dimanche 22 novembre 2015

Inquiétude & Certitudes - dimanche 22 novembre 2015

adressé à quelques autorités dans l'Eglise de France --- donner les repères et changer quelques axes




Monseigneur, mon Père,

il y a quelques jours, à vous comme à quelques-uns de vos frères dans l'épiscopat de France ou à quelques supérieurs de communautés religieuses, j'ai communiqué ce que j'adressais à l'Elysée toute la semaine dernière.

Manifestement, le pouvoir politique en France - tel qu'il s'exerce depuis au moins une vingtaine d'années - n'a plus prise sur les événements et évolutions qu'il ne sait plus analyser quel que soit son détenteur passager, et sait encore moins les analyser. Les Français se débrouillent seuls pour vivre et pour comprendre. En vie quotidienne ou dans le drame comme ces jours-ci.  Tout est figé par période cinq ans. Il n'y a plus dans les enceintes censées délibérantes, de vote de conscience et sur les grandes questions la démocratie directe, la consultation est éludée.

L'Eglise peut contribuer à cette reprise des âmes. Déjà son magistère économique et social gagnerait à être mis à jour : Benoît XVI, dans quelques passages de ses écrits pertinents, a tenté d'analyser la finance spéculative, mais l'ensemble des main-mises sur les salariés, sur le facteur travail en même temps que la destruction de l'Etat, des acquis sociaux, des procédures de négociations n'est pas dénoncé et ce qu'il faut ambitionner n'est pas indiqué. Cela vaut particulièrement pour la France. Pour le politique, il y a encore moins. Prier pour la paix, se scandaliser du traitement des immigrants et réfugiés depuis au moins 2010, tenter des intermédiations comme le fit Jean Paul II, notre saint contemporain dans ce domaine de la société et de la politique, n'est que prélude.

Il me semble - si ce n'est pas être grandiloquent - que deux grands actes pourraient être posés que l'Eglise en France pourrait faire désirer dans le monde et dans toute l'Eglise :

1° un concile ou au moins un synode sur la politique dans les Etats et entre les Etats, sur ce qu'est le pouvoir politique, sur ce que peuvent être les grandes unifications ou fédérations comme l'Union européenne, et sur les relations internationales. Situer notamment le terrorisme, le travesti de l'Islam que ne peuvent assez déplorer nos frères musulmans puisqu'ils ne disposent pas d'une structure unitaire comme nous catholiques romains, les nations sans Etats et les Etats de nouvelle forme, comme le soi-disant Etat islamique. Que l'Eglise délibère sur la politique, ses fins et ses moyens, sur la démocratie locale autant que planétaire. Elle ne l'a jamais fait, au moins à l'époque contemporaine, et dans d'autres siècles son magistère ne pouvait être transposable, l'union du trône te de l'autel, le pouvoir temporel...
En France, cette réflexion allant vers la démocratie et la liberté est d'autant plus nécessaire que nous vivons de plus en plus des travestis de catholicité avec des mouvements parfois considérables comme la
manif.pour-tous qui rapportent tout à la seule éthique du mariage ou des débuts et fins de vie. Sans doute, ces questions - maintenant élucidées en bonne partie par le synode sur la famille, ou en cours d'approfondissement - sont très importantes, mais elles ne tiennent pas lieu d'une proposition chrétienne d'un nouvel ordre international, d'une nouvelle dialectique pour l'organisation du monde et les relations entre peuples

tandis que peut changer la carte au Proche-Orient s'il y apparaît un Kurdistan, véritable répondant local de l'Europe, et si est détruit au sol l'Etat islamique, l'Eglise et son Souevrain pontife pourrait tout symboliser. Que le pape ne siège plus à Rome mais à Jérusalem, même s'il reste titulaire du diocèse de Pierre. Qu'il soit au tombeau du Christ et au point nodal des religions révélées le précurseur d'une communion spirituelle universelle. On pourra moins facilement massacrer près de lui ni contester le droit des peuples à sa vue et à son oreille. Il sera physiquement faiseur de paix et de conciliation.

L'Eglise, notamment en France selon la tradition d'inspiratrice qu'elle eut toujours sur l'ensemble de l'Eglise universelle - ainsi au concile Vatican II - doit traiter le sujet du moment : tout dépend actuellement en société, en éthique, en dignité de l'homme et en économie donc, du pouvoir politique, ou plutôt de ce que cette forme du pouvoir, la seule formellement soumise à l'élection et à quelque prise pacifique des hommes sur ce qui les régit, tend à être dépossédé, intoxiqué, spirituellement annihilé.

Pardonnez-moi d'être long et insistant, peut-être aussi d'être maladroit.

Filialement dans la foi et dans l'espérance

mercredi 18 novembre 2015

Inquiétude & Certitudes - mercredi 18 novembre 2015

compte-rendus de ressenti et d'analysé - suivis d'observations personnelles... adressés à l'Elysée


 
Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,

à l'état brut

1° le ressenti

Ma femme, sensible depuis des années à ce que subissent les Palestiniens et les Kurdes, nous renvoie à ces souffrances et deuils à l'occasion des nôtres à présent. Elle a été bouleversée par le défilé d'une cinquantaine de portraits des jeunes abattus au Bataclan : beaux, jeunes, des âmes et des visages, des vies commencées, quelques-uns parents d'enfants d'un an ou deux. Elle conclut comme je vais le dire plus bas

Notre fille, onze ans à la fin de la semaine, davantage des échanges non dirigés en internat que les recommandations et structurations de l'Education nationale selon les lettres et circulaires de lundi matin. Une de ses aînées : expulser les Arabes. Notre fille, non : pas du tout, ce serait pire. Ce qui se passe dans leur tête aux assassins est de la folie et du dérangement. Peut-être aussi certains ont-ils eux-mêmes souffert ou a-t-on fait souffrir les leurs. Nous y prendre ensemble, ce sont des Français comme nous.

2° l'analysé

un couple de kinésithérapeutes et ostéopathes, devant la télévision depuis dimanche. Les commentaires d'un certain expert ou journaliste d'origine algérienne, déjà interrogé et témoin pour le 7 Janvier
- incompréhensible que la leçon du 7 Janvier n'ait pas été tirée, qu'il n'y ait donc eu aucun progrès dans les mesures de sécurité et aussi de pénétration des milieux sensible
- aveu s'il en est que les services savaient tout depuis longtemps puisque miraculeusement dès lundi matin, les caches d'armes, etc... le site de Lunel, bien connu, depuis Nîmes
- carence des politiques
- le Premier ministre, un visage à faire peur : de drogué (comme l'était Sarkozy en début de mandat et de désintoxication), émacié, les yeux... les mains qui commencent de trembler

conclusion du 1° et du 2°
démission de ceux qui sont à notre tête, président, gouvernement : le sang de Bataclan et autres lieux dramatiquement investis, est sur eux

3° observations personnelles

- faillite de toute une génération politique, une grande dizaine d'années, fille d'une incurie et d'une vie politique réduite à la communication dans tous les partis et chez les gouvernants, à commencer par le président du moment, depuis la "réélection" (pas en nom propre en 2002) de Jacques Chirac- inadéquation d'une réponse institutionnelle à ce qui est un ensemble accusateur : la séance du Congrès lundi et chaque intervention, globalement à côté
- la solution n'est pas en Syrie ni dans l'anéantissement de l'Etat islamique si souhaitable soit-il autant que l'est le soutien aux démocrates en Syrie et en Russie,
la solution est chez nous. C'est chez nous que naissent les terroristes et que s'enfante leur autisme réplique à l'autisme de notre société et principalement de ses dirigeants politiques
- les ressources humaines pour la sécurité : dans l'armée et dans la police comme la gendarmerie, les chefs de corps savent parfaitement qui de leurs hommes sont à la mesure des missions pratiques et psychologiques, pas besoin de recruter ni de former
- le relais européen au Sahel notamment : depuis une vingtaine d'années, nous n'avons pas su mériter la confiance de nos partenaires européens, en leur disant "tout", en proposant le vrai partage du "champ" et des marchés. Nous avons soutenu et nous soutenons en Afrique des régimes inacceptables en eux-mêmes, et indéfendables devant nos partenaires de l'Union

Il n'est pas trop tard - encore - pour ce gouvernement d'union nationale proposé à tous y compris au Front national, pour ce Premier ministre d'autorité morale et accepté ou désigné consensuellement (Valéry Giscard d'Estaing, un officier général, retraité ou pas, de rayonnement et d'expérience), pour ces trois réformes du code électoral (vote blanc, minimum de participation, représentation proportionnelle).

Ainsi, chacun se réformera. L'élection présidentielle peut alors être magnifique, et d'ici là l'ensemble des Français saura se donner ambiance et allure réduisant nettement les tentations et les contagions de la folie, c'est-à-dire de la fuite immature.

Accessoirement, comment ? après une journée d'entretiens avec chacun - dimanche - proposer lundi une révision que personne, grand public, juristes et politiques, ne considère nécessaire, et qui n'a pas la majorité qualifiée. En simple "stratégie" politique, une erreur affaiblissant encore s'il est possible ce qui est en place.

Je sais être rude. C'est parce que j'espère.

Chaleureusement.

lundi 16 novembre 2015

Congrès du Parlement . XIVe législature . Session ordinaire de 2015-2016 . Compte rendu intégral Séance du lundi 16 novembre 2015



SOMMAIRE
Présidence de M. Claude Bartolone
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures dix.)
1

Ouverture de la session du Congrès

M. le président. Le Parlement est réuni en Congrès, conformément au décret du Président de la République publié au Journal officiel du 15 novembre 2015.
2

Déclaration de M. le Président de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 18, alinéa 2, de la Constitution, la déclaration de M. le Président de la République. Cette déclaration sera suivie d’un débat.

Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui en Congrès, députés et sénateurs, représentants de la nation et du peuple français, pour écouter le Président de la République, dans un moment important de notre histoire.

Vendredi 13 novembre 2015, la France a été frappée au cœur. Les images de cette nuit sanglante resteront à jamais gravées dans notre mémoire collective. Au XXIsiècle, on n’a pas le droit de mourir simplement parce qu’on a décidé de sortir, de s’amuser, de rire, de vivre.

En s’attaquant sauvagement à des femmes, à des hommes, à des jeunes, dans des lieux de culture, de sport et de fête, ce que les terroristes ont voulu tuer, c’est notre art de vivre. Ce qu’ils ne supportent pas, c’est notre volonté de faire société commune – avec nos différences, bien sûr – dans le cadre des valeurs de la République.

En portant ces coups, les terroristes ont voulu semer la peur et la division : tout ce qu’ils récoltent, c’est une République forte et une France unie. L’union nationale, nous la devons aux victimes et à leurs familles, dont nous partageons les souffrances et la peine.

Nous la devons aux forces de l’ordre, aux sauveteurs, aux personnels soignants qui ont fait preuve d’un courage et d’un dévouement extraordinaires. Nous la devons à tous ceux qui, aux quatre coins du monde, ont aussi été touchés par le terrorisme ou se sont associés à notre douleur.

Réunis en Congrès à Versailles, nous, représentants de la nation, affirmons, au nom du peuple français, que chaque larme, chaque goutte de sang versées viendront renforcer notre résistance à l’obscurantisme et notre détermination à assurer la sécurité de nos compatriotes, à défendre notre pays et à promouvoir les valeurs républicaines.

J’invite maintenant Mmes et MM. les membres du Congrès à accueillir M. le Président de la République.

(M. le Président de la République entre dans la salle du Congrès - Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent).

Monsieur le Président de la République, avant de vous donner la parole, j’invite le Congrès à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement observent une minute de silence).

Je vous remercie.

Monsieur le Président de la République, vous avez la parole.
M. François Hollande, Président de la République. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mesdames, messieurs les parlementaires, la France est en guerre.

Les actes commis vendredi soir à Paris et près du Stade de France sont des actes de guerre. Ils ont fait au moins 129 morts et de nombreux blessés. Ils constituent une agression contre notre pays, contre ses valeurs, contre sa jeunesse, contre son mode de vie. Ils sont le fait d’une armée djihadiste, le groupe Daech, qui nous combat parce que la France est un pays de libertés, parce que nous sommes la patrie des droits de l’homme.

Dans cette période d’une exceptionnelle gravité, j’ai tenu à m’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès pour marquer l’unité nationale face à une telle abomination et répondre avec la détermination froide qui convient à l’attaque ignoble dont notre pays a été la cible.

Notre démocratie a triomphé d’adversaires bien plus redoutables en vérité que ces lâches assassins. Notre République n’est pas à la portée de méprisables tueurs. Ma volonté, c’est de mettre toute la puissance de l’État au service de la protection de nos concitoyens. Je sais pouvoir compter sur le dévouement des policiers, des gendarmes, des militaires, de vous-mêmes, représentants de la nation. Vous connaissez le sens du devoir, et lorsque les circonstances l’exigent, l’esprit de sacrifice.

Les terroristes croient que les peuples libres se laisseraient impressionner par l’horreur. Il n’en est rien. La République française a surmonté bien d’autres épreuves et elle est toujours là, bien vivante. Ceux qui ont entendu la défier ont toujours été les perdants de l’Histoire. Il en sera de même cette fois-ci encore.

Le peuple français est un peuple ardent, vaillant, courageux, qui ne se résigne pas et qui se met debout chaque fois qu’un de ses enfants est à terre. Ceux qui ont voulu le meurtrir en frappant délibérément des innocents sont des lâches qui ont tiré sur une foule désarmée, si bien que nous ne sommes pas engagés dans une guerre de civilisation, parce que ces assassins n’en représentent aucune : nous sommes dans une guerre contre le terrorisme djihadiste, qui menace le monde entier et pas seulement la France.

Dans cette guerre, qui a commencé il y a déjà plusieurs années, nous avons bien conscience les uns et les autres qu’il faudra du temps et que la patience est aussi exigeante que la dureté avec laquelle nous devons combattre.

L’ennemi use des moyens les plus vils pour essayer de tuer, mais il n’est pas insaisissable. Je serai même plus précis encore, il n’est pas hors d’atteinte. Donc, dans cette période si difficile, si lourde, où nos concitoyens ont ressenti l’effroi, ils doivent garder leur sang-froid. J’appelle une nouvelle fois tous nos compatriotes à faire preuve de ces vertus qui font l’honneur de notre pays, la persévérance, l’unité, la lucidité, la dignité.

Aujourd’hui, notre pays est en deuil. Nous pensons à ces innocents qui sont morts fauchés par les armes de tueurs dans les rues de Paris et de la banlieue. Nous pensons à leurs familles, qui connaissent la peine la plus inconsolable. Nous pensons à ces centaines de jeunes, jeunes filles, jeunes garçons, qui ont été touchés, blessés, traumatisés par cette terrible attaque. Certains, au moment où je parle devant vous, luttent encore pour leur vie.

Je salue l’action des services de secours et de soins, qui se sont mobilisés depuis vendredi. Notre système de santé s’était préparé à une telle situation d’urgence et, une fois encore, il a fait face pour accomplir parfaitement sa mission.

Je veux également rendre hommage aux forces de l’ordre, pleinement engagées pour assurer la sécurité des Français, comme, une fois encore, en a témoigné le courage de ces policiers qui, au moment de donner l’assaut pour libérer les otages du Bataclan, condamnés à une mort certaine sans leur intervention, ont fait montre de toute leur détermination et de toute leur capacité à se dépasser.

Vendredi, c’est la France tout entière qui était la cible des terroristes, la France qui aime la vie, la culture, le sport, la fête, la France sans distinction de couleur, d’origine, de parcours, de religion.

La France que les assassins voulaient tuer, c’était la jeunesse dans toute sa diversité. La plupart des morts n’avaient pas 30 ans Ils s’appelaient Mathias, Quentin, Nick, Nohemi, Djamila, Hélène, Élodie, Valentin, et j’en oublie tellement d’autres. Quel était leur seul crime ? C’était d’être vivants.

Ce qui a été visé par les terroristes, c’était la France ouverte au monde. Plusieurs dizaines d’amis étrangers font partie des victimes, représentant dix-neuf nationalités.

Depuis vendredi soir, je reçois des messages de solidarité de chefs d’État et de gouvernement de toute la planète. Partout, les trois couleurs du drapeau français ont habillé les sites les plus célèbres, rappelant ainsi que la France est toujours une lumière pour l’humanité et que quand elle est atteinte, c’est le monde qui se retrouve un temps dans la pénombre.

Les actes de guerre de vendredi ont été décidés, planifiés en Syrie. Ils ont été organisés en Belgique, perpétrés sur notre sol avec des complicités françaises. Ces attentats poursuivent un objectif bien précis : semer la peur pour nous diviser ici et faire pression pour nous empêcher là-bas, au Moyen-Orient, de lutter contre le terrorisme.

Nous faisons face à une organisation, Daech, disposant d’une assise territoriale, de ressources financières et de capacités militaires. Depuis le début de l’année, cette organisation a notamment frappé à Paris, au Danemark, en Tunisie, en Égypte, au Liban, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Turquie, en Libye. Elle massacre chaque jour et opprime des populations. C’est la raison pour laquelle la nécessité de détruire Daech est un sujet qui concerne toute la communauté internationale.

J’ai donc demandé au Conseil de sécurité de se réunir dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant cette volonté commune de lutter contre le terrorisme.

D’ici là, la France intensifiera ses opérations en Syrie. Hier soir, j’ai donné l’ordre à dix chasseurs-bombardiers français de larguer leurs bombes sur le fief de Daech à Raqqa. Ils ont détruit un centre de commandement et un camp d’entraînement. J’adresse toutes mes félicitations aux pilotes français, qui ont réussi cette mission. Je remercie également nos alliés américains, qui ont utilement prêté leur concours à cette opération. Je l’annonce ici devant le Congrès, nous poursuivrons ces frappes au cours des semaines à venir. Le porte-avions Charles-de-Gaulle appareillera jeudi pour se rendre en Méditerranée orientale, ce qui triplera nos capacités d’action. Il n’y aura aucun répit, aucune trêve.

