jeudi 31 janvier 2013

manières pour une dictature de se perpétuer ou d'avoir la peau d'un ancien géant

témoignage vécu
du rapporteur obligé d’un projet de révision constitutionnelle, au Tchad
d’ici le 6 Février prochain


----- Original Message -----
From:
Sent: Sunday, January 20, 2013 6:55 PM
Subject: Tr : au sujet de la benne


Cher Bertrand,

Voici un courriel que je viens de recevoir d'un "cousin" à la tchadienne. Il est magistrat de formation et a actuellement un mandat de député à l'Assemblée nationale avec quelques responsabilités en interne. Ce qu'il décrit est tout simplement grave pour l'avenir de la démocratie et des libertés fondamentales au Tchad; le général président est sur le point de franchir un cap dangereux pour le peuple tchadien. C'est un cri d'alarme.

Bonne soirée dominicale.

Je vous embrasse,


----- Mail transféré -----
De :
À :
Envoyé le : Dimanche 20 janvier 2013 18h29
Objet : Re: au sujet de la benne

Merci de m'avoir répondu !

En tant que rapporteur de la Commission politique générale, je dois rédiger le rapport sur la loi constitutionnelle portant révision de la Constitution. Cette révision porte sur les articles 71, 150, 152, 153, 154 et 155 de la Constitution. La révision de l'article 71 autorise maintenant le Président de la République d'être président du parti politique, d'être membre d'Associations académiques ou à caractère scientifique ou culturel. L'inamovibilité des magistrats du siège et de la Cour Suprême est supprimée (Articles 150 et 154 de la Constitution tchadienne). Mais je suis totalement en désaccord avec cette loi qui est anticonstitutionnelle car elle viole l'article 223 alinéa 3 de la Constitution. Comment amener les députés MPS majoritaires à voter contre cette révision ? Cette question me brûle les lèvres. Monsieur MOUSSA KADAM, Président du Groupe parlementaire MPS, fait pression sur ses députés majoritaires dans notre commission à m'obliger à conclure à l'adoption lors de nos votes en commission. Le Président de mon groupe parlement RNDT LE REVEIL, Monsieur PAHIMI PADACKE Albert nous a nous a surpris en donnant des instructions à voter oui ! Que faire ? Si je ne suis pas ses instructions, il risque d'écrire au Président de l'Assemblée pour me demettreson mandat comme le Code électoral le prevoit. En tant que Attaché d'administration des greffes, je me plains pour mes collègues de la justice qui s'opposent à cette révision ; laquelle supprime leur inamovibilité. Ils seront désormais soumis à des pressions de l'Exécutif. S'ils ne se soumettront pas, ils vont encourir des sanctions. S'ils exécutent à la lettre leur volonté, ils bénéficieront des promotions ou ils restent à vie dans leur poste. Comme c'est le cas des deux magistrats à SARH et à MOUNDOU dans le Sud du Tchad.

Voilà la vie politique de ton pays !


----- Original Message -----
From: F.
Sent: Saturday, January 26, 2013 9:03 PM
Subject: Informations

Bonjour Mr Bertrand !

Je suis député, cousin de …. Comme convenu, je vous envoie ci-joint mon CV.

Les députés vivent dans une situation très tourmente depuis la convocation de la session extraordinaire dont l'un des points mentionnés dans le Décret porte sur la proposition de loi portant révision de la Constitution.

En se basant sur l'article 222 alinéa 1 de la Constitution, le Groupe parlementaire MPS a envoyé une proposition de loi à l'Assemblée Nationale. Le Groupe parlementaire MPS a proposé les modifications des articles 71, 150, 152, 153, 154 et 155 de la Constitution.

L'article 71 dispose que "les fonctions du Président de la République sont incompatibles avec l'exercice de tout autre mandat électif, de tout emploi public et de toute autre activité professionnelle et lucrative. Elles sont également incompatibles avec toute activité au sein d'un parti politique ou groupement de partis politiques ou d'une organisation syndicale." La modification apportée porte sur l'alinéa 2 :"Toutefois, le Président de la République a la faculté de participer aux activités d'un parti politique ou groupement de partis politiques, ou d'être membre d'associations à caractère académique, scientifique ou culturel." En lui accordant ainsi la possibilité d'être président d'un parti, le Tchad sera un Etat parti où toutes les hautes fonctions seront occupées par les militants du MPS. Il sera le Président des militants du MPS. Le pluralisme politique est ainsi menacé. Même maintenant les militants du MPS obligent leurs collaborateurs à adhérer au MPS par des intimidations, des promesses de promotion et l'amélioration de leurs conditions de travail ou de vie. Rares sont les fonctionnaires de l'Etat et les travailleurs du privé qui résistent. Tous les services, toutes les institutions de l'Etat sont politisés. Sans même cette modification de l'article 71, nous vivons cette amère situation.

L'article 150 de la Constitution dispose que "les magistrats du siège ne sont soumis dans l'exercice de leurs fonctions qu'à l'autorité de la loi. Ils sont inamovibles."
La modification apportée supprime l'inamovibilité des magistrats du siège : ""les magistrats du siège ne sont soumis dans l'exercice de leurs fonctions qu'à l'autorité de la loi. Ils sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions du juge."

L'article 154 a été totalement abrogé. La nouvelle proposition supprime l'inamovibilité des membres de la Cour Suprême. Ils ne demeurent plus en fonction jusqu'à l'admission à la retraite mais ils ont un mandat de sept ans renouvelable.

Quoiqu'on dise, cette révision viole l'article 223 de la Constitution. Le pouvoir judiciaire est pris en otage. Deux magistrats sont radiés de la fonction publique : l'un pour avoir dit la vérité sur les entennes de RFI et l'autre pour avoir pris service avec retard d'un mois alors qu'il était à un an de sa retraite. Les magistrats sont coffrés et ne jugent pas selon la loi et l'intime conviction mais selon les instructions du Ministre de la Justice. Le Procureur de la République près le Tribunal de Première de SARH se voit intouchable malgré qu'il spolie, arnaque les justiciables car il a mis en prison GALI NGATA NGOTE contre qui il a requis cinq ans de prison comme le Ministre de la justice le lui a dit.

Nous avons cru que le pétrole de DOBA, la raffinérie de DJARMAYA et la cimentérie de BAORE allaient réduire la pauvreté. Mais plus de 80% de la population vit toujours dans une précarité absolue sans l'eau potable, sans électricité, sans médicaments dans les centres de santé. Ce sont les membres de la famille du Président de la République qui gèrent ces industries comme des entreprises familiales. La commercialisation du gaz et du pétrole, la gestion des services des mines (carte grise), des services d'identification (Carte Nationale d'Identité, passeports), les recettes douanières sont confisquées par le clan ITNO. Certains habitants des quartiers de NDJAMENA et des provinces sont déguerpis de leurs concessions sans être indemnisés et des stations de carburant du clan y sont construites. S'ils avaient occupé les terrains de l'Etat ou du moins l'Etat a pensé récupérer ces terrains pour cause d'utilité publique en les indemnisant, ce serait admissible.

