lundi 30 septembre 2019

Inquiétude & Certitudes - lundi 30 septembre 2019

la leçon des Français à Emmanuel Macron par leur hommage à Jacques Chirac

Le 30/09/2019 à 08:00, Bertrand Fessard de Foucault a écrit au secrétaire général de l’Elysée : pour le Président
Monsieur le Président de la République,
permettez-moi un constat et plusieurs rappels et demandes
1° les réactions à la mort de Jacques Chirac montre que ce qui est mis à son crédit, est ce qu'il manque actuellement aux Français avec vous . Vous avez d'ailleurs repris dans votre allocution de jeudi soir sa phrase aux derniers voeux de ses douze ans de mandats. Les Français ont besoin de se sentir aimés et d'aimer en retour. Ce rapport n'existe pas avec vous, et ce manque peut paraître immature et négliger tout bilan ou toute évaluation de ce qu'il se fait, mais il est dangereux pour l'équilibre du pays. Particulièrement quand le pouvoir est actif.
2° la durée au pouvoir faisant structure, surtout rétrospectivement. Douze ans de mandat pour Jacques Chirac et les douze années qui les ont suivis : trois présidents. De même, Angela Merkel aura eu vis-à-vis d'elle quatre partenaires successifs français. Notre pouvoir politique n'est pas stable.
3° le bilan de Jacques Chirac est pour l'essentiel au passif, et les conséquences de ce passif continuent de nous déterminer. Voici ce que j'en ai écrit " sur le coup" et ai pensé, à chacun de ces actes. Seul, son discours en Novembre 2005 sur le drame de Villiers-le-Bel est à son actif.
Le discours du Vel’ d’Hiv. effaçant à l’immense joie des vraies ennemis du général de GAULLE et de tout le gaullisme en fondation, en histoire, en gestes, en restructuration du pays et de notre figure nationale, a été négocié avec les représentants de la « communauté juive » avant l’élection présidentielle et pour la gagner. La reprise des essais nucléaires français, dont Pierre BEREGOVOY à si juste titre avait déclaré le moratoire, se fait à l’anniversaire d’Hiroshima : culture du Président et de ses proches ! La suppression du service national, dont je prêche sans succès depuis des années le rétablissement et l’extension aux filles, prive la France d’un outil de cohésion essentiel et exemplaire. Enfin, erreur majeure ayant fondé toutes les dérives présidentialistes de ces vingt ans, avoir accepté la réduction à cinq ans du mandat présidentiel puis, sans davantage de divination ou de simple examen, la dépendance désormais de l’élection législative vis-à-vis de la présidentielle par l’inversion des calendriers, en considérant une situation fortuite. Chacune de ces fautes, très difficilement réparables, me fait juger que JC a été le plus nuisible de nos présidents de la République. Il était à le veille de nous faire réintégrer l’O.T.A.N, quand il manqua la dissolution d’Avril 1997. Alors, comme le soir du referendum de Mai 2005 sur « la constitution pour l’Europe », il achève son œuvre de destruction en ne démissionnant pas, donc en éludant la responsabilité populaire du président de la République, disposition mentale essentielle de nos institutions et facteur-clé de notre démocratie, sur le plan national. De lui et de VILLEPIN, ministre pompeux des Affaires Etrangères en Conseil de sécurité, nous tiendrions au moins d’être resté à l’écart de l’invasion de l’Irak par l’Amérique sans mandat des Nations-Unies. Je ne crois pas à cette version ; de surcroît, DdeV a été très maladroit avec Colin POWEL qui était, au fond de lui-même, une « colombe ». La chance a voulu pour la France notamment que les deux inspecteurs, l’un suédois, l’autre égyptien, chargés explicitement de découvrir à Bagdad ou dans tout l’Irak, les armes de destruction massive qui motiveraient le mandat international souhaité à Washington, aient le courage (sans doute au risque de leur vie) de faire un rapport au Conseil de sécurité, concluant clairement par la négative. Nous n’eûmes donc pas à voter. L’Elysée avait fait savoir en début d’après-midi de ce vendredi-là si tendu que – contrairement à l’attitude que prenait notre ministre des Affaires étrangères à New-York – la France n’opposerait pas de veto à la résolution américaine.
4° Urgence : tendre la main aux Britanniques pour les ramener à l'Union européenne et en leur proposant de tout écrire et refonder ensemble pour nos institutions communes. L'essentielle disposition : l'élection au suffrage direct de la présidente ou du président de l'Union
5° Opportunité : donner l'asile et la protection à Snowden, son initiative a débuté la démocratisation des affaires mondiales
6° Devoir : lever le petit doigt pour Carlos Ghosn.
Merci pour votre attention et croyez en mes sentiments déférents et d'espérance encore. Merci pour votre truchement, Monsieur le Secrétaire général.

dimanche 29 septembre 2019

nécrologie JC - Dominique de Villepin . Le Figaro

Villepin: «Jacques Chirac avait une très grande sensibilité aux battements de cœur des Français»

  • Mis à jour le 29/09/2019 à 21:28
  • Publié le 29/09/2019 à 20:23
ENTRETIEN - Dominique de Villepin a connu Jacques Chirac alors qu’il était encore jeune diplomate. Au fil des ans, il est resté à ses côtés. Il évoque dans nos colonnes la personnalité de l’ancien président de la République, «incroyablement pudique et secrète», et sa manière, en politique intérieure et extérieure, de privilégier sans cesse le temps long.
Dominique de Villepin a connu Jacques Chirac alors qu’il était encore jeune diplomate. Au fil des ans, il a été à ses côtés durant la campagne présidentielle de 1995, puis comme secrétaire général de l’Élysée, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur et, enfin, dernier premier ministre de son deuxième mandat. Il évoque dans nos colonnes la personnalité de l’ancien président de la République, «incroyablement pudique et secrète» et sa manière, en politique intérieure et extérieure, de privilégier sans cesse le temps long.
» LIRE AUSSI - Alexis Brézet - «Chirac: au fond, la droite n’était pas son genre»
LE FIGARO. -Tout d’abord, quand avez-vous connu Jacques Chirac?
Dominique de VILLEPIN. - C’était en 1980, je venais d’entrer au Quai d’Orsay. Jacques Chirac cherchait un jeune s’intéressant à la politique étrangère pour nourrir sa réflexion. Il préparait alors un déplacement en Allemagne, et Alain Juppé m’avait fait passer son projet de discours, sur lequel j’avais inscrit: «Si Jacques Chirac prononce ce discours, il court le risque ...
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Alexandre Soljenitsyne - wikipédia à jour au 21 septembre 2019