Les commanditaires des attentats de Paris doivent savoir que leurs crimes, loin de faire vaciller la résolution de la France, renforcent encore notre détermination à les détruire. Le terrorisme, nous le combattons partout, là où des États sont menacés pour leur survie même. C’est ce qui a justifié la décision que j’avais prise d’intervenir au Mali. C’est ce qui justifie encore en ce moment même la présence de nos militaires au Sahel, là où Boko Haram massacre, enlève, viole, tue.

Le terrorisme, nous le combattons en Irak pour permettre aux autorités de ce pays de restaurer leur souveraineté sur l’ensemble du territoire. En Syrie, nous cherchons résolument, inlassablement, une solution politique. Bachar el-Assad ne peut constituer l’issue, mais notre ennemi en Syrie, c’est Daech.

Il s’agit donc non pas de contenir, mais de détruire cette organisation, à la fois pour sauver des populations – celles de Syrie, celles d’Irak, et je pourrais ajouter celles du Liban, de Jordanie, de Turquie, de tous les pays voisins – et pour nous protéger, afin d’éviter que des combattants étrangers ne viennent, comme ce fut le cas vendredi, mener sur notre territoire des actes terroristes.

Mais il faut faire davantage. La Syrie est devenue la plus grande fabrique de terroristes que le monde ait connue, et la communauté internationale, j’en ai fait plusieurs fois le constat, est divisée et incohérente.

La France a demandé dès le début du conflit l’émergence de cette unité si nécessaire pour agir. Aujourd’hui, il faut plus de frappes – nous en faisons – plus de soutien à tous ceux qui se battent contre Daech – nous apportons le nôtre, nous, la France – mais aussi un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste, dans le cadre d’une grande et unique coalition – c’est ce à quoi nous travaillons.

C’est dans cet esprit que je rencontrerai dans les prochains jours le Président Obama et le Président Poutine, pour unir nos forces et atteindre un résultat qui, pour l’instant, est encore trop lointain.

La France parle à tous, à l’Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe. Les attentats de Paris se sont produits au moment même où se tenait à Vienne, avec ces pays, une réunion pour chercher une solution politique en Syrie.

Chacun est désormais face à ses responsabilités : les pays voisins, les puissances, mais aussi l’Europe. J’ai demandé au ministre de la défense de saisir dès demain ses homologues européens au titre du 7. de l’article 42 du traité de l’Union, qui prévoit que lorsqu’un État est agressé, tous les États membres doivent faire preuve de solidarité. Car l’ennemi n’est pas un ennemi de la France : c’est un ennemi de l’Europe, et l’Europe ne peut pas vivre avec l’idée que les crises qui l’entourent n’ont pas d’effet sur elle.

La question des réfugiés est d’ailleurs directement liée à la guerre en Syrie et en Irak. Les habitants de ces pays, notamment ceux des territoires contrôlés par Daech, sont martyrisés, et fuient. Ils sont les victimes de ce même système terroriste. Voilà pourquoi il est vital que l’Europe accueille dans la dignité ceux qui relèvent du droit d’asile mais renvoie dans leurs pays ceux qui n’en relèvent pas, ce qui exige, ce qui n’est pas le cas encore aujourd’hui, une protection effective des frontières extérieures.

La France y travaille, elle a été la première à mettre en garde. La France, avec l’Allemagne aujourd’hui, fait en sorte que les pays qui sont confrontés à l’afflux des réfugiés puissent être aidés – et les premiers à devoir l’être sont les pays de la région, Turquie, Jordanie, Liban. Si l’Europe ne contrôle pas ses frontières extérieures, ce sera alors, et nous le voyons aujourd’hui sous nos yeux, le retour aux frontières nationales, quand ce ne seront pas les murs, les barbelés qui sont annoncés. Ce sera alors la déconstruction de l’Union européenne.

Il est également impératif que les demandes que la France a exprimées depuis longtemps trouvent en Europe une traduction rapide. Je pense à la lutte contre le trafic d’armes, à la mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières et à l’approbation avant la fin de l’année 2015 de ce qu’on appelle le PNR européen – Passenger Name Record –, pour assurer la traçabilité du retour des djihadistes et les interpeller. Voilà les exigences que portera la France, une nouvelle fois, par la voix du ministre de l’intérieur, à la réunion qui se tiendra, à notre demande, dès vendredi.

Face aux actes de guerre qui ont été commis sur notre sol et qui viennent après les attentats des 7, 8 et 9 janvier et tant d’autres crimes commis ces dernières années au nom de cette même idéologie djihadiste, nous devons être impitoyables. Nous le savons, et il est cruel que d’avoir à le dire, ce sont des Français qui, vendredi, ont tué d’autres Français. Vivent sur notre sol des individus qui, de la délinquance passent à la radicalisation puis à la criminalité terroriste. Parfois, ils sont allés combattre en Syrie ou en Irak. Parfois, ils forment des réseaux qui s’entraînent en fonction des circonstances ou qui s’entraident pour mener, à un moment que leurs commanditaires ont choisi, des actes terroristes. Nous en avons déjoué plusieurs ces derniers mois et nous savons maintenant, que dis-je, depuis plusieurs mois hélas, ce qu’est cet engrenage, ce qu’est cette organisation, ce qu’est cette préparation.

Nous devons donc nous défendre, à la fois dans l’urgence et dans la durée. Il y va de la protection de nos concitoyens et de notre capacité à vivre ensemble. Dans la nuit de vendredi, lorsque le terrible bilan des fusillades a été connu, j’ai réuni le conseil des ministres, j’ai ordonné le rétablissement immédiat des contrôles aux frontières et j’ai proclamé l’état d’urgence, sur proposition du Premier ministre. Il est désormais effectif sur tout le territoire. Et j’ai élargi la possibilité de procéder à des perquisitions administratives dans tous les départements métropolitains. Il y a eu cette nuit plus de 104 assignations à résidence et 168 perquisitions, et il y en aura d’autres.

Cependant, avec les actes de guerre du 13 novembre, l’ennemi a franchi une nouvelle étape. La démocratie a la capacité de réagir. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme dans son article 2 que la sûreté et la résistance à l’oppression sont des droits fondamentaux. Il nous appartient donc de les exercer. Conformément à ces principes, nous allons donner les moyens de garantir, encore une fois, la sécurité de nos concitoyens. J’ai décidé que le Parlement serait saisi dès mercredi d’un projet de loi prorogeant l’état d’urgence pour trois mois et adaptant son contenu à l’évolution des technologies et des menaces.

En effet, la loi du 3 avril 1955 qui régit l’état d’urgence ne pouvait anticiper l’état actuel des technologies ni des menaces auxquelles nous faisons face aujourd’hui. Elle comporte toutefois deux mesures exceptionnelles, l’assignation à résidence et les perquisitions administratives, utiles pour prévenir la commission de nouveaux actes terroristes. Je veux leur donner immédiatement toute leur portée et les consolider. Le Premier ministre proposera donc au Parlement d’adopter un régime juridique complet pour chacune de ces dispositions. Mesdames, messieurs les parlementaires, je vous invite à les voter d’ici à la fin de la semaine.

Mais nous devons aller au-delà de l’urgence. J’estime en conscience, et j’ai beaucoup réfléchi à cette question, que nous devons faire évoluer notre Constitution, afin qu’il soit possible aux pouvoirs publics d’agir contre le terrorisme de guerre, en conformité avec les principes de l’État de droit.

Aujourd’hui, notre loi fondamentale comporte deux régimes particuliers, qui ne sont pas adaptés à la situation à laquelle nous sommes confrontés. Le premier est celui prévu par l’article 16 de la Constitution : dans le cas où le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par les circonstances en dérogeant à la répartition des compétences constitutionnelles. Le second, celui prévu par l’article 36 de la Constitution, lequel porte sur l’état de siège, n’est pas non plus approprié. L’état de siège est décrété en cas de péril imminent, résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée. Dans ce cas, différentes compétences sont transférées de l’autorité civile à l’autorité militaire.

Chacun voit ici qu’aucun de ces deux régimes n’est adapté à la situation actuelle. Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, et nous le prouvons aujourd’hui, n’est pas interrompu. Et il n’est pas concevable de transférer des pouvoirs à l’autorité militaire. Et pourtant nous sommes en guerre. Mais cette guerre d’un autre type, face à un adversaire nouveau, appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l’état de crise. C’est ce qu’avait proposé en 2007 le comité chargé de réfléchir à la modernisation de nos institutions, présidé par Édouard Balladur. Il suggérait de modifier l’article 36 de notre texte fondamental pour y faire figurer l’état de siège ainsi que l’état d’urgence. Sa proposition renvoyait à une loi organique le soin de préciser les conditions d’utilisation de ces régimes.

Je considère que cette orientation doit être reprise. Il s’agit de disposer d’un outil approprié afin que des mesures exceptionnelles puissent être prises pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence ni compromettre l’exercice des libertés publiques. Cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. Ainsi, si la déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte terroriste, même s’il est né Français – je dis bien même s’il est né Français –, dès lors qu’il possède une autre nationalité.

De même, nous devons pouvoir interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s’il présente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette, comme l’imposent d’ailleurs nos amis britanniques, à un dispositif de contrôle draconien. Nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la nation. Mais nous devons le faire dans le respect de nos engagements internationaux.

Je sais que d’autres propositions ont été formulées, pour accroître la surveillance de certains individus, fichés notamment. Le Gouvernement, dans un esprit d’unité nationale, va saisir pour avis le Conseil d’État afin de vérifier la conformité de ces propositions à nos règles fondamentales et à nos engagements internationaux. Cet avis sera rendu public et j’en tirerai toutes les conséquences.

Réfléchissons bien à cette décision. Notre constitution est notre pacte collectif ; elle unit tous les citoyens ; elle est la règle commune ; elle énonce des principes ; elle est précédée d’un préambule, qui témoigne de ce que la France est un pays de droit. La Constitution, c’est la charte commune, c’est le contrat qui unit tous les citoyens d’un même pays.

Dès lors que la Constitution est ce pacte collectif indispensable pour vivre ensemble, il est légitime qu’elle comporte les réponses pour lutter contre ceux qui voudraient y porter atteinte. C’est de la même manière que sont voués à la dissolution les associations ou les groupements de fait qui provoquent à la haine ou incitent à la commission d’actes terroristes.

Mesdames, messieurs les parlementaires, je vous demande de réfléchir à la décision que j’ai prise et je demande au Premier ministre de préparer cette révision avec vous, afin qu’elle puisse être adoptée dans les meilleurs délais. Car nous allons prolonger, vous allez proroger l’état d’urgence au-delà de douze jours – pour trois mois – mais après l’état d’urgence, nous devrons être pleinement dans un État de droit pour lutter contre le terrorisme.

Puisque la menace va peser durablement et que la lutte contre Daech va nous mobiliser encore longtemps sur le front extérieur comme sur le terrain intérieur, j’ai également décidé de renforcer substantiellement les moyens dont disposent la justice et les forces de sécurité. D’abord, les services d’enquête et les magistrats antiterroristes doivent pouvoir recourir, dans le cadre de la procédure judiciaire, à tout l’éventail des techniques de renseignement qu’offrent les nouvelles technologies, et dont la nouvelle loi sur le renseignement a autorisé l’utilisation dans un cadre administratif. La procédure pénale doit également prendre en compte, de la manière la plus étroite possible, la spécificité de la menace terroriste.

Ensuite, les magistrats doivent avoir plus largement accès aux moyens d’enquête les plus sophistiqués pour lutter notamment contre les trafics d’armes, car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis. Les peines seront significativement alourdies.

Enfin, face à la violence du terrorisme, la question de la légitime défense des policiers, des conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leurs armes devra être traitée, toujours dans le cadre de l’État de droit.

Ces différents sujets constitueront la matière d’un important chantier législatif que je demande au Premier ministre de conduire et d’engager sans délai avec les ministres concernés, la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, de manière à ne perdre aucune minute dans l’action engagée. Ces dispositifs compléteront toutes les mesures qui ont été adoptées depuis 2012 : deux lois antiterroristes, une loi sur le renseignement, un renforcement considérable des moyens.

Mais j’ai également conscience qu’il nous faut augmenter encore les moyens, parce que nous ne pouvons pas être en guerre aujourd’hui avec les moyens prévus dans les lois de programmation militaire d’il y a quelques années ou d’autres textes conçus pour assurer la sécurité de nos concitoyens. C’est pourquoi 5 000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés d’ici à deux ans, ce qui portera le total des créations d’emplois de sécurité à 10 000 sur le quinquennat. Cet effort, qui est considérable, et qu’assume le Gouvernement, dans le contexte budgétaire que chacun connaît, permettra simplement de restaurer le potentiel des forces de sécurité intérieure à son niveau de 2007.

Ces créations de postes bénéficieront aux services de lutte contre le terrorisme, de la police aux frontières et, plus généralement, à la sécurisation générale du pays. Elles s’accompagneront des moyens d’équipement et d’investissement nécessaires à l’accomplissement des missions. De même, le ministère de la justice disposera de 2 500 postes supplémentaires pour l’administration pénitentiaire, pour les services judiciaires. Et je n’oublie pas l’administration des douanes qui devra elle aussi être renforcée, de 1 000 postes, afin d’assurer le contrôle aux frontières, dès lors qu’il y sera recouru.

Quant à nos armées, elles sont de plus en plus sollicitées par les opérations extérieures, que nous allons poursuivre, et par la sécurité de nos compatriotes. J’ai donc décidé qu’il n’y aurait aucune diminution d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019. Cette réorganisation de nos armées se fera au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement. Le Gouvernement me présentera sans attendre une planification nouvelle de l’évolution des effectifs de défense jusqu’en 2019. Je souhaite également que l’on tire mieux parti des possibilités des réserves de la défense, encore insuffisamment exploitées dans notre pays, alors qu’elles constituent un gisement. Les réservistes sont un élément fort du lien entre l’armée et la nation. Ils constituent les éléments qui peuvent, demain, former une garde nationale encadrée et disponible.

Toutes ces décisions budgétaires seront prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 en ce moment même en discussion. Elles se traduiront nécessairement, et je l’assume devant vous, par un surcroît de dépenses. Mais dans de telles circonstances, je considère que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité.

Mesdames, messieurs les parlementaires, le visage des morts, celui des blessés, celui des familles, ne quitte pas mon esprit. Ce souvenir nourrit une résolution sans faille qui, je le sais, est également la vôtre.

Dans ma détermination à combattre le terrorisme, je veux que la France puisse rester elle-même. Les barbares qui l’attaquent voudraient la défigurer. Ils ne parviendront pas à la faire changer de visage. Jamais ils ne doivent réussir à abîmer l’âme française. Jamais ils ne nous empêcheront de vivre comme nous en avons décidé, de vivre pleinement, de vivre librement. Nous devons en faire la démonstration avec sang-froid – je pense à la jeunesse, à celle qui se sent blessée, à travers toutes ces victimes, et qui s’interroge sur sa capacité à vivre dans un État de droit. Nous devons continuer à travailler, continuer à sortir, continuer à vivre, continuer à influencer le monde.

C’est pourquoi le grand événement international que va être la Conférence sur le climat sera non seulement maintenu, mais un moment d’espérance et de solidarité. Espérance parce qu’il s’agit tout simplement de l’avenir de la planète. Solidarité parce qu’il y aura là sans doute plus de cent chefs d’État ou de gouvernement, venus pour négocier un accord durable, un accord contraignant, un accord différencié, pour que nous puissions vivre, pour que nos enfants et petits-enfants puissent conserver la planète qu’ils auront reçue en héritage, mais venus aussi dire à la France, pays de liberté, combien le monde entier est solidaire, combien le monde entier doit également se mobiliser pour lutter contre le terrorisme.

De la même manière, les rythmes de notre démocratie ne sont pas soumis au chantage des terroristes. Les élections régionales se dérouleront aux dates prévues et la vie politique elle-même doit retrouver ses droits. C’est notre devoir.

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les parlementaires, vous qui représentez la nation tout entière, dans toutes ses sensibilités, dans toute sa diversité mais aussi dans son unité, vous êtes les représentants d’un peuple libre, invincible quand il est uni et rassemblé. C’est notre bien le plus précieux et nous devons éviter surenchères et dérives. C’est aussi notre devoir de républicains. C’est en renonçant aux combats que la République devait mener qu’elle a pu s’éloigner d’elle-même dans certaines circonstances. Nous devons veiller qu’il n’en soit pas ainsi aujourd’hui.

La République, nous voulons l’investir de toute la force qu’appelle ce contexte nouveau de guerre pour lui permettre d’éradiquer, dans le respect de nos valeurs, le terrorisme, et sans rien perdre de ce que garantit l’État de droit.

Nous éradiquerons le terrorisme parce que les Français veulent continuer à vivre ensemble sans rien craindre de leurs semblables.

Nous éradiquerons le terrorisme parce que nous sommes attachés à la liberté et au rayonnement de la France dans le monde.

Nous éradiquerons le terrorisme pour que la circulation des personnes, le brassage des cultures demeurent possibles, et que la civilisation humaine s’en trouve enrichie.

Nous éradiquerons le terrorisme pour que la France continue à montrer le chemin.

Le terrorisme ne détruira pas la République car c’est la République qui le détruira. Vive la République et vive la France. (Mmes et MM. les membres du Congrès et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent vivement, puis ils entonnent La Marseillaise.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Je vais suspendre la séance quelques instants pour raccompagner le Président de la République.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3

Débat sur la déclaration du Président de la République

M. le président. Nous en venons au débat.

Je vous rappelle que chaque groupe dispose d’un temps de parole de dix minutes pour l’orateur qu’il a désigné, et que cinq minutes ont été attribuées à un membre du Congrès n’appartenant à aucun groupe.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen de l’Assemblée nationale.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes en guerre. Le Président de la République vient de commencer ainsi, à nouveau, son intervention. Il l’a dit aux Français dès vendredi soir : nous sommes en guerre et nous connaissons notre ennemi. Nous savons tous ici que cette guerre sera longue, qu’elle prendra des formes multiples, que notre pays sera très certainement à nouveau frappé. Nous savons tous ici que nous combattons, avec nos alliés, un ennemi totalitaire qui veut imposer son ordre terroriste, la terreur, la barbarie, coloniser le monde et les esprits pour mieux les détruire et les asservir. Cet ennemi est le mal absolu, qui transforme des hommes en kamikazes, qui est entièrement régi par la pulsion de mort et par la haine de notre modèle démocratique.

