vendredi 28 février 2014

Inquiétude & Certitudes - vendredi 28 février 2014




Vendredi 28 Février 2014

05 heures 26 + Eveillé depuis une heure et levé depuis une demi… sommeil déréglé, me suis endormi sur ce clavier, assis. Perdu mes repères ces temps-ci. Incapacité vérifiée de faire un livre ? la tombe de Boule-de-neige qui attend toujours le premier coup de pioche. Hier soir, délice de cette réunion pour les photos de la classe de neige. Les enfants assis par terre devant nous, les parents. Série surtout de portraits, très perspicaces de nos enfants. Soit à leur réveil, soit dans la journée, relativement peu en action sur la neige, mais celle-ci, comme l’ambiance au « châlet » montre une classe en harmonie avec elle-même, les commentaires et onomatopées quand l’ensemble reconnaît chacun, personne en franc-tireur ou en meneur, pas non plus de masculin/féminin en rivalité ou l’emportant, réellement le bonheur et la simplicité ensemble. Pour l’adulte, l’évidence que le masculin arrive chez l’enfant bien plus tard que le féminin qui semble natif pour tous, les bouches et lèvres notamment. Une photo de visage donne bien plus qu’une analyse ou l’ensemble d’un récit. Simplicité et disponibilité évidente, non composée ni professionnelle, vraiment naturelle… des enseignants et des accompagnants, la classe suscite ses pédagogues, et ceux-ci ont eu le don de sentir ce qui fait le lien entre les enfants. Grand moment de suavité, sans insistance. Une grande demi-heure après quelques salutations et bavardages dans la cour de récréation, le grand tilleul, les murs pour le préau et les toilettes, peints vivement en arche de Noé naïve… le grand Meaulnes avant les dix ans de chacun.
Prier à la nuit encore noire et si silencieuse, que les pendules et horloges et nos chiens se léchant ou ronflant. Mes aimées dorment. Sommeil déréglé pour moi, je ne sais pourquoi. La curiosité ? ou l’empathie instinctive ? ou une satiété professionnelle dissimulant des capacités affectives à protéger ? emploi du temps ? Notre recteur, parlant au nom d’une équipe, accès à l’adresse de la paroisse et non à la sienne propre que j’ignore, se dit suffisamment pourvu pour ne pas recevoir cet envoi…Au fond, je comprends. Les univers peuvent-ils entrer en collision sans mettre en jeu beaucoup … et peut-on, doit-on se mettre en jeu ? Non, si c’est système. Oui, si c’est l’une des conséquences ou l’un des risques de l’accueil. Et je suis si souvent maladroit, excessif ou en recul.Car tout homme sera salé au feu… Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous. Etre en vérité autant avec soi-même qu’avec autrui. Pas évident, toujours à reprendre. Milieu nécessaire, celui de la prière, de la présence à Dieu… [1] à n’importe quel prix apparent : rapport avec le corps, avec la chair, avec ce qu’à tort nous prenons pour notre intégrité, alors qu’il est bien plus souvent question dans les évangiles de notre relation avec les biens dits matériels et par extension les biens affectifs et mentaux. Tout lien avec nous-même comme avec les autres, comme avec les « choses », n’a de sens et ne nous développe, libère, relationne que si en premier et en définitive c’est aller et venir en Dieu. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le… vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés de mites (ce que j’ai rapporté du Kaaakhstan et a rongé, ronge les tapis, la yourte venus de là-bas…ou bien des souris ayant festoyé avec les Signe-de-piste éditions des années 40 que m’avait donnés précieusement et généreusement mon aîné, lecture de mes dix ans à mon propre tour… les « scouts à la Pierre Joubert », il est vrai que…), votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille vous accusera, elle dévorera vos chairs comme un feu. Jacques continue l’enseignement et la comparaison, la leçon de son maître, le rapport à notre prochain, à notre corps révélé par  nos addictions au matériel, par nos possessivités. Et pourtant – ou plutôt, nécessairement – l’appui de notre foi sur cette affirmation que tout dément dans l’ordre naturel : la résurrection de la chair malgré qu’elle était corrompue à compter de notre mort biologique. La tombe que je dois enfin creuser aujourd’hui pour que soit accueilli en terre le corps de notre cher Boule-de-neige…  Fondamentalement, Jésus fait du rapport à autrui la pierre de touche de notre sainteté ou de notre néant. Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui entrainera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Car notre vérité de pécheur ou d’homme de bien, c’est notre appartenance au Christ ou le scandale que nous causons. D’abord à nous-mêmes, quand nous avons tant reçu.



matin





Prise de contrôle, plus seulement des bâtiments publics mais de toutes les voies de communications routières, ferroviaires et de aéroports de Sébastopol et de la seconde ville de la région, dont le nom m’échappe. Des militaires sans uniforme. Base légale, un accord secret passé en 2010 pour la location par l’Ukraine des bases de la flotte russe. La Russie ayant le droit d’assurer la sécurité de cette emprise qui contient quatre cent bâtiments de guerre et est occupée par quinze à vingt-cinq mille hommes. A Kiev, on crie à l’invasion. – Une enseignante à Sciences-Po. Paris fait remarquer que la vraie crainte de la Russie de Poutine, c’est la contagion démocratique si l’Ukraine réussit sa seconde tentative de vie politique à l’occidentale. Quoiqu’il s’agisse pour nous, les Européens, de reconnaître comme nôtres les valeurs de la nouvelle révolution ukrainienne, je n’avais pas pensé à cela et ne voyais que l’empêchement mental de Moscou d’envisager un vrai démantèlement de l’ancienne Union soviétique et d’accepter de vraies sécessions biélorusse et ukrainienne. Il s’agirait donc ce que je prêche depuis les JO de Pékin mais n’applique pas encore vraiment d’avoir désormais pour objectif un vrai changement de régime en Russie et de croire celle-ci capable de démocratie… Symboliquement, la première tentative – sous Nicolas II – fut incarnée par un Ukrainien : Stolypine, assassiné en 1911. Je lme suis recueilli devant sa tombe en 1992, à Kiev.

Ouverture de la conférence syndicats-patronat au siège du MEDEF poour le pacte de responsabilité. Le patronat éempochant » la baisse des charges sociales, ne veut en réalité pas s’engager en créations d’emplois. Du moins en donnant des chiffres. Si l’on reste en économie, il n’a pas tort. C’est le gouvernement qui est naïf, pas politiquement mais en simple doctrine économique : rien d’automatique dans une création d’emploi à partir des finances d’une entreprise. Le déterminant, c’est le besoi de main d’œuvre concrètement appelé par une demande exigeant davantage de production et celle-ci ne pouvant s’accroître seulement par de l’outillage. Reste que ce refus de principe de Gattaz indique un état d’esprit. Tandis que le gouvernement fait du texte et se contentera de texte, ces jours-ci puis à l’Assemblé nationale, et pas du tout de la politique économique et sociale, les « partenaires sociaux » vont continuer de s’opposer eux aussi en textes… Pas de conflits, pas de grève générale, pas de révolte. Encore ce matin, un transporteur avec cinq mille salariés est repéché moyennant une reprise de seulement deux mille personnes. Et rien ne bouge.

Enquêtes de France-Infos. sur les municipales. Beaucoup de maires sortants, même dans de grandes villes, n’affichent plus une étiquette politique et se proposent sous leur seuls nom et réputation, tant les partis, quels qu’ils soient sont décriés. C’est symptomatique et très grave.


milieu de journée

Contradictions des informations. Kiev assure avoir repris le contrôle des points occupés mais sur place le drapeau russe flotte toujours sur les bâtiments publics. Il semble que les occupants de ceux-ci soient très peu nombreux, des sortes de miliciens, en tout cas des gens habitant et vivant là, tandis que la « sécurisation » des communications seraient le fait de troupes russes peu camouflées, puisque la thèse de Moscou est la légalité. – Ce que rapporte le Canard d’une « réunion des directeurs » autour de Fabius est doublement atterrant, d’abord que cela puisse filtrer, d’autre par que notre ministre n’exclut pas la partition. Or, en cela il est seul de tous les responsables européens : le doigt mouillé ?

 


[1] - lettre de saint Jacques, appôtre V 1 à 6 ; psaume XLIX ; évangile selon saint Marc IX 41 à 50

archives pour la mémoire vécue de notre histoire immédiate - 2.3 Avril 2007



Election présidentielle 2007

observations & réflexions

XII



L’événement de la fin de Mars a été pour moi l’entretien avec Valéry Giscard d’Estaing donné par Metro le vendredi 30 mars ; il doublonne la préface datée du 2 Février d’une édition en livre de poche du tome III de ses mémoires. J’ai lu aussitôt le livre de Ségolène Royal (Maintenant) de présentation matérielle peu aguichante mais de manière et de ton aussi ingénieux qu’habiles, et donc attachant. Témoignage de Nicolas Sarkozy et La France peut supporter la vérité de François Fillon font en quelques pages le point de la manière qu’avait Jacques Chirac d’exercer ses fonctions et à partir de 2002 de gouverner. Je lis enfin qui sont de fond : Vive la révolte d’Edgard Pisani qui eut le courage (mortel pour sa carrière mais démonstratif de sa liberté et d’une réelle proximité d’analyse avec de Gaulle) de voter la censure au gouvernement Pompidou en Mai 1968… (René Capitant qui pensait pire, démissionna pour ne pas avoir à la voter) – ainsi qu’un rapport parlementaire décisif (AN n° 3251- 5 Juillet 2006) sur nos inconséquences vis-à-vis de l’Afrique que nous voudrions encore nôtre, et qui ne l’est plus davantage par nos inconséquences que par son désir d’indépendance (elle est plus grande et plus lucide que nous sur nous et sur nos relations avec elle) : Jean-Claude Lefort. Et aussi la relation de deux exemples étrangers : Romano et Flavia Prodi, La politique du cœur. Le témoignage d’un couple en politique, et de Vaclav Havel : A vrai dire. Mémoire de l’après pouvoir, passionnant à tous points de vue. A connaître, Génération CPE par le président de l’UNEF, Bruno Julliard.
J’avais par écrit demandé à l’UMP, à l’UDF et au PS leur programme « législatif » et le programme de leur candidat respectif. Je n’ai reçu de documentation que du PS ; les 101 propositions de Ségolène Royal. Le contact donné avec Nicolas Sarkozy, par la circulaire électronique ayant inauguré la campagne, il y a plus d’un an, ne fonctionnait pas dès son indication.