Alexandre Soljenitsyne




Alexandre Soljenitsyne
Alexandre Soljenitsyne en 1998.
Données clés
Nom de naissance
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne
Naissance
11 décembre 1918
Kislovodsk (Russie)
Décès
3 août 2008 (à 89 ans)
Moscou (Russie)
Activité principale
Romancier, nouvelliste, poète, dramaturge, essayiste
Distinctions
Prix Nobel de littérature (1970)
Prix Templeton (1983)
Grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques (2000)
Prix d'État (Russie) 2007
International Botev Prize (2008)
Auteur
Langue d’écriture
russe
Œuvres principales
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, parfois en français Soljénitsyne (en russe : Александр Исаевич Солженицын, ISO 9 : Aleksandr Isajevič Solženicyn), né le 28 novembre 1918 (11 décembre 1918 dans le calendrier grégorien) à Kislovodsk et mort le 3 août 2008 à Moscou, est un écrivain russe et dissident du régime soviétique.
Né dans une famille modeste du nord du Caucase, il fait de brillantes études en mathématiques et en littérature. Il grandit sous le régime communiste, à l'idéologie duquel il adhère alors. Lorsque commence la guerre contre l'Allemagne en 1941, il rejoint l'armée puis intègre une école d'artillerie. Promu officier, il fait preuve d'une conduite exemplaire au front qui lui vaut d'être décoré. Cependant, il est arrêté en 1945 pour avoir critiqué Staline dans un échange de lettres privées, et est condamné pour « activité contre-révolutionnaire » à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaire.
Rentré du goulag, il publie un premier roman en 1962 à la faveur de la déstalinisation et du relatif adoucissement du régime sous Khrouchtchev, Une journée d'Ivan Denissovitch, première œuvre littéraire témoignant du goulag et de l'existence de camps au pays du socialisme, et qui fait l'effet d'une bombe. Malgré la censure, il parvient à publier d'autres ouvrages et à faire sortir ses textes clandestinement d'URSS. Ils lui valent une réputation mondiale, jusqu'à obtenir le prix Nobel de littérature en 1970.
Alors que le régime se durcit sous l'ère Brejnev et que la police secrète se saisit de certains de ses manuscrits, il donne l'ordre de publier L'Archipel du Goulag en 1973, à Paris. Cette chronique minutieuse du goulag, nourrie de nombreux témoignages secrets de rescapés des camps, connaît un retentissement mondial.
Il est arrêté en 1974, expulsé d’Union soviétique et déchu de sa citoyenneté. Réfugié en Europe de l'Ouest, il s'installe aux États-Unis dans le Vermont, où il passe vingt ans en exil, au cours desquels il écrit sa monumentale Roue rouge. Figure de proue de la dissidence soviétique, il se démarque cependant par une vive critique du matérialisme occidental, notamment dans son Discours de Harvard en 1978 sur le déclin du courage.
Réhabilité par Mikhaïl Gorbatchev, il rentre en 1994 à Moscou, où il termine sa vie.

Biographie

Origines et formation

Alexandre Issaïevitch1 Soljenitsyne2 naît le 28 novembre 1918 (11 décembre 1918 dans le calendrier grégorien)3 à Kislovodsk, dans le nord du Caucase4. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission d'Issaaki en avril 1917 et se sont mariés le 23 août 1917 dans la brigade d'Issaaki5. Son père, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, s'engage volontairement dans l'armée russe dès l'été 1914 et sert en Prusse-Orientale6. Il sera officier. Au printemps 1918, de retour du front, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le 15 juin 1918 à l'hôpital de Gueorguievsk. La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, fille d'un autodidacte paysan de la région de la Kouma, est alors étudiante en agronomie à Moscou.
Jusqu'à ses six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis qu'elle travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse, tout en étant admis parmi les Pionniers. L'origine sociale « malsaine » de sa famille maternelle lui vaut une exclusion temporaire de l'organisation7. À Rostov, il partage avec sa mère8 un petit logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou9. Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires au collège, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique, à la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov10 et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance, s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin11. Comme il le reconnait volontiers, à l'époque il adhère à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi12,13.
Le 27 avril 1940, il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, une étudiante en chimie et pianiste dont il a fait la connaissance en septembre 193614. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le 16 juin 194115. Il est à Moscou pour ses examens de littérature le 22 juin 1941, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich.

Seconde Guerre mondiale

Lors de l'invasion allemande de 1941, il manque d'abord de se faire réformer, mais est engagé comme soldat de l'Armée rouge dans une troupe hippomobile à l'arrière à l'automne 1941, avant d'obtenir le 14 avril 1942 — à sa demande — une place à l'école d'artillerie16. En décembre 1942, il est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son avec le grade de lieutenant12. Blessé à deux reprises, sa conduite exemplaire au feu lui vaut d'être décoré en 1943 de l'Ordre de la Guerre patriotique de 2e classe après la bataille d'Orel et en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov17.