Les immeubles du clan sont loués à des institutions, ministères et services de l'Etat à des prix exorbitants et payés en une seule tranche pour une durée de cinq à dix ans. Dans le clan, les adolescents fêtent avec arrogance leurs milliards et se promènent avec au moins quarante millions dans leurs voitures V.8.

En provinces, les paysans et citadins sont harcelés, arnaqués et spoliés par les autorités administratives, militaires et la police politique (ANS).

Je m'excuse d'être long mais cela vaut la peine. Merci de m'avoir lu !

Très cordialement !


----- Original Message -----
To: F.

Sent: Sunday, January 27, 2013 10:12 PM
Subject: votre message d'hier

Cher cousin, quand devez-vous rendre votre rapport ? quel est le calendrier du débat à l'Assemblée nationale ? Si vous faites un rapport négatif, sera-t-il suivi ? serez-vous sanctionné et remplacé par quelqu'un d'autre de plus docile ? ou même invalidé ?

Pourriez-vous m'adresser le texte actuel de la Constitution ? la composition de l'Assemblée ?  ce MPS (le parti gouvernemental ou présidentiel ?) est-il majoritaire ? en faites-vous partie ? et avez-vous donc des troubles de conscience pour accomplir le travail de rapporteur ? ou bien êtes-vous un élu de l'opposition mais à celle-ci on laisse le soin de faire ce rapport et peut-être de se suicider ainsi ? 

Y a-t-il eu une période "heureuse" et libérale dans l'histoire politique de votre cher pays ? y a-t-il des leaders pour l'opposition, et qui soient charismatiques ? Est-on encore en période heureuse ?

Portrait de Deby ? est-ce lui qui a eu l'idée de ces réformes ? A-t-il l'appui de la France et est-ce pour cela qu'il soutient l'offensive française au Mali ? a-t-il une popularité personnelle ? quel âge a-t-il ? fait-il semblant d'être civil ? a-t-il l'armée en main, et comment ?

Très chaleureusement avec vous.


----- Original Message -----
Sent: Monday, January 28, 2013 3:44 PM
Subject: projet de révision constitutionnelle

Cher collègue,

un de mes neveux par alliance me met en relation avec un cousin proche qui est député au Parlement tchadien. Lequel est avec beaucoup de députés dans le trouble de conscience, et aussi dans la gêne politique, à propos d'une révision de la Constitution donnant - à ce que je comprends - au président régnant des pouvoirs et des possiblités qu'il n'avait pas jusqu'à présent. Pas seulement par le cumul d'une direction d'un parti dominant, assimilable à l'Etat-même, mais par bien d'autres retouches constitutionnelles.

Pouvez-vous me rassurer ou au contraire m'indiquer que vous suivez la situation qui ne serait donc pas anodine, et dont l'évolution ne serait pas forcément de bon accompagnement de l'effort franco-tchadien au Mali ?

Je n'ai aucune idée du Tchad, sauf par ce que m'en disent mon neveu et les siens, quand ceux-ci viennent en France,  par ma propre soeur qui s'y est rendu avec son mari il y a deux ans, pour les vacances de Noël.

Mon "expérience" africaine est géographiquement limitée à la Mauritanie que je pratique depuis 1965.

Merci de ce que vous pourrez m'indiquer et éventuellement de la communication de tout papier d'ambiance que vous jugeriez communicable et "ouvert".

Très cordiale reconnaissance par avance.

----- Original Message -----
From: F.
Sent: Tuesday, January 29, 2013 1:35 AM
Subject: Re: votre message d'hier

Bonsoir Mr Bertrand !
Je m'excuse de vous répondre avec retard à votre mail d'hier ! Mieux vaut tard que jamais !
Je préfère répondre directement à vos questions sans les reprendre !

Je présenterai le rapport le 06 Février 2013 suivi des débats. Si je fais un rapport négatif, la Commission, dominée par les députés MPS, le rejetera. Même sans avoir fini à la Commission, je suis très sûr que l'on informera au Président PAHIMI PADACKE Albert qui me sommera. Si je m'obstine (comme il fait le jeu avec le MPS pour sauver ses acquis), il sera amené à écrire pour me démettre de son parti. A ce stade, l'Assemblée Nationale et le Conseil constitutionnel me démettront de mon mandat à l'Assemblée (Loi 25 article 6). Or, le parti ne m'a envoyé que 400.000F CFA pour battre la campagne. La direction départementale de campagne a rétenu 300.000F CFA et ne m'a remis que 100.000F CFA. C'est dire que c'est grâce à mes propres moyens financiers que j'ai gagné malgré la lourde machine de fraude mise en place par l'actuel Président de l'Assemblée Nationale, Mr HAROUN KABADI et le Ministre des infrastructures, Mr NGATA NGOULOU. Avant d'arriver à la démission forcée, les commissions renouveleront le 07 Février 2013 leurs bureaux (Article 12 alinéa 4 du Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale). Ce sera l'ultime occasion de me remplacer par un député docile. Lorsque nous avons tenu la réunion au bureau de notre Groupe, le Président PAHIMI PADACKE Albert, en répondant à ma question, a déclaré que les risques de ne pas voter pour, c'est que nous perdrons nos places dans les Commissions. Voilà qu'il a eu deux ministères au gouvernement formé avant hier. Il a placé ses deux cousins du même village GOUIN.

Je vous envoie ci-joint la Constitution et la proposition de loi portant révision de la Constitution.

Selon l'article 1er de la loi organique n°18/PR/2010 portant composition des membres de l'Assemblée Nationale, les députés sont 188. Il y a deux députés MPS qui sont décédés en Mars et Juin 2011. Selon la loi n°003/PR/2008 portant Code électoral, les élections partielles doivent être organisées dans les 45 jours. Mais rien n'est fait jusque-là.

Le MPS est un parti présidentiel. Il est majoritaire à l'Assemblée avec 119 députés. Nous ne sommes pas du Groupe parlementaire MPS. Je suis député de RNDT LE REVEIL (Rassemblement National des Démocrates Tchadiens). Nous avons notre Groupe parlementaire dénommé "Les démocrates". Mais dans l'Accord du 13 Août 2007, le Président PAHIMI PADACKE Albert a émargé dans la rubbrique "majorité présidentielle".

Avec ce pouvoir du MPS, les troubles de conscience sont énormes. Je travaille toujours sous pression. Il faut le faire vite. J'ai écrit le rapport de l'ordonnance 007 portant statut des magistrats. J'ai conclu au rejet. J'ai demandé aux plantons de le multiplier et de déposer une copie dans la boîte de chaque député. Le Président de l'Assemblée m'a convoqué dans son bureau à 16h et m'a obligé à conlure à l'adoption. J'ai juste le temps de changer la conclusion.

Toute la demarche, toute l'analyse faites dans le rapport ont pour but de rejeter l'ordonnance.

Ce n'était pas facile. Le président a dû suspendre la plénière. Les députés MPS sont contraints de voter le rapport même s'ils m'ont traité d'irresponsable dans mon rapport.
Comme les députés MPS sont décretés, ils sont contents de nous salir et donc de nous amener à perdre la confiance de nos électeurs.