Feu le Comte de Paris (1908 + 1999) soutenait que le général de Gaulle, inaugurant la procédure d’élection du président de la République au suffrage universel direct, s’était amoindri et banalisé. De fait, la démocratie visant au consensus, sinon à l’unanimité que caractérisa la succession de quatre referendums largement positifs en quatre ans, fit place à partir de Décembre 1965, à une démocratie de confrontation. Les scrutins législatifs alternativement très serrés ou donnant une large majorité à l’un des camps, ont privilégié la décision au détriment de la représentation de l’opinion. Les scrutins présidentiels sont devenus mixtes : moins choix de personnalité que de programme. Jacques Chaban-Delmas, avec son discours sur la nouvelle société, a été fondateur de l’illusion que le gouvernement peut changer culture, civilisation et rapports entre Français, façon de faire et façon d’être. La démocratie n’est plus une décision, elle prétend légitimer l’exercice du pouvoir. Celui-ci est brigué généralement en possession d’état. Le sacré et la révérence ont jusqu’à présent étaient accordés au tenant de la place, ou plus exactement François Mitterrand l’a obtenu par sa personnalité et sa façon d’être, Jacques Chirac en a fonctionnellement bénéficié et s’efforce de consolider cet acquis pour ne pas, au sortir de l’Elysée, être banalisé jusqu’à passer en correctionnelle. Les deux principaux dessous de la campagne sont à l’actif du candidat qu’il a dû subir : les parrainages de Le Pen ont été accordés pour une part selon des démarchages de l’appareil U.M.P., l’amnistie, sous couvert qu’elle paraisse générale, pour l’ancien maire de Paris. La statue est édifiée par mimétisme : Odile Jacob qui a procuré deux posthumes de François Mitterrand, édite avec des couvertures semblables deux recueils de discours, et le même Pierre Péan qui avait révélé le président sortant en 1994-1995 par son passé, dresse un anti-portrait de celui qui quitte, par contrainte, le pouvoir en 2006-2007 : un homme de culture, un expert en antiquités, le fils adoptif d’un grand résistant éditeur de nos poètes contemporains. François Mitterrand n’était pas celui qu’on croyait, puisque sa biographie est paradoxale, Jacques Chirac ne l’est pas plus, ce n’est ni un simpliste ni un univoque obsédé de campagnes électorales et de salons d’agriculture, c’est un philosophe et un esthète. A mon étonnement, cette image, agréablement superposée à celle d’une jeunesse et d’une énergie à peine entamée, d’un don permanent de sympathie et de généreux accueil, de simplicité et d’accessibilité, semble acceptée par les Français. De tous nos présidents jusqu’à présent, Jacques Chirac est donc celui qui a le mieux su poser et surtout maintenir l’impression que doit avoir de lui le public. Pour avoir essayé de jouer du registre de l’agité incontrôlé, qui fut une des facettes du maire de Paris dans les années 1980, Laurent Fabius, alors Premier ministre et convaincu de l’emporter en débat télévisé contre lui, s’y cassa. La pièce n’est pas terminée, mais le sage de la politique française apportant au monde un rebond d’engagement et de prêche international pour l’écologie, va entrer en piste. Sauf si l’histoire retient dans quelques années que nous sommes redevables à Jacques Chirac de l’exercice du pouvoir par Nicolas Sarkozy, qui eût pu en être empêché presque jusqu’à la dernière minute.

Pour l’heure, il me semble que trois traits caractérisent notre ambiance :
1° aucun thème ne s’est imposé dans la campagne. La situation du pays, ressentie généralement comme très grave au début de la compétition, a été peu analysée ;
2° aucun candidat ne sort grandi par la course, la pléthore des livres de portraits, d’analyses, de conseils aux candidats ou aux électeurs, la surchauffe des journalistes ne cachent pas la banalité de l’élection en cours au point que la grisaille déteint sur les candidats, même s’ils étaient sur la ligne de départ très typés pour certains ou se sont révélés, pour d’autres, pendant quelques jours ;
3° les Français sont perplexes, sans appétit pour les émissions télévisées, peu communicants et peu manifestants. Ils subissent un rite, le jugent répétitif et peu en attendent des solutions qui n’auraient pu être trouvées ou mises en œuvre autrement. Pour l’étranger, c’est une bataille pour le pouvoir sans éclat ni génie, sans enjeu non plus. La France est devenue médiocre, elle n’est exemplaire que dans le discours de quelques commentateurs nationaux : le même cliché à la fin des années 1930.



     Sensations de la campagne, notamment à la télévision

Quoique ne la suivant que très épisodiquement, en quoi je dois figurer dans la moyenne de nos compatriotes, la campagne à la télévision me donne plusieurs impressions, aucune n’est positive mais elles tiennent toutes plutôt au mode médiatique qu’aux candidats. L’évolution de ces dernières années est que nous sommes ravalés par le système des médias qui abaisse le niveau de la politique en prétendant soit l’intimiser par des traitements de personnes (le réalisme des vies quotidiennes ou des opinions quelconques, la privauté des personnages publics) soit l’exposer mais hors de toutes références et comme quelque chose de banal parmi d’autres choses qui peuvent davantage importer, telles que le sport, les faits divers, le climat, une casatrophe. La politique n’est plus présentée par l’audiovisuel comme une structure englobante et sujet à démocratie et objet de décision. Elle est une activité dont on rend compte parmi d’autres, une rubrique : une campagne électorale étant un thème dont on mesure l’audience à l’instar d’autres. Dérive qui a été celle du « système » des partis mais dont je pense que ceux-ci ont conscience : la tentative dee reviviscence par le débat interne et la promotion de la militance.
Impressions.
Le décousu. Cela tient donc aux médias et à leur souci prétendu d’équilibre. On cueille quelques images et phrases de l’un puis de l’autre puis du troisième, rien n’est traité, c’est du point de suspension. Chaque candidat n’apparaît que découpé, et l’ensemble est un patchwork. Comme, pour trancher plus devant l’opinion et surtout les commentateurs que l’un face à l’autre, les candidats eux-mêmes font dans le discontinu et passent d’une « idée » à l’autre, d’un thème à l’autre, rien n’est traité dans son ensemble, rien n’est relié à rien, ni à des causes premières s’il s’agit d’exposer nos situations, ni à des convictions s’il s’agit de présenter une candidature ou une famille d’esprit. Le remède a été en partie proposé par François Bayrou et accepté par Ségolène Royal : organiser dès avant le premier tour, et même avant l’ouverture de la campagne « officielle » des débats entre candidats, au moins par internet. Nicolas Sarkozy s’y est refusé. La présentation physique de celui-ci en scène publique à forts auditoires, qui ne varie pas (fond en grand de son affiche inspirée de celle, rurale et à horizon vert et bleu, de François Mitterrand en 1981), est étonnante d’éloquence. Il est seul à un pupitre, ces pupitres venus de la Maison Blanche depuis une vingtaine d’années, qui isole, naguère les hommes avaient une canne quel que soit leur âge (on portait chapeau, aussi), aujourd’hui, c’est le pupitre du lecteur de messe dominicale, mais sans entourement. Sensation de solitude et difficulté du geste. Le physique mal mis en place soit en studio soit en meeting, les paroles tirés de leur contexte au chronomètre, les discours sans suivi et selon les auditoires et les lieux, quand le candidat n’improvise pas pour plaire et répondre. Cela a été le cas souvent de Ségolène Royal et de François Bayrou.
L’inadéquation. Les conversations – selon un fichier joint, quelques « spécimens » - que j’essaie d’avoir tant à Paris que dans ma province, par hasard de rencontres, ou avec des proches, ce qui n’est pas plus aisé ni moins surprenant parfois, montrent toutes une lassitude vis-à-vis de la campagne qui semble avoir duré longtemps mais devoir se terminer brusquement, comme un long charivari laissant soudain place au silence, le scrutin à la façon d’un jour d’enterrement, un vote à mi-voix. Elles montrent aussi que les analyses personnelles sur notre pays, faites par tout un chacun, avant cette campagne sont comme émoussées par celle-ci. Au lieu d’appeler à davantage encore de réflexion, la campagne pousse à la perplexité et à l’indécision, au moins sur les personnes. Les thèmes se perdent parce que trop ponctuels et pas assez fouillés. Chacun sur ce qui lui importe, croit en comprendre, en savoir, en vivre davantage en effet que les candidats. Ceux-ci sont donc amalgamés. Les sondages en mettent quelques-uns en vedette, ce qui accentue l’impression de contrainte qui avait déjà dominé la campagne référendaire de 2005 et sans doute poussé beaucoup de France au vote négatif. La plupart des adresses paraissent donc partir vers l’inconnu, alors même que la pose souvent démagogique de tous les candidats serait de cibler.
L’absence de débat. Il n’y en a ni entre candidats, car la critique ou l’invective n’est pas un débat prenant les questions et les solutions les unes après les autres, sans a priori et de bonne foi : ce que nous ne savons pas faire ni en politique, ni entre nous, source de l’intolérance et du racisme. Ni entre candidats et électeurs. Ces dernières années, les Français ont pris conscience de ce qu’ils souffrent, ils souffrent de subir alors qu’ils avaient été – au moins selon la mémoire des générations précédentes, à laquelle je commence d’avoir la sensation d’appartenir… - habitués à inspirer, à conduire les choses, les débats mondiaux sinon à vaincre et à être toujours dans les premiers. Aujourd’hui, ils sentent que ce qui est dit est « à côté ». Une manière de gouverner : ratée depuis douze ans. Une élkection : celle de 2002, faussée, donc ratée. Et maintenant une campagne ratée, alors que beaucoup reconnaissent et observent qu’elle avait bien commencé : le débat militant à gauche sous deux aspects, la concurrence de candidats au sein du Parti socialiste, la discussion sur la pluralité ou l’unité d’expression au sein des mouvances de l’extrême gauche antilibérale, le défi interne dans la majorité sortante lancé par un des ministres au président régnant. L’ensemble promettait du jaillissement. Depuis des semaines, le sur-place. La « percée » thématique qu’a été la mise en évidence par François Bayrou de l’alternance et du clivage droite/gauche n’a finalement pas eu de suite en contenu et n’en aura peut-être pas autant que souhaitable, dans les urnes.