Emprisonnement au Goulag

Le 9 février 1945, le capitaine Soljenitsyne est arrêté par le SMERSH pour avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique et les compétences militaires de Staline18. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljenitsyne reprochait au « génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats[réf. souhaitée] » (selon les qualificatifs officiels) d'avoir décapité l'Armée rouge lors des « purges », fait alliance avec Hitler et d'avoir refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, et enfin d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie. Le destinataire de la lettre fut également arrêté, Soljenitsyne et lui étant considérés comme formant une « organisation contre-révolutionnaire » et à ce titre, passibles de l'article 52 du code pénal soviétique : « Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation ! ». Accusé d'avoir violé l'article 58 du code pénal, le 7 juillet 1945, Soljenitsyne est condamné par le conseil spécial du NKVD, par contumace, à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaire pour « activité contre-révolutionnaire19 ».
Au début 1952, Natalia Rechetovskaïa, renvoyée de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un « ennemi du peuple » en 1948, doit divorcer pour retrouver un emploi20. À sa sortie du camp en février 195321, quelques semaines avant la mort de Staline12, Soljenitsyne est envoyé en « relégation perpétuelle » à l'aoul de Kok-Terek, dans le district de Djamboul au Kazakhstan, où il est instituteur à l'école du bourg21. Grâce à une radiothérapie22, il guérit en 1954 de ganglions péritonéales, suites de son cancer du testicule (non diagnostiqué) traité par orchidectomie lorsqu'il était au goulag en 195223.
Il se remarie avec Natalia le 2 février 1957. Il est réhabilité le 6 février 1959 par la Cour Suprême de l'URSS et s'installe chez sa femme et sa belle-mère à Riazan, à 200 km au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques24.
En 1972, il divorce à nouveau (pour des raisons personnelles cette fois)25 pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne de 32 ans. En plus de Dimitri, fils de son premier mariage, il aura avec sa seconde épouse trois enfants, Yermolai (né en 1970), Ignat (en) (né en 1972) et Stepan (né 1973)26.

Auteur en URSS

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.
Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige « la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique ». Le 4 novembre 1969, Soljenitsyne est exclu de l'Union des écrivains de l'URSS27.
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch28. Il manque d'être assassiné en août 1971, par un « parapluie bulgare ». Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En décembre 1973, la version russe de L'Archipel du Goulag paraît aux éditions Ymca-Press à Paris, car le manuscrit avait pu être clandestinement sorti d'URSS et remis à l'imprimerie Béresniak, rue du Faubourg-du-Temple à Paris[réf. souhaitée], qui appartient à la famille maternelle de René Goscinny, une des rares imprimeries françaises à disposer des caractères typographiques cyrilliques. Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage a été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés (qui risquent gros) pour échapper à la censure. Il décide sa publication après qu'une de ses aides, Élisabeth Voronianskaïa, soit retrouvée pendue le 23 août 1973 : après cinq jours d'interrogatoire, elle a avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre29. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux « négationnistes du Goulag » de nier la véracité des faits décrits. En France, la publication de l'ouvrage est accompagnée par une intense campagne de calomnies organisée par le Parti communiste français et son relais L'Humanité ainsi que des journaux comme Témoignage chrétien qui s'efforcent de présenter le dissident comme ayant des « sympathies pro-nazies » et de neutraliser la portée de l'ouvrage30.
En dépit de cette campagne, le livre connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être arrêté le 12 février 1974 et incarcéré dans la prison de Lefortovo où il prend connaissance de l'acte d'accusation de haute trahison punissable de la peine de mort31. Après une nuit passée en cellule, lecture lui est faite du décret le privant de la citoyenneté soviétique et ordonnant son expulsion. Douze heures après son arrestation, il est envoyé par avion spécial à Francfort. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement, sous forme de samizdats.

Auteur en exil

Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse où sa famille (sa femme, ses quatre enfants et sa belle-mère) est autorisée à le rejoindre un mois plus tard, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient une « figure de proue » des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews32, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire33 ; il se montre en effet méfiant à l'égard du « matérialisme occidental » et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe[Laquelle ?] joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours (comme le discours de Harvard prononcé en 1978) aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à des conférences. Le 15 juillet 1975, il fut invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs12. Comme Victor Serge ou Victor Kravtchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation34.
Il s'installe avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire La Roue rouge, une épopée historique qui, sur plusieurs milliers de pages, retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.
En 1983, il reçoit le prix Templeton.
Le 25 septembre 1993, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française, comparant ces événements, qu'il qualifie de « génocide », aux soulèvements populaires anti-communistes en Russie.

Retour en Russie et mort

Soljenitsyne prenant le train à Vladivostok, en 1994.
Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, il rentre via la France en Russie le 27 mai 1994, en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il traverse en un mois son pays en train. Il se rend notamment en compagnie de son ami Boris Mojaïev sur le lieu de l'insurrection paysanne menée par Alexandre Antonov en 1920-192135. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale, anime une émission de télévision, voyage en Russie, rencontre des personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine.
Un colloque international a été consacré à son œuvre en décembre 2003 à Moscou. Le 12 juin 2007, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux prix d'État36.
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que « c'était vraiment un paradoxe douloureux de voir comment l'ancien prisonnier pouvait sympathiser avec l'ancien officier du KGB37 ». Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie38.
Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë12. Il est enterré au cimetière du monastère Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe39.

Engagement

Œuvre et vision historique

Symbole de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne a été régulièrement attaqué, ses ouvrages et interprétations historiques souvent dénoncés comme « réactionnaires », principalement par la gauche occidentale. Les opérations de déstabilisation à son encontre ont été nombreuses. Le KGB a notamment fait écrire un livre contre lui par son ancien éditeur à Londres, Alec Flegon40.
Durant sa carrière littéraire, il aurait été accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et dans un article de la Litératournaïa Gazeta, « Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière », Soljenitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour montrer leur incohérence.
Soljenitsyne pense que si Staline n'avait pas décapité l'Armée rouge lors des « Grandes Purges » (1937), s'il n'avait pas fait « aveuglément » confiance à Hitler (pacte germano-soviétique 1939-1941), s'il avait écouté les agents (tels Richard Sorge) qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande du 22 juin 1941, l'invasion nazie aurait été moins désastreuse pour le pays. Soljenitsyne reproche aussi à Staline d'avoir envoyé au Goulag tous les soldats soviétiques prisonniers des Allemands (se laisser capturer vivant étant considéré comme une « trahison »)41 alors que la reconstruction du pays nécessitait la participation de tous.

Accusations d'antisémitisme

Alexandre Soljenitsyne a régulièrement fait l'objet d'accusations d'antisémitisme en raison de ses travaux sur la révolution bolchevique (où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif) et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995.
L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique42.
En France, l'historien trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de « bible antisémite ». Selon lui, « Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique » en écrivant une histoire des pogroms « telle qu'elle a été vue par la police tsariste43 ».
L'historien britannique Robert Service a défendu le livre de Soljenitsyne, arguant que les rapports de la police avaient intérêt à grossir, non à minimiser les faits, et qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique n'était en rien antisémite par elle-même44.
L'historien américain Richard Pipes45, dont les travaux sur l'histoire de la Russie avaient été qualifiés par Soljenitsyne de « version polonaise de l'histoire russe », a répondu à celui-ci en le qualifiant d'antisémite et d'ultra-nationaliste. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : « Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme (sic). Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Il [Soljenitsyne] n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne adhère incontestablement à l'interprétation de la Révolution que fait l'extrême droite russe, celle d'une création des Juifs46 ».

