puis la restauration du chef de l’Etat [4] : c’est l’œuvre du général de Gaulle. Construction devant servir de matrice à une vie politique plus efficace et plus démocratique que sous les versions précédentes de la République. Nous allons maintenant procéder – intellectuellement et concrètement – d’une manière contraire, en réfléchissant hors des institutions existantes (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, commissions parlementaires), sur demande d’une personne et non selon l’impérieuse nécessité des circonstances à la manière d’adapter des textes, en principe faits pour la pérennité et la continuité, à la pratique de cent et quelques jours d’un pouvoir conféré pour seulement cinq ans. C’est effectivement une rupture.

En revanche, tout ce qui n’est que peu ou pas démocratique dans notre vie politique ne semble toujours pas faire question. Pas de rupture en vue.

Le compte-rendu de mandat, éventuellement sanctionnable par un rappel devant les électeurs, a été proposé, peut-être de façon mal dite par la compétitrice du second tour de l’élection présidentielle. L’élu, en fait, n’a pas à redouter le jugement de ses électeurs propres mais le refus de réinvestiture de son parti. Ce qui détermine une discipline de vote, une médiocre qualité de beaucoup de débats et l’absentéisme des représentants en même temps que le dédain des Français pour la vie des hémicycles.
Les circonscriptions « sûres » continuent de se négocier et de s’échanger (Evreux à l’encan puisque Jean-Louis Debré était rétribué à la présidence du Conseil constitutionnel et que Dominique de Villepin, à qui Montargis au départ de Xavier Deniau avait été naguère offert, n’y alla pas… mais Alain Juppé à Bordeaux avec la bénéfiction de Jacques Chaban-Delmas quoique ce dernier ne devait rien à Jacques Chirac depuis 1974… ou Fréjus abandonné par François Léotard introduit à l’inspection générale des Finances), la liste des parrainages et des élections de pure forme est longue. Il y a heureusement des résistances : le retour de Philippe Douste-Blazy à Lourdes, l’installation de Dominique Perben à Lyon. Les transmissions héréditaires : à Nice, à Toulouse ou – presque – à Neuilly, sont fréquentes. Le cumul demeure, pour la montre le maire inamovible devient le premier adjoint, s’il entre au gouvernement.
La droite donne l’exemple continu depuis la fondation du R.P.R. d’un fonctionnement machinal du parti dominant, sans débat interne avoué, qu’en tout cas puisse suivre l’opinion, sans concurrence pour la direction, à l’exception de la succession d’Alain Juppé, qui fut alors très ouverte et emportée par Michèle Alliot-Marie qui n’était pas la candidate de l’Elysée : le candidat pour 2007 s’est imposé, élu sans compétition. La gauche, au contraire, montre des partis et mouvements très délibératifs. Mais quelle que soit la famille d’esprit, et sans doute le mode de scrutin, la mainmise des appareils sur le processus électoral est totale. Les débuts de carrière se font ainsi par le cabinet ministériel, par la suppléance d’un député promu ministre : illustration à droite du duo Michel Barnier – Hervé Gaymard, le premier perdant son siège de député, ne parvenant pas, faute que son jeune suppléant s’efface à son retour, à retrouver un siège ni chez lui ni à Paris, où l’appareil U.M.P. a le culot de soutenir qu’il ne sait pas se faire élire, et le second politiquement éliminé parce qu’il avait été en situation de briguer la présidence du parti au lieu qu’elle revienne à Nicolas Sarkozy (les « bébé-chirac ») ; illustration à gauche, Benoît Hamon arrivant à Auray de la rue de Solférino en 1997 et accaparant l’attention militante de tous dans le Morbihan et le parrainage de soi-disant locomotives électorales pour ne pouvoir finalement être casé que par la liste socialiste au Parlement européen, avec comme résultat d’être l’un des plus prolixes en solutions rénovatrices et en analyse du parti devant les médias, à la suite des deux scrutins de 2007.
Le vocabulaire le stigmatise, les circonscriptions sont des « fiefs ». La réflexion qui a cours rendrait automatique le retour de l’ex-ministre à son banc de parlementaire sans repasser devant ses électeurs. A l’inverse, pour devenir ministre, l’élection est plus que souhaitable, sauf les précaires nominations gouvernementales au titre de la « société civile » - dont je ne sais toujours pas la définition – ou par débauchage, nouvelle forme de recrutement inaugurée par l’actuel quinquennat, à ses débuts.