     Le test de personnalité

L’élection présidentielle est un choix personnel de l’électeur pour une personne. Censément en dehors des poussées des partis, des medias, des conditionnements. Elle est un acte libre et intime. Elle est la source d’une adhésion de chaque citoyen, puis de leur somme par respect mutuel, à ce qui va faire temporairement la légitimité de l’exercice du pouvoir par une individualité jusques-là quelconque, quel qu’ait été sa course antérieure.
 
En analysant la longue litanie des promesses, les électeurs doivent s‘efforcer de détecter si celles-ci sont conformes à la pente sur laquelle se situe le candidat. S’il est élu, aucune des promesses faites à contre-courant ne sera tenue. C’est pourquoi l’inclination, la « pente personnelle » du candidat, a davantage valeur d’engagement que ses annonces.

Le troisième point est celui de la recherche du caractère intime de la personne, de la manière dont le candidat vivra l’exercice futur de la fonction. J’ai pratiqué ce jeu passionnant lorsque j’étais ministre du général de Gaulle : j’ai pu observer sa force d‘âme, son courage inébranlable, mais aussi assister  à ses moments d’émotion, lors de la mort de son frère, et même déceler, tenez-vous bien ! les poussées de timidité qui faisaient battre ses paupières. En suivant ce récit de la vie au pouvoir, vous connaîtrez mieux ce qu’est  « l’emploi »du président de la République. Vous ne l’observerez pas seulement en train de parader dans les manifestations officielles, lisant des textes souvent écrits par d’autres, maquillé pour ses apparitions à la télévision, ou encore multipliant les poignées de main, vous le découvrirez dans dans ses moments de doute, ds solitude, parfois de fatigue physique ; au moment où il s’interroge sur les décisions à prendre, en ressourçant à la lecture des mémoires de ses prédécesseurs ou encore lorsqu’il bénéficie du rare retour à l’anonymat que lui procure la marche dans une rue sous la pluie, sans que personne songe à le reconnaître. Et pensant à celle ou à celui que vous aurez à désigner, vous devrez prendre en compte l’art et la manière dont il poursuivra sa vie réelle, une fois installé au pouvoir, car c’est ce qui déterminera sa véritable aptitude à remplir la fonction et sa capacité à faire face aux situations de crise. De cette manière, la lecture de ce livre de souvenirs peut devenir pour vous une sorte de biographie écrite au futur.

En identifiant la personnalité intime du candidat, en relativisant la portée de ses promesses et en vous préoccupant davantage du contenu de son éthique, vous pourrez, je crois, mieux le choisir ; je veux dire : bien le choisir.

Valéry Giscard d’Estaing, extrait de la préface – datée du 2 Février 2007 – à l’édition « de poche » du tome III de ses Mémoires
La campagne qui s’achève dans huit jours pour le premier tour a eu deux nouveautés. La floraison de livres, l’enquête sur les entourages, en fait sur la conjugalité des « principaux » candidats. François Bayrou, trois livres de son crû. Nicolas Sarkozy, deux. Ségolène Royal, un. Des hebdomadaires mettant en parallèle François Hollande et Cécilia Sarkozy, tant Bernadette et Claude Chirac ont tenu de place dans l’explication du système de comportement et d’image du président sortant A l’hôtel de ville où il était posté depuis 1977 comme une figure prometteuse de l’espérance, Jacques Chirac était sollicité par tous ceux qui, incapables par eux-mêmes, de conquérir le pouvoir, le conseillaient d’avance sur ce qu’il faudrait en faire. Sinon pour les Français, du moins pour les « initiés », il en ressortait l’impression d’un homme sans structures intellectuelles personnelles, une machine à gagner des élections (quoiqu’il en ait au vrai beaucoup perdu, comme celle-ci qu’il avait tant espéré jouer depuis 2002) mais incapable d’un discours personnellement pensé et écrit ; le paradoxe a été la grisaille de ses conseillers à l’Elysée, même si Dominique de Villepin passe pour flmaboyant et a abouti sous les projecteurs tant au Quai qu’à Matignon, mais sans résultats. Au contraire – abondance de livres et de portraits tendant à l’illustrer rétrospectivement – , presque tout a été attribué à la fille du président pour le premier mandat, à son épouse pour le second, y compris à propos de l’abdication en faveur de Nicolas Sarkozy. Celui-ci présentant tous les traits de Jacques Chirac avec qui il prétend pourtant « rupturer », a donc son influence d’alcove. On ne sait rien de celle cadrant éventuellement François Bayrou et ce que l’on suppose du couple Ségolène Royal/François Hollande n’est pas informé, tout simplement parce que les deux compagnons ont su garder pour eux et leurs enfants ce qu’ils sont au vrai chacun l’un pour l’autre. Je n’en sais positivement rien, mais je le crois. La question de personnalité n’est d’ailleurs pas là.
Il n’y a pas d’énigme psychologique ni pour Ségolène Royal dont les traits de caractère sont généralement perçus avec exactitude : ambition, ténacité, sensibilité aux ambiances mais capacité de résister aux pentes, courage physique et mental, froideur apparente, voire attitudes méprisantes, mais caractère chaleureux au mental et à l’expression jusqu’à des actes de confiance en autrui spontanés et vrais – ni pour Nicolas Sarkozy, expliquant les plus outrés de ses propos pour les confirmer et les réitérer, se donnant beaucoup à voir et comprendre dans Témoignage, ayant des idées personnelles sur les sujets les plus délicats, le religieux, le psychique, le racial, ce qui n’est pas en soi mauvais mais qui est très périlleux si l’on n’est pas enclin à écouter en se fondant dans le cercle des intimes, sans le dominer. Il y en a au sujet de François Bayrou. Ses livres développent des thèmes par eux-mêmes bien vus et posés, intéressants, mais la structure d’ensemble manque et la psychologie du candidat n’apparaît pas. Il est sensible à la gloire et au succès, sans doute le plus des trois « principaux » candidats, il est vrai qu’il a été le seul à innover dans cette campagne et à sentir une attente de l’opinion, à trouver des éléments d’écho ou de réponse, mais qui est-il ? s’il faut trancher. Pourquoi les fondateurs de l’U.D.F., Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre, pourquoi l’ex-« bande-à-Léo » ne le soutiennent-ils pas ? Valéry Giscard d’Estaing répond dans le texte ci-dessus cités en extraits. Mais les autres, et surtout les plus « petits », tous libres puisque sans emploi ni grande notoriété rétrospective ?
Aucun des candidats, sauf Nicolas Sarkozy – minutieusement et de façon nconvaincante –, n’a donné sa manière de travailler, de s’informer, de se faire une opinion, de se constituer mentalement. Maintenant (de Ségolène Royal, très habilement fait en paragraphes questions/réponses par ordre alphabétique) a de l’attrait parce que sur des points, parfois inattendus (le soin prioritaire d’un enfant s’il n’avait pas été bien portant, le protocole, Mai 1968, de Gaulle et François Mitterrand avec Dieu…) mais il ne fait pas sentir par avance comment sera, à sa table de bureau et en réunion décisionnelle, la présidente. Je ne sais pas sa manière en Poitou-Charente, non d’être mais de travailler. Elle aime être libre, elle choisit en toute indépendance, en quoi elle répond à ce qui était l’attente initiale des militants socialistes et d’une bonne part des Français : une femme à la tête du pays sera autre et regardera tout, autrement. Elle écoute, elle a une culture non livresque et vêcue, mais elle a montré que certains dossiers, forts, elle ne les avait pas vraiment ouverts. De Gaulle sur des sujets précis avait sa culture : le nucléaire, les institutions, et pouvait rédiger personnellement et à main levée, mais chaque fois qu’il fallait vraiment entrer en jeu, il avait recours à expert, le général Gallois sur le premier sujet en 1956, Raymond Janot en roulant à toute allure vers Paris et le pouvoir sur la rédaction des lois d’habilitation en 1958. La maîtrise de soi et de son expression ne semble pas être le fort de Nicolas Sarkozy. Jacques Chirac était de comportement plus rentré mais d’expression parfois aussi aventurée : son observation sur les pays d’Europe centrale et orientale dont les dirigeants auraient mieux fait de se taire en Janvier-Février 2003 (les fameuses lettres publiques zélées par Tony Blair et d’allégeance des anciens communistes à George Bush) ont eu un effet ravageur dans une zone où la France avait déjà tant perdu par ses lâchages de 1938-1939 puis par sa peur de l’Allemagne en 1989-1990.
Justement, je consacrerai ma toute prochaine note à rappeler campagne et personnalité des prédécesseurs : de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand.  Leur expression aussi.