Positions sur l'avenir de la Russie


Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (décembre 2018).
Ses prises de position pour « une période autoritaire de transition » lui valurent de sévères critiques de la part de dissidents comme Andreï Siniavski et Andreï Sakharov, pour lesquels la Russie ne saurait se régénérer sans démocratie47. En fait, Soljenitsyne n'est pas hostile à la démocratie en général, mais il ne croit pas que la Russie puisse passer du jour au lendemain d'un régime totalitaire à un régime de type occidental. À la démocratie représentative à l'occidentale, qu'il perçoit comme génératrice d'une classe politique corrompue, coupée du peuple et soucieuse avant tout de ses propres intérêts, il oppose son souhait, pour la Russie, d'un pouvoir présidentiel fort, et d'une forme de démocratie locale constituée par un tissu d'associations gérant les affaires indépendamment du pouvoir qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales (armée, politique étrangère, etc.). Il affirme dans son livre sur le réaménagement de la Russie que celle-ci peut emprunter à la Suisse le référendum d'initiative populaire. S’affirmant comme un fervent patriote, notion qu'il oppose au nationalisme du pouvoir, Soljenitsyne a désapprouvé la Première guerre de Tchétchénie (qui visait à empêcher l'indépendance tchétchène et luttait contre des « patriotes »), mais a approuvé la seconde (alors que les indépendantistes étaient devenus « islamistes », et selon lui, « mafieux »). Il a eu un commentaire favorable au président Poutine lors de son arrivée au pouvoir, espérant de lui des changements significatifs.
Alexandre Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui : pour lui, le bilan du tsarisme est « supérieur à celui du communisme, en termes de satisfaction des besoins et d'élévation morale du peuple russe ».

Positions sur les démocraties et les dictatures

Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux démocrates.
Il fut accusé d'être favorable aux dictatures militaires dont celle menée par Augusto Pinochet au Chili : en fait, il déplorait surtout que l'Occident s'émeuve beaucoup des crimes de ces dictatures, et fort peu de ceux du régime soviétique, et il déclara en 1976 que l'on entendait plus parler du Chili que du mur de Berlin et que « si le Chili n'existait pas, il faudrait l'inventer48 ».
Il fut favorable à la dictature militaire menée par Francisco Franco en Espagne ajoutant après la mort de Franco que les Espagnols vivaient « dans la liberté la plus absolue » de son vivant, soulignant la victoire du « concept de vie chrétienne » durant la guerre d'Espagne49.
Alexandre Soljenitstyne admirait au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifia de « pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre50 ». En revanche, il a parfois critiqué la politique menée par le gouvernement américain, par exemple sur la paix négociée au Vietnam, qu'il qualifie d'« armistice stupide, incompréhensible, sans garantie aucune51 ». Il admirait aussi la démocratie suisse et dans son livre Le Grain tombé entre les meules, il écrit : « Ah si l'Europe pouvait écouter son demi-canton d'Appenzell. »

Œuvres traduites en français

La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, la plupart d'entre elles ayant connu une gestation très longue et plusieurs versions, parfois même une réécriture quasi complète. En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : « Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968 ».

Romans

Recueils de nouvelles

  • La Maison de Matriona (1963), contient aussi L'Inconnu de Krétchétovka (retraduit sous le titre Incident à la gare de Kotchétovka) et Pour le bien de la cause.
  • Zacharie l'escarcelle (1971), contient aussi La Main droite, La Procession de Pâques et Études et Miniatures.
  • Deux récits de guerre (2000) contient Au hameau de Jeliabouga et Adlig Schwenkitten.
  • Le Clocher de Kaliazine, Études et miniatures (2004). Ce dernier texte faisait déjà partie du recueil Zacharie l'escarcelle.
  • La Confiture d'abricots et autres récits (2012), contient deux récits inédits : Sur les brisures et C'est égal.

Pièces de théâtre et scénarios

  • La Fille d'amour et l'innocent/La République du Travail (écrite en 1954, 4 actes et 11 tableaux) (1971)
  • Flamme au vent (écrite en 1960) (1977)
  • Les Tanks connaissent la vérité (scénario écrit en 1959 et publié en français en 1982)
  • Le Festin des vainqueurs (écrite en 1951 et publié en français en 1986)
  • Le Parasite (scénario écrit en 1968 et publié en français en 1986)
  • Les Prisonniers (écrite en 1951 et publié en français en 1986)

Poésie

  • Le Chemin des forçats (2014)

Essais et Mémoires

  • Les Droits de l'écrivain (1969)
  • L'Archipel du Goulag (tomes I et II) (1974) (notice BnF no FRBNF34562873)
  • Le Chêne et le veau (1975)
  • Discours américains (1975)
  • Des voix sous les décombres (1975)
  • Lénine à Zurich (1975)
  • L'Archipel du Goulag (tome III) (1976)
  • Le Déclin du courage52 (1978)
  • Message d'exil (1979), interview accordée à la BBC
  • Nos pluralistes (1983)
  • Comment réaménager notre Russie ? (1990)
  • Les Invisibles (1992)
  • Le « Problème russe » à la fin du XXe siècle (1994)
  • Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 1, 1974-1978, Paris, Fayard, 199853
  • La Russie sous l'avalanche (1998)
  • Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution (2002)
  • Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique (2003)
  • Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, Paris, Fayard, 200554
  • Réflexions sur la révolution de février, (2007)
  • Une minute par jour, (entretiens) (2007)
  • Ma collection littéraire (2015)
  • Révolution et mensonge (2018)
  • Journal de la roue rouge (2018)

Récompenses, distinctions, prix

Hommage

Notes et références


  • Le patronyme Issaïevitch est une erreur de transcription commise par l'administration de Rostov en 1936. Le patronyme correct était Issaakievitch. Après discussion, Alexandre et sa mère décident de ne pas signaler l'erreur. Saraskina 2010, p. 139.
  • Soljenitsyne a mis en scène sa famille dans La Roue rouge (en particulier dans Août 14). Son père sous le nom de « Sania Lajenitsyne » et sa mère sous celui de « Xenia Tomtchak » Saraskina 2010.
  • (ru) Liudmila Saraskina, Aleksandr Solzhenitsyn, Molodaia Gvardiia, 2008, p. 261-262.
  • The Economist, 12 mai 2007, nécrologie de Mstislav Rostropovitch.
  • Lors de la première émission de Pivot avec Soljenitsyne, Jean Daniel demanda à Soljénitsyne de le rassurer en confirmant qu'il n'était pas pour le colonialisme. Il fut rassuré au-delà de ce qu'il espérait : les colonisateurs c'est vous ! déclara le maître en bondissant de malice dans son siège : n'essayez-vous pas d'imposer votre mode de vie au monde entier ?, cité par Georges Nivat, Soljenitsyne, Paris, Seuil, collection « Écrivains de toujours », 1980, 189 pp.
  • Par exemple dans Pierre Daix, Ce que je sais de Soljénitsyne, Éd. du Seuil, Paris 1973, où, sans l'écrire ouvertement,[non neutre] l'auteur considère pratiquement le dissident d'agent de l'impérialisme capitaliste.
  • Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Rocher, 1999, p. 122-123.
  • Colin Thubron (trad. de l'anglais par Katia Holmes), En Sibérie [« In Siberia »], Paris, Gallimard, mars 2012, 471 p. (ISBN 978-2-07-044616-2), p. 72 :
« Après le pacte de Staline avec Hitler en 1939,[...] dès 1943, les soldats russes repris aux Allemands furent internés là, accusés de trahison. »
  • Vladimir Voïnovitch, A Portrait Against the Background of a Myth, 2002.
  • Le contentieux entre Soljénitsyne et Pipes est ancien et remonte à 1974. L'origine de ce contentieux est l'accueil glacial réservé par Soljénitsyne à l'ouvrage de Pipes, Histoire de la Russie des tsars, contentieux dont l'historien américain témoigne dans la préface de son ouvrage (p. 13).
  • Les Dossiers de l'écran, Antenne 2, 9 mars 1976. Cité dans Rideau de fer sur le Boul'Mich, Jean Salem, Editions Delga, 2009. Cf. aussi Les intellectuels contre la gauche, Michael Christofferson, Éditions Agone, 2009
  • Le Monde, 23 mars 1976. Cité dans Rideau de fer sur le Boul'mich, Jean Salem, Éditions Delga, 2009.
  • Discours de Washington (30 juin 1975), prononcé à l'invitation de l'AFL-CIO, Discours américains, Paris, Seuil, 1975, p. 28
  • Discours de Washington, loc. cit., p. 31
  • Alexandre Soljenitsyne, Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 1, 1974-1978, Paris, Fayard, 1998, traduit du russe par Geneviève et José Johannet, 548 p., (ISBN 2-213-60186-0).
  • Alexandre Soljenitsyne, Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, Paris, Fayard, 2005, traduit du russe par Françoise Lesourd.
  1. Ed. Ong cnrj : Le prix mondiale de l'humanisme [archive]

Voir aussi

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Bibliographie

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Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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Alexandre Soljenitsyne




Alexandre Soljenitsyne
Alexandre Soljenitsyne en 1998.
Données clés
Nom de naissance
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne
Naissance
11 décembre 1918
Kislovodsk (Russie)
Décès
3 août 2008 (à 89 ans)
Moscou (Russie)
Activité principale
Romancier, nouvelliste, poète, dramaturge, essayiste
Distinctions
Prix Nobel de littérature (1970)
Prix Templeton (1983)
Grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques (2000)
Prix d'État (Russie) 2007
International Botev Prize (2008)
Auteur
Langue d’écriture
russe
Œuvres principales
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, parfois en français Soljénitsyne (en russe : Александр Исаевич Солженицын, ISO 9 : Aleksandr Isajevič Solženicyn), né le 28 novembre 1918 (11 décembre 1918 dans le calendrier grégorien) à Kislovodsk et mort le 3 août 2008 à Moscou, est un écrivain russe et dissident du régime soviétique.
Né dans une famille modeste du nord du Caucase, il fait de brillantes études en mathématiques et en littérature. Il grandit sous le régime communiste, à l'idéologie duquel il adhère alors. Lorsque commence la guerre contre l'Allemagne en 1941, il rejoint l'armée puis intègre une école d'artillerie. Promu officier, il fait preuve d'une conduite exemplaire au front qui lui vaut d'être décoré. Cependant, il est arrêté en 1945 pour avoir critiqué Staline dans un échange de lettres privées, et est condamné pour « activité contre-révolutionnaire » à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaire.
Rentré du goulag, il publie un premier roman en 1962 à la faveur de la déstalinisation et du relatif adoucissement du régime sous Khrouchtchev, Une journée d'Ivan Denissovitch, première œuvre littéraire témoignant du goulag et de l'existence de camps au pays du socialisme, et qui fait l'effet d'une bombe. Malgré la censure, il parvient à publier d'autres ouvrages et à faire sortir ses textes clandestinement d'URSS. Ils lui valent une réputation mondiale, jusqu'à obtenir le prix Nobel de littérature en 1970.
Alors que le régime se durcit sous l'ère Brejnev et que la police secrète se saisit de certains de ses manuscrits, il donne l'ordre de publier L'Archipel du Goulag en 1973, à Paris. Cette chronique minutieuse du goulag, nourrie de nombreux témoignages secrets de rescapés des camps, connaît un retentissement mondial.
Il est arrêté en 1974, expulsé d’Union soviétique et déchu de sa citoyenneté. Réfugié en Europe de l'Ouest, il s'installe aux États-Unis dans le Vermont, où il passe vingt ans en exil, au cours desquels il écrit sa monumentale Roue rouge. Figure de proue de la dissidence soviétique, il se démarque cependant par une vive critique du matérialisme occidental, notamment dans son Discours de Harvard en 1978 sur le déclin du courage.
Réhabilité par Mikhaïl Gorbatchev, il rentre en 1994 à Moscou, où il termine sa vie.