Mes chers collègues, cette situation nouvelle que connaît notre pays nous oblige. La réunion aujourd’hui de nos deux assemblées, rassemblées ici à Versailles en congrès, exceptionnelle par définition, symbolise, à elle seule, la gravité et le caractère historique de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Cette guerre doit nous conduire à nous déployer sur plusieurs fronts : le front militaire, dans lequel nos forces armées sont engagées ; le front diplomatique, qui doit permettre d’associer les pays de la région et, le plus largement possible, le reste du monde à la lutte sans merci contre Daech ; et notre sécurité intérieure, qui relève autant de nos services de protection que de la mobilisation de la nation tout entière.

Je reviendrai rapidement sur chacune de ces dimensions mais avant cela, permettez-moi d’adresser à mon tour, au nom de mon groupe et très certainement au-delà, mes condoléances aux familles et aux proches des victimes des attentats que nous venons de connaître. Il y a vingt-quatre heures encore, toutes ces victimes se résumaient à un chiffre terrible. Aujourd’hui, elles ont presque toutes été identifiées. Nous pouvons mettre sur bon nombre d’entre elles un visage. Leur visage est celui de la France : plurielle, métissée, tolérante mais aussi une et indivisible, accueillante, à voir ces citoyens de l’Europe et du monde qui étaient venus passer quelques jours dans la capitale. Tous, dans le pays, nous nous sommes dit « cela aurait pu être moi ».

Je veux avoir une pensée pour ces femmes et ces hommes qui, dans les hôpitaux de Paris, luttent pour la vie. Je veux les assurer de notre compassion, leur dire que nos pensées les accompagnent, que nous sommes à leur côté. Je veux remercier les équipes médicales, les personnels d’urgence, pleinement mobilisés, pour la constance de leur dévouement et l’excellence de leurs interventions.

Je veux saluer l’ensemble des forces de l’ordre pour leur professionnalisme, pour leur mobilisation qui est si forte depuis bientôt un an. Je connais leur fatigue, leur emploi du temps, les heures qu’ils font sans compter et je sais qu’ils sont tout entier au service de la nation. Qu’ils en soient ici remerciés.

Le Président de la République vient de nous présenter l’ensemble des dispositions et des mesures que la situation exceptionnelle que nous vivons appelle. Ces mesures ont été décidées après que l’ensemble des formations politiques du pays ont été consultées, le Président de la République faisant appel à l’esprit de concorde et d’unité nationale. Je veux dire ici, avec la gravité qui s’impose, parce que les Français ne le comprendraient pas, que l’unité nationale ne se mégote pas, ne se découpe pas, qu’elle est d’un bloc, de bas en haut de la nation, non soumise à des conditions qui, au final, pourraient la réduire aux acquêts.

Nous sommes dépositaires de cette unité : par notre attitude, par notre volonté commune, nous devons montrer que nos valeurs sont plus fortes que la terreur.

Nos débats peuvent être contradictoires, mais un seul critère doit guider les décisions que nous serons conduits à prendre : l’efficacité. L’efficacité dans le respect du droit et dans le but final, clairement énoncé, d’en finir avec Daech et toutes les formes de radicalismes extrémistes.

Notre arsenal juridique permet beaucoup. Il a été renforcé par les textes que nous avons adoptés au cours de l’année – je pense en particulier à la loi relative au renseignement. Il a été renforcé par l’augmentation, aujourd’hui encore annoncée, des effectifs de la police, du renseignement et des forces armées.

L’état d’urgence a été décrété, qui permet d’agir avec davantage de rapidité encore. Il nous est demandé d’en autoriser la prorogation pour trois mois.

Nous souscrivons à cette nécessité, comme nous souscrivons à la proposition que vient de formuler le Président de la République d’étudier le plus rapidement possible, en toute responsabilité, une révision de la Constitution, qui permette au Gouvernement et au chef de l’État de prendre toute la mesure de la situation exceptionnelle et durable créée par ces attaques terroristes.

Mes chers collègues, nous devons être, dans l’action, mobilisés, déterminés, unis, avec humilité mais avec la volonté constante d’améliorer ce qui doit l’être. Je souhaite ici que, tout en respectant totalement le débat démocratique qui doit être le nôtre, le temps parlementaire soit raccourci, pour permettre qu’aux propositions d’aujourd’hui, des textes fassent écho dès demain et qu’ils s’inscrivent après-demain dans la vie et le quotidien de notre pays, afin que les Français sachent que nous sommes pleinement mobilisés dans cette situation. Aussi, sans rien renier du débat que nous devons avoir, nous avons décidé, ensemble, de raccourcir au maximum le temps parlementaire que les Français trouvent quelquefois trop long, pour prendre chacun nos responsabilités.

Il nous faut éviter de tomber dans le jeu de notre ennemi, qui attend que nous délitions nos valeurs dans la peur et que nous renoncions à ce que nous sommes.

S’agissant des différents fronts sur lesquels nous sommes engagés, le Président de la République a dit l’essentiel. Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour dire d’un mot que, sur le plan militaire et diplomatique, nous ne devons pas inverser l’ordre des choses.

C’est parce que, depuis trois ans, la France est en première ligne contre le terrorisme que Daech nous attaque. C’est parce que nous avons empêché sa progression en Afrique et que nous lui portons les coups les plus rudes en Irak et en Syrie que Daech nous attaque.

Nous sommes engagés dans une coalition internationale. Depuis longtemps, nous réclamons une coalition renforcée. À partir de maintenant, nous devons sans relâche réaffirmer que toutes les bombes larguées sur cette région doivent être dirigées contre Daech, et uniquement contre Daech, car là est la priorité. Il ne peut pas y avoir, après les actes qui ont été commis, d’autre priorité que de bombarder Daech en Syrie et en Irak, quelle que soit la position que l’on occupe dans le monde aujourd’hui. C’est pour cela qu’il nous faut élargir la coalition, sur cet unique objectif.

Permettez-moi de saluer l’action de nos forces armées, qui, dès hier soir, ont porté haut la riposte française, touchant durement Daech à Raqqa et montrant la détermination et la force de la France.

J’en viens à la sécurité de notre territoire et, par là même, à celle de nos concitoyens. Nous souscrivons à toutes les mesures présentées, qui visent à supprimer tous les lieux de radicalisation sur notre territoire. Il n’est pas possible, en France, de tenir des propos de haine et d’appel à la violence, des propos de djihad.

Oui, il faut se donner les moyens d’écarter tous ceux qui appellent à la haine ! Oui, il faut stopper ceux qui veulent substituer la loi religieuse à la loi de la République. Oui, il nous faut porter haut nos principes de laïcité, et cela commence à l’école. Oui, il faut fermer les mosquées qui prônent le djihad. Le problème d’ailleurs n’est pas celui des mosquées mais de ceux qui, à l’intérieur, y professent la haine. Oui, il faut pleinement déployer nos systèmes de renseignement et de surveillance, comme le propose M. le ministre de l’intérieur.

Depuis janvier dernier, nos services ne sont pas restés immobiles ; notre Parlement n’est pas resté immobile. Depuis des mois, depuis les attentats de janvier dernier, des expulsions ont eu lieu, des filières ont été démantelées, des tentatives d’attentats ont été déjouées, des déchéances de nationalité ont été prononcées, un plan de lutte contre la prolifération des armes à feu a été lancé.

« L’État de droit n’est pas l’état de faiblesse », rappelait Robert Badinter. L’État de droit, c’est notre protection, c’est notre rempart.

Mes chers collègues, la France occupe une place singulière dans le monde. Certains pourraient être tentés de penser que si notre pays s’était replié sur lui-même, il n’aurait pas été touché comme il l’a été vendredi soir. La tentation est grande, parfois, de vouloir détourner notre pays de la marche du monde. Cette tentation, je le dis ici, serait une erreur et une illusion.

Gardons toujours à l’esprit, mes chers collègues, qu’ils veulent nous frapper non pas simplement pour ce que nous faisons mais avant tout pour ce que nous sommes. Et si nous doutons parfois de notre identité, sachons que nos ennemis savent qui nous sommes : nous sommes le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Nous sommes un pays dans lequel, fort heureusement, les femmes sont libres, de travailler, de conduire, de s’habiller comme elles le veulent, de vivre leur vie. Nous sommes un pays où chaque croyant peut pratiquer son culte, et, parmi les victimes de vendredi soir, toutes les confessions étaient présentes. C’est pour cela que j’ai confiance. Le peuple français ne cédera jamais en rien sur ses valeurs et sur son mode de vie.

La tragédie qui vient de frapper notre pays témoigne d’un monde que parcourent des idéologies tout entières tournées vers la pulsion de mort. C’est un ennemi qui frappe toutes les grandes démocraties.

Nous avons pu constater dès vendredi soir, comme nous avions pu le constater le 11 janvier dernier, que, dans de nombreux pays du monde, les couleurs de notre pays ont été honorées. Partout des voix se font entendre pour dire avec nous : nous sommes la France, nous sommes debout, nous résistons et nous vaincrons. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, au nom du groupe Les Républicains du Sénat.
M. Bruno Retailleau. Messieurs les présidents, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les parlementaires, je voudrais m’associer à mon tour à la peine incommensurable des familles. Je voudrais également, au nom de mon groupe, féliciter et rendre hommage à toutes celles et ceux qui ont porté secours aux victimes, notamment aux forces de l’ordre, aux forces de sécurité et au personnel médical.

Oui, le terrorisme islamiste – parce qu’il faut le nommer, il faut avoir ce courage – a frappé, au cœur de la France. Dans l’échelle de la barbarie, qui n’a pas de limite, il a franchi une nouvelle étape. On a tiré sur la foule. On a mitraillé des hommes et des femmes, tout simplement parce qu’on les présumait Français.

À travers chacune de ces victimes, ce sont tous les Français qui étaient visés. C’est la France, toute la France, qui était visée, pour ce qu’elle est : la France comme nous l’aimons, la France pour ce qu’elle représente, avec nos valeurs, ces valeurs républicaines qui sont inscrites dans notre devise et qui nous portent à l’universel.

Oui, nous aimons la liberté et nous lui sommes viscéralement attachés : liberté d’expression, liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire. Oui, nous sommes viscéralement attachés à l’égalité – égalité de tous les hommes entre eux, égalité des hommes et des femmes. Oui, nous sommes viscéralement attachés à la fraternité, à cette fraternité française qui permet à chacun d’entrer dans le destin national, quelle que soit sa naissance, son origine ou sa religion.

Parce que la France, c’est cet effort continuel, de génération en génération, pour opérer cette synthèse improbable entre ce qu’il y a de plus singulier et de plus universel en chaque homme. Oui, ce sont ces valeurs, nos valeurs qui ont été attaquées. C’est d’un pays étranger, la Syrie, que tout a été commandité. Dans son allocution, dès vendredi, dans la nuit, le Président de la République a désigné – à raison – l’acte comme étant un acte de guerre, en proposant au pays deux décisions : l’état d’urgence, qui devra bien sûr être prorogé, et, sans doute, adapté, et le rétablissement des contrôles aux frontières.

Monsieur le Premier ministre, immédiatement, spontanément, nous avons dit oui à ces décisions. Nous les avons soutenues sans aucune réserve, dans un mouvement d’unité, de cohésion nationale. Le Président de la République et vous-même, vous nous appelez à cette unité nationale, qui est si importante. C’est une évidence : « Cela ne se mégote pas », disait l’orateur précédent.

Mais cette unité, cette cohésion nationale se construisent aussi dans le respect de l’opposition, dans un dialogue avec toutes les forces vives de notre pays. Si nous n’avons pas mégoté notre soutien aux textes de loi sur le terrorisme et sur le renseignement que vous nous avez proposés, monsieur le Premier ministre, trop peu de nos propositions ont été acceptées. Nous sommes disponibles, à chaque instant, pour les renouveler. Évidemment, la cohésion nationale et l’unité ne sont pas seulement une exhortation – les Français ne le comprendraient pas : elles doivent déboucher sur des mesures fortes, corrélées, proportionnées à cet état de guerre dont parlait le Président de la République il y a quelques instants encore. L’unité nationale n’a de sens que lorsqu’elle est construite dans l’exigence.

Nous sommes attendus : les Français attendent naturellement des résultats sur le plan de la sécurité intérieure. Le Président de la République a fait des propositions. Nous serons présents pour soutenir beaucoup d’entre elles. Nous en avions proposé certaines depuis longtemps. Je pense notamment à celles relatives à la déchéance de nationalité et aux reconduites à la frontière. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Nous serons là, évidemment, mais aussi, bien sûr, pour d’autres propositions. Il faut assurer – et assumer – une surveillance particulière des individus les plus dangereux, qu’ils soient fichés S ou pas. C’est une évidence. Il est aussi important de prévoir des centres de déradicalisation. On doit expulser tous ceux qui prêchent la haine dans des lieux qui sont transformés en armes contre la France et contre les Français. Il y a tant de choses à faire, par la loi, grâce à davantage de moyens, et par la volonté.

Et puis, sur le front extérieur, monsieur le Premier ministre, nous devons n’avoir qu’une obsession : l’obsession, c’est l’État islamique, ce n’est pas Bachar el-Assad !(Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. Jacques Myard. Bravo !
M. Bruno Retailleau. Les choses viendront en leur temps. L’ennemi, mes chers collègues, c’est l’État islamique, celui que j’ai rencontré dès le mois d’août 2014, après la prise de Qaraqosh. J’ai recueilli des témoignages de Yézidis, de chrétiens, rapportant des crucifixions, des décapitations. Depuis lors, j’ai toujours indiqué que l’État islamique est un ennemi irréductible, qu’il faut éradiquer.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Comment l’éradiquer ? Par une coalition internationale, parce que la menace est mondiale, parce que cet arc de crise transperce le monde, du Nigéria jusqu’au Pakistan. Oui, il faut une grande coalition mondiale. Il faudra aussi que cette coalition, à laquelle la France peut-être – je l’espère – prendra sa part, intervienne au sol. Nous n’obtiendrons pas de victoire définitive sans cette intervention au sol, en Irak et en Syrie. Le jour viendra.

Se pose aussi la question des frontières. Les frontières, c’est la paix : il n’y a pas de communauté politique sans un dedans et sans un dehors. Si vous effacez les frontières, vous avez la jungle. La question des frontières, c’est la question européenne. On voit bien la faillite de Schengen. Si le Président de la République, avant même les attentats, a dû ordonner le rétablissement des contrôles aux frontières pour la COP 21, c’est bien que Schengen a failli. Nous proposons donc que les contrôles soient rétablis, tant que Schengen ne sera pas refondé, tant que nous serons dans une situation de guerre et d’urgence.

Et puis, pour que l’union nationale ait un sens, il faut qu’elle soit incarnée. Incarnée dans une politique d’autorité, une politique de confiance en nous-mêmes, loin de l’angélisme qui, trop souvent, nous a désarmés.

Oui, monsieur le Premier ministre, oui, mes chers collègues, la France est en guerre ; les Français le voient, les Français le savent depuis vendredi soir. Et si, dans cette nuit noire, cette nuit d’horreur, cette nuit de sang et de larmes que vous avez évoquée, monsieur le président, leur regard a pu être un temps voilé par l’émotion, leur jugement, lui, n’a pas été altéré. Bien au contraire, il a été aiguisé.

La France est un grand pays, une vieille nation. Chaque génération a dû faire face à des défis, a dû se battre pour la patrie. Oui, nous sommes cette vieille nation qui a traversé tant d’épreuves, surmonté tant de drames. Notre caractère s’est forgé dans la résistance. Les Français ont de la ressource !

Oui, monsieur le Premier ministre, nous sommes en guerre ; alors, faites la guerre ! Je n’imagine pas que vous n’ayez pas entendu l’écho des paroles de Georges Clemenceau exhortant, depuis une autre tribune que celle-ci, d’autres Français : « Politique intérieure, je fais la guerre ; politique étrangère, je fais la guerre. Je fais toujours la guerre » ! Si vous faites cette guerre qu’ils attendent, monsieur le Premier ministre, les Français seront derrière vous – et nous aussi.

Ce qu’attendent les Français, c’est de la volonté. La France a rendez-vous avec son histoire. Sans doute faudra-t-il changer des lois, mais c’est la volonté qui fera reculer la barbarie, la barbarie djihadiste. Ce qui est compte aujourd’hui, c’est que la France soit rassemblée, qu’elle se dresse contre la barbarie, grâce à tout ce que nous avons engrangé de civilisation au cours des siècles. Ce qui compte, c’est que la France soit debout, qu’elle soit unie pour livrer la bataille et pour gagner la paix. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale.
M. Christian Jacob. La France, meurtrie et endeuillée, pleure, par dizaines, des hommes et des femmes qui, vendredi soir, ont croisé le chemin de fanatiques qui les ont massacrés. Ces barbares n’ont qu’un but : terroriser notre pays et le menacer dans ce qu’il a de plus profond en lui.

La France n’est pas un pays comme les autres. Elle a offert au monde des valeurs universelles qui sont le creuset du pacte républicain qui nous unit. Aujourd’hui, tous les patriotes, rassemblés, doivent se lever pour défendre ces valeurs : la liberté de pensée, la liberté de conscience, l’égalité, le respect absolu de l’être humain. Ceux qui ont commis l’irréparable doivent savoir que nous ne plierons pas, que nous ne transigerons jamais avec la défense de notre identité profonde. Ces valeurs, ce sont les valeurs de la France, les valeurs de l’Occident, les valeurs d’une civilisation dont, plus que jamais, nous pensons qu’elle a vocation à l’universalité.

