mardi 11 mars 2014

archives pour le vécu de notrre histoire immédiate - 14.15 Juin 2007




Observation & réflexions

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Jeudi  14 . vendredi 15 Juin 2007

Le calendrier est engagé pour les réformes et en relations extérieures. A la manière des débuts de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 – que commentait sentencieusement Michel Poniatowski, inconscient de forcer ainsi Jacques Chirac à la sécession – l’actuel quinquennat s’ouvre par une pratique présidentialiste des instiututions. A cette pratique répond le record d’abstention au premier tour d’élections législatives sous la Cinquième République : à prétendre tout faire soi-même, on n’appelle personne à participer. Les Français restent logiques. – Je lis les mémoires diplomatiques de Roland Dumas.

        La manière du candidat ne peut être celle du président de la République

Il y a eu la manière d’imposer une image. Nicolas Sarkozy a su à la fois être iconoclaste envers le président régnant en prenant ouvertement le contrôle du parti que celui-ci avait fondé à ses propres fins électorales, en défiant et brocardant Jacques Chirac dans le détail et la généralité, être le mime de Jean-Marie Le Pen pour le ton et pour les thèmes, se faire recevoir – bien au-delà de ses compétences ministérielles – par tous ceux qui pouvaient contribuer, à la tête des principaux partenaires de la France à faire son affiche. Cette manière a produit une partie de l’effet électoral : le gros des voix, elle n’est plus nécessaire maintenant que la fonction est acquise et que toutes les portes sont ouvertes. Il n’est que de poursuivre selon une seconde manière, plus nuancée et qui tendait à faire connaître une psychologie – assez nouvelle en politique – celle d’un homme absolument désireux d’exercer le pouvoir, l’homme pressé que sont les Français de générations intermédiaires et qui veulent à tout prix « arriver » : moyens, la volonté accrocheuse et mise en avant bien plus précisément que selon le volontarisme affiché de Jacques Chirac et de son héritier Dominique de Villepin, volontarisme qui n’a pas eu prise sur les matières à gérer ni sur l’opinion publique. Psychologie qui s’est fait connaître par plusieurs livres, par une suprenante position en retrait, voire en humilité, lors du face-à-face du 2 Mai avec Ségolène Royal, qui a donc un fond différent de l’image et qui peut réserver des surprises.

Surprises qui ne devraient pas venir de l’exercice de fonctions nouvelles, mais des circonstances et des vis-à-vis. Quoique défiant le Président régnant, Nicolas Sarkozy restait – en cas de crise, comme celle des banlieues – en seconde ligne, s’il y avait un ébranlement général du système. La majorité constitutionnelle dans les deux Chambres pour cinq ans, la responsabilité – pas seulement optique – qu’il a aussitôt assumé sur tous les sujets et pour toutes les nominations, le place en première ligne, ce qui – sauf succès continus et factuels, faute d’un charisme de présentation à la de Gaulle ou d’une flexibilité à la Mitterrand - ne permet que deux lignes de retraite : une abdication partielle au profit d’un Premier ministre du second souffle, une prise de conscience que la participation populaire est à l’expérience profitable, même au pouvoir.

Quant aux vis-à-vis, c’est l’international, mais ce peut être aussi la compétition engagée de très loin pour 2012 si le Parti socialiste parvient à comprendre qu’un débat de tactique électorale ou d’idéologie ne sera fructueux en son sein que s’il est dirigé par le chef reconnu de l’opposition. Si Ségolène Royal peut inscrire sa première candidature présidentielle dans la durée, c’est-à-dire dans la perspective d’une seconde, s’il faut comprendre sa décision de ne pas siéger à l’Assemblée nationale, donc de n’avoir comme « cible » que son adversaire du second tour de 2007 et de 2012, au lieu du gouvernement et des projets déposés au Parlement, elle peut atteindre Nicolas Sarkozy à des points vulnérables. Je tiens qu’elle l’avait mis en difficultés sérieuses et précises le 2 Mai ; sans doute y aurait-elle perdu trois points d’intentions de vote. Mais les Français étaient-ils déjà prêt à admettre qu’une femme tienne tête et soit à leur tête ?