Biographie

Origines et formation

Alexandre Issaïevitch1 Soljenitsyne2 naît le 28 novembre 1918 (11 décembre 1918 dans le calendrier grégorien)3 à Kislovodsk, dans le nord du Caucase4. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission d'Issaaki en avril 1917 et se sont mariés le 23 août 1917 dans la brigade d'Issaaki5. Son père, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, s'engage volontairement dans l'armée russe dès l'été 1914 et sert en Prusse-Orientale6. Il sera officier. Au printemps 1918, de retour du front, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le 15 juin 1918 à l'hôpital de Gueorguievsk. La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, fille d'un autodidacte paysan de la région de la Kouma, est alors étudiante en agronomie à Moscou.
Jusqu'à ses six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis qu'elle travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse, tout en étant admis parmi les Pionniers. L'origine sociale « malsaine » de sa famille maternelle lui vaut une exclusion temporaire de l'organisation7. À Rostov, il partage avec sa mère8 un petit logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou9. Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires au collège, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique, à la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov10 et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance, s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin11. Comme il le reconnait volontiers, à l'époque il adhère à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi12,13.
Le 27 avril 1940, il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, une étudiante en chimie et pianiste dont il a fait la connaissance en septembre 193614. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le 16 juin 194115. Il est à Moscou pour ses examens de littérature le 22 juin 1941, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich.

Seconde Guerre mondiale

Lors de l'invasion allemande de 1941, il manque d'abord de se faire réformer, mais est engagé comme soldat de l'Armée rouge dans une troupe hippomobile à l'arrière à l'automne 1941, avant d'obtenir le 14 avril 1942 — à sa demande — une place à l'école d'artillerie16. En décembre 1942, il est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son avec le grade de lieutenant12. Blessé à deux reprises, sa conduite exemplaire au feu lui vaut d'être décoré en 1943 de l'Ordre de la Guerre patriotique de 2e classe après la bataille d'Orel et en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov17.

Emprisonnement au Goulag

Le 9 février 1945, le capitaine Soljenitsyne est arrêté par le SMERSH pour avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique et les compétences militaires de Staline18. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljenitsyne reprochait au « génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats[réf. souhaitée] » (selon les qualificatifs officiels) d'avoir décapité l'Armée rouge lors des « purges », fait alliance avec Hitler et d'avoir refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, et enfin d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie. Le destinataire de la lettre fut également arrêté, Soljenitsyne et lui étant considérés comme formant une « organisation contre-révolutionnaire » et à ce titre, passibles de l'article 52 du code pénal soviétique : « Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation ! ». Accusé d'avoir violé l'article 58 du code pénal, le 7 juillet 1945, Soljenitsyne est condamné par le conseil spécial du NKVD, par contumace, à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaire pour « activité contre-révolutionnaire19 ».
Au début 1952, Natalia Rechetovskaïa, renvoyée de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un « ennemi du peuple » en 1948, doit divorcer pour retrouver un emploi20. À sa sortie du camp en février 195321, quelques semaines avant la mort de Staline12, Soljenitsyne est envoyé en « relégation perpétuelle » à l'aoul de Kok-Terek, dans le district de Djamboul au Kazakhstan, où il est instituteur à l'école du bourg21. Grâce à une radiothérapie22, il guérit en 1954 de ganglions péritonéales, suites de son cancer du testicule (non diagnostiqué) traité par orchidectomie lorsqu'il était au goulag en 195223.
Il se remarie avec Natalia le 2 février 1957. Il est réhabilité le 6 février 1959 par la Cour Suprême de l'URSS et s'installe chez sa femme et sa belle-mère à Riazan, à 200 km au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques24.
En 1972, il divorce à nouveau (pour des raisons personnelles cette fois)25 pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne de 32 ans. En plus de Dimitri, fils de son premier mariage, il aura avec sa seconde épouse trois enfants, Yermolai (né en 1970), Ignat (en) (né en 1972) et Stepan (né 1973)26.

Auteur en URSS

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.
Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige « la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique ». Le 4 novembre 1969, Soljenitsyne est exclu de l'Union des écrivains de l'URSS27.
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch28. Il manque d'être assassiné en août 1971, par un « parapluie bulgare ». Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En décembre 1973, la version russe de L'Archipel du Goulag paraît aux éditions Ymca-Press à Paris, car le manuscrit avait pu être clandestinement sorti d'URSS et remis à l'imprimerie Béresniak, rue du Faubourg-du-Temple à Paris[réf. souhaitée], qui appartient à la famille maternelle de René Goscinny, une des rares imprimeries françaises à disposer des caractères typographiques cyrilliques. Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage a été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés (qui risquent gros) pour échapper à la censure. Il décide sa publication après qu'une de ses aides, Élisabeth Voronianskaïa, soit retrouvée pendue le 23 août 1973 : après cinq jours d'interrogatoire, elle a avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre29. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux « négationnistes du Goulag » de nier la véracité des faits décrits. En France, la publication de l'ouvrage est accompagnée par une intense campagne de calomnies organisée par le Parti communiste français et son relais L'Humanité ainsi que des journaux comme Témoignage chrétien qui s'efforcent de présenter le dissident comme ayant des « sympathies pro-nazies » et de neutraliser la portée de l'ouvrage30.
En dépit de cette campagne, le livre connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être arrêté le 12 février 1974 et incarcéré dans la prison de Lefortovo où il prend connaissance de l'acte d'accusation de haute trahison punissable de la peine de mort31. Après une nuit passée en cellule, lecture lui est faite du décret le privant de la citoyenneté soviétique et ordonnant son expulsion. Douze heures après son arrestation, il est envoyé par avion spécial à Francfort. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement, sous forme de samizdats.

Auteur en exil

Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse où sa famille (sa femme, ses quatre enfants et sa belle-mère) est autorisée à le rejoindre un mois plus tard, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient une « figure de proue » des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews32, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire33 ; il se montre en effet méfiant à l'égard du « matérialisme occidental » et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe[Laquelle ?] joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours (comme le discours de Harvard prononcé en 1978) aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à des conférences. Le 15 juillet 1975, il fut invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs12. Comme Victor Serge ou Victor Kravtchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation34.
Il s'installe avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire La Roue rouge, une épopée historique qui, sur plusieurs milliers de pages, retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.
En 1983, il reçoit le prix Templeton.
Le 25 septembre 1993, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française, comparant ces événements, qu'il qualifie de « génocide », aux soulèvements populaires anti-communistes en Russie.