Aucune période libérale et heureuse dans l'histoire de mon pays. Il n'y a aucune alternance politique. Tous les présidents ont pris le pouvoir par les armes. Ils n'ont jamais perdu les élections. Ils sont toujours chassés par les armes. Il n'y a pas des leaders charismatiques. Sinon leur charisme allait toutefois permettre une alternance.
IDRISS DEBY ITNO est né en 1952 à BERDOBA (Sud-Est de FADA). Le 01 Décembre 1990, avec l'appui de la France, il a chassé du pouvoir son ancien compagnon d'armes, HISSEINE HABRE et le remplace avec le titre de président du Conseil d'Etat. Il est désigné président de la République du Tchad le 28/02/1991 après l'adoption de la Charte Nationale. Il est musulman, fils d'un berger de l'ethnie ZAGHAWA. Il est élu président pour un premier mandat en 1996 puis pour un second mandat en 2001. Le 15 Juillet 2005, les députés MPS ont adopté une modification constitutionnelle qui lève la limitation des mandats présidentiels auparavant fixée à deux. Le 25 Avril 2011, il est élu pour un quatrième mandat dès le premier tour comme en 2006. Il est très rancunier, très têtu, très manipulateur, très stratège. Il est prêt à tuer quand l'on ménace son pouvoir.

Il a eu l'idée de ces réformes. Mais comme il ne veut pas être coincé s'il y a des réactions hostiles, il a préféré que ce soient les députés MPS qui en font la proposition. Ses députés s'acharnent pour faire passer vite  ces réformes. Pour le MPS, il faut le faire pendant que les esprits sont tournés vers les crises du Mali, de la Centrafrique et du RDC. DEBY leur distribuera des sommes d'argent. Ses forces sont l'arme et l'argent.

DEBY a senti que la France l'a lâché à cause de son combat aux côtés de KADHAFI et de l'affaire IBNI, disparu le 02/02/2008. Il a boycotté le sommeil Françafrique tenu à la République Démocratique du Congo en Octobre 2012. Sachant profiter de toute situation, il a saisi l'occasion et a envoyé un effectif plus nombreux après la France. Pourtant, il a tenté de monnayer son intervention au Mali lorsqu'il était sollicité en 2012. Pourquoi le fait-il maintenant ? Il poursuit donc un objectif diplomatique.

DEBY n'a aucune popularité personnelle. Il est âgé de 61 ans. Il demeure toujours militaire. Il est minitre de la Défense. Il tient l'armée. Toute l'armée est dominée par son ethnie ZAGHAWA qui occupe les services stratégiques, les services de commandements, les services des matériels et financiers. Leurs mains sont sur la gachette, prêts à tuer, à tirer.

Je crois avoir répondu à toutes vos questions ! Merci de m'avoir lu et compris !
Que Dieu vous bénisse pour vos combats salutaires !


----- Original Message -----
To: F.
Sent: Tuesday, January 29, 2013 6:38 AM
Subject: Re: votre message d'hier

Vos deux messages de cette nuit - réponses à mes questions et textes - sont parfaits. Je regarde cela de près et d'ici la fin de cet après-midi vous propose le texte de mon message-alerte. Vous me direz vos critiques, ajouts et ratures

Je ne sais - à vous lire déjà rapidement - si j'ai déjà entendu ou lu un récit aussi précis de la manière dont les comportements, sinon les âmes sont achetées, apparemment sans vénalité ni violence, pour établir ou maintenir une dictature. Tellement frappé et écoeuré que je suis encore davantage mobilisé pour vous et pour vos compatriotes d'espérance et de mérite.

Comment se développe le sigle MPS ? Vous n'avez donc aucune référence heureuse dans le passé ? aucun martyr en prison ? ou assassiné clairement par un pouvoir en place ? aucune personnalité aujourd'hui qui paraisse sinon pouvoir gagner un jour, du moins incarner un espoir ?

Avec vous

----- Original Message -----
From: F.
Sent: Tuesday, January 29, 2013 2:46 PM
Subject: Re: votre message d'hier

Bonjour Mr Bertrand !

Je suis très touché par votre compassion pour notre vie d'esclaves et par votre engagement à nous délivrer de cette oppression, de ce joug. Cette dictature sera éternelle et la plus pire que le Tchad n'ait jamais connue si la France ne décidera pas un jour d'y mettre fin. Je vous envoie ci-joint son portrait.

Le MPS signifie Mouvement Patriotique du Salut.

Aucune référence heureuse. J'ai perdu des proches dans les prisons de la DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité) de HISSEINE HABRE sous le commandement de IDRISS DEBY, alors COM-CHEF de la Forces Armées du Nord (FAN). La politique de HISSEINE HABRE était d'exterminer les Sudistes cadres. Lorsque IDRISS DEBY perdait le combat face au mouvement rebelle (dénommé CODO) formé par des révoltés Sudistes, il se vengeait en égorgeant les prisonniers. Ainsi, mes oncles et cousins qui devraient quitter vers 4h pour être ponctuels à la Société Tchadienne des Textiles, ont été arrêtés, emprisonnés puis égorgés après avoir subi des tortures et des humiliations.

Aucune personnalité ne peut gagner aujourd'hui ou du moins incarner un espoir. Si DEBY a senti que un chef de parti incarne l'espoir, soit DEBY le tue (par empoisonnement, par l'accident), soit il l'appelle au gouvernement pour l'humilier. Tous les tchadiens sont pris en ténaille. Aucun tchadien ne peut oser prendre les armes. Tous les leviers de l'armée sont vérouillés. Même les manifestations pacifiques des sociétés civiles, des syndicats et des étudiants sont dispersées par la garde présidentielle  et des policiers qui ont tiré à balles réelles et utilisé de l'eau chaude. L'armée de DEBY ne tardera pas à tuer les compatriotes comme des mouches. Mr PAHIMI PADACKE Albert, qui a accompagné IDRISS DEBY ITNO aux élections présidentielles de 2011 et a reçu 300.000.000F CFA, nous a déclaré que s'il constatait que ses voix dépassaient celles de IDRISS DEBY ITNO, il s'exilerait. Les chefs de partis politiques sont manipulés par IDRISS DEBY ITNO qui les térorise ou achète leur conscience.

Tous les présidents des partis politiques savent que s'ils jouent vraiment leur rôle d'opposants, DEBY vérouille tout si bien qu'ils ne pourront plus gérer leur parti. Ils sont obligés de se soumettre pour être ministres. SALIBOU GARBA, qui a longtemps travaillé avec DEBY en tant que ministre, m'a fait savoir que DEBY a l'habitude de les insulter, de jeter son cendrier sur la tête d'un ministre ou chef de parti quand il s'énerve. Quand le Président HOLLANDE a gagné les élections, il a jeté son cendrier sur l'écran du téléviseur. DEBY a blessé deux de ses anciens Premiers Ministres, l'un à l'oeil et l'autre au nez à l'aide des cendriers. Il ne veut pas que les autres lui fasse des propositions contraires aux siennes.

Bref, toutes les voies pour aboutir à l'alternance sont impossibles...

Par mesure de prudence, de peur d'être trahi, je ne peux pas alerter l'Agence Française de Presse qui aurait peut-être un lien plus fort avec le pouvoir de DEBY. Je ne connais personne à l'AFP.

Merci de me comprendre ! Bonne journée !


----- Original Message -----
From: F.
Sent: Wednesday, January 30, 2013 12:03 AM
Subject: Re: confection du message d'alerte

Bonsoir mon cher frère !

Juste après mon mail ce matin, le Président du Groupe parlementaire, Mr MOUSSA KADAM (député de MONGO, formé sous le nom de Victor KADAM au Collège Saint Charles LWANGA comme moi, un collège catholique dirigé par les prêtres jésuites) m'a apostrophé pour me dire d'achever rapidement le rapport. A m'entendre répondre que nous avons programmé auditionner le Syndicat des Magistrats du Tchad, le Président de la Cour Suprême et les avocats ou juristes, MOUSSA KADAM a objecté et a conclu que son Groupe votera article par article et qu'il ira en parler au Président de l'Assemblée pour nous contraindre à annuler ces auditions. Selon lui, si nous auditionnons ces personnalités, nous serons amenés à conclure au rejet.

Je préfère que vous gardiez l'intégralité de ces informations mais sous l'anonymat. Je ne suis pas encore parvenu à gagner totalement leur confiance.

Bonne compréhension !

mercredi 30 janvier 2013

il y a quatre vingt-ans : Adolf Hitler, chancelier du Reich - nous sommes tous responsables

Hitler et le nazisme : quatre-vingt ans …
tous responsables d’hier à maintenant



Le XXème siècle a été franco-allemand. Des grands assemblages territoriaux et familiaux et des grandes discussions sur la souveraineté des souverains dont le XIXème siècle périmait tout mais en suscitant le drame bellègène des nations et des personnalités collective refusées, acceptées, niées, contraintes, libertaires, ont été pêle-mêle conclus par des guerres et des organisations internationales subséquentes. Les douleurs et les morts ont enfanté le monde du XXIème siècle que nous ne comprenons pas encore, que nous subissons au rebours de discours peu inspirés et irréalistes, les grands personnages – ceux dont on reconnaît vite ou plus tard qu’ils font l’Histoire – se font attendre, manifestement : le « people » et les égéries diverses n’en tiendront jamais lieu. La rencontre entre un pays et une personnalité, produisant ensuite des liaisons entre circonstances et partenaires, se fait actuellement dans l’anonymat de relations non voulues mais puissantes : notamment celles entre quelques Etats, la Chine et les Etats-Unis surtout, celles entre des idéologies de répulsion apparente mais d’attraction mutuelle, intégrismes simplistes d’identités dites ici islamistes, et là occidentales. Des aveugles et des forces se croisent sur une planète dont on sait qu’elle est limitée et vulnérable. Les Etats sont en question : la spéculation financière, la mondialisation, les marchés et les entreprises qui comptent, les nient évidemment. Les peuples ne se révoltent plus que selon des individualités héroïques : la Birmanie, le Tibet produisent ce genre de saints, l’Europe s’éteint sans soubresaut social, l’Amérique évite depuis cinquante ans toute interrogation sur ce qu’elle est devenue, l’Afrique n’a pas su placer ses élites au pouvoir, les pays émergents s’ignorent dans leur population mais défient en statistiques économiques les vieilles gens.

Qu’avons-nous aujourd’hui de commun avec Adolf Hitler ? l’instrument étatique, l’orgasme collectif en réunion politique et en plein air, la revendication d’espace et de justice ne sont plus ou presque. En tout cas, les relations internationales, les obsessions nationales ne sont plus dominées ainsi. Les dirigeants au mieux symbolisent les acceptations ou les refus. Le 30 Janvier 1933 est probablement l’avant-dernière date purement politique qui marque un rapport créatif – pour le pire ou le meilleur – entre une personnalité individuelle et une personnalité collective. La dernière – selon moi – étant le 18 Juin 1940. Ensuite, les dates seront celles d’alliances : la déclaration Schuman, la conversation Kennedy-Khroutchev, la rencontre De Clerck-Mandela, ou de catastrophes : Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima, ou de victoires pour l’humanité entière : le premier pas sur la Lune, le premier robot sur Mars, et ainsi de suite. C’est plus que notre histoire. C’est sans doute la suite de la création (le mot, avec ce qu’il a divin chez l’artiste ou chez l’Innommé, a la majuscule ou pas, selon notre foi ou notre refus).

Mais Hitler et le nazisme sont – sans qu’il y ait à choisir – notre responsabilité. Factuellement, tout a été reconnu et expliqué d’une obsession franco-allemande mutuelle depuis la fin des années 1860 du double fait des naïvetés de Napoléon III et de l’habileté de Bismarck. Deux nationalités se heurtèrent dont les expressions n’avaient pendant un millénaire jamais été vraiment belligènes : seules les bandes dessinées ad hoc à partir du désastre de 1870 ont produit une rétrospective désastreuse en France, mais très motivante, tandis que l’Allemagne, et d’abord le « chancelier de fer », craignait que le succès soit éphémère et d’avoir à subir, avec peut-être moins de chance, la « revanche » française. Ceux qui comme Caillaux s’opposèrent à cette obsession et voulurent la conciliation, furent mis au ban, autant que Jaurès impuissant contre la pulsion coloniale française des années 1890-1910. Le traité de Versailles était mauvais, la Société des Nations sans les Etats-Unis qui avaient décidé de la paix ne valait rien qu’une leçon pour l’avenir. La crise de 1929 n’était ni française ni allemande. Les deux pays côte à côte n’avaient plus rien de commun, les rapports de force et les frustrations donnèrent leur fruit détestable. Chaque pays a ses démons mais les circonstances les rendent disponibles – ils l’étaient à la fin des années 20 et dans les années 30 en Allemagne – ou ridicules – ils le sont dans l’Europe de maintenant, France en tête, avec ses mouvements dits d’extrême-droite, quelques divers qu’ils soient selon les pays. Hitler pouvait être empêché par d’autres contextes : Briand et Streseman le comprenaient, Kellog, l’Américain aussi. Il pouvait être réduit par la force dans les deux-trois années de son arrivée au pouvoir : la Reichswehr et von Seekt, plus qu’Hindebourg, une solution politique…, l’intervention française contre la remilitarisation de la Rhénanie… étaient possibles. La chaîne des culpabilités par présomption ou par peur est certaine, établie.

Mais le tréfonds d’un système politique et mental est encore à reconnaître. Il ne fut qu’accidentellement allemand, et l’exceptionnalité de Hitler vient d’adhésions innombrables mais intimes qui n’ont pas encore été toutes repenties, consciemment et explicitement. L’Allemagne est unique en son histoire non par son paroxysme hitlérien mais, à la suite de sa défaite, par sa psychothérapie institutionnelle, d’autant plus méritoire que le manichéisme provoqué par sa division et par le stalinisme, lui donnait a priori prétexte pour l’éluder.   

La parabole nazie est oubliée. Car en tenons-nous compte pour nous, pour aujourd'hui ?

Cela s’est organisé – de façon voulue ? – depuis la fin des années 1960. La France en est un exemple. L’histoire des années 1930 et 1940, celle de l’Occupation, a été centrée sur la shoah avec une déviance, consacrée par Jacques Chirac en 1995 et validée l’été dernier par François Hollande : la France n’était donc pas à Londres mais à Vichy. Israël fascina en 1950 et encore au début des années 1960 – Pietro Nenni et Pierre Mendès France y contribuèrent – parce que le nouvel Etat, « mettant en valeur » le désert, était un modèle de socialisme et de colonisation alors que le stalinisme et la guerre d’Algérie en semblaient les négations. Ben Gourion ne fondait pas le nouvel Etat sur le sionisme ou sur la shoah mais sur la mémoire scripturaire et un droit de propriété, ce qui plaçait la question de Palestine sur le terrain d’aujourd’hui, dépasser les prétextes spirituels et ethniques de la Thora et du Coran, combiner les droits acquis de quelque date qu’ils soient. En France, naquit ainsi le communautarisme – aux méfaits pour la collectivité natiuonale bien plus importants mentalement que le « phénomène » des banlieues – auquel se refusent avec mérite les Français musulmans ou originaires de notre Outre-Mer. Le maniement de l’Histoire – l’obsession de la « revanche », les mythes germaniques autant que celui de la « perfide Albion » entre Jeanne d’Arc et Sainte-Hélène, ont été, par anticipation, du même tonneau que les invocations de Nuremberg – n’est possible que si les dirigeants politiques du moment savent discerner et exposer la réalité. Il est frappant que le général de Gaulle ait consacré une part décisive de ses discours, pendant la guerre, et surtout en fondant notre actuelle République, à l’explication de l’Histoire dont nous venions très immédiatement dans les années 1960, et à un discernement du monde contemporain nonosbtant les manichéismes d’alors : communisme, décolonisation et autres. La même entreprise de décapage n’est toujours pas commencé en économie où continue de régner, plus encore dans la conscience des dirigeants et des soi-disant élites, la dogmatique libérale selon laquelle moins il y a de règlement et donc d’Etat, plus il y a de propension et de fécondité à fonder de quoi produire. Le bien commun : automatique, selon le degré de pureté du marché.

La spéculation en philosophie de l’histoire peut paraître spécieuse et abstraite, je ne le crois pas, mais ne la poursuis pas ici. En revanche, les signes de notre cécité et de notre « mithridatisation » devraient ne pas nous tromper, mais ils mobilisent encore peu. De même qu’Israël a prétendu, depuis la guerre des Six-Jours à peu près, à se fonder désormais sur une créance envers le reste de l’univers – mais que les Palestiniens seraient seuls à acquitter malgré leur éloignement géographique et historique du nazisme – en oubliant totalement que leur implacabilité de dominants par la force envers les dominés malgré eux que sont les Arabes environnants, ressemble fort, dans son essence, sinon dans son degré et son organisation, à celle qu’ils ont dramatiquement subie en Europe dans les années 30 et 40, de même la France de ses ministres de l’Intérieur depuis 2010 – avec le triste précédent des charters d’expulsés inaugurés par Edith Cression, Premier ministre en 1992 – fait penser, camps de rétention, chass aux sans-papiers… à Drancy, à tous regroupements selon la race et la religion. Viviane Reding, en 2010 et en 2012, a eu raison de placarder en caractères immenses ce que faisait la France officielle, à un moindre degré, certes, à bien moindre échelle, peut-être, et vers des destinations qui ne sont pas les camps de la mort mais parfois des pays nataux ne valent guère mieux si l’on doit – comme aujourd’hui, mûris que nous sommes par l’expérience des guerres et des génocides – raisonner et gouverner, purement et simplement, selon les droits de l’homme.

Second indice de morbidité chez nous. La culture du chef. C’est la grande déviance du gaullisme d’après 1969. La démolition du Général par les siens a paradoxalement engendré en quelques années – manque de charisme et de « leadership » d’un président, grand par certains aspects, mais ordinaire par bien d’autres et d’abord par son parcours personnel – le chiraquisme, mélange de messianisme, de système à réseaux et corruption, et de simplisme. Le débouché a été double : l’inaction au pouvoir une fois qu’il fut conquis, si laborieusement, en 1995, et l’élévation au pavois d’un volontarisme de parole, celui de l’éphémère Dominique de Villepin, et d’un énergique culot, celui de Nicolas Sarkozy qui, rétrospectivement, commence à exercer du charme. Car notre histoire et notre malheur politiques, s’écrivent depuis une quarantaine d’années selon des manques, des vides, et non selon une direction à laquelle le grand nombre – « tout le monde » disait de Gaulle – est invité à participer, plus encore qu’à adhérer. On aboutit à la propagande et à la semi-vérité constamment. Au vide et à des décérébrations bien plus avancées chez les dirigeants, perdant conscience de ce qu’ils font, que dans le peuple, qui sait sa tolérance. Hitler en savait le maniement. Aujourd’hui, le poison nous laisse en déshérence.  

Le troisième signe est décisif, mais demande une analyse très étendue et documentée. Le mépris du « facteur travail » dans l’analyse des économies d’entreprise, les salaires de la base (non de la haute hiérarchie) comme seule « variable d’ajustement » sont notre racisme contemporain. Ils méprisent les droits de l’homme, la dignité de chacun, l’instinct de s’épanouir dans la création production, dans le coude-à-coude de la production. Le libéralisme – version récession des économies contemporaines – est un mépris, plus encore qu’un accaparement par quelques-uns. Tandis que se perdent la conscience de classe et son élan mobilisateur qui firent l’histoire sociale, et même politique de la France au XXème siècle, triomphe avec impudence une avidité pécuniaire qui ne seut s’expliquer que par une conscience apeurée de la précarité d’à peu près tout, et d’abord d’une réussite si individuelle qu’elle manque de socle.

Avoir vaincu Hitler, condamner rituellement le système et les obsessions de Mein Kampf, ostraciser pendant longtemps et encore souvent un parti extrêmiste, qui il est vrai s’y prête et en profite même, n’est plus qu’à peine utile. C’est en nous – en conscience si l’on est dirigeant, en tolérance ou en distraction collectives si l’on est tout le monde – qu’il y a à regarder et à faire. Factuellement, nos abus sont différents, moindres. Psychologiquement, ils sont analogues.

Inquiétude & Certitudes - mercredi 30 janvier 2013

lundi 28 janvier 2013

propos d'un officier général sur la place et le rôle de la France dans le monde de maintenant


Propos du général Lalane-Berdouticq,

en clôture d'un séminaire à l'I.H.E.D.N.

L'IHEDN est l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale. Le discours que nous reproduisons ci-dessous a été prononcé par le général Lalanne-Berdouticq (ancien commandant du 3ème régiment étranger d’Infanterie et ancien chef du bureau de liaison de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban – FINUL 2), lors de la clôture d'une récente session de l'IHEDN.  
Après ces dix huit jours inoubliables à travailler ensemble, à vous forger des amitiés dont certaines seront définitives, à voir les choses différemment, voici ce que, comme votre « entraîneur » et un peu « ouvreur de voie », je voudrais vous dire. En toute liberté bien sûr et avec mon franc-parler habituel !   

texte retiré à la suite de l'échange ci-après

----- Original Message -----
From: Alonso Marc
Sent: Thursday, January 31, 2013 11:51 AM
Subject: Publication illégale

Bonjour,

Je suis l’assistant d’Alexandre Lalanne-Berdouticq et vous publiez sur votre site (http://bff-voirentendre.blogspot.fr/) un texte sans son autorisation. Je vous prierais donc de bien vouloir le retirer dans les plus brefs délais.

Cordialement

Capitaine Marc Alonso

Institut des hautes études de défense nationale I.H.E.D.N.
capitaine Marc ALONSO, chargé de session en région
1 place Joffre . 75700 Paris SP 07
tél. 01 44 42 47 32/mobile 06 84 56 42 26
courriel : marc.alonso@ihedn.fr


----- Original Message -----
Sent: Thursday, January 31, 2013 1:16 PM
Subject: Re: Publication illégale

J'en suis désolé. Je le retire.

J'avais rencontré le général - qui a été, je crois, l'attaché de défense de mon collègue Pierre Lafrance, à Karachi - au Cercle animé par Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffite. Le texte m'a été transmis à plusieurs reprises, par plusieurs destinataires depuis la mi-Novembre 2012, dont bien entendu j'éviterai la mise en cause, mais cela montre le rayonnement et dont vous devriez vous réjouir. 

J'aurais effectivement cru qu'un homme - autant de convictions et d'idées que d'action - attacherait plus d'importance à la circulation de ses exposés et de ses pédagogies, qu'à sa propriété intellectuelle. C'est en tout cas ce que j'ai toujours pratiqué moi-même depuis que j'ai eu l'honneur d'avoir quelques années l'ouverture des colonnes du journal Le Monde, puis encore plus durablement, celles de la Croix.

Je ne doute pas que vous procédez à contrôles, investigations et mises en garde d'ordre du général, mais je regrette ce que je crois contradictoire avec la qualité de ses exposés.

Je ne vois qu'avantage à ce que vous communiquiez au général cet échange auquel je ne m'attendais pas.

un échange ensuite avec le général lui-même permet la mise en ligne suivante

 
 
  Quelques mots entre nous pour ceux qui aiment notre pays.


Alors que l'on détourne notre attention des vrais problèmes qui se posent aujourd'hui, je voudrais avec franc-parler remettre quelques notions à leur place et ouvrir des pistes de réflexion à ceux qui ne sont pas prisonniers des emballements médiatiques, à ceux pour lesquels le temps long cher à Fernand Braudel est plus important que le « court-termisme » à la mode aujourd'hui.

Que ceux qui croient que « penser c’est commencer à désobéir » ne lisent pas ces lignes car ils sont probablement mal outillés pour voir les choses telles qu'elles sont.
En effet :

-Le monde est complexe et dangereux, il est loin des « blocs » que nous avons connus des décennies durant, aussi bien que de la « fin de histoire » que l’on nous annonçait voici vingt ans, et encore plus loin de la « paix définitive » qui aurait permis « d’engranger les dividendes de la paix » chers à des hommes à la courte vue.
Ce monde, notre monde, reste dangereux. Comme les prophètes que personne n’écoutait dans les années 1930, je ne cesse de dire que le décuplement des dépenses militaires en Extrême-Orient depuis dix ans devrait nous inciter à mieux surveiller les diminutions insensées que subissent les nôtres. Dans l'Histoire en effet les mêmes causes produisent les mêmes effets et il y a donc tout à craindre des abandons que nous consentons chez nous. Mais encore faudrait-il voir le monde comme il est et non comme les faiseurs d’opinion voudraient qu’il soit.

-Méfions-nous du « prêt à penser », il est presque toujours faux et ordonné à des fins peu recommandables.
Non le Kosovo n’est pas meilleur après la campagne qu’y ont conduits les alliés en 1999, montée suite à une incroyable guerre d’intoxication médiatique diabolisant les Serbes et présentant les Albanophones comme des anges persécutés…Il en résulta la fondation du premier pays[1] presque totalement mafieux du continent européen, dont la population originelle, serbe, a été sans pitié chassée de chez elle dans le silence des médias ; ses monastères détruits et ses maisons incendiées.
Non l’Afrique d’aujourd’hui ne vit pas mieux que du temps de la colonisation, à commencer parce que l’esclavage (personne ne le dit) et les massacres ethniques sont repartis de plus belle et que bien des Etats officiellement constitués sont en faillite aussi bien financière que politique.
Non la Libye d'aujourd'hui n'est pas meilleure que celle d'hier, puisque au demeurant elle n'existe tout simplement plus, et  que son tyran a été remplacé par d'autres, en plus grand nombre.
Non la démocratie occidentale n’est pas applicable à tous les continents et à tous les pays. D’abord parce que ce n’est pas un système unique (voyez comme la nôtre est différente de celle des Etats-Unis ou d’Israël, ou bien encore de Grande-Bretagne) ensuite parce que ce système politique ne peut s’épanouir qu’au sein de peuples voyant la personne comme un individu et non comme une partie d’un tout (société personnalistes contre sociétés holistiques)…

-Dans les grandes questions du monde, n’oublions jamais de considérer le paramètre démographique. Il est capital et le silence des médias et des analystes sur ces sujets en dit long sur l’aveuglement, qui ne peut qu’être volontaire, de nos élites autoproclamées.
Ainsi, quel est l’avenir de l’Allemagne, qui aura perdu sept millions d’habitants en 2030 et se verra peuplée en grande partie de ressortissants d’origine turque ? Sera-t-elle-la même ? Or on sait que l’islam confond la sphère publique et la sphère religieuse en refusant absolument de distinguer « Dieu » et « César » ? Or cette distinction est à la base même des systèmes démocratiques.
Enfin, oublie-t-on qu’une population peut être chassée de chez elle, ou se voir remplacée par une autre, les autochtones se retrouvant alors comme étrangers sur leur propre sol ?
Sans remonter à la diaspora juive du premier siècle, pensons aux Coptes d’Egypte, aux chrétiens de Turquie d’Asie (20% de la population en 1900 alors qu’ils sont aujourd’hui 0,02%, soit mille fois moins) ou bien encore aux Serbes du Kosovo, déjà cités (90% de la population en 1900 et moins de 10% aujourd’hui)!
Hors les idéologues, qui peut être assuré que la France est à l’abri de tels phénomènes ?
Refuser d’examiner la question sous couvert de mots en « isme » est singulièrement irresponsable.
Or, entendons nous que l’on se soucie de cette question ?   Non. Elle est pourtant cardinale !
Considérons aussi l’incroyable effondrement démographique de nos voisins Italiens et Espagnols et tentons d’imaginer ces deux pays dans trente ans ! « Il n’est de richesse que d’hommes », dit le proverbe.
Que sera donc la civilisation occidentale si, dans trois siècles, des touristes visitent nos cathédrales sans que personne ne puisse leur expliquer le sens d’un Christus pentocrator dont ils contempleront la sculpture sur le tympan, ainsi que cela se passe pour les églises de Cappadoce, alors que plus aucun chrétien ne vit aux alentours ?
Rien n’est définitif dans l’histoire des hommes,  pas plus le tracé des frontières que les peuples qui s’abandonnent et doutent d’eux-mêmes.

-Ensuite cessons de nous croire à l’abri des menaces militaires au motif que nous possédons d’admirables sous-marins nucléaires. Ils sont indispensables mais insuffisants. La guerre est bien de retour et le fracas des combats des Balkans, maintenant assourdi, nous rappelle qu’elle peut s’inviter dans des contrées européennes très proches, et pourquoi pas chez nous[2] ? Qui peut ignorer que si tout le monde (tout le monde, sauf nous !) réarme sur la planète, c’est bien pour quelque raison !

Et l’Europe, direz-vous !
Fort bien, mais l’Europe n’est sur le plan militaire qu’une addition de faiblesses, vous le savez. Ajouter des faiblesses à d’autres faiblesses n’a jamais constitué une force mais bien une faiblesse plus grande encore[3] !
Comme le disait, je crois, Roosevelt au moment de la Grande dépression, puis du début de l’engagement américain dans la 2e guerre mondiale, « Ce que nous devons craindre le plus au monde, c’est la peur elle-même ». Or l’histoire nous enseigne que les populations qui ont peur de la mort sont celles qui disparaissent de la surface du globe. Notre manière « d’évacuer » la mort de la vie sociale est effrayante en soi, car un jour ou l’autre nous devrons combattre pour notre vie, et donc la risquer. Ne pas s’y préparer c’est nous assurer de perdre cette vie à coup sur.
Cela s’appelle la lâcheté, qui n’a jamais attendri aucun adversaire déterminé ; jamais, bien au contraire.
Rappelons-nous avec honte que certaines erreurs peuvent être commises puis recommencées: la République naissante déclara la guerre illégale en 1791 et se trouva en conflit avec l’ensemble de ses voisins deux ans plus tard . En 1928, à la Société des Nations, cet ancêtre de l’ONU, le « Pacte Briand-Kellog » déclara la guerre « criminelle » à la face du monde. Onze ans plus tard aussi bien la France que la Grande-Bretagne étaient acculées à une mobilisation générale dans des conditions désastreuses, pour aboutir à ce que l’on sait : l’occupation de  toute l’Europe continentale sauf la Suisse, et aussi les camps de concentration. Nous n’avions pas voulu lire Mein Kampf, non plus que méditer les pensées de Lénine et voir les camps soviétiques, qui mèneraient l’un à Katyn et l’autre à Treblinka ou Sobibor.
« Le droit sans la force n’est  rien, la force sans le droit c’est la tyrannie » disait à peu près Pascal.
Souvenons-nous-en.

Enfin, je voudrais insister sur le sens des mots. Discutant avec plusieurs personnes de bonne volonté j'ai une nouvelle fois constatée que les mots n'avaient souvent pas le même sens pour l'un et pour l'autre. Je pense à un échange récent sur le mot République dont mon partenaire me disait que « Pour lui la république c'était… » .
 Or, là est le danger : nous n'avons pas à dire que « Pour nous » un mot veut dire telle chose ; nous devons au contraire nous référer à sa définition exacte sinon plus aucun échange n'est possible. Reprenant l'exemple de la République, je lui disais que celle-ci se définit par trois critères et seulement trois : Un gouvernement collégial, qui obéit à des lois, et dont le mode de succession n'est pas dynastique. Un point c'est tout.
La république romaine était-elle démocratique ? Non, mais c'était tout de même une république.
Donc, ne confondons pas les mots les uns avec les autres. Ainsi de la démocratie[4], qui peut parfaitement trouver sa place dans un système monarchique comme en Grande-Bretagne, et ainsi de suite.
À notre époque où le dialogue semble érigé à la hauteur de vertu et de principe central des relations sociales, travaillons donc à ce qu’il qu'il soit possible au travers de mots employés dans leur juste sens. Nous aurons alors fait un grand pas vers la clarté et de saines relations interpersonnelles.
J'insiste : cette question de la précision du vocabulaire est essentielle si l'on y réfléchit bien.

En conclusion :
-Il nous faut chasser l’idéologie, quelle qu’elle soit ; de « droite » ou de « gauche ». C’est une maladie mortelle de l’esprit car elle fait voir la réalité au travers de systèmes d’idées, qui sont autant de lunettes déformantes.
A l’idéologie il faut opposer le principe de réalité qui veut que les choses soient ce quelles sont, que cela nous plaise ou non. Alors on peut agir en  espérant ne pas trop se tromper.
Il n’y a pas de bons camps de concentration (cubains, nord-coréens, chinois) dont on ne parle jamais, et de mauvais, les nazis, dont il faut sans cesse se souvenir. Il y a eu et il y a des camps de concentration où des innocents sont morts et meurent encore dans des conditions atroces.
Il n’y a pas l’antisémitisme, évidemment condamnable, des « néonazis », et sa variété excusable, celle des « islamistes », qui est passé sous silence. Il y a l’antisémitisme (qui d’ailleurs est un antijudaïsme), un point c’est tout.
Au nom de quoi devrait-on condamner « l’islamophobie » si l’on ne le fait pas de la « papohobie » ou de la « christianophobie » ? A-t-on vu un chrétien Chaldéen ou un Melchite se faire sauter dans une mosquée d’Irak ? Un seul ? Dès lors, comment mettre sur le même pied « les » intégrismes ?
Il existe quand même une différence de nature entre un zélateur d’Al Quaeda et un Mormon, me semble-t-il.
Distinguer souverainement le bien du mal, ne pas mettre à égalité le bon et le mauvais s’appelle aussi : Liberté.

-Il nous faut être convaincus que la France est et reste une grande puissance. Du moins si elle continue de le décider.
Aujourd'hui, combien de pays ont-ils une représentation diplomatique dans le monde comparable à la nôtre ? Un seul.
Combien de pays disposent-ils de sous-marins lanceurs d’engins totalement conçus, fabriqués, équipés, maîtrisés par leur gouvernement national dans le monde ? Trois, et pas la Grande-Bretagne.
Combien de pays disposent-ils de porte-avions de premier rang à catapulte avec une flotte aérienne adaptée, moderne et entrainée ? Deux.

La France est au premier rang de toutes les grandes négociations mondiales, elle dispose d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, ses avions volent dans tous les cieux de la planète. Elle est au premier rang de la technique, de l’art, de la littérature.
Elle est au premier rang des pays possédant un patrimoine multiséculaire, admirable et entretenu.
Elle est au premier rang de certains travaux de recherche, elle inonde une partie du monde de son rayonnement culturel, artistique, commercial, d’influence, et ce depuis neuf siècles sans discontinuer!
Quand la France parle, on l’écoute, parfois on la jalouse et on la brocarde, mais on l’écoute et son message est souvent reçu.
C’est un fait.