Depuis des mois, nos soldats, nos pilotes sont les sentinelles de ce combat. Au Mali, en Irak et maintenant en Syrie, ils agissent pour nous protéger. Notre reconnaissance, pour leur engagement et pour leur sens du sacrifice, est infinie.

Demain, plus encore, nous allons avoir besoin d’eux. Nous allons avoir besoin de nos gendarmes, de nos policiers, de nos pompiers, de toutes les forces de sécurité publique et de secours pour nous protéger – ainsi que des services de santé, qui, une fois de plus, ont été remarquables.

Mais c’est aussi en nous-mêmes que nous devons puiser le courage de nous opposer. Cela doit être le combat de tous les citoyens qui refusent de poser un genou à terre devant l’islamisme radical.

Il faut le dire : aujourd’hui, si l’ennemi est à l’extérieur, il est aussi à l’intérieur, sur le territoire national. Des fils de France, nés ici pour certains, n’hésitent plus à devenir des bombes humaines pour semer la terreur, pour tuer froidement et gratuitement au nom d’une idéologie qui n’aura jamais sa place en France.

Ayons le courage, et la tristesse aussi, de dire que d’une certaine manière, ces événements, qui font suite à d’autres qui ont eu lieu depuis un an, signent l’échec de l’intégration républicaine. Il s’agit d’une rupture qui va peser lourd au cours des prochaines années. Nous devons collectivement en tirer les conclusions en étant, demain, encore plus inflexibles sur l’affirmation de notre identité, de notre mode de vie, de la laïcité. Il s’agit de nos biens communs les plus précieux. En France, on doit vivre comme des Français. Ceux qui le refusent n’ont pas leur place dans notre pays. (« Bravo ! » et applaudissements sur certains bancs.)

Vendredi, c’est cet idéal républicain que l’ennemi a voulu atteindre, dans un déchaînement de haine qui mérite une riposte implacable. Le Président de la République a eu raison de décréter l’état d’urgence, qui donnera à nos forces des moyens exceptionnels pour mettre hors d’état de nuire celles et ceux qui s’apprêteraient à commettre de nouveaux actes terroristes.

Le temps est à l’émotion, à la compassion, au recueillement. Il est aussi au sursaut – car la colère gronde dans le pays. Sursaut de citoyens qui veulent vivre ici, en France, à Paris et partout dans le pays, comme nos grands-pères et nos pères ont voulu que nous vivions : libres.

Monsieur le Premier ministre, trop de temps a été perdu depuis janvier. Le 13 janvier, à l’Assemblée nationale, vous aviez parlé de failles ; dix mois plus tard, ces failles n’ont pas disparu.

Ce jour-là, j’avais dit qu’à circonstances exceptionnelles, il fallait une loi d’exception. J’avais dit que nous devions, sans trembler, restreindre les libertés publiques et la liberté individuelle de quelques-uns pour protéger nos concitoyens. Nos attentes, monsieur le Premier ministre, sont toujours les mêmes, elles n’ont pas varié. Vous les connaissez : nous les avons défendues sans relâche à l’Assemblée nationale. Je les ai évoquées hier avec le Président de la République.

Le Président de la République a fait des annonces qui semblent aller dans ce sens. Nous prenons acte qu’il a changé d’avis, mais nous restons extrêmement vigilants.

Quant à la révision de la Constitution, rien à ce stade ne semble la justifier. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs.– Exclamations sur d’autres.) Notre constitution offre tous les outils juridiques pour faire face à toutes les situations.
M. Bernard Roman. Mais non !
M. Christian Jacob. J’en reviens à nos propositions. Nous vous demandons de condamner durement la consultation habituelle de sites faisant l’apologie du terrorisme. Nous vous demandons la fin des aménagements de peine pour les islamistes radicalisés, l’isolement en prison des détenus les plus radicaux, et que les prisons françaises ne soient plus un trou noir pour nos services de renseignement. Nous vous demandons d’autoriser nos services à arrêter des terroristes en puissance dès lors qu’ils sont soupçonnés de préparer le pire. Nous vous demandons de fermer les mosquées où l’idéologie salafiste a pignon sur rue. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Nous vous demandons de neutraliser les milliers de Français partis faire le djihad. Les neutraliser, cela veut dire leur interdire le retour. Cela veut dire aussi que si, par malheur pour le pays, ils reviennent, il faut les placer en centre spéciaux de détention ou en prison. Il faut les enfermer, car enfermer un fou dangereux, c’est le moins que l’on doit à la sécurité des Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Il faut aussi se donner les moyens, tous les moyens, d’une surveillance généralisée des individus fichés « S », grâce à un placement en résidence surveillée dans les plus brefs délais.

Reste enfin la question, d’ordre moral, de la déchéance automatique de nationalité des binationaux. On ne peut plus accepter qu’un Français porte les armes contre son pays, contre nos soldats, contre nos policiers, contre nos gendarmes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.) À trois reprises, vous vous êtes opposés à nos propositions de loi qui allaient dans ce sens. Vous devez bouger sur ce sujet.

Monsieur le Premier ministre, si vous pensez que l’unité nationale est un moyen à elle seule de lutter contre le terrorisme, vous vous trompez. Elle n’est pas un moyen, elle est un préalable, une condition ; et pour remplir cette condition, nous devons nous retrouver sur l’essentiel.

L’opposition parlementaire a pris ses responsabilités à plusieurs reprises, en votant tous les textes relatifs au renseignement que vous nous avez proposés, même quand nous pensions qu’ils n’allaient pas assez loin. À vous maintenant, dans ce moment historique, de prendre les vôtres.

Il est temps que l’Europe prenne aussi les siennes. La France est à la pointe du combat contre le djihadisme. Nos armées défendent les libertés de tous les Européens. La solidarité européenne doit prendre un contour plus réel. Cela signifie que le fardeau budgétaire de nos engagements extérieurs doit être partagé. Les Européens doivent admettre que si la France prend ses responsabilités, elle le fait pour toute l’Europe, pour un combat qui la dépasse, qui la transcende.

L’Europe doit également comprendre – et c’est le devoir du Président de la République et de votre gouvernement que de lancer ce débat – qu’une révision totale des accords de Schengen est devenue la priorité des priorités. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Notre devoir de Français, c’est de combattre la passivité, la résignation et le fatalisme d’une Europe passoire qui n’aurait pas le droit de maîtriser les flux migratoires, qui n’aurait pas le droit d’empêcher l’entrée de terroristes qui viendraient depuis l’extérieur grossir les rangs des ennemis de l’intérieur. Vous ne pourrez pas, l’Europe ne pourra pas disjoindre le défi de la crise migratoire et le défi de la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur quelques bancs.)
M. Jacques Bompard. Très bien !
M. Christian Jacob. Les Français ne nous pardonneraient pas de laisser faire. La France a des frontières ; il faut les surveiller.

Enfin, cette grande mobilisation générale contre le terrorisme appelle un effort budgétaire. Elle appelle des moyens extraordinaires pour nos services de sécurité et de renseignement, car la menace a changé de nature et de dimension. Elle appelle aussi une révision de la loi de programmation militaire, car nos soldats, très vite, ne pourront plus faire face aux engagements opérationnels que le pays leur demande. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Monsieur le Premier ministre, il n’y aura pas de guerre victorieuse sans un effort de guerre à la hauteur de la menace qui pèse sur la France. Nous vous demandons solennellement de proposer un tel effort à l’occasion de la seconde lecture du projet de loi de finances.

Parce que notre groupe parlementaire puise une partie de ses racines dans la tradition gaulliste, nous pensons qu’il revient au Président de la République de fixer le cap de la politique étrangère de la France. Mais la franchise nous oblige à dire, ici, devant le Congrès, que, s’agissant de la politique syrienne de la France, François Hollande fait fausse route. (Applaudissements sur certains bancs.)
M. Xavier Breton. Très bien !
M. Jacques Myard. Bravo !
M. Christian Jacob. Il veut être impitoyable avec notre ennemi, l’État islamique, et il a raison. Cela doit commencer par une lutte totale, sans merci, en Irak et en Syrie. Et si tel est vraiment son but de guerre, la France doit accepter de reconsidérer ses alliances, de parler avec la Russie ainsi qu’avec tous les grands pays de la région (Applaudissements sur plusieurs bancs), et de participer à une grande coalition internationale, ce qui justifierait une réunion exceptionnelle du Conseil de sécurité des Nations unies, du Conseil européen, de nos alliés de l’OTAN. Le Président de la République a fait des annonces en ce sens. Il ne faudrait pas que cela reste un vœu pieux.

L’objectif numéro un doit être d’éradiquer l’État islamique. Après les attentats de vendredi, cette question ne devrait plus faire débat, mais nous réunir, tant c’est une évidence.

Monsieur le Premier ministre, parce que vous êtes au pouvoir, c’est vous qui avez la clef d’une union nationale forte et durable, d’une union nationale qui ne soit pas seulement un slogan, des mots, de belles paroles. Les Français attendent des actes – des actes qui prouveront que nous serons vraiment impitoyables avec nos ennemis. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain du Sénat.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, les 7, 8, 9 janvier et le 13 novembre, la France a été attaquée, la France a été visée, la France a été blessée, la France a été meurtrie. Mais la France est la France et parce que la France est la France, elle reste et restera debout.

En janvier ont été attaqués des journalistes, des juifs, des policiers. En novembre, c’est le tour de la culture, du sport, de la jeunesse – les forces vives. Ces attentats sont similaires : ils partent de la même lignée, de la même histoire ; ils partent de ceux qui veulent mettre à mal non seulement notre pacte républicain, mais notre pays.

Ils veulent abattre les symboles de la France, déchirer notre pacte républicain, abîmer notre façon de vivre.

Mais, mesdames et messieurs, chers collègues, après 1940, quand la France avait un genou à terre, l’âme de la Résistance s’est levée ; la flamme de la Résistance a brillé. Les Françaises et les Français se sont levés contre le nazisme : ils ont résisté. En novembre 2015, alors que la France a été attaquée par le fascisme, l’intégrisme religieux et le djihadisme, par Daech, je ne doute pas un instant que l’âme de la Résistance soufflera encore chez nos compatriotes, et que les Françaises et les Français sauront se dresser – notamment la jeunesse, qui a été visée, cette belle jeunesse que certains ont parfois tendance à stigmatiser, mais qui est l’avenir, la force, la joie de notre pays. Oui, cette jeunesse-là, ce sont les Résistants de demain.

Monsieur le Premier ministre, je salue la réaction de votre Gouvernement et du chef de l’État. Comme en janvier, ces réactions ont été rapides et à la hauteur. Le Président de la République le disait tout à l’heure : toute la puissance de l’État a été mise en œuvre, toutes les mesures de sécurité ont été prises, tous les moyens possibles ont été employés, pour prendre les décisions fortes et indispensables que nos concitoyens appelaient de leurs vœux.

Mais pour cela – et cela a été dit par d’autres avant moi –, l’unité et la cohésion nationales sont absolument indispensables. Le rôle de ce Congrès, le rôle de tous les parlementaires français, est de montrer que nous sommes unis, que nous sommes pour l’unité nationale, que nous voulons défendre ensemble les valeurs de la République. Parce que nos concitoyens sont touchés, parce que certains sont abattus, nous ne devons pas nous diviser. Si Daech nous voyait nous diviser, alors il aurait gagné, et les Français seraient dans le néant. Oui, chers collègues, restons unis, à l’image de toutes ces Françaises et de tous ces Français qui se recueillent sur les lieux du drame – qui l’ont fait avant-hier et hier, qui le font en ce moment même, et qui le feront demain.

Outre l’unité, il y a aussi la solidarité : nous pouvons être fiers de toutes ces Françaises et de tous ces Français qui, vendredi, ont ouvert leur porte, qui ont accueilli des blessés, qui sont, samedi, aller donner leur sang. Oui, c’est cela, l’âme résistante de la France ; c’est cela, la fierté de la France : des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, qui ne sont pas repliés sur eux-mêmes, mais ouverts sur les autres.

Tout à l’heure, le Président de la République a prononcé un discours fort. Notre groupe soutient évidemment son action. Il a évoqué trois niveaux. La France, d’abord : oui, nous devons assurer la sécurité de nos concitoyens ; nous devons leur démontrer que la puissance de l’État est là, que l’État saura répondre à leurs préoccupations et que leur sécurité sera assurée. Nous voterons, évidemment, la prorogation de l’État de droit (Rires et exclamations)…
Plusieurs parlementaires. De l’état d’urgence !
M. Didier Guillaume. La prorogation de l’état d’urgence, bien sûr ; quant à l’État de droit, nous le soutenons en permanence ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Il faudra, évidemment, améliorer la loi de 1955 sur l’état d’urgence ; le législateur de 1955 ne connaissait pas les ordinateurs, les téléphones portables, ou les adresses IP ! Dans cette tâche, monsieur le Premier ministre, nous nous tiendrons aux côtés du Gouvernement, pour aller vider les caves, vider les hangars, vider les lieux où toutes ces armes prolifèrent. Profitons de ce moment pour nettoyer la France, et certains territoires de France qui sont attaqués ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)



Mais il y a aussi l’Europe, comme l’a dit le Président de la République. Que fait donc l’Europe, excepté regarder la France s’engager sur les terrains d’opération ? L’Europe doit bouger : elle doit s’assumer, et assumer ses responsabilités, notamment le contrôle aux frontières. Je veux le dire ici : nous n’avons pas besoin de Schengen 2, 3 ou 4 : le Schengen d’aujourd’hui – si nous allons jusqu’au bout – suffira à régler un certain nombre de problèmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)



L’Europe doit avancer, mais il faudra aussi agir au niveau mondial ; comme l’a dit le Président de la République, il faut une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Quand la France, quand les autres pays sont attaqués, c’est le monde entier qui est attaqué. Il faut une coalition internationale, une coalition mondiale, pour avancer et éradiquer Daech. Le Président de la République n’a d’ailleurs pas attendu ces derniers jours pour discuter avec MM. Poutine et Obama. Il n’est pas besoin de changer de stratégie pour gagner la guerre : comme l’a dit le Président de la République, la solution ne peut pas être Bachar Al-Assad, mais notre ennemi, notre seul ennemi aujourd’hui, c’est Daech. En poursuivant cette stratégie, je pense que nous pourrons nous en sortir ! (Applaudissements sur quelques bancs.)



Enfin, nous soutiendrons les mesures qui seront prises. Elles coûteront vraisemblablement de l’argent, mais à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

Je conclurai, monsieur le président, par quelques réflexions sur l’état de notre société. Oui, aujourd’hui, nous sommes en guerre contre Daech, mais nous devons inlassablement répéter à beaucoup de nos concitoyens que nous ne sommes pas en guerre contre l’islam, qui est une belle et grande religion (Applaudissements sur plusieurs bancs) ; que nous ne sommes pas en guerre contre les Arabes, héritiers d’une belle et grande civilisation (Mêmes mouvements) ; que nous ne sommes pas en guerre contre les immigrés de France – ce sont nos frères – et encore moins contre la jeunesse immigrée de France : ce sont nos enfants, ou les amis de nos enfants. (Vifs applaudissements.)

Nous devons l’assumer haut et fort chaque jour : il est de notre rôle de parlementaires que de le dire.

Faire l’amalgame entre réfugiés et terrorisme nous mènerait vers le néant, vers le chaos : je ne veux même pas évoquer cela maintenant. Oui, nous sommes en guerre contre Daech, et cette guerre est rude ; nous devons la gagner, nous devons vaincre l’ennemi, comme le disait le Président de la République.

Nous devons aussi regarder notre société : nous, parlementaires, devons inlassablement lutter contre le racisme et la xénophobie. J’évoquais, il y a un instant, ces centaines, ces milliers de Français solidaires, unis, qui se sont aidés les uns les autres. Mais nous lisons ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux, nous écoutons ce qui se dit autour de nous. Il y a aussi, chez nous, des Français qui sont racistes – j’allais dire : qui sont racistes quasiment de père en fils. Avant, c’était contre les Ritals, les Portos… ; aujourd’hui, c’est contre les Arabes. Ce n’est pas acceptable : nous devons combattre ce racisme ambiant, qui porte atteinte au pacte républicain ! (Applaudissements.)



Nous devons argumenter, expliquer, aller chercher ceux de nos concitoyens dont les propos dérivent ou qui sont eux-mêmes à la dérive, pour leur dire que la facilité, le populisme, n’ont jamais été la règle dans notre pays.

Pour terminer, je dirai que nous sommes un pays sous le choc, qui a subi une vive émotion. Les Français sont inquiets : j’espère que le discours du Président de la République, et les mesures que Manuel Valls et le Gouvernement mettront en œuvre, rassureront nos compatriotes. Il ne faut pas être tétanisé par ce qui vient de se passer.

Le groupe socialiste et républicain du Sénat soutiendra, évidemment, l’action du Président de la République et du Gouvernement. Pour éradiquer Daech, il faut une guerre totale : nous la soutiendrons. Il faut assurer à nos concitoyens une sécurité maximale : nous soutiendrons toutes les mesures qui seront prises à cet égard. Enfin, il faut l’unité nationale, une cohésion nationale sans faille.

Nous avons trois objectifs. Premièrement, défendre et promouvoir la République. Nous devons la porter le plus haut possible. La République jusqu’au bout ! Deuxièmement, faire en sorte que la laïcité prévale partout, dans tous les territoires, ruraux et urbains, et dans tous les quartiers de notre pays. C’est par la laïcité que nous renforcerons notre pays ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
M. Paul Giacobbi. Très bien !
M. Didier Guillaume. Troisièmement, c’est évidemment le vivre-ensemble pour tous qui doit nous guider dans le cadre de notre pacte républicain.

Monsieur le Premier ministre, le groupe socialiste et républicain soutiendra l’action de votre Gouvernement et les propositions du Président de la République, pour que la France reste la France, pour que les Françaises et les Français soient fiers de vivre en liberté et puissent se dire avec force : « Nous sommes tous Français, nous sommes des frères, des sœurs, des cousins, des pères et des mères, et une chose nous rassemble : la liberté, l’égalité, la fraternité. » (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants de l’Assemblée nationale.
M. Philippe Vigier. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est fille de la liberté, lumière des peuples qui y ont aspiré de tout temps. La France est le nom d’un idéal qui se nomme progrès pour le monde entier. La France est le cœur du monde, la patrie de l’humanité tout entière.