Les homologues étrangers ont le désavantage sur le nouveau président d’être en bien moins bonne situation dans leurs pays respectifs, que Nicolas Sarkozy en France, à commencer par Angela Merkel. Gordon Brown sera encore plus débutant. Wladimir Poutine, s’il se représente, aura forcé la Constitution russe, ce qui alourdira encore son image au regard de l’état de droit. George Bush est minoritaire au Congrès, dans son opinion publique et le temps lui est maintenant mesuré. Une des manières du candidat – celle-là seule peut-être – lui servira : repérer parmi les joueurs sont qui sont appelés à perdre ou disparaître, dédaigner ceux qui paraissent en position de le gêner. En politique intérieure, ce fut gagnant, Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient en 2002 de bien meilleures cartes que lui. Sur la « scène » internationale, ce serait un moyen de sélectionner un partenaire, pour affinités personnelles, qui s’il est de poids, deviendra une vériotable invention à une époque où la France semble être allée au bout de tous les partenariats tentés depuis cinquante ans.

En revanche, ce qui doit être répudié, c’est le réseau du téléphone portable et les ralliements à l’intérieur des cercles  de la politique et des puissances d’argent françaises. C’est l’intimidation ou la connivence dans les medias. Ni des élites neuves ni de véritables complémentarités n’en sont venues, jusqu’à présent. Aucune facilité de communication non plus.


        La démocratie de gouvernement  

Le fonctionnement démocratique du pouvoir est affaire de personnes, nonobstant la lettre des institutions et les procédures. C’est ainsi que la responsabilité populaire du Président de la République – seul fondement en logique et en légitimité – de ses si considérables prérogatives, tient à la mise en jeu par le chef de l’Etat de son mandat dans chaque scrutin national : la sanction étant la démission en cas de referendum négatif ou de dissolution n’amenant pas une majorité parlementaire dans le sens demandé. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont chacun noté cette lacune – décisive – de Jacques Chirac dans l’exercice de ses fonctions. Mais a-t-elle scellé leur accord pour leur propre exercice du pouvoir ? le moment venu.

Le referendum est inévitable, même s’il n’a guère été évoqué par le candidat. Même le « mini-traité » pour l’immédiat des institutions européennes, ne peut y faire échapper : le traité de Maastricht sur l’Union européenne et le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, ont été soumis au referendum. Il est entendu que toute nouvelle adhésion le sera aussi, celle de la Grande-Bretagne l’avait été par Georges Pompidou. Présider et gouverner – pendant cinq ans, comme c’est possible « sur le papier » et selon un calendrier constitutionnel qui ne prévoit aucune consultation nationale – serait du despotisme éclairé. Le bien de la politique conduite étant tel, intrinsèquement, que ses bénéficiaires ne feraient pas douter le pouvoir de sa popularité et de sa légitimité. C’est hasardeux et peu mobilisateur, si les choses demandent une participation et un consentement actifs sur certains sujets difficiles ou peu plaisants.

Le Parlement, en tant que tel, n’est vêcu par ses acteurs (les élus et le gouvernement), que sur le mode rituel. Il est peu commenté, ses télévisions et sites le servent imparfaitement. Le débat majorité/opposition n’y est possible que si les rapports de force – dans l’hémicycle et dans le pays – sont assez équilibrés pour que la considération d’autrui soit vraie. Et non pour l’édification de partisans déjà acquis, à condition soucieux que quelques formes soient mises à un exercice sans partage du pouvoir. Ces cas de figure sous la Cinquième République ont été rares.Un statut de l’opposition n’a pas de sens, sauf dispositions du type de celles mises en place et en œuvre par Valéry Giscard d’Estaing (l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel à des parlementaires en nombre pas difficile à atteindre). Depuis, rien n’a été fait. La répartition des présidences n’est pas gage de débat entre les deux bords, elle n’est que rivalités au sein du parti dominant.. 