Retour en Russie et mort

Soljenitsyne prenant le train à Vladivostok, en 1994.
Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, il rentre via la France en Russie le 27 mai 1994, en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il traverse en un mois son pays en train. Il se rend notamment en compagnie de son ami Boris Mojaïev sur le lieu de l'insurrection paysanne menée par Alexandre Antonov en 1920-192135. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale, anime une émission de télévision, voyage en Russie, rencontre des personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine.
Un colloque international a été consacré à son œuvre en décembre 2003 à Moscou. Le 12 juin 2007, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux prix d'État36.
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que « c'était vraiment un paradoxe douloureux de voir comment l'ancien prisonnier pouvait sympathiser avec l'ancien officier du KGB37 ». Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie38.
Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë12. Il est enterré au cimetière du monastère Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe39.

Engagement

Œuvre et vision historique

Symbole de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne a été régulièrement attaqué, ses ouvrages et interprétations historiques souvent dénoncés comme « réactionnaires », principalement par la gauche occidentale. Les opérations de déstabilisation à son encontre ont été nombreuses. Le KGB a notamment fait écrire un livre contre lui par son ancien éditeur à Londres, Alec Flegon40.
Durant sa carrière littéraire, il aurait été accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et dans un article de la Litératournaïa Gazeta, « Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière », Soljenitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour montrer leur incohérence.
Soljenitsyne pense que si Staline n'avait pas décapité l'Armée rouge lors des « Grandes Purges » (1937), s'il n'avait pas fait « aveuglément » confiance à Hitler (pacte germano-soviétique 1939-1941), s'il avait écouté les agents (tels Richard Sorge) qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande du 22 juin 1941, l'invasion nazie aurait été moins désastreuse pour le pays. Soljenitsyne reproche aussi à Staline d'avoir envoyé au Goulag tous les soldats soviétiques prisonniers des Allemands (se laisser capturer vivant étant considéré comme une « trahison »)41 alors que la reconstruction du pays nécessitait la participation de tous.

Accusations d'antisémitisme

Alexandre Soljenitsyne a régulièrement fait l'objet d'accusations d'antisémitisme en raison de ses travaux sur la révolution bolchevique (où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif) et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995.
L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique42.
En France, l'historien trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de « bible antisémite ». Selon lui, « Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique » en écrivant une histoire des pogroms « telle qu'elle a été vue par la police tsariste43 ».
L'historien britannique Robert Service a défendu le livre de Soljenitsyne, arguant que les rapports de la police avaient intérêt à grossir, non à minimiser les faits, et qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique n'était en rien antisémite par elle-même44.
L'historien américain Richard Pipes45, dont les travaux sur l'histoire de la Russie avaient été qualifiés par Soljenitsyne de « version polonaise de l'histoire russe », a répondu à celui-ci en le qualifiant d'antisémite et d'ultra-nationaliste. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : « Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme (sic). Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Il [Soljenitsyne] n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne adhère incontestablement à l'interprétation de la Révolution que fait l'extrême droite russe, celle d'une création des Juifs46 ».

Positions sur l'avenir de la Russie


Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (décembre 2018).
Ses prises de position pour « une période autoritaire de transition » lui valurent de sévères critiques de la part de dissidents comme Andreï Siniavski et Andreï Sakharov, pour lesquels la Russie ne saurait se régénérer sans démocratie47. En fait, Soljenitsyne n'est pas hostile à la démocratie en général, mais il ne croit pas que la Russie puisse passer du jour au lendemain d'un régime totalitaire à un régime de type occidental. À la démocratie représentative à l'occidentale, qu'il perçoit comme génératrice d'une classe politique corrompue, coupée du peuple et soucieuse avant tout de ses propres intérêts, il oppose son souhait, pour la Russie, d'un pouvoir présidentiel fort, et d'une forme de démocratie locale constituée par un tissu d'associations gérant les affaires indépendamment du pouvoir qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales (armée, politique étrangère, etc.). Il affirme dans son livre sur le réaménagement de la Russie que celle-ci peut emprunter à la Suisse le référendum d'initiative populaire. S’affirmant comme un fervent patriote, notion qu'il oppose au nationalisme du pouvoir, Soljenitsyne a désapprouvé la Première guerre de Tchétchénie (qui visait à empêcher l'indépendance tchétchène et luttait contre des « patriotes »), mais a approuvé la seconde (alors que les indépendantistes étaient devenus « islamistes », et selon lui, « mafieux »). Il a eu un commentaire favorable au président Poutine lors de son arrivée au pouvoir, espérant de lui des changements significatifs.
Alexandre Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui : pour lui, le bilan du tsarisme est « supérieur à celui du communisme, en termes de satisfaction des besoins et d'élévation morale du peuple russe ».

Positions sur les démocraties et les dictatures

Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux démocrates.
Il fut accusé d'être favorable aux dictatures militaires dont celle menée par Augusto Pinochet au Chili : en fait, il déplorait surtout que l'Occident s'émeuve beaucoup des crimes de ces dictatures, et fort peu de ceux du régime soviétique, et il déclara en 1976 que l'on entendait plus parler du Chili que du mur de Berlin et que « si le Chili n'existait pas, il faudrait l'inventer48 ».
Il fut favorable à la dictature militaire menée par Francisco Franco en Espagne ajoutant après la mort de Franco que les Espagnols vivaient « dans la liberté la plus absolue » de son vivant, soulignant la victoire du « concept de vie chrétienne » durant la guerre d'Espagne49.
Alexandre Soljenitstyne admirait au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifia de « pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre50 ». En revanche, il a parfois critiqué la politique menée par le gouvernement américain, par exemple sur la paix négociée au Vietnam, qu'il qualifie d'« armistice stupide, incompréhensible, sans garantie aucune51 ». Il admirait aussi la démocratie suisse et dans son livre Le Grain tombé entre les meules, il écrit : « Ah si l'Europe pouvait écouter son demi-canton d'Appenzell. »

Œuvres traduites en français

La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, la plupart d'entre elles ayant connu une gestation très longue et plusieurs versions, parfois même une réécriture quasi complète. En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : « Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968 ».