À travers les hommes et femmes fauchés vendredi soir par la barbarie aveugle, à travers ces victimes issues d’une France plurielle, une et indivisible, c’est donc l’humanité tout entière qui a été frappée. Ces victimes sont mortes parce que des barbares sont entrés en guerre contre ce que nous représentons : notre mode de vie, riche de rencontres, de culture et de lien social, nos différences, qui sont pour nous des richesses, notre civilisation, qui, depuis le siècle des Lumières, est le rempart du monde contre l’obscurantisme.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants rend hommage à ces victimes, aux blessés qui ont survécu à l’horreur ou qui se battent encore en cet instant pour survivre, à leurs proches, à celles et ceux qui vivent toujours dans l’angoisse de ne pas savoir s’ils retrouveront les leurs. Nous rendons hommage aux forces de l’ordre, à leur infini courage ; nous rendons hommage aux professionnels de santé, dont l’action a été déterminante pour sauver des vies, et aux anonymes bienveillants qui, par leurs actes de solidarité, ont eux aussi porté secours aux victimes.

Nous saluons également l’action du Président de la République et du Gouvernement. L’état d’urgence, qui sera prolongé pour une durée de trois mois, et le rétablissement des contrôles aux frontières sont des décisions graves, à la hauteur de la situation que nous vivons. Le groupe UDI les soutient et s’associe naturellement à l’unité nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Nous serons à vos côtés, monsieur le Premier ministre, au service de l’intérêt supérieur de la nation, pour apporter une réponse à la hauteur de la menace qui pèse sur la France. Au service de l’intérêt supérieur de la nation, car l’union nationale ne consiste pas à donner un blanc-seing à une majorité, quelle qu’elle soit. Prendre part à l’union nationale, c’est nous unir avec toutes celles et ceux qui ont fait profession de préserver les piliers de notre République.

Cette union nationale est précieuse, mais fragile. Elle est fragile, car les Français ont peur pour leur sécurité et attendent des réponses fortes ; elle est précieuse, parce qu’elle doit nous permettre de bâtir ensemble une France qui sortira plus forte de cette épreuve. Il est de notre responsabilité collective que cette union nationale repose sur des fondations solides, pas sur des postures d’un jour qui, le lendemain, n’auraient plus de sens pour personne. Nous devons être exigeants pour l’avenir de la France.

Pour répondre à cette exigence, nous devons prendre conscience que nous sommes entrés dans un troisième conflit mondial contre le terrorisme lorsque les attentats ont frappé le World Trade Center le 11 septembre 2001. Nous ne pouvons pas déclarer la guerre au terrorisme à chaque nouvel attentat. Nous ne devons pas non plus faire porter à une majorité plutôt qu’à une autre la responsabilité de l’horreur qui vient de frapper Paris. En réalité, la France était en guerre contre le terrorisme avant même les attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo et ceux de vendredi dernier.

Ayons l’honnêteté de reconnaître, toutes et tous ici présents, que nous avons sans doute un peu sous-estimé le danger que représente la bête immonde du terrorisme (Applaudissements sur plusieurs bancs), que nous ne l’avons pas suffisamment combattu jusqu’à présent. Pour le combattre et l’éradiquer, nous devons être capables d’apporter une réponse internationale, européenne et nationale à ce fléau. L’ennemi du monde civilisé a un nom : le djihadisme – Al-Qaïda hier, Daech aujourd’hui. L’exigence pour la communauté internationale, c’est d’anéantir Daech à n’importe quel prix.

Nous pensons qu’une intervention au sol en Syrie ne peut plus être écartée d’un revers de main. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Refuser d’aller combattre ces monstres sur leur sol, c’est se résoudre, mes chers collègues, à ce que cette guerre se livre sur le nôtre. Il faut associer tous les pays de la région : la Russie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Liban et l’Égypte à la coalition internationale, pour espérer conduire avec succès cette intervention, dont la légitimité doit être renforcée par un mandat des Nations unies. Pour nous, cette étape est indispensable : il faut donc, en urgence, adopter une résolution en ce sens. (Mêmes mouvements.)

C’est à ces conditions que nous pourrons définir une solution politique concertée pour stabiliser la zone de manière durable.

La France, monsieur le Premier ministre, doit infléchir sa diplomatie en renouant le dialogue avec la Russie, sans laquelle aucune issue ne pourra être trouvée au conflit syrien et qui, comme nous, vient d’être victime de la folie meurtrière de Daech. Elle doit également s’interroger sur sa position à l’endroit du régime syrien. Il s’agit là d’une ardente nécessité – et j’ai bien entendu, à ce sujet, les propos du Président de la République tout à l’heure.

Il appartient à la France, qui porte en étendard les valeurs des droits de l’homme, de prendre des initiatives diplomatiques fortes, alors que de plus en plus de nos partenaires sont enclins à agir pour mettre fin aux atrocités commises par Daech. Il est de notre devoir de mener, avec ceux qui placent la dignité humaine au-dessus de tout, une lutte implacable, féroce, éreintante, que seul un combat peut justifier : celui mené au nom de la civilisation contre la barbarie.

Nous refusons de parler de civilisation à propos d’une secte qui n’a que la haine pour religion, qui a fait main basse sur les ressources de la région, qui forme des mercenaires de la mort, drogués au captagon, et qui utilise contre nous des technologies qu’ils n’auraient jamais pu produire eux-mêmes.

Je parle ici à une tribune, devant une assemblée qui fait la grandeur de notre démocratie, en un lieu chargé d’histoire, dans lequel résonnent des mots qui n’auront jamais aucune signification pour ces monstres.

Notre ennemi n’est pas l’islam modéré, dont la voix, nous en avons besoin, doit porter davantage. Notre ennemi n’est pas le monde arabo-musulman, sans lequel le combat que nous menons perdrait tout sens. (Applaudissements sur quelques bancs.) Si nous ne menons pas cette guerre, cela veut dire que nous acceptons de vivre plusieurs décennies de terreur, que nous acceptons que nos enfants grandissent dans un pays qui ne s’est pas révolté lorsque ces terroristes ont voulu nous soumettre à leurs lois folles. L’Europe des pères fondateurs doit se lever, prendre ses responsabilités pour mener avec nous ce combat.

Il faut, monsieur le Premier ministre, inventer une nouvelle politique migratoire et de sécurité européenne, créer enfin l’Europe de la défense, monsieur le ministre de la défense, et mettre en place une coopération plus étroite avec la Turquie et l’Afrique du Nord pour contrôler efficacement les frontières extérieures de l’Europe.

Nous devons également mettre en place un registre européen des passagers pour tous les modes de transports, rétablir les contrôles aux frontières pour les trajets aériens et une procédure systématique de co-instruction des enquêtes antiterroristes par plusieurs États membres, comme cela vient d’être fait entre la France et la Belgique pour l’enquête en cours.

La République doit également prendre des décisions graves sur le sol national. Nous devons répondre à la brutalité barbare par la force de l’État de droit : c’est, semble-t-il, le but de la réforme constitutionnelle annoncée ici même par le Président de la République.

Dans cette guerre, nos faiblesses feront la force de notre ennemi. Aussi devons-nous prendre les mesures qui s’imposent pour assurer la sécurité des Français : déchéance de la nationalité pour ceux qui partent faire le djihad ; pose de bracelets électroniques pour les individus à risque et fichés ; expulsion des prêcheurs de la haine, fermeture des mosquées salafistes (Applaudissements sur plusieurs bancs) ; armement des policiers municipaux ; possibilité, pour les policiers et gendarmes, de porter leur arme en dehors du service ; renforcement des moyens humains, matériels et financiers de la police, de la gendarmerie et de l’armée pour démanteler systématiquement les réseaux de terroristes identifiés ; et lutte, bien entendu, contre la radicalisation en milieu carcéral et sur Internet.

Nous devons également nous souvenir que lorsque la République est attaquée, la réponse ne peut être que plus de République. Les Français sont courageux et solidaires, prêts à s’engager, à faire vivre l’union nationale. Faire prospérer cet engagement citoyen est vital. Il nous appartient de permettre à cette France qui entend résister à la tyrannie de le faire.

Alors que le déploiement d’effectifs militaires risque d’atteindre ses limites, il est grand temps de favoriser l’engagement réserviste, de permettre à l’armée de réserve d’agir, en levant les obstacles qui existent aujourd’hui, et de créer cette garde nationale, conformément à la proposition que nous avons formulée hier et qui a été reprise par le Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs.)

Enfin, la France doit mobiliser la communauté internationale autour de vastes plans de progrès et de paix, car si les grandes mutations qui bouleversent aujourd’hui le monde ne sont pas accompagnées, elles risquent, demain, de produire des générations et des générations d’extrémistes.

Il est vital de favoriser les grands projets de développement pour permettre au progrès d’irriguer des territoires dans lesquels le fanatisme prospère sur la misère et sur l’absence d’accès à l’éducation et à la culture. Tels sont les défis inédits auxquels la France, l’Europe et le monde sont confrontés.

Je veux conclure en empruntant les mots de Victor Hugo qui, depuis l’exil, écrivait : « Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. […] Paris est la capitale de la civilisation […] parce que Paris est la ville de la révolution. […] Paris triomphera, mais à une condition : c’est que vous, moi, nous tous qui sommes ici, nous ne serons qu’une seule âme ; c’est que nous ne serons qu’un seul soldat et un seul citoyen, un seul citoyen pour aimer Paris, un seul soldat pour le défendre. »

Paris est aujourd’hui la capitale d’un monde qui refuse de plier face à la barbarie. À nous toutes et à nous tous, à tous ses citoyens et ses soldats unis, de la défendre, pour l’aimer et faire vivre ses valeurs éternelles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants-UC du Sénat.
M. François Zocchetto. Messieurs les présidents, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, en janvier dernier, la communauté nationale dans son ensemble avait été durement touchée. Mais vendredi dernier, l’horreur a changé de vecteur. Elle ne visait plus seulement des symboles, elle visait la jeunesse dans sa diversité, elle visait le quotidien des Français. Elle voulait nous toucher au cœur.

Je pense aux victimes, françaises et étrangères, aux blessés, à leurs familles, à leurs amis, aux témoins de ces atrocités. Je pense à ceux qui continueront à souffrir de ces attaques, dans leur chair et dans leur âme, pendant toute leur vie.

Je souhaite à mon tour rendre hommage aux forces de l’ordre, aux personnels hospitaliers, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui, bénévolement, anonymement, ont tendu la main pour secourir leurs concitoyens. Je souhaite également saluer ces travailleurs de l’ombre dont je suis certain qu’au cours des mois écoulés, ils nous ont épargné d’autres drames. Ne les oublions pas.

Face à la barbarie, la République doit demeurer forte. Jamais la France, depuis la Seconde guerre mondiale, n’a subi une telle attaque ; car oui, les événements du 13 novembre ne sont pas que des attentats, ce sont des actes de guerre. L’objectif des terroristes est clair : ils souhaitent nous faire souffrir, nous effrayer, bouleverser nos habitudes pour nous faire, finalement, perdre la raison. Ils souhaitent nous opposer les uns aux autres, nous pousser à renier nos valeurs pour nous rabaisser à leur niveau.

La République doit rester unie. Elle doit poursuivre et châtier ses assaillants. Pour cela, nous devons être lucides, méthodiques et déterminés.

Soyons lucides : nous sommes engagés dans une guerre d’une nature particulière. Ces fanatiques n’envisagent que deux options : nous asservir ou nous tuer. Leur détermination est absolue. La mort n’est pas pour eux un sacrifice. De ce fait, c’est une guerre spéciale qui s’engage, car il ne pourra y avoir de compromis, monsieur le Premier ministre.

Soyons lucides quant à la nature et à la force de notre ennemi. Ne le sous-estimons pas. Il occupe militairement un large territoire. Ses dizaines de milliers d’hommes y soumettent les populations. Les volontaires affluent, mués par le fanatisme religieux, par l’aigreur, par l’ignorance. Cet ennemi s’est parfaitement approprié le phénomène de la mondialisation. Il en maîtrise tous les outils techniques et médiatiques, comme il maîtrise très bien l’exacerbation des flux financiers à son profit.

Nous devons aussi agir avec méthode. Nous sommes mobilisés sur notre sol et à l’extérieur. La France ne sera pas en paix tant que ces fanatiques trouveront refuge en Syrie, en Irak ou ailleurs. Le monde s’est couvert des couleurs de notre drapeau depuis vendredi. La société internationale nous écoute. Bien que les États-Unis n’aient pas encore pris toutes leurs responsabilités, des solutions multilatérales existent. Nous devons également demander une action collective dans le cadre des Nations unies, et je me félicite que le Président de la République se soit exprimé sur ce point tout à l’heure.

Toutefois, quelle que soit la forme de notre intervention, nous ne pourrons agir exclusivement par la voie aérienne. Depuis plus d’un an, en Irak, et depuis quatre mois en Syrie, force est de reconnaître que nos frappes n’ont pas eu l’effet escompté. Pour vaincre, nous allons devoir infléchir nos positions diplomatiques. Nous devrons trouver de nouveaux partenaires pour intervenir au sol : je pense aux Kurdes, à l’Iran, à la Turquie, mais aussi à la Russie, sans oublier l’État syrien.

Bachar el-Assad a une large responsabilité dans la situation dramatique de la Syrie, c’est une évidence. Toutefois, nous ne pouvons plus faire de la question de son sort personnel le préalable à la consolidation de la coalition. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Les circonstances nous imposent de hiérarchiser les monstres, et dans le classement de la barbarie, Daech est notre ennemi absolu.

Il convient également de lever certaines ambiguïtés dans les relations que nous entretenons avec des pays du Golfe ; et il n’est pas possible non plus qu’eux-mêmes demeurent plus longtemps dans l’ambiguïté. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs.)

Dans l’immédiat, nous devons combattre l’infiltration sur notre sol de djihadistes étrangers, combattre sans concession la radicalisation et, au-delà de ces causes immédiates, prendre le mal à la racine. Depuis janvier dernier, la situation, hélas, s’est encore détériorée : les tensions augmentent et le communautarisme se renforce. J’ai à cet instant une pensée forte pour les élus locaux qui luttent contre ces phénomènes au quotidien et qui, tous, en tant que garants du vivre ensemble, font face aux inquiétudes de nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Les apprentis terroristes français, qui apprennent très vite, sont aussi le produit de l’échec de nos politiques depuis plusieurs décennies. Il faut regarder la réalité en face : notre modèle a failli, et cet échec porte la destinée de terroristes qui sont nés en France. Nous devons comprendre pourquoi des Français se sont abandonnés à nier les valeurs de la République.

Il en découlera des politiques publiques de longue haleine, caractérisées par moins de renoncements, moins de relativisme et de naïveté. Il faudra, bien sûr, des décennies pour changer à nouveau la face de notre société. Ce chemin passe en particulier par la culture et l’éducation, lesquelles ne sont pas par hasard les grandes ennemies des barbares qui nous assaillent. (Mêmes mouvements.)

Pour gagner cette guerre, nous devons être déterminés. Notre combat, il faut le savoir, aura un coût humain et financier, le Président de la République en a dit quelques mots à cette tribune, et ce coût bousculera malheureusement quelques-unes de nos traditions.

Même si personne ne le souhaite, il y aura hélas d’autres attentats, sinon en France – mais cela peut arriver – du moins dans d’autres pays. Je crains que la litanie des pays touchés ne fasse que s’allonger : Mali, Nigeria, Tunisie, Égypte, Russie, Turquie et Liban, pour ne pas parler de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Syrie, frappés au quotidien. Tous les projets d’attentat ne pourront probablement pas être déjoués à temps. Il y aura peut-être d’autres victimes. Engagés sur plusieurs fronts, certains de nos soldats ne reviendront pas. Il faut s’y préparer.

Cette guerre aura une implication financière car, si ce combat est réellement une priorité, et il ne peut que l’être, il faudra accepter que d’autres politiques publiques soient moins prioritaires, ce qui fera inévitablement grincer des dents, soyons-en conscients.

Nous devons concilier cette guerre avec nos idéaux : ce sera l’enjeu des prochains mois. Mais nous ne pouvons plus tolérer que des milliers d’individus fanatisés soient libres de répandre leur venin dans la société. Le premier des droits de l’homme et du citoyen, à cette heure, c’est la sûreté et la sécurité. C’est notre devoir de parlementaires que de le garantir à nos concitoyens.
M. François Zochetto. Nous devons interpeller et isoler ces terroristes, si besoin dans un cadre légal exceptionnel. Monsieur le Premier ministre, nous soutenons les mesures que vous annoncez concernant l’état d’urgence. Vis-à-vis de ceux qui nous menacent et nous haïssent, il ne s’agit plus d’être seulement dans la réaction. C’est à nous de prendre l’initiative, de bousculer leurs organisations, leurs projets, leurs réseaux. Jusqu’à maintenant, la vie a été trop facile pour eux. Ils profitent des garanties d’un État de droit, qu’ils veulent eux-mêmes anéantir ! (« Très bien ! » sur quelques bancs.)
M. François Zocchetto. Je pense que nous devons également protéger nos concitoyens de confession musulmane des prêcheurs radicaux, qui mettent des dizaines de mosquées au ban de la République. La laïcité n’est pas un slogan, c’est un combat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Il faut expulser de notre territoire les imams intégristes étrangers qui distillent leur message de haine et de mort.

Enfin, nous avons besoin d’une meilleure coordination de la communauté du renseignement et de la police dans le cadre européen, cela a déjà été dit. Il est indispensable que, s’agissant du repérage de profils, nous puissions croiser un certain nombre d’informations. Il faudra en débattre rapidement, avec la CNIL en particulier.