Ces travers sont aussi vieux que la politique, ils choquent davantage quand est invoqué l’idéal et le désintéressement républicains, ils semblent dévoyer le processus électoral mais l’alternative n’est ni cherchée ni, je le reconnais, facile à trouver. Le scrutin de liste permet la représentation proportionnelle, quoique celle-ci puisse aussi s’appliquer à un scrutin uninominal où le « reste » ferait « élire » des personnalités forcément sélectionnées par les partis « bénéficiaires » de ces voix de « reste ». La discipline de vote et l’absence de débat interne ne tient pas à la lettre de la Constitution, ni même au règlement intérieur des assemblées, mais au fonctionnement des partis et à des cooptations qu’avalise l’électeur-même ne votant jamais pour des « indépendants ». Ils ne pourraient se modifier que de l’aveu du gouvernement confortant des carrières politiques hors la voie élective et parlementaire ou imposant, au moins dans sa majorité, le débat intérieur, ce qui reviendrait – paradoxalement – à organiser sa propre contestation ou à encourager les « courants », ce qui ne s’est jamais encore vu. Si le nouveau président de la République avait – par exemple – jugé naturel qu’un des ministres, mais d’origine socialiste, Jean-Marie Bockel reste contesté dans sa ville pour sa réélection municipale par le candidat du parti majoritaire au Parlement, il aurait commencé d’explorer le chemin du pluralisme, proposé par François Bayrou et prisé par une partie non négligeable des votants au premier tour de la présidentielle.
Plus choquant parce que s’aggravant de mandat en mandat, l’esprit de cour, qui – au commencement de ce quinquennat – semble avoir débordé même du champ politique. Jacques Chirac avait inauguré le paradoxal cumul – en République – d’une totale irresponsabilité politique et d’une à peine moindre immunité juridique avec l’exercice de prérogatives qu’a seulement limité la tradition désormais acquise du partage des compétences en cas de « cohabitation ». Comment un citoyen, parce qu’il a emporté une élection, devient du jour au lendemain infaillible, génial pour ses contemporains ? Que la parole présidentielle soit exécutoire selon des procédures prévues par le droit public national, quoi de plus légitime, mais le bon plaisir ? l’improvisation ? Je n’entame pas ici le procès d’intention que je refuse par principe, comme je l’ai dit en introduction, je ne regarde pas ici le nouveau président de la République mais l’ensemble des personnels politiques de la majorité. Je reconnais que l’automatisme dans l’approbation ou le commentaire ne date pas de 2007, il a sévi avec de Gaulle mais peut-être était-il nécessaire quand tout, des institutions aux orientations politiques, tout restait précaire, que la vie du décolonisateur était manifestement menacée. Sous les successeurs, il y avait des ralliés, généralement les plus flatteurs, mais il y avait fronde et l’opposition parlementaire n’était pas seule à contester. Jusqu’au Premier ministre, pouvaient s’entendre des désaccords d’importance. L’élu pour l’Elysée est un citoyen venu du rang, son succès ne sacre ni sa propre préparation mentale, ni sa supériorité intellectuelle, ni son charisme. Tout reste à développer et à prouver par l’exercice du mandat. Autant au régime républicain qu’à celui qui l’incarne pendant cinq ans, l’esprit de cour, la courbure, c’est-à-dire le non-dit, ou la rétention mentales de certains, de beaucoup nuisent : l’assise dans l’opinion, l’efficacité dans l’exécution, l’agilité dans la conception en sont amoindries. S’il y a à réfléchir sur le fonctionnement des institutions, c’est en quoi elles peuvent corriger les mœurs à l’intérieur des partis et dans le gouvernement.
Jacques Attali, peu après la fin des mandats présidentiels de François Mitterrand, remarquait que la prérogative décisive du chef de l’Etat c’est la nomination. Celle de Noël Forgeard, imposée par Jacques Chirac, à la tête de l’aéronautique européenne a mis en faillite une industrie, qui était devenue gagnante face à la plus puissante concurrence qui soit. Nicolas Sarkozy a proposé, à plusieurs reprises, dans ses livres et en campagne électorale que les principales nominations soient délibérées – comme aux Etats-Unis, et comme ce l’est maintenant pour le président et les membres de la Commission européenne – en commissions des assemblées. Mais combien – de décisives – ont été prononcées depuis sa prise de fonctions ? Le régime parlementaire, appliqué franchement, déplace la question, les nominations sont le fait de l’exécutif mais cet exécutif peut être censuré et donc les nominations contrecarrées.


        Difficulté de l’émergence d’une nouvelle éthique des grands patrons français

Jusqu’il y a peu de temps, la critique des dirigeants d’entreprise n’était que celle du capitalisme, donc un débat sur un système et des institutions. Les modes d’accès au pouvoir dans l’entreprise, l’absence de contrôle en fait des salariés (ce n’est pas nouveau) et des actionnaires (ce l’est davantage), les cumuls et jeux de réciprocité dans les conseils de direction auraient déjà donné prise à la contestation. Mais quand à la fois il y a échec des stratégies, des prévisions, peu de résultats en croissance interne et rémunérations de plus en plus importantes, assorties d’indemnité de départ, même et surtout en cas de déconfiture de l’entreprise, le scandale s’installe. Michel Rocard le résume, quand cette rémunération et les accessoires restent de l’ordre de 3% de la masse salariale, cela va, mais quand cela dépasse 10% la question se pose. Or elle se pose dans le cas de groupes nationaux qui étaient la pointe de l’exportation, de la performance et de l’innovation françaises, et qui ont été mis en faillite par des dirigeants plus préoccupés de leur fortune personnelle que du sort de l’entreprise, il ne s’agit pas même des salariés mais d’un patrimoine et d’un outil reçus en termes de responsabilité et cette responsabilité n’est plus – de nos jours – sanctionnés.

Sans doute l’Etat en est en partie comptable, par la législation mais aussi par la considération qu’il ne retire pas aux zélateurs de ces mœurs. L’antidote paraît devoir n’être qu’interne mais ces dirigeants deviennent apatrides, surtout quand ils sont de longue lignée française. Les hauts fonctionnaires défroquant quand , du cabinet du ministre des finances, ils sont passés dans l’entreprise qu’ils conseillaient de privatiser, ont – pour une part – donné l’exemple de ce dévoiement.

La refondation sociale que souhaitent les patrons d’entreprises petites ou moyennes n’est pas empêchée par une contestation anticapitaliste, elle est mise en doute parce que la compétence et l’honnêteté de certains dirigeants dans de très grandes entreprises ne sont plus certaines. On peut se demander si le simple et contagieux goût du métier qui apparenta longtemps le patron à l’ouvrier, même si le métier du premier était de penser, prévoir, ajuster et celui du second de fabriquer, produire, économiser en temps et en matière, n’a pas cédé le pas au goût du lucre – certes humain, mais aujourd’hui envahissant – qui, une fois assouvi tant sont importantes les rémunérations d’un petit nombre, a lui-même un nouveau susbtitut, proche de la libido, la destruction du concurrent par fusion-absoprtion, pompage de sa capacité commerciale et inventive et mise à la casse de son site et de l’outil. Au contraire, parce que collégial et recruté sur le terrain, en capillarité avec toutes les ressources humaines de l’entreprise, le comité d’entreprise – précisément et selon son appellation – est souvent mieux informé, plus délibératif et donc plus avisé pour définir une stratégie ou, si rien d’autre n’est possible, consentir les sacrifices. Là est sans doute chemin de la participation des salariés, pas seulement « aux fruits de l’expansion » (ou « à l’accroissement des valeurs d’actifs » : l’amendement Vallon si fameux qu’il retourna contre de Gaulle une part des élites françaises installées), mais à la direction de l’économie. Une partie du patronat l’accepte et la souhaite, mais l’Etat n’y pousse pas, au contraire. Affichant une préférence pour les petites et moyennes entreprises, il ne conforte que celle des grandes.

La réinstallation, dans les comptes macro-économiques français, d’un déficit commercial structurel vient sans doute, à la racine, de ce sans-gêne et de cette incompétence incontrôlées. Ces comportements ont été rendus possibles par l’affaissement des traditions d’honneur et de responsabilité qui avaient été celles de grandes familles françaises, et par le changement de stratégie des banques (je l’ai dit plus haut). La croissance, cherchée uniquement en externe (plus facile de s’approprier des récoltes que de semer et défricher), délocalise les productions, diminue donc nos exportations et augmente d’autant nos importations de ce que nous fabriquions et ne produisons plus. Tenous-en à l’actualité ou aux années récentes. En laissant Péchiney à Alcan, en acceptant le démantèlement du Crédit Lyonnais, en mettant en procès Elf, en n’empêchant pas la vente des biscuiteries nantaises, des savonneries marseillaises, des eaux minérales Perrier, l’Etat a fait perdre au pays la valeur des premières places et des réseaux qui valaient nos empires d’antan. La France importe plus qu’elle n’exporte tout simplement parce qu’elle n’a plus d’industrie en propre et que ses services sont de plus en plus filiales de l’étranger, la consultation, la vérification. Que nous reste-t-il de notre patrimoine ? [5] L’emploi est une question permanente certes, mais bien davantage : toute la substance française.

Une bonne entente entre le pouvoir politique – élu et démocratiquement exercé – et la direction des grands groupes de production et de services, est en soi un grand bien. Mais tout dépend de la fin de cette entente. S’il s’agit d’une bonne répartition des rôles, le législateur prenant acte de la croissance des actifs nationaux ou des nécessités requises par cette croissance et l’inventivité technique et commerciale qui la produise, et les dirigeants des principales entreprises produisant cette extension française chez nous et au dehors, rien à redire. Si c’est pour légaliser l’immoral ou laisser la décision de l’avenir concret du pays à un petit nombre que personne ne limite ou contrôle, c’est une trahison.


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Ces réflexions simplement pour que ne soient pas confondues ciconstances et fondation. C’est la grandeur de la démocratie, sa morale – celles de la République concrète – de refuser également permissivité et cécité. Tout pouvoir qui mithridatise une opinion, des médias, dans quelque registre que ce soit, économique, social, éthique – sous prétexte de modifier une idéologie dominante, censée être pernicieuse – est dangereux, même s’il est à terme inefficace ; il aura privé ses successeurs et leurs propositions de redressement du ressort principal, un soutien actif et lucide de l’opinion ; et même si un seul revendique tout de ce pouvoir, la responsabilité de son exercice aura été collective. Responsabilité, nous le savons a postériori pour notre histoire contemporaine, qui n’est pas que des « entourages », mais bien de toute la génération adulte dans le pays.

disponibles par courriel sur demande :

15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007


journal réfléchi

14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles

25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à faire ?

31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?

15 . 16 Juin 2007
La manière du candidat ne peut être celle du président de la République
La démocratie de gouvernement
Les débuts de « l’action »

17 . 24 Juin 2007
Déblais…      
Une claire distribution des rôles et des stratégies, au pouvoir et dans l’opposition
La fausse obligation de hâte
Le mode de scrutin pour désigner les députés  l’Assemblée Nationale est-il adapté ?


[1] - la collection chez Gallimard des « Trente journées qui ont fait la France »

[2] - je rédige une note à l’intention de chacun des membres identifiés de la commission dite de réflexion sur nos institutions, après un échange de correspondance avec le nouveau président de la République, signant personnellement, mais ne me recrutant ni pour l’officialité ni pour le conseil aulique
[3] - je crois avoir montré dans une note de Février dernier sur « une possible proposition capétienne pour que vive la Cinquième République » que l’hérédité de la fonction présidentielle, dans la Maison de France, rétablirait tous nos équilibres institutionnels, et les garantirait mieux que toute refonte ; et ce serait extrêmement simple à écrire
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[4] - le terme est apparu, pour nous, dans la Charte octroyée de 1814, instituant le régime parlementaire, en principe à l’anglaise mais selon un droit écrit à la française et donnant au roi les plus fortes prérogatives
[5] - j’ai suggéré au nouveau président de la République un examen préalable à toute grande décision : l’inventaire de notre patrimoine, exercice induit par la nécessité de l’ « intelligence économique » reconnue par tous aujourd’hui, depuis le rapport Martre rendu en 1995 dans le cadre de ce qu’il existait encore de planification à la française

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