Romans

Recueils de nouvelles

  • La Maison de Matriona (1963), contient aussi L'Inconnu de Krétchétovka (retraduit sous le titre Incident à la gare de Kotchétovka) et Pour le bien de la cause.
  • Zacharie l'escarcelle (1971), contient aussi La Main droite, La Procession de Pâques et Études et Miniatures.
  • Deux récits de guerre (2000) contient Au hameau de Jeliabouga et Adlig Schwenkitten.
  • Le Clocher de Kaliazine, Études et miniatures (2004). Ce dernier texte faisait déjà partie du recueil Zacharie l'escarcelle.
  • La Confiture d'abricots et autres récits (2012), contient deux récits inédits : Sur les brisures et C'est égal.

Pièces de théâtre et scénarios

  • La Fille d'amour et l'innocent/La République du Travail (écrite en 1954, 4 actes et 11 tableaux) (1971)
  • Flamme au vent (écrite en 1960) (1977)
  • Les Tanks connaissent la vérité (scénario écrit en 1959 et publié en français en 1982)
  • Le Festin des vainqueurs (écrite en 1951 et publié en français en 1986)
  • Le Parasite (scénario écrit en 1968 et publié en français en 1986)
  • Les Prisonniers (écrite en 1951 et publié en français en 1986)

Poésie

  • Le Chemin des forçats (2014)

Essais et Mémoires

  • Les Droits de l'écrivain (1969)
  • L'Archipel du Goulag (tomes I et II) (1974) (notice BnF no FRBNF34562873)
  • Le Chêne et le veau (1975)
  • Discours américains (1975)
  • Des voix sous les décombres (1975)
  • Lénine à Zurich (1975)
  • L'Archipel du Goulag (tome III) (1976)
  • Le Déclin du courage52 (1978)
  • Message d'exil (1979), interview accordée à la BBC
  • Nos pluralistes (1983)
  • Comment réaménager notre Russie ? (1990)
  • Les Invisibles (1992)
  • Le « Problème russe » à la fin du XXe siècle (1994)
  • Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 1, 1974-1978, Paris, Fayard, 199853
  • La Russie sous l'avalanche (1998)
  • Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution (2002)
  • Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique (2003)
  • Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, Paris, Fayard, 200554
  • Réflexions sur la révolution de février, (2007)
  • Une minute par jour, (entretiens) (2007)
  • Ma collection littéraire (2015)
  • Révolution et mensonge (2018)
  • Journal de la roue rouge (2018)

Récompenses, distinctions, prix

Hommage

Notes et références


  • Le patronyme Issaïevitch est une erreur de transcription commise par l'administration de Rostov en 1936. Le patronyme correct était Issaakievitch. Après discussion, Alexandre et sa mère décident de ne pas signaler l'erreur. Saraskina 2010, p. 139.
  • Soljenitsyne a mis en scène sa famille dans La Roue rouge (en particulier dans Août 14). Son père sous le nom de « Sania Lajenitsyne » et sa mère sous celui de « Xenia Tomtchak » Saraskina 2010.
  • (ru) Liudmila Saraskina, Aleksandr Solzhenitsyn, Molodaia Gvardiia, 2008, p. 261-262.
  • The Economist, 12 mai 2007, nécrologie de Mstislav Rostropovitch.
  • Lors de la première émission de Pivot avec Soljenitsyne, Jean Daniel demanda à Soljénitsyne de le rassurer en confirmant qu'il n'était pas pour le colonialisme. Il fut rassuré au-delà de ce qu'il espérait : les colonisateurs c'est vous ! déclara le maître en bondissant de malice dans son siège : n'essayez-vous pas d'imposer votre mode de vie au monde entier ?, cité par Georges Nivat, Soljenitsyne, Paris, Seuil, collection « Écrivains de toujours », 1980, 189 pp.
  • Par exemple dans Pierre Daix, Ce que je sais de Soljénitsyne, Éd. du Seuil, Paris 1973, où, sans l'écrire ouvertement,[non neutre] l'auteur considère pratiquement le dissident d'agent de l'impérialisme capitaliste.
  • Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Rocher, 1999, p. 122-123.
  • Colin Thubron (trad. de l'anglais par Katia Holmes), En Sibérie [« In Siberia »], Paris, Gallimard, mars 2012, 471 p. (ISBN 978-2-07-044616-2), p. 72 :
« Après le pacte de Staline avec Hitler en 1939,[...] dès 1943, les soldats russes repris aux Allemands furent internés là, accusés de trahison. »
  • Vladimir Voïnovitch, A Portrait Against the Background of a Myth, 2002.
  • Le contentieux entre Soljénitsyne et Pipes est ancien et remonte à 1974. L'origine de ce contentieux est l'accueil glacial réservé par Soljénitsyne à l'ouvrage de Pipes, Histoire de la Russie des tsars, contentieux dont l'historien américain témoigne dans la préface de son ouvrage (p. 13).
  • Les Dossiers de l'écran, Antenne 2, 9 mars 1976. Cité dans Rideau de fer sur le Boul'Mich, Jean Salem, Editions Delga, 2009. Cf. aussi Les intellectuels contre la gauche, Michael Christofferson, Éditions Agone, 2009
  • Le Monde, 23 mars 1976. Cité dans Rideau de fer sur le Boul'mich, Jean Salem, Éditions Delga, 2009.
  • Discours de Washington (30 juin 1975), prononcé à l'invitation de l'AFL-CIO, Discours américains, Paris, Seuil, 1975, p. 28
  • Discours de Washington, loc. cit., p. 31
  • Alexandre Soljenitsyne, Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 1, 1974-1978, Paris, Fayard, 1998, traduit du russe par Geneviève et José Johannet, 548 p., (ISBN 2-213-60186-0).
  • Alexandre Soljenitsyne, Esquisses d'exil. Le Grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, Paris, Fayard, 2005, traduit du russe par Françoise Lesourd.
  1. Ed. Ong cnrj : Le prix mondiale de l'humanisme [archive]

Voir aussi

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Bibliographie

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Filmographie

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Autobiographie [archive] sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)
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  • Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes
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