Enfin, la question de l’avenir de Schengen est évidemment posée. Nous avons besoin d’adapter le mécanisme, là encore de façon urgente, aux circonstances nouvelles. Schengen a été imaginé dans un autre monde ; aujourd’hui, il faut le repenser totalement.

L’unité nationale, à laquelle nous sommes tous attachés en ces heures difficiles, nous impose d’être à la hauteur de ce que nos concitoyens attendent de nous, que nous soyons représentants du législatif ou membres de l’exécutif. C’est bien notre responsabilité qui est en cause aujourd’hui, mais c’est aussi notre existence qui est en jeu ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste de l’Assemblée nationale.
Mme Cécile Duflot. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ils ont frappé, lâchement, violemment, cruellement, mortellement. Et les mots manquent pour dire l’effroi qui nous saisit.

Ils ont frappé, et nous sommes tous blessés, meurtris pour toujours. Ils ont frappé, et je veux dire aux familles endeuillées que leur deuil est aussi le nôtre, que nous les accompagnons, non pas seulement de notre solidarité et de notre compassion, mais aussi de notre fraternité la plus profonde. Je veux dire à la jeunesse de mon pays, qui vient de payer un lourd tribut au fanatisme, que nous sommes ensemble dans cette épreuve.

J’interviens à cette tribune au nom du groupe écologiste. Mais je suis aussi députée du onzième arrondissement de Paris. Ces quartiers qui ont été touchés, ce n’est pas un hasard s’ils ont été ciblés. Nos ennemis ont en horreur le mélange, la tolérance, le métissage et le brassage social, qui sont la marque des endroits où ils ont choisi de frapper.

Leur stratégie de l’épouvante a précisément visé ce qu’ils tenaient pour les symboles de notre prétendue dépravation : une salle de concert – le Bataclan et ses soirées qui finissent souvent sur le trottoir du boulevard –, des cafés – la bande des Anges, les filles de La Belle Équipe –, des restaurants – Le Petit Cambodge et sa rieuse terrasse –, qui accueillent une jeunesse multiple, des lieux où circulent librement, jour après jour, des personnes de toutes confessions et de toutes origines. Cette France-là, ils veulent l’assassiner. Mais nous la défendrons sans faiblir, et nous resterons debout !

Les écologistes s’inscrivent pleinement dans l’unité nationale à laquelle le Président de la République a appelé. Cette unité nationale n’impose à personne de renoncer à ses convictions, mais intime à chacune et chacun de se sentir plus que jamais responsable du destin de son pays. En conscience, les écologistes mettent donc leurs pas dans ceux du Président de la République pour appeler au dépassement de nos clivages traditionnels et faire face à la menace qui pèse sur notre population. Notre liberté reste entière, notre esprit de responsabilité sera total.

Pour protéger les Françaises et les Français, pour protéger notre pays, nous avons un triple devoir. Le premier, je viens de le dire, est un devoir d’unité. Il ne vaut pas seulement pour les responsables politiques, mais pour le pays tout entier. L’ignoble stratégie de Daech est de nous diviser par la peur, de nous entraîner dans une spirale de haine, d’opposer ceux qui croient au Ciel et ceux qui n’y croient pas, de sommer les Français musulmans de se démettre de leur identité démocratique pour se soumettre à une loi barbare. Je veux rappeler ici que notre unité est la meilleure garantie de notre sécurité. C’est ensemble que nous sommes forts, c’est solidaires que nous sommes puissants, c’est rassemblés que nous sommes la France.

Notre deuxième devoir découle du premier : c’est un impératif de dignité et de vigilance. Notre dignité sera de ne renoncer en rien – jamais ! – à nos valeurs. Nous serons vigilants pour que notre démocratie n’ait pas à pâtir de la lutte contre le terrorisme. Ce serait permettre aux terroristes de gagner que de faire reculer nos droits fondamentaux.

L’État de droit, c’est la garantie que la force de l’État respecte les droits de chacun pour défendre les droits de tous. On ne peut toucher aux libertés publiques qu’en tremblant, parce que les défendre, c’est défendre le pays tout entier, son histoire, prévenir les dérives et l’emballement engendré par la dureté du combat qui est le nôtre. Face à des fous fanatiques, nous avons plus que jamais besoin de garde-fous démocratiques.

Notre dernier devoir, c’est la lucidité sur ce qui se passe dans notre pays et sur le contexte international. On parle de radicalisation. Je veux dire ici que le premier pas vers la radicalisation, c’est la désaffiliation – le sentiment de ne pas appartenir au même monde, de ne pas partager les mêmes valeurs. C’est elle que nous devons combattre avec la plus grande et la plus ferme énergie.

De jeunes Français, nés et élevés en France, rejettent notre société si radicalement qu’ils en viennent à faire sécession et à se bricoler un imaginaire refuge, véhiculé par les réseaux sociaux et alimenté par le ressentiment. Leur morale est altérée, leur esprit déraisonne sous les appels au meurtre lancés par des prédicateurs qui font de la violence une éthique. Quand leur pathologie croise la route de manipulateurs sans scrupules, ils finissent, gorgés de haine, par se lancer dans des attentats-suicides. Haine des autres, haine d’eux-mêmes, nihilisme morbide.

Nous devons donc assécher, par tous les moyens, le marais dans lequel se développent les apprentis djihadistes. Cela passe par l’éducation et la coercition, le renforcement des moyens humains consacrés au renseignement, la lutte contre les ghettos et les discriminations, la plus grande fermeté dans notre politique de sécurité, la plus grande détermination dans notre politique de cohésion sociale. Cette guerre ne se mènera pas seulement sur le terrain militaire. Ils veulent embrigader chez nous des esprits fragiles, rendus manipulables par les frustrations accumulées. Ils enrégimentent des déséquilibrés pour en faire des soldats de la haine. Nous devons, en réponse, renforcer notre cohésion nationale, rebâtir un sens commun, veiller à ne laisser personne au bord du chemin.

La lucidité, c’est aussi de regarder notre monde en face, et le rôle qu’y joue la France. À ceux qui pensent que la COP21 aurait dû être annulée, je veux dire ceci : elle est plus que jamais nécessaire. À cause de l’urgence climatique, évidemment, mais aussi à cause de l’argent, qui est le nerf de la guerre. Daech se finance notamment grâce au pétrole de contrebande. Dès lors, notre politique écologique devient une arme en tant que telle. Réduire la place du pétrole et des hydrocarbures, développer l’autonomie énergétique de chaque État grâce aux énergies renouvelables permettra de se soustraire à la toute-puissance des producteurs de pétrole et ainsi de tenter d’assécher la manne financière de Daech.

Mais surtout, les effets du dérèglement climatique sur l’environnement auront des conséquences géopolitiques importantes. Il n’y a pas, d’un côté, la lutte pour le climat, et de l’autre, la lutte contre le terrorisme. Les deux sont liées. Le climat peut aussi être le nerf de la guerre. Le changement climatique démultiplie les menaces. Le cas de la Syrie est éloquent : le déplacement intérieur d’un million de personnes, lié à une sécheresse historique entre 2006 et 2010, a contribué à la dislocation du pays.

C’est du désordre du monde que nos ennemis tirent leur funeste énergie. Chaque injustice les renforce. La souffrance n’est pas seulement leur arme, elle est leur carburant. Dans le monde, l’armée de réserve des terroristes s’abreuve à la source de la pauvreté, des sécheresses, de la captation des richesses par une minorité. Les Boko Haram, Aqmi, Daech prospèrent tous par le chaos, pour le chaos. L’éducation est l’arme la plus affûtée pour leur résister. Formons des esprits libres, créons les conditions de l’émancipation des peuples de la tutelle de l’ignorance !

Dans ce combat, la place des femmes est essentielle. Je pense aux combattantes kurdes de Kobané, et à toutes celles qui résistent à l’injonction barbare qui leur est faite de se soumettre à la loi de certains hommes. Il est des hommes si faibles qu’ils masquent leurs abominables forfaits en se drapant dans la prétendue obéissance à la loi de Dieu. Mais quel dieu peut ordonner de soumettre, d’avilir, de violer, de torturer des femmes ? Aucun dieu ne commande d’enlever des enfants à leur famille pour en faire des enfants soldats. Ceux qui tuent au nom de la religion tuent la religion même. Ceux qui sèment la mort au nom d’Allah avilissent le dieu qu’ils prétendent servir, et jettent le manteau d’un injuste opprobre sur l’islam.

Car, à la vérité, voilà un autre piège qu’ils nous tendent : nous faire craindre nos concitoyens musulmans, nous imposer leur vision folle d’un monde fracturé entre les croyants et les autres. Ils veulent nous terroriser ; nous ne leur offrirons pas ce cadeau ! Nous resterons nous-mêmes. Parce que nous sommes la France, et qu’aucun acte de guerre ne nous fera renoncer à nos valeurs. Les musulmans de France sont d’abord des citoyens. Ils sont nos frères et nos sœurs en République.

La France, depuis la Révolution, s’avance dans le concert des nations sous le pavillon d’une devise qui lie indéfectiblement liberté, égalité et fraternité. C’est la poutre porteuse de notre identité politique, à laquelle nous donnons le beau nom de République. Elle est née ici, à Versailles, avec la convocation des États généraux. Sous ce régime, nous défendons les droits imprescriptibles des individus. Notre laïcité n’est pas la négation des croyances, mais l’organisation harmonieuse de la liberté de chacun de pouvoir croire ce que lui dicte sa foi ou sa raison. L’intime diversité de nos consciences n’est permise que parce que nous avons proclamé inaliénable le droit de vivre sa religion, ou son athéisme, en paix. La laïcité est notre bien le plus précieux, et nous continuerons à la défendre.

Les messages de solidarité du monde entier nous demandent de tenir bon, nous enjoignent de demeurer fidèles à la meilleure part de notre histoire. Pour le monde, pour l’ensemble du monde, la France est belle de ses valeurs, magnifique par sa diversité, louée pour son esprit rebelle. C’est tout cela qu’ils ont voulu abattre en frappant lâchement Paris la cosmopolite, Paris la festive, Paris l’érudite, Paris la belle. Paris qui ne sombre pas, et qui ne sombrera jamais dans la haine dont ils nous abreuvent par torrents sanglants.

La France est capable d’être grande. Voilà qu’une fois de plus, nous sommes tous sommés de donner le meilleur de nous-mêmes pour ne pas répondre à l’appel du pire. L’esprit de résistance doit désormais guider chacun de nos actes. Que nos ennemis le sachent : nous ne capitulerons en aucune manière. Ni sur le terrain de la sécurité de notre peuple ni dans le domaine des valeurs qui nous fondent comme nation. Le Président de la République, votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, pourront compter sur notre soutien, à chaque fois qu’il s’agira de défendre la population de notre pays, l’unité de notre nation, et la force de nos valeurs.

Mes chers collègues, notre démocratie est leur cible. Elle sera notre arme. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président du Congrès, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, deux jours ont passé, et le choc des premières minutes est toujours présent.

Paris, Saint-Denis sa voisine, ont subi les attentats les plus violents commis dans notre pays depuis la Seconde guerre mondiale. Des dizaines et des dizaines de vies, souvent jeunes, ont été brutalement interrompues. Des centaines de corps ont été meurtris, blessés. Des milliers de citoyens, de femmes, d’hommes, d’enfants – témoins, familles ou proches – sont directement confrontés au malheur.

Après janvier, les terroristes ont à nouveau frappé la France au cœur. Ce vendredi 13, ce vendredi noir qui marquera l’histoire de notre pays, c’est notre peuple tout entier qui a été agressé de manière aveugle, barbare.

Le massacre du Bataclan, les tueries dans les cafés et les restaurants, l’effroi semé au Stade de France poursuivent un objectif nouveau, celui de toucher nos concitoyennes et nos concitoyens dans leur quotidien, dans leur vie.

Notre jeunesse a payé un lourd tribut dans ce Paris qui, chaque fin de semaine, s’emplit de joie et de bonheur. « Paris est une fête » écrivait Hemingway. Aujourd’hui, Paris est une tragédie.

À cette tribune de Versailles, mon premier sentiment est l’émotion, l’émotion du deuil. Mes pensées, celles de mon groupe vont vers ceux qui souffrent aujourd’hui, dans leur cœur et dans leur corps. Je tiens à saluer avec force l’action courageuse des forces de sécurité, leur dévouement à la République. Je tiens à saluer l’action remarquable des services de santé, confrontés à une situation inédite, et celle des pompiers. Encore une fois, ces grands services publics ont fait face et le peuple les remercie.

Notre peuple, c’est une évidence palpable, n’en peut plus de cette menace, de cette angoisse d’un éternel recommencement. Il veut comprendre, il veut agir pour vivre en paix. Il veut rester uni.

Ce matin, dans des milliers d’établissements scolaires, nos enfants, nos adolescents, ont cherché à comprendre, ils ont débattu. Nous, adultes, élus ou non, nous cherchons aussi à comprendre.

Qui compose Daech ? Qui compose son armée ? Qui sont ces hommes et ces femmes prêts à mourir pour une cause absurde ? Quels sont les chemins qui amènent à devenir des assassins d’une brutalité telle qu’elle rappelle les heures les plus sombres de l’humanité ? Pour combattre un ennemi, il faut le connaître. Il faut expliquer, montrer les origines géopolitiques, rappeler les responsabilités bien réelles des puissances occidentales, ces guerres destructrices en Irak et en Afghanistan, le non-sens de l’intervention en Libye, pour souligner qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre l’islam, mais contre une organisation politique terroriste.

Mes chers collègues, notre peuple veut la sécurité. Il fallait donc prendre des mesures d’urgence, ce qui a été fait vendredi soir avec raison par le Président de la République. Face à la violence d’attaques multiples, l’état d’urgence est aujourd’hui pleinement justifié. Les forces de police et la justice doivent disposer des moyens nécessaires pour réagir avec fermeté et célérité.
M. Paul Giacobbi. Très bien.
Mme Éliane Assassi. Mais comme le disait M. le Premier ministre lui-même le 13 janvier dernier devant l’Assemblée nationale, « À une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles ». « Mais je le dis aussi avec la même force », poursuivait-il, « jamais des mesures d’exception qui dérogeraient aux principes du droit et à nos valeurs ».

C’est à la lumière de vos propos, monsieur le Premier ministre, que nous étudierons les modifications proposées à la loi de 1955. Le renforcement de la sécurité dans le respect des libertés publiques sera le principe qui guidera notre appréciation.

N’oublions pas que l’objectif de Daech est de semer l’effroi pour ébranler notre société et pousser à remettre en cause des principes qui fondent la République. L’objectif de Daech est donc profondément politique. Il pousse à la confrontation, à la division et, dans ses rêves les plus fous, à la guerre civile. Attention donc à la stigmatisation ! Évitons le piège qui nous est tendu. Ce qui fait la force de la France, la force de notre peuple, c’est la liberté, et nous veillerons avec beaucoup d’autres à ce que, dans le dur et nécessaire combat qui nous attend, cette liberté demeure au cœur de notre action.

Si l’état d’urgence est prolongé, ses objectifs doivent être bien définis. Protéger notre peuple n’est pas qu’une affaire de loi sécuritaire renforcée. Combien y en eut-il, en une décennie ? Pour quelle efficacité ? En revanche, il faut des moyens pour les services publics, et là se pose un vrai débat.

Je le disais à la tribune du Sénat le 13 janvier : l’austérité n’est pas compatible avec la guérison des maux terribles qui minent notre société, dont cette grave menace terroriste. Des moyens nouveaux devront être débloqués, c’est une nécessité, mais pas au détriment d’autres services publics qui, à notre sens, sont également indispensables pour résoudre les problèmes de la radicalisation de certains individus : la justice, la santé et surtout l’éducation nationale, ainsi que la vie associative. Le choix des moyens consacrés est donc crucial.

Mes chers collègues, notre opinion est sans ambiguïté : il faut détruire Daech, jeter aux oubliettes de l’Histoire ce terrorisme aveugle et sanguinaire. Il faut aussi constater avec lucidité que ces attaques sans précédent sur Paris signent l’échec de quinze ans de guerre.

Mon ami Pierre Laurent l’indiquait hier soir, la coalition internationale est au cœur du problème. Il faut repenser les choses rapidement et cesser d’agir en ordre dispersé, chacun défendant ses intérêts géopolitiques, et malheureusement aussi économiques. Nous devons mettre en place une large coalition internationale sous mandat de l’ONU qui, au-delà du combat contre Daech, Al-Qaïda et d’autres organisations, doit avoir pour ambition de reconstruire ces régions, permettre le retour au pays des milliers de réfugiés et établir une paix durable dans la région. Toute intervention sans cette perspective aura le même effet que celles d’hier : le développement du terrorisme.

La logique de guerre, les appels à la vengeance, répondent exactement aux objectifs de Daech. Nous proposons une logique de paix qui passe par l’élimination de la menace Daech mais qui place le développement de ces régions, la voie de la démocratie, comme moyen de vaincre définitivement ceux qui se nourrissent de la violence et de la haine.

La force de notre pays est de pouvoir montrer au monde que, même plongé dans la douleur, notre peuple, son gouvernement, ses élus poursuivent l’objectif de donner une chance à la paix dans cette région. La puissance de ce désir de paix, qui animait hier, rappelons-le, les combattants du nazisme – une vie heureuse, s’aimer, travailler, vivre, en un mot – cette puissance peut stopper la dérive mortifère qui menace le monde.

C’est cette volonté de paix qui permettra de dépasser l’obstacle des dictatures de la région, dont celle de Bachar el-Assad. C’est cette volonté de paix, de développement, qui peut enfin mettre un terme au conflit israélo-palestinien et permettre à ces peuples de vivre dans deux États qui se respectent et coopèrent.

Je l’avais indiqué en janvier, la violence terroriste révèle les maux de nos sociétés. Une question me taraude, comme en janvier : comment des jeunes Français ont-ils pu commettre de tels actes, comment ont-ils pu sacrifier leur vie pour tuer, pour massacrer ?