Le plus pratique et qui ne dépend que du gouvernement – s’il y est poussé par le Président de la République – est d’instaurer et de vouloir un débat constant à l’intérieur de la majorité parlementaire. Georges Pompidou, Premier ministre, inspiré par Michel Debré reven au gouvernement en 1966, avec l’idée d’y être décisif, refusait ce débat : ce furent les pleins pouvoirs en 1967, dont de Gaulle se contenta de constater qu’ils ne violaient pas la Constitution, et le prélude de 1968… Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre étaient au contraire en faveur de ce débat aussi bien à l’intérieur de leur majorité qu’avec l’opposition de gauche ; ils en furent empêchés par la machine que mettait au point Jacques Chirac, d’où l’usage du 49-3 pour faie décider l’rélection des députés européens au suffrage universel. La culture du débat peut-elle s’acclimater chez nous ? Prises et temps de parole possibles et étendus pour les opposants ou les critiques d’un projet gouvernemental. Pas de la grogne ou des coups de g… mais la certitude d’être entendu. Comment ne pas avoir remarqué – sous la Cinquième République – que la qualité générale des rapports parlementaires est très supérieure aux exposés des motifs gouvernementaux, informée de façon plus critique qu’une simple rédaction administrative qui est toujours un plaidoyer pro domo contre l’étranger qui est d’obédience suspecte ou les citoyens qui ne comprennent rien. Si, dans le fonctionnement du groupe parlementaire, se prenait l’habitude de plusieurs délibérations, que le gouvernement ne conclurait d’autorité que rarement et pour des choix absolument essentiels, elle pourrait s’étendre sur certains sujets, puis pour tout ce qui deviendrait de nouvelles mœurs, au fonctionnement des commissions parlementaires. Ce n’est pas affaire de face à garder, mais d’approfondissement des questions, et de représentativité du pays dans ce qui discute au Parlement.

Le Conseil des ministres est constitutionnel, il n’est plus que formel semble-t-il. Il doit devenir ou redevenir délibératif. La responsabilité est commune en cas de censure parlementaire, elle est intellectuelle puisque la consultation sur les dossiers et sur les nominations appelle une connaissance partagée par tous les ministres. Que le ministre ne soit plus occupé uniquement de son département et de ce qui remonte de ses services, ni de son sort personnel, mais exprime sa vue d’ensemble de la gestion du pays et de l’animation présidentielle : au lieu que ce soit rentré ou dit en confidence supposée à de petits cercles pour l’intimité de chacun. Ce n’est pas le nombre des ministres qui fait l’incohérence gouvernementale, c’est la précarité individuelle, l’esprit de rivalité : le premier mois du nouveau quinquennat ne le cède en rien au précédent, de ce triste point de vue. Le Premier ministre, le ministre d’Etat et le ministre cumulant la direction publique de l’économie et les politiques de l’emploi ne peuvent que se dénigrer mutuellement. Le eul remède est la collégialité.

L’examen des affaires y gagnerait, des sujets et manières pourraient surgir en « dynamique de groupe », au lieu que « l’esprit d’équipe » (démenti chroniquement par la page 2 du Canard enchaîné) ne soit qu’une pétition pour l’extérieur. Surtout le débat serait possible – entre personnalités ayant par situation des points communs et un langage commun, ce qui n’est pas le cas dans les autres enceintes de droit constitutionnel – et le système trouverait un peu de souplesse : être ministre ne serait pas être le porte-parole de ses services, mais accéder à plusieurs à une vue d’ensemble des décisions et des gestions. Les services et les ministères se décloisonneraient parce que l’impulsion gouvernementale serait collégiale et d’ensemble, au lieu d’être sectorielle et individuelle. La politique ne serait pas de gérer.


        Les débuts de « l’action »

Ils n’ont pas de déclaration liminaire. Ils sont présentés comme urgents, ils se présentent comme une prise des sujets par l’angle saillant mais pas forcément le plus important, ou commandant l’aboutissement.

A l’intérieur : l’éducation nationale, une fois de plus en projet de réforme, combien y en-a-t-il eu ? depuis celui d’Haby au début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing. Le fond continue de n’être ni formulé en questions à résoudre, ni analysé pour le point où nous en sommes : finalités civique ? préparation au métier ? équilibre de la personne et des familles ? acquis minima ? la réponse est l’abolition de dispositions réglementaires récentes sur les heures à fournir par les personnels. L’amalgame en un unique portefeuille de l’emploi public (les effectifs de la fonction publique) et des équilibres budgétaires dément toute priorité prétendue. La fiscalité est le domaine où la droite depuis 1986 promet le plus alors même qu’elle a une pratique foncièrement de gauche en cherchant l’équilibre des comptes sociaux par l’impôt. La franchise annuelle pour les soins et les médicaments est – comme beaucoup des propositions du candidat, dans le domaine social – très critiquée par les professionnels, même de statut privé. La taxe à la valeur ajoutée est – dans son essence – le contraire d’une fiscalité corrigeant (si peu que ce soit) les inégalités de revenu. Le gouvernement a choisi comme première étape des réformes financières, le sujet le plus ambivalent : ce n’est pas un gage de bonne communication ni de maîtrise du calendrier.

A l’extérieur, la participation sans singularité au Conseil atlantique qui vient de décider implicitement une approbation unanime du bouclier antimissile que déploient les Américains à la frontière russe, est une double erreur. Stratégiquement, c’est le thème sur lequel l’Union européenne a le moins d’intérêts communs avec les Etats-Unis. La Russie d’aujourd’hui est candidate à l’entente européenne, elle fait du système communautaire euroépen un modèle à suivre pour la Communauté des Etats indépendants, moyennant évidemment la prédominance de Moscou, elle n’a d’opposition foncière avec les Etats-membres de l’Union et surtout avec celle-ci en tant que telle, que la question des droits de l’homme – posée en valeur et en préalable par les Européens à tout partenariat dans quelque région du monde que ce soit, notamment en Méditerranée et avec l’Afrique, les Caraïbes et les Etats du Pacifique. Les Américains, au contraire, ont de multiples conflits stratégiques avec Moscou. La Russie a pu tolérer les avancées de l’Union européenne, annexant des parties de l’ancien empire et poussant jusqu’au Caucase sud les partenariats gérés à Bruxelles, elle ne peut vivre encerclée des pays baltes au Tadjikistan. Que l’Europe ne se désolidarise pas de ce ce dessein, ou – au moins – ne force pas le partenaire atlantique à davantage justifier sa décision, ainsi que l’a demandé le Parlement européen au Conseil de l’Union, est une faute que la France – n’appartenant plus depuis quarante ans, censément, à l’organisation intégrée – aurait dû relever, et empêcher. Le présage n’est pas bon.

Le traitement de la question d’Erurope – en termes de perspective, et non pas de gestion passéiste de la crise institutionnelle – est, en fait, ce sur quoi s’étaient accordés Angela Merkel et Jacques Chirac avant le Conseil européen, tenu à Bruxelles, en Juin 2006. L’Allemagne ferait des propositions en Juin 2007 en forme d’un rapport sur les « évolutions futures possibles », pour conclure sa présidence semestrrielle ; la France les ferait aboutir au second semestre de 2008, pendant sa propre présidence. Le futur traité reprendrait la « substance » du traité constitutionnel en y ajoutant de « nouveaux éléments ». L’impératif étant de disposer d’institutions rénovées avant le renouvellement de la Commission et du Parlement en 2009. Sans doute, les deux discours pertinents du ministre-candidat [1] n’ont-ils pas contredit le président régnant. La séquence est même cohérente, mais elle manque d’un souffle propre à convaincre les Etats qui ont déjà ratifié le traité établissant une Constitution pour l’Europe que ce n’est pas un recul qui est demandé, leur recul… un souffle surtout propre à émouvoir les opinions publiques d’Europe par-dessus des gouvernants. Prisonniers de leurs cultures d’Etat, ceux-ci n’ont toujours pas ressenti que naît une opinion européenne, et que pourrait se former – même – un patriotisme européen.
BFF – 14.15 VI 07
disponibles par courriel sur demande :

15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007

journal réfléchi

14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles

25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à faire ?

31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?


[1] - devant les Fondation Konrad Adenauer et la Société allemande de politique étrangère, le 16 Février 2006, puis devant les Friends of Europe et la  Fondation Robert Schuman le 8 Septembre 2006

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