Cependant…restons modestes et cessons de donner des leçons au monde entier, car, comme d’autres, nous n’avons pas que des qualités. Le blanc de notre drapeau n’est hélas pas immaculé. Nous avons aussi de graves défauts : nous sommes souvent arrogants, légers, hâbleurs, désunis, insupportables. Nous voulons répandre les Droits de l’Homme sur le monde, mais nous avons inventé le génocide sous le terme de populicide, puis mis en œuvre en Vendée en 1793. Nous sommes (avec raison) pour la tolérance religieuse, mais…des Dragonnades de Louis XIV[5] aux « baptêmes républicains » de Carrier à Nantes ou aux lois d’Emile Combes en 1905[6], nous savons aussi persécuter nos concitoyens pour leurs convictions religieuses…

Cependant et tout bien considéré, soyons fiers de ce que nous sommes, mais avec mesure.
Soyons fiers de notre héritage multiséculaire, en ayant conscience de ce que nous sommes les « débiteurs insolvables » des richesses léguées par nos ancêtres. Nous ne pourrons jamais rembourser cette dette, qui nous oblige.
Mais soyons aussi convaincus que cet héritage est fragile et peut s’effondrer en quelques années, voire quelques mois si des événements dramatiques venaient à se produire et auxquels nous n’aurions pas fait face à cause de notre inconscience, de notre inconsistance ou de notre imprévoyance.
Voyez comme s’est écroulé l’Ancien régime en quelque semaines[7], ou encore le tsarisme, La Vienne impériale, le communisme, sans parler des empires romain, moghol, khmer ou aztèque…
Ce formidable patrimoine, notre patrimoine (matériel et immatériel) est fragile et se trouve entre nos mains.

Alors restons vigilants et combattons les idées dangereuses pour l’avenir, tout en travaillant d’arrache-pied à l’unité de notre nation, qui en a de jour en jour plus besoin.
Nous savons de mémoire séculaire, depuis Bouvines pour le moins, que la France unie est victorieuse des défis.
Désunie elle se dissout et, qui sait, pourrait disparaître.
Cela ne se doit pas.


                                                                  Alexandre Lalanne-Berdouticq




[1] Grand comme un département de chez nous : 10 000 km2 et 1,5 millions d’habitants…
[2] Qui aurait pu imaginer le siège de Sarajevo alors que s’y déroulaient les paisibles jeux olympiques d’hiver de 1984 ?
[3] Dix estropiés au départ d’un cent mètres olympique ne feront pas un champion !
[4] Dont la caractéristique essentielle est que le siège de la souveraineté se tient « dans la personne du peuple », qui délègue ou non son autorité à des mandataires (démocratie indirecte ou directe).
[5] Contre les Protestants
[6] Contre les Catholiques
[7] En 1789 il a succombé à des crises multiples et simultanées : économique avec des dettes abyssales et une fiscalité inopérante et injuste, une défiance du peuple dans ses élites qui ne le représentaient plus, l’incapacité du système à se réformer et un pouvoir impuissant qui refusait de voir la réalité. Comparons avec aujourd’hui…

 
----- Original Message -----
Sent: Thursday, January 31, 2013 4:13 PM
Subject: TR: Publication illégale

Monsieur l'ambassadeur,
le capitaine Alonso m'a retransmis votre réponse.
Je tiens à lever toute ambiguïté dans votre esprit à propos de ce que vous pensez être une question de propriété intellectuelle, qui m'indiffère pour des écrits aussi courts que celui-ci, sauf si, bien sur, mon propos est déformé.
Actuellement responsable de l'organisation et de la direction des sessions régionales de l'IHEDN, j'ai simplement reçu l'ordre de mon général directeur de ne pas laisser diffuser partout ce texte ( semblant émaner officiellement de l’IHEDN) et qui ne reflète que ma pensée personnelle, non une quelconque doctrine de l'institut, qui au demeurant n'en a pas.
Aussi vous proposai-je simplement, et si les idées de fond défendues dans ce texte vous agréent, de diffuser celui joint ici, très légèrement démarqué de l'original que vous avez eu entre les mains.
Sous réserve seulement de ne pas mentionner mon appartenance à l'Institut des hautes études de Défense nationale, je serais très honoré que vous vouliez bien le distribuer parmi les personnes de votre connaissance dont vous estimez qu'elles devraient le connaître.
Enfin, et pour être complet, vous devez faire une erreur sur les fonctions que j'ai occupées dans le passé car je n'ai pas eu l'honneur d'être Attaché de défense même si, en opération au Proche-Orient, j'ai longuement fréquenté les ambassades de France en Israël et au Liban.
En espérant ne pas vous avoir déçu et en vous disant combien votre appréciation m'a touché, je vous prie d'accepter, Monsieur l'ambassadeur, l’expression de ma haute et respectueuse considération.
 
----- Original Message -----
Sent: Thursday, January 31, 2013 9:35 PM
Subject: votre message qui me touche - Re: Publication illégale

Mon Général,
 
même si je fais une confusion avec un autre officier général qui il est vrai ne porte pas double nom, sachez que je suis très honoré par votre démarche. Je comprends votre vigilance. Je place donc ce texte dans mon blog. en indiquant ces éléments de parcours et ces commandements que vous me rappelez.
 
Deux choses.
 
La première. Sans être long et sans viser quelques gouvernements que ce soit, il apparaît que notre pays est dans une situation critique à presque tous les égards. Les grands papiers qui ont paru dans la presse sous l'anonymat : Surcouf pour l'armée, Marly pour la diplomatie et C ... pour la préfectorale (le pseudo. m'échappe à l'instant) pendant le précécent mandat présidentiel, ont traduit le malaise des grands corps de l'Etat et des principaux outils collectifs de la nation. Il me paraît essentiel que quand de grandes expériences sont synthétisées comme la vôtre, elles circulent au maximum. N'hésitez donc pas à continuer de communiquer et réfléchir par écrit, s'il vous plaît.
 
Secundo. Il semble bien que la version de l'Institut a beaucoup circulé depuis l'automne. Ne le regrettons pas. L'avantage du rappel effectué par le capitaine Alonso est de mettre le Directeur que vous évoquez en situation d'avoir été obéi.
 
Ci-joints, quelques papiers. Ses directeurs successifs depuis les années 1970 me publient parfois dans la revue Défense nationale. Je saisirai, à la prochaine occasion, pour vous le donner, quelque chose que j'avais donné à un colloque sur l'esprit de défense, organisé par l'E.N.A. à la fin de 1980 : officiers et civils, majorité et opposition. J'avais déploré que la D.O.T. soit de moins en moins à l'honneur et comme beaucoup depuis 1995, je regrette - pour de plus en plus de raisons - que le service national au lieu d'être étendu aux jeunes filles ait été supprimé. Pouvez-vous me faire connaître votre bibliographie s'il y a lieu.
 
En estime et en sympathie déférentes.