Bien sûr, il y a le fanatisme, les dérives sectaires, la manipulation, l’absence de culture. Mais il faut ouvrir les yeux : une société comme la nôtre, et c’est vrai aussi dans de nombreux autres pays, où l’argent est érigé en valeur absolue au détriment du travail alors que les inégalités croissent année après année, ne peut que générer de l’exclusion, de la violence.

Le « vivre ensemble » qui nous est cher, qui est au cœur de la République, a un prix. Il faut réorienter les immenses richesses vers l’épanouissement humain.

L’éducation doit être cette école de la démocratie. De grands moyens doivent être dégagés pour la culture, l’éducation et le travail. Ce sont, à mon sens, les vraies, les seules réponses au désespoir, à la perte de sens qui mène à la folie meurtrière. Notre pays, la France, est en deuil aujourd’hui. Le monde nous accompagne sur ce chemin. Marianne pleure des larmes de sang, mais nous prononçons avec elle, avec force et détermination, ces trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements)
M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste de l’Assemblée nationale.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je m’incline avec émotion devant la mémoire des victimes de la tuerie de masse commise vendredi soir par des terroristes fanatisés. Mes pensées vont aussi vers leurs familles, vers leurs proches, meurtris par cette épreuve tragique. Leur deuil est aussi le nôtre. Et je voudrais à mon tour saluer l’action des forces de sécurité et des services hospitaliers qui ont tout mis en œuvre pour secourir les très nombreux blessés.

Finalement, qu’est-ce qui fait une civilisation ? Et en particulier la nôtre ? Le respect de la vie, l’attention à autrui, le dialogue, la tolérance et, bien sûr, la fraternité. C’est cela que les tueurs de Daech ont voulu détruire avec leurs rafales de Kalachnikov.

Voici donc, en ce nouveau siècle, le retour de la barbarie, la résurgence de la violence et de la haine, avec ces adeptes de l’obscurantisme qui veulent imposer de force leur croyance à autrui, comme au temps lointain et reculé des guerres de religion.

Le terrorisme vise à inspirer la frayeur, la sidération. Ce résultat ne sera pas atteint dans notre pays. On ne cède pas au terrorisme, on le combat, pour défendre la liberté – et pour la défendre ensemble, sans distinction entre nos différents partis. Nos partis sont divers, mais nous devons faire bloc et faire front. Nous devons réagir avec unité et nous rassembler face au terrorisme qui cherche à nous diviser. La volonté de s’unir doit l’emporter quand l’essentiel est en jeu.

Nous soutenons l’action de l’exécutif, les mesures prises dès vendredi, les initiatives nouvelles annoncées, du moins la plupart d’entre elles, mais nous voulons aussi mettre en évidence tout ce qui a été réalisé en 2015, et en particulier la loi relative à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014, présentée par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.

Trois de ses dispositions peuvent, entre autres, être très utiles. Tout d’abord, cette loi dispose que tout ressortissant étranger peut, dès lors qu’il ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure.

Par ailleurs, ce texte de 2014 transfère de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse à un nouvel article du code pénal les délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme, afin d’allonger les délais de prescription et d’adapter les procédures. Entre 2001 et 2014, le délit d’apologie du terrorisme n’a donné lieu à condamnation qu’à cinq reprises. Cinq fois seulement, en près de quinze ans !

Enfin, la loi de 2014 entend combattre le cyberdjihadisme, car Internet est devenu le vecteur principal de la propagande, du recrutement et de l’incitation au terrorisme. Désormais, l’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour provocation à des actes de terrorisme ou apologie de ces actes lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. Il importe que le Parquet utilise pleinement cette disposition et saisisse chaque fois que nécessaire le juge des référés, en faisant preuve de réactivité et de vigilance.

Pour finir, conformément à la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence, décrété en conseil des ministres, ne peut être prorogé au-delà de douze jours que par une loi qui en fixe la durée. Le Président de la République annonçait une prorogation de trois mois, ce qui reste modéré – peut-être insuffisant ? en tout cas modéré si l’on compare cette durée à certains précédents. Ainsi, après le putsch des généraux d’Alger, l’état d’urgence avait été appliqué pendant deux ans, d’avril 1961 à mai 1963.

Ce n’est pas nécessairement un exemple à suivre, mais la loi du 3 avril 1955 contient des dispositions intéressantes. De plus, elle n’a pas été soutenue par des auteurs totalement liberticides, puisqu’elle portait le contreseing d’Edgar Faure, de Robert Schuman et d’Antoine Pinay, lesquels devaient avoir, eux aussi, la préoccupation de ne pas porter une atteinte excessive aux libertés publiques !

En fait, Daech est devenu un proto-État, un quasi-État, avec un large territoire en Syrie et en Irak, avec un appareil public et une armée, et avec un budget considérable. Selon les services américains, Daech engrangerait 3 millions de dollars par jour, issus du système d’impôts instauré dans les territoires contrôlés, du pillage des banques de ces territoires et de l’exportation du pétrole extrait des parties occupées de Syrie et d’Irak, souvent vendu au marché noir en Turquie. Ce seul trafic rapporterait 1,2 million de dollars par jour.

Enfin, selon certains observateurs – mais comment savoir s’ils ont raison ? –, des États de la « région » au sens large du terme auraient apporté, au moins initialement, leur soutien financier à Daech par l’intermédiaire de donateurs fortunés. Il serait très souhaitable que ces pays, qui se disent les amis de la France, ne financent pas ses agresseurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. Gérard Bapt. Très juste !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Et il serait opportun que notre diplomatie les invite et les aide à sortir de cette ambiguïté, si elle existe toujours – je parle, bien sûr, de l’ambiguïté et non de notre diplomatie, qui, elle, existe assurément…

Pour combattre efficacement Daech, il faut en effet tarir son financement. Par ses attentats sanglants, Daech nous a déclaré la guerre. Face à cela, il faut dire ce que disait Churchill dans d’autres circonstances, il y a soixante-quinze ans : « On ne nous verra ni faiblir ni faillir. »

La Constitution dispose dès son article 1er que la France est une République laïque. Elle respecte toutes les croyances, mais sépare celles-ci de l’État. Dans les circonstances présentes, la laïcité est plus que jamais nécessaire, et ce à un double titre.

D’abord, elle est un principe de liberté : liberté de penser, liberté de conscience face à tout prosélytisme.

Ensuite, elle est un principe de fraternité. Elle permet à tous de vivre ensemble par-delà les différentes appartenances confessionnelles.

La laïcité réunit et rassemble. Elle fédère. Elle renforce l’unité de la République. Il importe donc de la revitaliser dans notre société, qui tend parfois à l’oublier.

Les terroristes de Daech veulent imposer leurs croyances par la force, par la contrainte. Ils refusent la liberté de conscience et veulent dicter leur loi. Il y a deux siècles et demi, dans son Traité sur la tolérance, Voltaire écrivait avec une certaine emphase qui ne lui était pas coutumière : « Puissent tous les hommes se rappeler qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes ! »

Il faut bien se rendre à l’évidence : le genre humain n’est pas divisible, même sous l’effet de théologies rivales. L’humanité est une. De partout dans le monde viennent des messages de soutien à la France meurtrie, des messages de solidarité, de compassion et de concorde. Cela s’appelle l’humanisme, et le terrorisme n’y peut rien ! (Applaudissements.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, Paris est meurtri et c’est toute la France qui saigne. Au-delà, sur toute la planète, les démonstrations d’affection et de soutien démontrent que ce sont les valeurs essentielles de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont foulées aux pieds par ceux qui incarnent au plus haut point tout ce que ne doit pas être l’humanité : sectarisme, intolérance, haine, ingrédients de la barbarie.

Les assassins ont attaqué un mode de vie. Avec leur regard froid de tueurs, ils ont massacré de jeunes femmes, de jeunes hommes, nos enfants de cette France que nous aimons. Chaque photo de ces jeunes souriant, goûtant la vie avec joie, est une souffrance pour leurs familles et pour chacun d’entre nous. Pensons d’abord à eux, à tous les blessés qui luttent pour la vie, ainsi qu’à ceux qui se sont montrés héroïques, par un mouvement naturel ou de par leurs fonctions.

Chacun de ces visages, chacune de ces vies, est irremplaçable. Le moment est celui du deuil. Il doit être aussi, simultanément, celui de l’action. Le moment n’est pas à pointer les responsabilités, même si cela viendra forcément. Il est un temps pour tout.

Le malheur nous frappe. Sachons y associer tous ceux dans le monde qui viennent d’en être victimes : Russes, Turcs, Égyptiens, Libanais et tant d’autres... La France n’est pas la seule victime, pas la seule cible.

Le moment est celui du soutien unanime aux institutions de la République, une, indivisible et laïque, du soutien à nos forces de l’ordre, police, gendarmerie, armée, dont nous saluons la détermination et le courage et dont nous savons l’ampleur de la tâche épuisante depuis des mois dans ce contexte dramatique.

Au nom de mon groupe, je tiens à assurer au Gouvernement, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, qui honore chaque jour sa fonction et la République (Applaudissements), notre soutien sans réserve pour défendre les institutions de notre nation. Quelles que soient nos appréciations quant à la politique étrangère qui a été menée, une priorité s’impose et ne souffre aucune réserve : faire face, faire face à Daech, faire face au terrorisme, ne pas reculer, ne pas baisser la tête, rester debout avec la fermeté, la froide mais calme détermination que requièrent les drames qui ponctuent la vie des nations.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré que nous sommes en guerre. Alors, comme le disait et le faisait le plus grand de vos prédécesseurs, auquel, par-delà nos différences, nous sommes tous deux très attachés, faites là !

Faire la guerre, c’est accepter d’en subir les conséquences. Si les Français prennent conscience de la gravité de la situation, ils attendent que tous les moyens soient mis en œuvre pour assurer la sécurité dans le pays. C’est la priorité des priorités !

Vous voulez une prolongation de l’état d’urgence ? Vous l’obtiendrez, sous le contrôle du Parlement ! C’est une restriction des libertés ? Oui ! C’est contraire à nos principes ? Oui ! Mais, pendant cette période de crise dramatique, si cela permet de sauver une seule vie d’innocent, nous vous accorderons cette confiance indispensable. (Applaudissements.)

Vous prenez la décision de fermer des mosquées où la haine est prêchée, de poursuivre des imams propagateurs de haine ? Vous avez raison et nous vous approuvons ! (Applaudissements.)

Comment ne pas rappeler ici que l’article 26 de la loi de 1905 dispose qu’« il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte », et que son article 35 dispose notamment que, « si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique », ceux qui commettent ces infractions sont passibles de deux ans de prison ? (Applaudissements.)
M. Alain Bertrand et M. Michel Bouvard. Excellent !
M. Jacques Mézard. Quand la IIIRépublique devait faire preuve de fermeté contre le pouvoir religieux dans la sphère publique, pourquoi la VRépublique n’applique-t-elle pas la même loi contre ceux qui prêchent la haine et la mort dans nos murs ?

Le but clairement identifié de Daech est de diviser notre société. Tout ce qui concourt à marginaliser, à isoler de l’ensemble de la nation française les 5 millions de Français musulmans doit être condamné. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) La minorité qui discrédite nos compatriotes musulmans doit être combattue car elle est d’abord l’ennemie de nos compatriotes de confession musulmane. (Mêmes mouvements.) Tout ce qui est un obstacle à l’intégration harmonieuse de ces derniers est un danger pour la République. Il est de la responsabilité, du devoir, de l’honneur de chacune et de chacun des responsables politiques de s’interdire tout propos discriminatoire vis-à-vis de compatriotes qui sont partie intégrante de la communauté nationale. (Mêmes mouvements.)

La graine de la division est facile à cultiver. Il nous appartient de l’empêcher de germer.

J’ai rappelé la loi de 1905. Ce rappel a deux objectifs.

En premier lieu, affirmer le caractère laïc de notre République et exprimer au nom du groupe parlementaire qui l’a toujours incarné que toutes les dérives communautaristes que nous avons dénoncées ces dernières années sont incompatibles avec nos principes ; que cela commence à l’école et se poursuit dans tous les secteurs de la vie en société.

En second lieu, appeler une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur l’impérieuse nécessité, plutôt que de légiférer constamment en réaction aux événements, d’appliquer les lois existantes, dont l’arsenal est la plupart du temps suffisant. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) S’il existe certaines lacunes dans la loi de 1955 et concernant les dérives de l’utilisation d’internet, comblez-les ! Mais aujourd’hui nos concitoyens n’attendent pas seulement de nouvelles lois : ils attendent de l’action en exécution des lois existantes de la République. (Mêmes mouvements.)

Dans ce contexte, la mobilisation de tous les moyens est indispensable et il serait inopportun et peu responsable de considérer que cela n’entraînera pas des besoins financiers supplémentaires, qui seront pris sur d’autres chapitres. Là encore une concertation en amont entre tous les groupes politiques et le Gouvernement est indispensable.

Je ne saurais m’abstraire, dans mon propos, des considérations internationales. Tout d’abord concernant l’Europe : la compassion exprimée par nos voisins est d’une profonde sincérité et nous devons l’apprécier en tant que telle, parce qu’aujourd’hui nos peuples n’ont jamais été aussi proches par leur mode de vie et leurs échanges économiques et culturels. Mais cela n’enlève rien à une constatation : c’est la France qui mène, trop seule sur le terrain, le combat de la défense des valeurs partagées par les nations européennes. Oui, nous pouvons espérer moins de directives et plus de soutien sur le terrain ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Il n’est pas inconvenant de souligner que globalement, face à la crise au Moyen-Orient et aux drames vécus par des millions d’êtres humains, la réponse européenne s’est trop caractérisée par l’égoïsme, l’absence de cohérence, quand ce ne fut pas le chaos. Et pourtant, il n’est de bonne réponse que dans le cadre européen.

Le Président de la République a raison de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU et d’appeler à la cohérence de l’Europe ainsi qu’à une grande et unique coalition.

J’en viens aux décisions prises pour lutter en Irak et en Syrie contre Daech. Quand des soldats français sont en opération, le soutien de toute la nation s’impose de facto. Il s’impose d’autant plus quand la cible est une organisation criminelle bafouant toutes les valeurs.

Quand on fait la guerre, il faut unir tous ceux qui combattent le même ennemi, sans exception, du gouvernement en place en Syrie à la Russie et à la Turquie, et, comme le soulignent nombre de nos amis arabes, rechercher un consensus et un agenda avec les sensibilités et expressions locales. Si l’on nous dit, comme on le fait à juste titre, que la base de Daech est l’Irak, il faudra bien à l’avenir s’interroger et tirer toutes les conclusions nécessaires quant à l’opportunité des interventions des puissances occidentales en Irak par le passé, et, plus près de nous, en Libye.

En ces heures où la représentation nationale doit, autour du Gouvernement, être à la hauteur des enjeux, des inquiétudes des Français, ce qui nous réunit est plus fort que ce qui divise : c’est le visage d’une France fidèle à ses valeurs et à son histoire, confiante en sa jeunesse, que nous devons montrer, en rejetant toute tentative de récupération par qui que ce soit, en rassemblant toutes les sensibilités dans le respect de leur diversité.

Mes chers collègues, il est des moments où l’on a envie de crier sans emphase et avec toute la force de son être : que vive la République ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, la vie, la liberté ont une nouvelle fois été frappées, ensanglantées à Paris. Le terrorisme aveugle a tué des anonymes dont nous découvrons progressivement les noms inscrits sur la liste interminable des vies volées lors de cette sinistre soirée de vendredi.

Sans faire de distinction d’origine ou de religion, les criminels ont frappé aveuglément. Ils ont frappé dans des lieux de vie, où l’on fête la vie : un stade de football, des restaurants, une salle de concert. À travers le visage des victimes, c’est le visage de la France et de l’humanité dans toute sa richesse, sa jeunesse et sa diversité qui a été visé par ces actes de barbarie. C’est la République, ses valeurs, son histoire, ses lumières qui viennent une fois encore d’être frappées au cœur.

Mais la République est debout. Elle est debout et elle le restera. Elle est debout car elle est forte de ses valeurs de solidarité et de fraternité.

Nos infirmières et nos médecins, nos forces de l’ordre, nos concitoyens ont su se mobiliser et incarner ces valeurs par leur dévouement et leur implication de tous les instants depuis les attaques terroristes. Ces gestes de solidarité ont pris des formes multiples, y compris celle des réseaux sociaux. Les Parisiens ont ouvert leurs portes aux personnes qui cherchaient un abri pour fuir le chaos, et aujourd’hui ils donnent leur sang.

Quel formidable élan de solidarité de la part de citoyens anonymes, associé au courage, au dévouement du service public de la police, de la gendarmerie, des pompiers, du SAMU et des soignants ! Cet élan de solidarité prouve que notre pays est grand, que notre pays est beau quand les citoyens s’unissent, quelles que soient leur situation sociale, leur couleur de peau, leur origine, leur religion, pour résister à la barbarie et à la violence aveugle.

C’est à cet élan de résistance et de générosité qu’il faut donner force et durée contre le poison de la division que des voix irresponsables ont malheureusement répandu dès les premiers instants. La division de notre communauté nationale est l’objectif recherché, et même théorisé, par les terroristes qui agissent au nom de Daech. Tous ceux, je dis bien tous ceux qui alimentent cette division, sont de fait des relais de Daech.

C’est pourquoi il nous faut refuser tout amalgame, tout discours islamophobe qui tenterait de récupérer ce drame national. Ce serait à la fois profondément injuste et dangereux. Les musulmans ne forment qu’une communauté : celle qu’ils forment avec nous, la communauté nationale ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Eux aussi sont assassinés par les terroristes. Eux aussi font vivre notre pays, sa police, son armée, ses écoles, ses hôpitaux comme ses usines. Eux aussi aspirent à la paix. En les stigmatisant, c’est la communauté française tout entière qui est fragilisée. Ce serait la première, je dis bien la première, des victoires des terroristes.

Notre pays a besoin plus que jamais d’un État fort. Il a aussi besoin de refonder son avenir sur des choix politiques transformateurs et partagés, affrontant courageusement toutes les dominations, toutes les discriminations, toutes les inégalités pour offrir un rempart solide face aux divisions.