     Les sujets traités

Santé, politique et administration, économie et banque, fiscalité, beaucoup est abordé, rien n’est bouclé ni mis en contexte. Ce semble – de la part même des candidats les plus entourés de conseillers et favorisés par les sondages, donc sérieux et dotés de moyens de travailler les questions – de pures réponses à ce qui est pensé comme plaisant aux électeurs ou les inquiétant. Un aspect, souvent réducteur, de chacun de ces sujets est tiré mais ni scruté ni organisé dans son ensemble : la question de l’Ecole nationale d’administration ou celle de la tarification des services bancaires pour le client petit ou moyen, méritent d’être posées, mais comme une manière d’introduire (et d’ntéresser ceux qui n’en auraient pas la culture complète) à la totalité de sujets décisifs. Le financement de notre économie et le développement (la sauvegarde) de nos actifs en tous genres. La relation entre pouvoir démocratiquement désigné et habitudes de la haute fonction publique pour gérer et justifier des gestions. Ces deux sujets mettent en cause notre avenir mais ne suscitent pourtant pas beaucoup notre imagination.
Ne sont pas évoqués la politique extérieure, la perte de nos capacités propositives, le cadre européen de tout choix politique, non parce que nous y sommes contraintes par les traités, mais parce que c’est la bonne dimension. Ce qui renvoit à l’urgence de notre renaissance à l’imagination collective nationale. Actuellement éteinte, malgré quelques livres d’anciens décideurs surtout en économie, finances et monnaie, qui conseillent les candidats mais ne tranchaient guère quand ils étaient aux manettes, sans compter tous les diables qui retraités dans le bénévolat ne se font ermites que par âge. A la tête des plus grandes institutions ou entreprises nationales ou internationales, ils ont conforté, en acceptant le moule de pensée et même de langue, par docilité mentale, le système qui nous strangule.  


     L’opinion des Français ?

Les sondages admettent leur faillibilité par leur multiplication-même. Il est injustifiable que leurs instituts prétendent de méthode scientifique des corrections spontanées – au vu de 2002… - des données brutes recueillies. J’éprouve personnellement dans ma quête d’opinion que les Français d’une part ne sont pas décidées, cela en très grande majorité, et d’autre part ne se confient pas facilement. En quoi ils ont raison, le choix est difficile, il est intime et les données ne sont pas certaines : je viens de le dire, les grands thèmes, ceux qui dirigent et encadrent les choix à faire, ne sont pas traités à fond et avec clarté, et la personnalité des principaux candidats pas toujours évidente.
Des comportements d’ailleurs – d’évidence électorale – ne sont pas posés par les candidats, alors qu’ils seraient compris et sont sans doute attendus des électeurs.
Si dans la constellation des anti-libéraux et de la gauche radicale où se meuvent cinq ou six candidats, il y avait soudain pot commun pour qu’un seul (une seule) finalement se présente devant les urnes, cela ferait peut-être 8 à 10% des suffrages possibles. Eparpillés, ils seront sans poids et signifieront seulement – comme dans tous les cas historiques d’urgence, la gauche républicaine espagnole dans la guerre civile, les opposants à la montée d’Hitler dans l’Allemagne de 1930 à 1933 – l’aveuglement qui consiste à se préférer soi au salut public.
François Bayrou et Ségolène Royal ne peuvent gagner qu’ensemble. Ce n’est pas du mélange d’idéologies et de la perte d’identité pour chacun, du gauchisme ou du marxisme soudainement pour l’ancien ministre de droite, les armes rendues à la privatisation ou au libéralisme de la part de la candidate socialiste. C’est l’évidence qu’il faut leurs efforts coincident et se rencontrent pour la redistribution des rôles politiques gouvernementaux et l’organisation de la représentativité au Parlement et dans la vie politique française que la rénovation du Parti socialiste ne produira pas à elle seule. L’évidence que le cadre européen pour convenir à nouveau aux Français qui mirent de Gaulle en ballotage parce qu’il ne leur paraissait pas assez fervent de ce cadre… doit être proposé à nos partenaires et surtout à leurs opinions publiques, d’une manière toute neuve. Et spectaculaire. Ce n’est qu’ensemble qu’ils peuvent gagner s’il s’agit d’empêcher Nicolas Sarkozy d’exercer le pouvoir comme sa gestion place Beauvau en a fourni un specimen, et comme sa manière de contrôler l’U.M.P. de l’empêchement mental et pratique de toute candidature différente à la sous-traitance des parrainages en faveur de Jean-Marie Le Pen. Produire cet enjeu à tort ou à raison sur le fond produirait dans la forme la vraie coalition, celle qui existe dans l’esprit des Français, partagés chacun et pas tellement entre eux, entre le recours à la poigne pour que le pays s’en sorte (en soit sorti ?) et la peur que restent sur le carreau démocratie et libertés publiques, respect des personnes quelles qu’elles soient.


     Les scenarii pour le prochain mandat et notre avenir

Alors que les politiques – à gauche et à droite – n’avaient pas vu venir la « percée » qu’opéra François Bayrou, précisément par son analyse d’un clivage droite/gauche à l’origine des impérities constatées, puis l’avaient vivement contestée en renvoyant l’auteur à sa biographie ministérielle, voici qu’en coincidence étrange avec la baisse de celui-ci dans les sondages, certains socialistes le croient finalement élu et veulent constituer la majorité de sa majorité. Du moins, est-ce une rumeur. La réalité me paraît davantage qu’aucun des concurrents malheureux de Ségolène Royal, au sein du Parti socialiste, n’a désarmé pour l’avenir. Sa défaite n’est pas seulement anticipée ; c’est sa mise au rancart qui est organisée par le scenario d’une victoire de François Bayrou et de la nomination par lui d’un Premier ministre de gauche – son annonce de la mi-Février – quand bien même Dominique Strauss-Kahn presque nommément visé, s’était aussitôt récrié.
C’est ne comprendre ni l’utilité de François Bayrou, gagnant l’élection présidentielle ou, à défaut, amenant assez de députés dans la prochaine Assemblée nationale pour y vraiment peser en tiers parti – ni celle de Ségolène Royal, habituant les Français à la perspective qu’une femme s’asseye au bureau du général de Gaulle et rénovant le Parti socialiste. Indépendant de l’organisation du parti qu’il préside, François Bayrou peut survivre à une double défaite présidentielle et législative, s’il maintient son cap ni de droite ni de gauche, mais tout à la fois pour tout autre chose. Ce qui suppose évidemment qu’il ne rallie pas Nicolas Sarkozy entre les deux tours et que l’U.D.F. pour le confort de ses sortants ne passe pas d’accords avec l’U.M.P., les deux points ne sont pas forcément couplés, et l’auorité de François Bayrou est plus grande l’opinion publique et chez certaines élites de l’économie et de l’analyse que sur son groupe parlementaire : on l’a vu au dernier vote de censure. En revanche, l’intérêt du Parti socialiste et dans une certaine mesure de toute la politique française, dépasse celui de Ségolène Royal. Il faut que celle-ci s’installe, à défaut d’entrer à l’Elysée, dans la position morale et intellectuelle du chef reconnu de l’opposition, que fut François Mitterrand en prolongation immédiate de son duel avec de Gaulle en 1965. C’est possible parce qu’elle le veut, mais cela doit être consenti par les principaux chefs du Parti socialiste. Si recommence, dès cet été, une querelle pour l’investiture en 2012, la gauche déjà affaiblie par le morcellement de ses extrêmes, ne parviendra pas à la synthèse qu’il faut opérer entre une doctrine charpentée et motivante, et une analyse juste du monde et de la France en ce moment.
Au contraire, le scenario de ceux qui veulent imposer à François Bayrou leur férule (et accessoirement éliminer donc de l’avenir Ségolène Royal), diminue celui-ci puisqu’ils font paraître son analyse et sa proposition, non comme une novation de la politique française mais comme une combinaison aux nombreux et anciens précédents. Regard qu’ont sur lui certains gaullistes aux titres incontestables.
Ce qui reste posé est l’interrogation sur la prochaine Assemblée nationale. Sera-t-elle représentative, même selon le mode de scrutin actuel ? ou bien collera-t-elle à la majorité présidentielle, concept et distinction auxquels je n’adhère pas. Il y a une majorité dans le pays qu’il faut susciter ou connaître par la mise en jeu de la responsabilité populaire du président de la République, il n’y en pas deux. Si elle change en cours de mandat présidentiel, c’est la faute du président de la République décevant ou ne prenant pas les moiyens de la reconstituer. Ce fut tout le dilemme du général de Gaulle depuis sa mise en ballotage en Décembre 1965.
Au-delà de la répartition des forces et des rôles – dont il apparaît bien maintenant que la toute proche élection présidentielle ne la produira qu’en partie – il y a la nécessité d’un consensus en France suffisant pour imaginer la suite, sans le complexe d’un pays ingouvernable ou refusant toute réforme, sans la paralysie des solutions imposées et non concertées avec les usagers. Or, le seul candidat opposé à cette novation est Nicolas Sarkozy dont l’élection continuera le monolithisme déjà vêcu depuis 2002 : un parti majoritaire déterminant une majorité pour cinq ans à l’Assemblée nationale, selon l’élection présidentielle, et alors que le Sénat est déjà orienté dans ce sens.
  
                                                                                        BFF – 2.13 IV 07


disponibles sur demande, les précédentes réflexions sur le même thème de l’élection de 2007

12 Novembre 2006
Le contexte : L’impuissance à plusieurs points de vue.
Les paradoxes
Les processus de candidatures et de programmes

20 Novembre 2006
Le choix et la manière socialistes
Les programmes
Les faux semblants
Interrogations en conclusion d’étape.

2 Décembre 2006
Les candidatures
Les procédés
Les absences

16 Décembre 2006
Les rôles-titres et les acteurs
L’électorat présumé
Les certitudes des Français en forme de questions
Quel contexte ?

2 Janvier 2007
Le naturel  des partis
Les clivages ne correspondent plus aux partis
Le métier fait les moeurs
L’élection présidentielle est à un tour

9 Février 2007
Les mises en campagne
Les modalités de la campagne présidentielle restent à inventer pour l'avenir
La politique extérieure est le vrai clivage, il n'est avoué en tant que tel par personne

18 Février 2007
L'opinion et les candidats
Les candidats et l'opinion
L'absence de choix en matière institutionnelle
Le mauvais énoncé de la question européenne

24.25 Février & 4 Mars 2007
Des certitudes négatives
De rares certitudes positives, mais qui sont sans doute la matrice d’un système nouveau
Apathie ou désespérance des électeurs ? ou médiocrité des acteurs ?
Quelque chose prendrait-il forme ?
Le monde, pendant ce temps-là…
Les résultats du capitalisme tel qu’il se pratique en français

9.11 Mars 2007
La campagne modifie peut-être la fonction présidentielle
La campagne révèle aussi bien notre vie politique intérieure que l’état de nos relations extérieures

13.15 Mars 2007
La refonte possible des institutions
Quel que soit l’élu, un président très différent de ses deux prédécesseurs
Effondrement de la gauche ou fin d’un clivage ?

17.23 Mars 2007
L’ordre de bataille
Le vote utile
Cristallisation d’image et psychopathie des prétendants
La démocratie émolliente ?

jeudi 27 février 2014

ouvrir une ambassade dans l'ancienne Union soviétique - journal au Kazakhstan . Février 1994

solution imminente pour disposer des fichiers de cette époque 

et donc mettre en ligne chaque mois depuis Juillet 20012  le manquant depuis Août 1992

merci pour votre patience

l'Ukraine actualise la question d'Europe

lettre à Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge des droits fondamentaux, de la justice et de la citoyenneté



nous avons déjà correspondu à plusieurs reprises à propos des populations Rroms et de la manière dont celles-ci sont traitées, notamment depuis 2010 et encore aujourd'hui, par les autorités de mon pays. J'avais alors voulu vous soutenir publiquement dans les remarques et les évocations - sévères et douloureuses - que vous aviez faites.

Les grandes échéances de renouvellement du Parlement et de la Commission pour notre Union eurropéenne, approchent et je tiens à vous confier ce qui me tient à coeur :

1° l'identité européenne dans le monde et vis-à-vis de ses ressortissants ne peut fondamentalement être ni la puissance économique, commerciale ou financière quoique cette puissance soit nécessaire pour notre monde et pour nos concitoyens européens, ni même les exceptionnelles richesses immatérielles que sont notamament nos diversités, nos patrimoines culturels, linguistiques et spirituels. Elle est essentiellement la démocratie et le respect des droits de l'homme. C'est ce qui fait notre bien commun et notre exceptionnalité. On en voit bien l'application en Ukraine.

C'est le domaine dont vous avez eu la charge au sein de la Commission et que beaucoup de vos interventions et des orientations ou décisions que vous avez recommandées et prises, ont illustré.

A ce titre, votre désignation à la présidence-même de la Commission serait un gage décisif pour cette identité. Je souhaite donc que vous soyez notre prochaine présidente, et si je puis d'une manière ou d'une autre y contribuer, et ensuite vous accompagner dans ce grand mandat, combien j'en serais heureux et honoré !

Ce me semble avoir des conséquences immédiates.

la démocratie est imparfaite et surtout peu éloquente dans le fonctionnement de l'Union européenne. Je souhaite que fait et cause soient pris par vous pour que le prochain Parlement ait mandat, implicite ou explicite, de rédiger et adopter un nouveau traité qu'il vaudra mieux appeler Loi fondamentale que Constitution et qui, tout en prévoyant ce que l'actualité rend évidemment nécessaire : une protection douanière comme ce fut la version initiale de notre union à Six pour rétablir dans les relations commerciales internationales bon sens et loyauté, l'aménagement d'un droit de sécession avec une possibilité cependant de retour, établirait l'essentiel.

L'élection au suffrage direct du président de l'Union européenne par tous les citoyens européens. Avec compétence d'en appeler au referendum européen dans les matières prévues par la future Loi fondamentale. Dans l'instant même de cette élection, l'Europe trouvera unité, volonté, solidarité. Elle est aujourd'hui humiliée, sans expression et avec fort peu de solidarité, les uns, notamment à l'Est bénéficiant indûment de leurs bas coûts humains de production, d'autres chancelant sous le poids de leurs endettements, d'autres enfin jouant de rentes de situation notamment en intermédiaires commerciaux avec les pays dits émergents. Tout changera. L'Europe pourra enfin être politique, indépendante et vouloir sa défense en propre. 

démocratie et droits de l'homme devraient nous faire inventer, aussi bien pour les Rroms que pour toute population migrante et transnationale de fait, une citoyenneté européenne et des organisations indépendantes de l'appartenance à un Etat national. Cette citoyenneté directe donnerait lieu à des représentations dans les divers organes et assemblés de l'Union, à égalité de droits et de devoirs avec les Etats membres, sauf la rédaction des traités et la sécssion qui ne serait d'ailleurs évidemment pas de l'intérêt de ces populations. Ce serait peut-être aussi un chemin de solution pour des peuples territorialemnt stables mais ne se reconnaissant pas dans la nationalité de l'Etat que leur position géographique leur impose. Je préfère ne pas donner d'exemples, mais vous avez ces situations à l'esprit.



nos associations et partenariats avec des pays et peuples que l'Histoire a attachés à certains des Etats-membres - les pays A.C.P. d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique - sont censés promouvoir pas seulement des aides et des solidarités économiques et financières, mais des valeurs communes dont le non-respect par une quelconque des parties au traité de Cotonou entraine des examens, des probations et des sanctions.

Une lacune criante se trouve à l'expérience dans les fonctionnements électoraux de certains de nos partenaires. L'Union a l'expérience de ces contrôles, en s'associant ou pas avec d'autres ensembles comme l'Union africaine ou l'Organisation internationale de la francophonie. Mais ce ne peut s'entreprendre qu'à la demande de l'Etat concerné. L'expérience que j'ai de la Mauritanie, dont je vous ai fait part ainsi qu'au directeur général du Développement qu'a été Stefano Manservisi, est décisive. En 2006-2007, élections municipales, parlementaires et présidentielles préparées et contrôlées de la confection des listes électorales à la transmission des résultats bureau par bureau pendant plus d'un an avec des dizaines d'experts internationaux, un matériel informatique prêté considérable et un parc de voitures ad hoc. Une élection pluraliste avec deux tours, a inauguré un gouvernement démocratique incontestaablement. Dans les quinze mois, un putsch que la France - encore elle, très malheureusement - a très vite contribué à légitimer en s'en portant fort auprès de l'Union africaine, malgré la persistance de manifestations de rue pendant un an contre les putschistes. L'élection anticipée en Juillet 2009 par abnégation du président légitime qui a choisi d'abdiquer, n'a pas été contrôlée, le président de la commission électorale a même démissionné le soir du scrutin, constatant trop d'irrégularités pour que rien ne soit acceptable. Des élections parlementaires et municipales viennent de se tenir, sans contrôle aucun et ont évidemment conforté le pouvoir en place, celui du putschiste qui pendant la courte période démocratique dirigeait l'état-major particulier du président et une garde prétorienne, organisée selon ce qu'il avait appris chez Sadam Hussein et dont en vingt-cinq ans, il n'a quitté jusqu'à ce jour le commandement direct que pendant le temps de stages au Maroc dans les années 1990. L'élection présidentielle se prépare dans la même absence de contrôle. Quoique le gouvernement français actuel le déplore, il n'est pas jusqu'à présent possible de convaincre l'homme fort de son intérêt d'une réélection incontestable, donc contrôlée, notamment par nous.

Il conviendrait donc que Cotonou soit rectifié en sorte qu'un Etat ne puisse se dérober à l'automaticité du contrôle de ses élections, et plus généralement de son respect de l'Etat de droit et de la dignité humaine. Ce sera la stricte application de nos valeurs et l'illustration de notre identité et un soutien décisif aux démocrates ainsi qu’à la jeunesse, notamment en Afrique. Ce pourrait figurer dans notre Loi fondamentale européenne à venir.

Pardonnez-moi d'être ainsi long, et veuillez agréer l'expression et de mes hommages très sincères et de mes voeux ardents pour votre présidence de notre Union européenne.

Cette lettre vous est d’abord parvenue par courrier électronique.






archives pour l'histoire immédiate de notre vécu - 17.23 Mars 2007



Election présidentielle 2007

observations & réflexions

XI



C’est en apparence le hasard fait, sans doute pour chacun de nous, les événements qui nous déterminent, choix de vie, choix électoraux. Pour ma part, j’ai été impressionné par des « directs ». Ceux de Ségolène Royal répliquant à propos d’Eric Besson – qui le connaît ici – ou concédant le second porte-avion nucléaire à une assistance d’enseignants, ceux de François Bayrou disant l’échec des alternances droite-gauche et évoquant la nomination d’un Premier ministre de gauche, sans exclure qu’il puisse être de droite mais ne voyant personne, dans le moment, de cette mouvance. Il y a aussi ce qu’il faut avoir vu pour bien le lire. La solennité avec laquelle Jacques Chirac, méconnaissable quand on compare les visages de dix ans en dix ans, impressionnant de carrure, annonnant avec des soulignements par le sourire, le communiqué syllogique de soutien à Nicolas Sarkozy, et la désinvolture, le dire sollicité et accidentel de Nicolas Sarkozy concédant que cette déclaration (ou ce soutien ?) est très importante :  les textes sont ici secondaires, et même négligeables, forcés de part et d’autre. L’un touche le sol des deux épaules puique son consentement au quinquennat était en vue d’un triplé, souhaité dès la non-élection de 2002 et qu’il a espéré jusqu’au bout l’ouverture à sa énième candidature, l’autre s’en f… et le soutien lui est plutôt un poids, puisqu’il le charge d’une solidarité en contradiction avec un programme dit de rupture.


     L’ordre de bataille

Les validations par le Conseil constitutionnel ont plus d’importance pour les « principaux » candidats que pour ceux qui attendent tout de l’égalité de traitement dans les médias, au moins officiels et audio-visuels.
L‘extrême-gauche ou les tenants de « l’altermondialisme » alignent au moins cinq candidats sur douze : l’enjeu est sans doute la survie des mouvements qui y ont poussé avec le paradoxe d’un parti communiste qui a encore son implantation locale mais n’a plus d’électorat de masse ; il est surtout une dubitation sur le report au second tour en faveur de Ségolène Royal. Celle-ci, par cette dispersion au premier tour, ne sera pas amoindrie à ce stade, le risque est au second tour. La distribution l’avantage au premier, la pénaliserait si elle arrive au second. L’U.M.P. est parvenue à empêcher deux candidatures qui auraient sans doute pris deux ou trois points à Nicolas Sarkozy et auraient eu, pour celui-ci, un effet désastreux, celui de le faire descendre dans les sondages à placer ex-aequo avec lui la candidate socialiste. Corine Lepage et surtout Dupont-Aignan en font les frais. S’il y a eu et s’il y aura dans le cas d’un mandat présidentiel confié à Nicolas Sarkoy, un débat interne à la majorité initialement de Jacques Chirac, c’est seulement entre eux deux et dans un secret relatif moyennant des ébruitements programmés, qu’il aura eu lieu. Dans le mouvement, il a été refusé, soit parce que les compétiteurs : Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie, ont jeté l’éponge, soit parce qu’ils ont été étouffés par la culture du chef et de l’unanimisme : Dupont-Aignan quoiqu’il représente une sensibilité mi-gaulliste au sens ancien du terme, ni-« souverainiste » au sens de la défaite de Nicolas Sarkozy aux élections européennes de 1999. Seul François Bayrou n’est pas atteint par ces montées sur l’estrade. Simplement parce que sa dialectique n’implique aucun électorat réputé fidélisé par avance ou potentiellement visé. Au contraire, la tentative repose sur un bouleversement total des habitudes acquises de vote. Elle ouvre deux inconnues : non seulement, la victoire de celui qui fait ce pari – pari gagné s’il est une réponse à l’attente populaire au vu des résultats de vingt-cinq ans d’alternance droite/gauche – pari risqué si c’est la nouvelle expression d’une vieille pétition que l’U.M.P. qualifie de nostalgie de la Quatrième République, le Parti socialiste de travesti de la droite, les gaullistes d’ancienne obédience de parti-charnière ou sans détermination de fond.
Jean-Marie Le Pen reste inconnu, non en personne, mais en prise sur l’électorat puisqu’il est maintenant admis que celui-ci ne s’avoue pas, et que les instituts de sondage corrigent, on ne sait toujours comment, les estimations fondées sur des réponses explicites. Mais il est encadré par deux certitudes, s’il est placé pour le second tour, il aura transformé le premier tour en tour unique, et s’il ne l’est pas, ses voix, quelle que soit sa recommandation, se porteront sur Nicolas Sarkozy. Il n’existera de nouveau mais fortement que si la représentation proportionnelle est introduite, complètement ou en partie, dans le mode d’élection de l’Assemblée nationale succédant, peut-être après dissolution, à celle à élire au mois de Juin. Et cette représentation du Front national, si le mode d’élection est changé, accentuera pour les élus selon le mode actuel la dissuasion que représente le droit discrétionnaire de dissolution.
Ce droit va être décisif si François Bayrou est élu et s’il veut imposer ses règles de jeu au Parlement. Il le sera aussi dans une autre hypothèse, selon que les Français démentiraient aussi une règle qu’on croit structurelle depuis 1981 – jurisprudence très judicieuse qu’a créée François Mitterrand et qui n’est pas commentée aujourd’hui. On lui met à charge la cohabitation en oubliant que Jacques Chirac ne démissionnant ni en 1997 (dissolution sans le résultat espéré) ni en 2002 (referendum négatif lu tout différemment du général de Gaulle, démissionnant aussitôt en 1969). Cette règle serait que votant à quelques semaines d’intervalles pour élire le président de la République, puis les députés, les Français ne se déjugeraient pas. Ils peuvent, au contraire, estimer que pour limiter l’abus de position à l’Elysée, il y a le moyen d’élire une Assemblée nationale qui ne soit pas à la botte, et dont la réélection dans cinq ans soit découplée de la réélection du président. Il me semble que ce correctif sera fait au cas de l’élection de Nicolas Sarkozy, mais bien moins probablement si Ségolène Royal est élu. Au contraire, François Bayrou, appelant à une majorité ductile et sensible à des consensus selon les sujets, se satisfera du choix des électeurs pour la nouvelle Assemblée nationale, quel qu’il soit.


     Le vote utile

François Bayrou toujours – qui fait la couverture des magazines avec l’interrogationn sur sa possibilité de gouverner s’il gagne, interrogation sans fondement puisque l’appétit d’être ministre est la mécanique de toute carrière politique aujourd’hui, celui d’être un bon législateur a disparu, celui d’être un édile efficace demeure en revanche sans cependant pousser excessivement au non-cumul des mandats (Pradel à Lyon fut une exception) – François Bayrou est la surprise de cette campagne, en apparence. Dans le fond, la surprise me paraît autre. Les Français mènent eux-mêmes la campagne. Ce sont eux qui ont créé, je crois, la dialectique puis la dynamique François Bayrou. Le mérite du candidat est d’avoir discerné cet appel à une autre distribution des cartes et à la détermination d’une autre manière de gouverner, non du fait d’un changement de personne ou d’un changement de « style » ou de réformes institutionnelles, mais par une recomposition des électorats et des clivages politiques. Si François Bayrou l’emportait, la dialectique majorité/opposition ne serait plus droite/gauche mais comme sous de Gaulle, au moins pendant son premier septennat entre ceux qui soutiennent le nouveau système, et ceux qui restent nostalgiques de l’ancien. Mais la limite de François Bayrou est là, aussi. L’électorat peut se reprendre faute que celui qui porte potentiellement ce changement de donne ait suffisamment d’étoffe, de charisme et même de programme pour le soutenir. Si François Bayrou sort – seul – indemne des désignations de candidats par le Conseil constitutionnel, il est celui qui a le plus à redouter de la campagne proprement dite, c’est-à-dire des portraits que vont dessiner, soir après soir, les médias dans l’esprit des téléspectateurs et des auditeurs.
La surprise du premier tour de scrutin pourrait donc ne pas être le rang de classement faisant que François Bayrou double Ségolène Royale cette campagne. Elle pourrait être le vote utile, rendant ses chances à Ségolène Royal dans son électorat d’origine et dans l’ensemble du camp de gauche, si ce camp ou ce « peuple » existent toujours en tant que tel, ce que je crois. En passe de gagner (hypothèse courante en 2002), il se disperse ; en passe de perdre (analyses répandues cette fois-ci), il se rassemble, mais au second tour. Ici, ce serait dès le premier, éliminant donc François Bayrou et renvoyant les chances de celui-ci à l’échéance parlementaire, ce qui serait le réduire à ce que veulent ses détracteurs et à ce qu’il réfute : le rôle du parti-charnière, sinon girouette. Le candidat d’alternative au clivage droite/gauche ne serait pas la seule victime du vote utile. Tous les « petits » candidats le seraient bien plus que lui. Elimination à laquelle aucun des précédents scrutins n’avait procédé. Ce qui rend encore plus nécessaire d’introduire à l’Assemblée nationale l’ensemble des sensibilités et des parcours français. Et si l’idée est enfin admise par « la bande des quatre », qui s’est réduite à trois, depuis la dissidence de l’U.D.F., elle devrait être étendue au Sénat. La diversité française serait, dans la « haute assemblée », d’ordre davantage socio-culturelle, socio-professionnelle, voire selon les générations ; mais il sera difficile de traiter l’association de ce Sénat, enfin rénové, à la confection de la loi et à la décision politique, puisqu’il est de dogme que seule peut voter la loi une représentation nationale. Je crois qu’il y a une piste qui serait que les désignations au titre socio-culturel et professionnel et de toutes autres diversités à définir, se fassent au suffrage universel mais selon des circonscriptions non plus territoriales et pas non plus corporatives, mais virtuelles, en sorte par exemple que la vie syndicale – si peu participative en France, ce qui nuit à tout le mouvement social – soit en partie soumise à l’examen de tous.


     Cristallisation d’image et psychopathie des prétendants

Le scrutin présidentiel n’est pas de programme mais de personnalité. L’espérance, sinon le pari, des candidats minorés par les sondages est qu’à les voir et entendre à égalité avec les favoris, le handicap sera remonté. Pour Philippe de Villiers, c’est un leit-motiv. L’époque y encourage, répandre sa photographie, faire connaître sa vie privée est censé la clé de tout amour. Précisément, l’expérience affective montre qu’il n’en est rien, le portrait à la couverture d’un livres ne le fait pas vendre. Plus je serai connu et vu, plus je serai aimé. En fin de leur mandat respectif, Valéry Giscard d’Estaing et maintenant Jacques Chirac l’ont éprouvé. De Gaulle s’inscrivit dans les esprits de tous les Français sans qu’aucun ou presque ne se figure sa silhouette ou son visage avant Août 1944. La campagne de 1974 fit tout perdre à Jacques Chaban-Delmas d’une image longtemps avantageuse.
Les trois principaux candidats ont chacun une relation particulière à leur image. Celle de Nicolas Sarkozy est exclusive, soit détestable, soit adulée, schématisée en tous cas, additionnée fortement par des péripéties de vie privée – encore que celles qui sont à l’origine de sa fortune politique, son premier mariage et ainsi son accès par adoption à l’imposante mairie de Neuilly, soient peu conées – et par des mots qui ont fait balle sans que le contexte précis ait été retenu. Il se trouve que le dernier de ses livres produit une image toute différente, ce qui rend perplexe. J’en ai été ébranlé, le Projet d’espoir de François Bayrou n’a pas cet effet, car il est d’écriture très distancié. Le livre de Ségolène Royal, annoncé, sera-t-il un apport ? Car un livre, même s’il est écrit par association d’idées et de fil en aiguille, est forcément maîtrisé tandis que l’image est indépendante de celui qui en est victime ou bénéficiaire. Un livre se lit sans intermédiaire, une image est fournie.
Celle de Ségolène Royal devait tout emporter, et cette certitude attira le vote militant : les chances de victoire plus encore qu’une analyse de stratégie ou de programme. Le pavois a fait apparaître un autre portrait, non maîtrisé, dont se sont chargés les adversaires, d’abord au parti socialiste, puis de toutes parts. La candidate en a spontanément rajouté. Elle est donc connue – ombres et lumières, comme peu de candidats l’ont été depuis que le suffrage universel élit le président de la République. Cette connaissance par le public est de psychologie, non de convictions. François Mitterrand était étudié, plutôt en mauvaise part, en fonction de son parcours jugé peu sincère ; il avait donc une marge immense pour démontrer sa conviction et il sut excellemment l’utiliser dans l’exercice du pouvoir et dans les revers de sa majorité initiale. Ségolène Royal est scrutée en psychologie. On croyait, au début de sa démarche, que ce serait pour décider de sa capacité à présider et gouverner avec la réponse donnée à tous, la qualité de l’entourage. Celui de José Bové, avec la part la plus expérimentée de l’établissement communiste, vaut le sien. L’examen est aujourd’hui celui d’un ego. Nicolas Sarkozy s’est imposé à l’opinion, sans souci que les traits soient positifs ou négatifs, l’important était de marquer et d’occuper de la place, au point même d’éclipser le président régnant. Les approfondissements – supposés – de sa psychologie ne peuvent lui nuire, ils le renforcent. Au contraire, Ségolène Royal ayant misé beaucoup sur l’effet d’image y perd. Les pamphlets d’intimes ou de co-parcourants, un chapitre habile de son concurrent (Jean-Pierre Raffarin) en Poitou-Charente censé s’adresser à Nicolas Sarkozy, auraient pu avoir de la prise si les lives étaient encore un vecteur. Il ne semble pas qu’ils le soient dans cette campagne.
François Bayrou en publie donc deux, aucun ne le révèle personnellement. Son entourage n’est ni connu ni présenté ni étudié. Sa position sur l’échiquier parce qu’il le bouscule, suffit jusqu’à présent. Il est instrumenté, il cristallise aussi bien une volonté de changer les règles du jeu qu’une contestation qui aux scrutins précédents allait aux extrêmes. Paradoxe du centrisme qui, originellement, modéré aboutit à une sorte de violence mentale exercée sur les habitudes acquises. Mais à ressasser sa foi dans son propre succès, il risque de donner une image assez simpliste de lui-même : tenace mais imbu. Nicolas Sarkozy peut gagner à être mieux connu, Ségolène Royal doit démontrer plus de subtilité, donc de considération pour autrui, mais François Bayrou doit encore tout batir. Il peut esquiver à condition que ce soit explicitement, en tenant – comme de Gaulle (Le fil de l’épée : on ne révère que ce qu’on ne connaît pas) ou comme François Mitterrand, sa mystérieuse courtoisie  [1] – que le président de la République doit être jugé sur sa production : ce qu’il fait, et sa relation au peuple. A ce compte, le candidat de l’U.D.F. donne à plein. C’est lui qui a apporté à la campagne de succession à Jacques Chirac son enjeu, sa structure, donc son exceptionnalité, qu’il gagne ou qu’il perde, il aura mis les électeurs en situation de décider autrement que d’habitude.
Valéry Giscard d’Estaing fut brocardé pour la manière narcisssique dont, au début de son mandat, il s’étudiait publiquement sur les transformations intimes que produisait pour lui l’exercice de la plus haute fonction de notre République. Des anecdotes, dont le troisième tome de ses mémoires ont raison, le posait en monarque d’ancien temps. En réalité, la dérive sociologique et psychologique est venue ensuite. Non pas par François Mitterrand puis par Jacques Chirac, mais sous eux. C’est notre travers national que de traiter le pouvoir, soit par la force, la décapitation physique de Louis XVI en 1793, morale du général de Gaulle en 1968, ce qui est rare, soit par la flatterie, l’enjeu étant les nominations à la discrétion du gouvernement. Les entourages depuis 1981 ont créé une perceoption psychopathique de l’exercice du pouvoir, et cette image fascine les candidats, surtout s’ils sont en situation de l’emporter. La monarchie, quand elle était familiale et héréditaire, laissait intacte les psychés individuelles car elles n’étaient pas mises en avant, la personne était une institution, d’autant que le roi délibérait avec son conseil (ce qui n’est plus le cas en conseil des ministres, sauf les « tours de table » sous de Gaulle ; nos rois, s’identifiant à l’Etat et à la nation (la revendication est de Louis XV, donc très antérieure aux pétitions de l’été de 1789), étaient dépersonnalisés et s’y prêtaient. Le Comte de Chambord a été conclusif : ma personne n’est rien, mon principe est tout. Sous la république actuelle, c’est l’inverse. La critique même de l’absolutisme présidentiel, commune à tous les candidats, n’empêche aucun de se projeter hors de pair et par conséquent de promettre lune et paradis. L’irresponsabilité politique, financière, pénale que Jacques Chirac fait tolérer de tous – électeurs, entourages, collaborateurs et médias, opposition comprise – est telle qu’elle déteint par avance sur les candidats. Ce sont des esprits qui se posent en souverain vis-à-vis du commun et qui envisagent les choses et leur apport sans jamais envisager d’être contrôlés ou sanctionnés. L’autisme n’est pas loin. Seule, la dépersonnalisation du pouvoir permet le sacré, elle suppose une psychologie de serviteur, un rapport avoué à la conscience intime, donc une référence à des échelles de valeurs qui soient personnelles – ce qui n’est pas affaire de convictions thématiques ou de résolutions selon l’expérience, mais de comportement. Le sans-gêne a au contraire caractérisé notre vie publique (et celle des dirigeants de grandes entreprises) depuis des années.


     La démocratie émolliente ?

Cette dérive est-elle la cause du piteux état de nos affaires, de l’amenuisement de notre prestige et de la perplexité triste des électeurs ? Il y a eu tolérance partout dans notre société. Chacun des principaux candidats a aujourd’hui – c’est manifeste dans le mot à mot de Ségolène Royal autant que de Nicolas Sarkozy – un discours moralisateur, et l’ambiance est telle que les Français le tiennent aussi, sans débatre, pour juger que les systèmes sociaux actuels encouragent l’indolence, l’insouciance, la faignantise : autrui, mais pas soi : naturellement. Toujours le registre psychologique, mais si rarement l’exigence politique. Si à la suite d’élections législatives manquées par le président en place, l’opposition victorieuse avait tenu – comme à l’époque du Cartel des gauches – à signifier qu’elle n’accepterait aucun Premier ministre, à commencer par quelque personnalité que ce soit issue de ses rangs, s’il devait etre nommé par le président désavoué, il n’y aurait jamais eu de « cohabitation ». Jacques Chirac s’en retint en 1986 dans la pensée que de Matignon il gagnerait plus facilement, mais Lionel Jospin était en situation – après une dissolution discrétionnairement prononcée – d’exiger le départ du signataire.
La démocratie devient émolliente quand les comportements ne sont pas conformes aux pensées. J’entends encore Michèle Alliot-Marie, dans l’opposition de 1997 à 2002, se scandaliser que le gouvernement socialiste cherche à « déstabiliser » le président de la République (ce qu’il ne fit pas, en n’entrant dans aucune des « affaires » où Jacques Chirac pouvait être mis en cause) : or, c’est bien le jeu politique. Sous les Troisième et Quatrième Républiques, aucun gouvernement ne se serait maintenu, bien entendu après un referendum négatif, mais aussi après le soulèvement contre le C.P.E. ou la convocation de son chef nominal pour l’ « affaire Clearstream ». Ce ne sont pas les institutions qui protègent, mais notre mithridatisation. J’ai été l’un des seuls – à ma connaissance car c’est aussi question d’être publié – à avoir demandé la démission du président en Juin 1997. Aujourd’hui, personne ne s’est étonné d’une énième première de Jacques Chirac. Avant lui, aucun président n’avait recommandé aux suffrages un candidat. Soit parce qu’il l’était lui-même pour sa réélection, soit par conviction : le général de Gaulle ne retint pas, en décembre 1965, une première version de l’un de ses entretiens avec Michel Droit dans laquelle il annonçait qu’en fin de son mandat suivant, il désignerait quelqu’un (il est vrai que si le referendum de 1969 avait été positif, l’intérim présidentiel étant désormais confié au Premier ministre, Maurice Couve de Murville était préféré à Georges Pompidou), et François Mitterrand, connaissant parfaitement aussi bien Jacques Chirac et Edouard Balladur pour les avoir pratiqués en « cohabitation » que Lionel Jospin ou Jacques Delors, ne fit aucun commentaire (Jacques Attali en rapporta un, privé, que L’Express placarda dès le mois de juin 1995) ; ils eussent été décisifs.
Cette révérence envers le président en place coûte cher à l’étranger. Le contraste a été total entre les commentaires nationaux quand le président sortant a fait savoir qu’il ne se représenterait pas, et ceux de l’étranger. Nous y consentons puisque nous sommes prêts à accorder à Jacques Chirac une popularité qu’il n’a jamais eu étant à l’Elysée, dès lors qu’il va se joindre au club largement ouvert des anciens grands dirigeants convertis à l’humanitaire et à l’écologie ou autre développement durable. Du moins, Mikhaïl Gorbatchev a-t-il le mérite historique d’avoir mis fin à la guerre froide (et chez lui, à la dictature), au prix de son propre pouvoir et de l’empire dont il avait reçu la charge. Al Gore a trouvé une autre niche que celle habité – efficacement – par Jimmy Carter depuis vingt ans. Préfacée par Pierre Péan, la démarche est habile. Comment lui opposer une mise en examen ? au titre de l’exercice des fonctions de maire de Paris ou du montage de « l’affaire Clearstream », d’autant que pour le premier Alain Juppé a payé (très modestement) et pour la seconde, un autre ancien Premier ministre sera là, Dominique de Villepin. Tandis qu’il a pris comme conseiller d’image en début de ses mandats (Pilhan), celui de François Mitterrand, qu’il a attiré le chroniqueur de celui-ci pour changer d’habit rétrospectivement (Pierre Péan, ) et place chez le même éditeur, avec la même couleur de couverture et la même iconographie (masque en noir et blanc en petit format), la publication de ses discours, qui seront sans doute dcavantage lus hors contexte qu’ils ne furent entendus et reçus de son vivant politique.
Du même genre, l’hérédité et la cooptation pour l’élection à la tête des grandes villes. Comment des personnalités telles que Jacques Chaban-Delmas ou Robert Galley se laissent-elles convaincre d’adouber respectivement Alain Juppé à Bordeaux et François Baroin à Troyes, hommes d’un Jacques Chirac dont chacun a eu à se plaindre ? Et que vaut l’élection de ratification d’une telle prise de possession. Le paradoxe est que s’il y a eu débat à l’U.M.P. ou dans la majorité sortante, il n’a existé que du fait de Nicolas Sarkozy – c’est la très originale présentation par le ministre-candidat – de ses désaccords nombreux et approfondis avec le président-fondateur du principal parti de droite. Une pratique démocratique qui serait confinée à la confrontation entre le chef de l’Etat et l’un des ministres ? ou au dialogue entre celui-ci et le chef du gouvernement en période de « cohabitation » ?
Tous les candidats aujourd’hui reconnaissent qu’il faut restaurer le Parlement, mais tous ne retiennent comme solution que des retouches au texte constitutionnel, y compris François Bayrou, avant que n’ait pris corps son analyse d’une des causes de notre paralysie : le clivage droite/gauche, si respectable et fondé qu’il soit en tradition mentale surtout, en familles d’esprit souvent et, aujourd’hui concrètement, en situation des personnes possédantes ou défavorisées. Ce ne sont pas les prérogatives du gouvernement qu’il faut diminuer, elles seront au contraire indispensables si l’Assemblée nationale devient représentative de toutes les diversités politiques françaises, c’est l’expression et le vote de conscience des élus qui doivent enfin être psychologiquement et sociologiquement possibles. 
A quoi répondrait une autre réforme – réclamée depuis des décennies par les électeurs en nombre souvent équivalant aux suffrages se portant sur certains partis, et revenue dans l’actuelle campagne – celle de légaliser le vote blanc, et de lui donner toute efficacité en ne validant quelque scrutin que ce soit, qu’à la condition d’une participation minimum et d’un pourcentage de suffrages également minimum par rapport aux électeurs inscrits. Alors, il serait légitimement de sanctionner l’abstention ou le défaut d’inscription sur les listes électorales. Bien entendu, le procédé s’appliquerait aussi aux scrutins internes des diverses assemblées, notamment à l’Assemblée nationale. Les exigences de quorum porteraient sur la présence physique, elles dispenseraient de sanctions avilissantes du genre proposé en retenues sur les traitements selon l’absentéisme.

                                                                                        BFF – 17.23 III 07





disponibles sur demande, les précédentes réflexions sur le même thème de l’élection de 2007

12 Novembre 2006
Le contexte : L’impuissance à plusieurs points de vue.
Les paradoxes
Les processus de candidatures et de programmes

20 Novembre 2006
Le choix et la manière socialistes
Les programmes
Les faux semblants
Interrogations en conclusion d’étape.

2 Décembre 2006
Les candidatures
Les procédés
Les absences

16 Décembre 2006
Les rôles-titres et les acteurs
L’électorat présumé
Les certitudes des Français en forme de questions
Quel contexte ?

2 Janvier 2007
Le naturel  des partis
Les clivages ne correspondent plus aux partis
Le métier fait les moeurs
L’élection présidentielle est à un tour

9 Février 2007
Les mises en campagne
Les modalités de la campagne présidentielle restent à inventer pour l'avenir
La politique extérieure est le vrai clivage, il n'est avoué en tant que tel par personne

18 Février 2007
L'opinion et les candidats
Les candidats et l'opinion
L'absence de choix en matière institutionnelle
Le mauvais énoncé de la question européenne

24.25 Février & 4 Mars 2007
Des certitudes négatives
De rares certitudes positives, mais qui sont sans doute la matrice d’un système nouveau
Apathie ou désespérance des électeurs ? ou médiocrité des acteurs ?
Quelque chose prendrait-il forme ?
Le monde, pendant ce temps-là…
Les résultats du capitalisme tel qu’il se pratique en français

9.11 Mars 2007
La campagne modifie peut-être la fonction présidentielle
La campagne révèle aussi bien notre vie politique intérieure que l’état de nos relations extérieures

13.15 Mars 2007
La refonte possible des institutions
Quel que soit l’élu, un président très différent de ses deux prédécesseurs
Effondrement de la gauche ou fin d’un clivage ?


[1] - l’expression est de Jean-Marcel Jeanneney, ministre du général de Gaulle de 1959 à 1962 puis de 1966 à 1969, et « inventeur » de Raymond Barre