Face à la terreur, le pire peut se produire. Le pire, certes, mais aussi le meilleur, nous l’avons vu au cours de ces trois derniers jours. Ensemble, luttons jusqu’au bout pour que le meilleur l’emporte face à l’épreuve qui frappe notre peuple, ou plutôt les peuples du monde, afin qu’ils ne sombrent pas dans les pires turpitudes comme le souhaite l’ennemi que nous devons affronter et combattre sans pitié. Je parle bien des peuples du monde, parce que les terribles images de ce vendredi soir sanglant dans notre capitale et la frayeur qui s’est abattue sur notre pays nous ont donné un aperçu de ce que vivent tant de peuples et les milliers de réfugiés qui fuient les théâtres de guerre, notamment en Syrie et en Irak, où prospère Daech.

Daech, cette créature monstrueuse qui a frappé en moins d’un mois Ankara, Beyrouth et Paris, n’est pas un phénomène spontané. Daech a une histoire, dont les racines sont ancrées dans la situation de chaos provoquée par les interventions de 2003. Depuis la guerre en Afghanistan, les foyers du terrorisme international se sont multipliés. Al-Qaïda, création américaine, selon les propres mots d’Hillary Clinton, est aujourd’hui supplanté par Daech, que la politique occidentale menée dans la région a en grande partie enfanté.

Aujourd’hui nous prenons acte et nous soutenons la volonté présidentielle d’une grande coalition internationale unique et sous l’égide de l’ONU. Dans le même temps, il conviendra de nous interroger, avec le Parlement dans son ensemble, sur les effets de notre politique internationale et diplomatique dans la guerre contre Daech.

Nous devrons mesurer les conséquences des guerres globales contre le terrorisme sur le recrutement des terroristes, autrement dit sur le terreau qui alimente cette armée. Nous devrons aussi réfléchir sur les moyens, au delà des bombes, de terrasser notre ennemi en asséchant ses colossales mannes financières. Nous devrons enfin nous interroger sur les compromis passés avec les puissances fondamentalistes de la région au prétexte qu’elles sont libérales économiquement et que nous commerçons avec elles.

Je le dis avec gravité : nous ne serons pas en mesure d’offrir la sécurité légitime à laquelle aspire notre peuple sans résoudre toutes ces questions.

L’état d’urgence a été déclaré sur notre territoire national et devrait être prolongé pour plusieurs mois. Le Parlement devra donner son autorisation dans les jours qui viennent et modifier la loi de 1955. Nous examinerons ce projet de loi avec une double volonté : celle, que nous avons chevillée au corps, d’offrir la meilleure des sécurités à nos concitoyens, et celle de ne pas mettre en péril les libertés auxquelles ils sont et auxquelles nous sommes tant attachés.

Protéger les Français et notre République, c’est aussi protéger nos libertés fondamentales. Cette approche doit être au cœur de nos décisions. Elle sera aussi la nôtre lorsque nous débattrons de la révision de la Constitution qui nous est annoncée.

Dans le cadre de l’État de droit, nous apporterons notre soutien à toutes les mesures que le Gouvernement prendra pour vaincre les criminels qui sont à l’origine de ce cauchemar dont nous avons peine à sortir, pour déjouer tous les crimes que Daech souhaiterait perpétrer sur notre territoire ou dans d’autres pays afin de former son califat bâti sur les ruines de l’Irak et de la Syrie, mais aussi, pour reprendre les mots d’Albert Camus, pour « empêcher que le monde se défasse ».

Nous sommes aussi déterminés à ne pas laisser notre pays sombrer dans la peur et les divisions qui nous conduiraient aux pires erreurs que notre ennemi souhaite nous voir commettre.

Pour cela, ne laissons pas bâillonner la pensée. Car c’est dans le vide de la pensée que s’installe le mal. Nous oeuvrerons donc, encore et toujours, pour donner à notre État les moyens de sa propre force afin de défendre les valeurs républicaines, et les moyens de remplir ses missions régaliennes sans lesquelles nous sommes condamnés à l’échec. Comment vaincre sans une armée et une police fortes ? Comment résister sans un service public de secours et de santé performant ? Comment prévenir sans une école à la hauteur de sa lourde tâche d’éduquer et de former les citoyens de demain ? Ces questions nous semblent essentielles.

Le deuil national dure trois jours. Le deuil personnel de chacune des familles touchées durera infiniment plus longtemps. Chacun ici, je le crois, aura un long travail de deuil à faire et pleurera encore longtemps toutes ces victimes qui sont une perte immense pour notre pays. Je pense aussi à tous nos enfants qui doivent continuer à s’épanouir malgré un environnement violent.

C’est pourquoi nous, responsables politiques, représentants de la nation, devons faire face au défi terroriste avec responsabilité, avec courage, avec dignité, et je pourrais ajouter avec humilité.

Nos concitoyens comptent sur nous pour être à la hauteur, dans l’unité et la cohésion nationale, pour leur offrir un monde meilleur, un monde plus juste. Alors seulement nous pourrons dire avec le poète : « Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange / Un jour de palme un jour de feuillages au front / Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront / Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste du Sénat.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les parlementaires, aucun discours, aucun mot ne parviendront, dans un premier temps, à dire notre incommensurable émotion, notre infini chagrin pour toutes les victimes, leurs familles, leurs proches, leurs amis. Nous songeons aussi à ces blessés qui se battent pour leur survie. Nous songeons à toutes celles et tous ceux qui ont été traumatisés par ces heures effroyables. Qu’ils soient assurés de notre solidarité indéfectible.

Que soient remerciés toutes celles et tous ceux, soignants, aidants, médecins, personnels de secours, pompiers, policiers, militaires, qui se sont mobilisés pour apporter de prompts secours dans des conditions épouvantables, et tous les citoyens qui se sont mobilisés et ont fait preuve de solidarité.

Les pouvoirs publics ont été à la hauteur de la situation. Totalement. Trois jours de deuil sont proclamés face à l’innommable, face à ce que certains redoutaient mais que personne n’a pu prévoir ou déjouer.

Saluons aussi ceux qui ont permis une évacuation sécurisée du Stade de France, évitant ainsi d’ajouter des bousculades aux drames en cours. Il y a eu du sang froid et beaucoup de maîtrise face à ces six terribles tueries.

Deux décrets furent pris immédiatement pour mettre en place l’état d’urgence afin de faire face à une situation inédite. Beaucoup de nos concitoyens n’ont jamais vécu une telle violence sur notre territoire. Ils sont, à juste titre, inquiets de la situation. Le droit à la sécurité et à la sûreté dans un État de droit est un exercice préalable à celui de toutes les autres libertés auxquelles nous tenons tant.

Des événements d’une telle ampleur et d’une telle gravité appellent, selon nous, une unité nationale dans le deuil et le respect face aux défunts. De terribles semaines d’obsèques vont se succéder.

Dans un premier temps, il ne faut pas, nous semble-t-il, surjouer nos différences de sensibilité. Nos concitoyens ne le comprendraient pas. Ils attendent de nous de la responsabilité, de la dignité, une action concertée (Applaudissements sur quelques bancs) et le rappel de nos valeurs de démocratie, de débat et d’échange. Malheureusement, cette forme de guerre avec des méthodes innommables se mène à une échelle mondiale et fait suite à des décennies de géopolitique parfois incohérente et dont les conséquences ne sont pas toutes pour rien dans ces catastrophes.

Il faut donc une réponse au plan national, bien sûr, mais également au plan européen, avec le renforcement des moyens d’Europol et d’Eurojust et une coopération entre les polices européennes. Au plan international, nous devons agir sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, et nous nous réjouissons de ce qui a été dit en ce sens.

Que n’avons-nous parfois soutenu des pays assez peu démocratiques, vendu des armes à des pays qui en font maintenant l’usage que nous savons ? Il y a aussi des pétromonarchies au jeu ambigu, sur lequel nous devrons un jour mener une introspection critique. Quelles sont les suites de ce qui s’est passé en 2003 en Irak ? Quels sont les effets des actions menées en Libye en 2009 ?

Il y a aussi des conflits au Moyen-Orient, qui peuvent avoir un impact indéniable sur le ressenti de nos concitoyens. Ceux-ci peuvent ne pas comprendre cette perception à géométrie variable des droits humains.

Nous avons affaire à des procédés de super-terreur, qui mêlent visiblement des acteurs venus de loin et d’autres qui sont européens. Tout doit être fait pour mener une véritable politique européenne énergique d’aide et de prévention, sans laquelle il ne sera pas possible de trouver une solution pérenne. Dénoncer, en évitant les généralisations abusives et la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens, est une ligne ardue qu’il faudra tenir.

Ceux qui ont frappé vendredi veulent supprimer notre art de vivre, la culture, la musique, le sport, les cafés où chacune et chacun peut se rendre en toute liberté. Les solutions à cette grave crise ne peuvent passer au plan intérieur par des mesures durablement déraisonnables et liberticides. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

Il y a des juges compétents et opérationnels qui sont écartés au motif de logiques de rotation des postes. Mais, dans une telle situation, il convient de renforcer les moyens humains et matériels des enquêteurs, et peut-être de revenir sur des textes qui bloqueraient la bonne marche des enquêtes par la continuité du travail.

L’état d’urgence nous place déjà dans une situation qui permet des restrictions de circulation et des actions considérables, comme des perquisitions administratives jour et nuit pour faire avancer plus vite l’enquête. La récupération des armes est également possible. D’ailleurs, nous demandons un fichier obligatoire des armes détenues et de collection. Ce pourrait être un outil de travail.

Depuis cinq ans, nous avons discuté et voté un grand nombre de lois sur la sécurité et le renseignement. Tous les décrets n’ont d’ailleurs pas encore été pris. Pour autant, nous pensons que la solution réside dans les moyens – aux juges, aux policiers, aux gendarmes, aux militaires, aux services de renseignement, à ceux qui assurent notre sécurité – et pas nécessairement dans une nouvelle avalanche de textes qui, s’ils augmentent les fichages, ne permettent pas de faire face à des modes opératoires totalement nouveaux.

Il faut aussi, sans amalgame ni raccourci, être capable de ne tolérer en aucun cas sur notre territoire des imams ultra-radicaux qui propagent des discours de haine et des appels aux meurtres. (Applaudissements.) Il faut lutter contre les criminels qui viennent d’ailleurs, mais aussi examiner la question de ceux qui basculent ici via internet et partent vers de funestes expéditions.

Puisqu’il n’est pas possible en démocratie d’arrêter des personnes juste parce que leur nom figure dans un fichier, il est important de mettre en place des mesures appropriées, qui respectent les libertés individuelles. Deux rapports parlementaires ont proposé des pistes, même si toutes ne suscitent pas notre enthousiasme. Il faut un travail conjoint de toute la représentation nationale et de l’exécutif pour soutenir une résistance sans faille face à la barbarie.

C’est le Paris jeune, progressiste, multiculturel qui a été frappé, des gens jeunes et des gens venus d’ailleurs. Par ces attaques, les terroristes nous disent leur haine du vivre ensemble, du plaisir, du dialogue, de la jeunesse, de la culture, de l’éducation et de la musique. Raison de plus pour rester attentifs à ces lieux et à ces pratiques qui rassemblent, épanouissent, émancipent. Nous devons demeurer unis face au deuil, mais aussi tout mettre en œuvre pour que les commanditaires et leurs complices ne puissent agir à nouveau.

Plus que jamais, nous restons attachés à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous allons nous relever ensemble de cet effroyable massacre, ne pas renoncer à la COP21 – ma collègue Cécile Duflot l’a dit, c’est une partie de la solution –, être capables d’organiser des élections, d’aller voter, et se rappeler qu’au-delà de la réponse sécuritaire, la solution pour tout, ici et ailleurs, se trouve dans l’éducation. (Applaudissements sur quelques bancs.)

La barbarie de ces actes sanguinaires résonne avec l’effroi que nous voyons dans les yeux des Syriens qui cherchent refuge en Europe. Parce que la nation peut être attaquée, des mesures d’urgence ont été prévues par la Constitution et par nos lois. Leur force est leur caractère provisoire et exceptionnel. Leur efficacité est leur référence à nos principes. Combattre ceux qui veulent tuer nos libertés en rognant sur nos libertés, c’est leur donner raison.

Les considérations religieuses ou culturelles sont de fausses pistes, sur lesquelles veulent nous entraîner les fomenteurs de guerre civile : c’est l’intégrisme, et la barbarie qui lui est associée, que nous combattons ensemble. (Mêmes mouvements.)

Nous surmonterons cette cruelle épreuve. Nous resterons debout dans un combat long et difficile. L’enjeu est immense. Il tient en trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits de l’Assemblée nationale.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure, je fais la guerre ; politique étrangère, je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. » Georges Clemenceau, 1918.

Cette phrase devrait nous inspirer aujourd’hui où l’État islamique a attaqué la France au cœur de Paris. C’est le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes de cette barbarie, de cette lâcheté, de cette guerre totale que nous livre l’État islamique.

Le Président de la République a appelé aujourd’hui à l’unité nationale. Oui, nous avons besoin de cette unité, mais celle-ci n’a de sens que si elle s’incarne dans des actes forts, cohérents et durables, capables de nous permettre, comme nous le demandait Clemenceau, de gagner la guerre.

On ne gagne jamais une guerre à moitié. Nous approuvons tous, ici, je le crois, les annonces du Président de la République : les frappes aériennes, l’état d’urgence, le contrôle de nos frontières, l’expulsion des terroristes étrangers, la déchéance de nationalité pour les binationaux, et les moyens supplémentaires pour nos forces de sécurité. Je les approuve d’autant plus que je les ai réclamés inlassablement depuis les attentats de janvier et que tous les Français se demandent pourquoi certaines décisions n’ont pas été prises plus tôt.

Raison de plus pour ne plus perdre une minute. Mais, pour ne pas perdre une minute, il faut clarifier certaines positions de la France.

Sur le théâtre syrien, d’abord : quand la France mettra-t-elle fin à sa position diplomatique ambiguë vis-à-vis de la Syrie ? On ne peut pas combattre en même temps el-Assad et l’État islamique. (Applaudissements sur quelques bancs.) Quand la coalition aura-t-elle le courage de parler d’intervention au sol, car nous savons tous que les frappes ne suffiront pas ?

Sur le plan intérieur, ensuite : quand l’État arrêtera-t-il une position ferme vis-à-vis des djihadistes de retour sur notre sol, au nom de ce principe de précaution qui vaut pour l’environnement mais ne semble pas valoir encore assez pour des vies humaines ? Combien d’attentats faudra-t-il subir avant d’interner les terroristes français en un territoire lointain, comme au temps où la République savait se défendre ?

Oui, mes chers collègues, ce n’est pas d’aujourd’hui que la France est en état d’urgence, et ce dans tous les domaines.

Urgence dans le domaine migratoire. Il est peut-être temps d’endiguer les flux migratoires qui déstabilisent notre pays et nourrissent, on en a la preuve aujourd’hui, le terrorisme. J’étais fin août, pour m’en rendre compte, sur l’île de Leros, en Grèce. J’avais alerté en vain sur le fait que des djihadistes se cachaient parmi les migrants.
M. Nicolas Dhuicq. Très juste !
M. Patrick Bloche. Vous avez des preuves ?
M. Nicolas Dupont-Aignan. À quoi servent des contrôles aux frontières, en admettant que ceux-ci soient réellement mis en place, ce qui n’est pas le cas partout aujourd’hui,…
M. Bernard Roman. Nous sommes en France !
M. Nicolas Dupont-Aignan. …si la politique migratoire de notre pays ne change pas radicalement ? Or le Président de la République a été clair sur ce point. Il ne veut pas voir l’effondrement du système Schengen. Il se refuse toujours au retour, indispensable pour garantir la sécurité des Français, de nos frontières nationales.

Urgence, ensuite, face à la délinquance qui vit du trafic de drogue, gangrène nos cités et nourrit le terreau du fanatisme, comme le prouve le parcours des tueurs de chaque attentat, souvent interpellés, rarement condamnés, jamais emprisonnés. Ainsi va la justice, à la mode des lois Taubira et Dati. (Protestations sur de nombreux bancs. – Applaudissements sur quelques bancs.)
M. Bernard Roman. Un peu de dignité !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Je n’ai pas entendu le Président de la République demander leur abrogation.

Urgence face à l’islamisme radical. Il faut expulser les imams qui prêchent la haine et fermer les mosquées salafistes, comme a su le faire la Tunisie. Je n’ai pas entendu le Président de la République aborder cette question fondamentale.

À l’évidence, ces questions peuvent gêner, mais ce sont celles que se posent tous nos compatriotes aujourd’hui. Cette guerre sera longue et difficile, contre un ennemi multiforme et tentaculaire. Elle exige de notre part une réponse totale, comme celle qu’avait faite Clemenceau en 1918. Voilà pourquoi il est vital de mobiliser nos concitoyens et d’appeler à l’effort patriotique.

Le drapeau tricolore a été brandi comme un symbole de notre liberté dans le monde entier. Il est important de réapprendre à notre peuple de se défendre. C’est le sens de ma proposition de rétablissement du service militaire…
M. le président. Il faut conclure.
M. Nicolas Dupont-Aignan. …qui permettrait de ressouder notre jeunesse, et aussi de détecter les apprentis fanatiques. La question est simple : sommes-nous capables de passer des effets d’annonce aux actes ? Notre survie est à ce prix.

La France est en deuil. J’adjure solennellement le Gouvernement de faire en sorte que ce terrible deuil soit le dernier. (Applaudissements sur quelques bancs.)
4

Clôture de la session du Congrès

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le président du Sénat, mes chers collègues, avant de lever la séance, permettez-moi de remercier en votre nom tous ceux qui ont permis la tenue de ce Congrès dans des délais exceptionnellement resserrés : les personnels des deux assemblées, ceux de l’établissement public de Versailles et l’ensemble des services de sécurité, police, gendarmerie et pompiers, ainsi que les services d’urgence. (Applaudissements.)

La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly