Monsieur le Président,
dès
les deux moments, chacun excellent, avec vous dimanche soir, grâce à la chaîne
parlementaire, j’ai voulu vous écrire. Je le fais plus tardivement que je le
souhaitais et sais bien que je ne vais pas épuiser le sujet : pardonnez-le
moi. 1974, une partie de
campagne, filmée et donnée par Depardon
Plusieurs
choses « saisissantes », d’ailleurs observées par les trois
commentateurs ensuite. Votre jeunesse extrême : jeunesse souriante,
décontractée, pas narcissique. La détente de cette soirée du dimanche 19 Mai
qui semble tenir autant à votre solitude physique sensible, mais pas pesante,
libérante au contraire pour vous-même sans doute et aussi pour le
téléspectateur qui vous accompagne, surtout s’il a vécu cette
« époque »…qu’à un équilibre intérieur vous donnant une distance par
rapport aux résultats que ceux-ci vous importent pu à tout prendre, ou qu’ils
soient acquis dans votre esprit plus que dans les urnes. La voiture, le bureau,
le téléphone, vos mains. Un type physique exceptionnel - le vôtre - transcendant les esthétiques
convenues ou de mode. La familiarité que vous permettez ou qui était naturelle
quand, quittant le dernier « meeting », vous interrogez les deux
trois intimes qui vous accompagnent. Les téléphones. Cela ne s’est jamais revu.
Merci.
Cette
simplicité par tant d’aspects ne nous ramène pas seulement à un moment
rétrospectivement serein et heureux, plein de possibilités pour notre pays,
mais à la racine vécue de notre démocratie. Peu de moyens médiatiques, peu
d’entourages et de fabrication, beaucoup de personnalisation, mais à nu, au
naturel. Sans doute très peu d’argent. Une harmonie entre vous et le sujet, le
sujet qui est l’élection présidentielle et la remporter. Un pays
calme, une élection calme alors qu’elle est, au vrai, la première depuis de
Gaulle et qu’elle oppose une personne, la vôtre, une personnalité donc une
manière possible de présider et gouverner, à un programme. Car l’enjeu est bien
la mise en application du Programme
commun. C’est une élection pure :
sans argent, sans déploiement médiatique, sans haine. Tout le contraire de
celles qui ont suivi.
J’avais
énormément apprécié votre conseil aux élections, donné dans Métro en
Février 2012 : la capacité de tenir ce qui est promis (développement
d’ailleurs, le vouliez-vous ? d’un des slogans de Georges Pompidou en 1969
« il tient ce qu’il promet »). J’ai donc goûté, du même tonneau,
votre entretien de la semaine précédente qui suivit la diffusion.
Vous
y dites l’essentiel sur ce que vous avez tenté et voulu. Démocratie française, à l’expérience de deux années déjà de mandat, mais aussi des
dévoiements par haine de certains des épigones du général de Gaulle. Une
démocratie à fonder et qu’un second mandat vous aurait permis de nous faire adopter
comme une tradition, désormais, l’âme de la tolérance, mutuelle. Pas de
grandiloquence alors que vous avez tant fait pour l’Europe. Réflexion sur la
cohabitation et donc les élections. Elle est esquissée, implicite dans le III
de vos mémoires.
Le
débat avec François Mitterrand et votre réplique : Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le
monopole du cœur. Deux autres choses.
Mitterrand, dans un article de l’Unité
plus tard, évoque une fiche que vous avez à la main, donnant des statistiques
le contrant, or, il s’aperçoit que votre fiche est vierge et que vous bluffez,
mais déjà démonté il ne surgit pas en vous priant de mettre la fiche à l’écran.
Vous auriez su déjà sa liaison avec Anne Pingeot, puisque vous êtes souvent
dans la région et qu’on devait en parler. Mitterrand aurait su que vous saviez
et qu’une évocation par vous pouvait le perdre ou le mettre en difficulté, mais
la fiche est de 1974 et cette possible évocation est de 1981.
Vous
agaciez les beaux quartiers de Paris, mais vous avez été battu par Jacques
Chirac. Celui-ci a fait le malheur et de nos institutions et de notre pays. Vide
de programme, introduisant de véritables « affaires » et non des « bêtises »
(votre expression a été juste, même si elle a été remarquée en pas très bien
par des médias) dans notre chronique politique, désormais occupée par celles-ci
et par les successions amoureuses de nos dirigeants. Et ne faisant rien, et
choisissant très mal ses Premiers ministres.
Vous
avez été empêché en 1988 par Raymond Barre, mais je crois que vous n’auriez été
que troisième. Le vrai manque, c’est 1995 : les deux candidatures qu’il
nous fallait, étaient la vôtre et celle de Jacques Delors. Alors une campagne
consensuelle sur l’Europe, donc en discussion des voies et moyens de celle-ci,
toujours pas trouvée depuis puisque la rédaction de la Constitution qui vous
est historiquement dûe, et qui nous faisait entrer dans une ère décisive, le
texte se révisant non par les gouvernements mais selon sa propre lettre, avec
la souplesse des possibles sécessions et retour… donc le jeu loisible de mises
en demeure sérieuses pour les mauvais joueurs ou élèves… et une campagne
tranquille sur le socialisme et le libéralisme, tous deux à la française.
Je
me suis permis de vous le suggérer déjà. Vous nous devez de nouveaux mémoires :
l’avant-1974 et votre observation de la Quatrième finissante et de la Cinquième
commençante, dont vous êtes un des principaux acteurs entre 1962 et 1965. Rue
de Rivoli, vous n’êtes pas seulement le ministre des Finances et des Affaires
économiques, vous êtes une caution pour de Gaulle, de jeunesse et de
technicité, une autre éloquence, une autre famille politique. Lors d’un de vos
exposés dans le grand amphi. Emile Boutmy de la rue Saint-Guillaume,
à mes dix-huit-vingt ans, vous nous avez éblouis et remplis de fierté, pour
ceux qui étudiaient comme pour ceux qui en sus aimaient de Gaulle. Oui, nous
étions bien gouvernés, bien représentés, nous étions présents au monde dans le
meilleur de notre forme nationale. Bravo, alors… Il y a vos notes d’audiences
avec le Général. Vous les avez parfois évoquées. Ce doit être un témoignage
capital : deux générations totalement différentes et sans doute une
appréhension de la « chose » économique très différente a priori. Vous
pourriez également y dire vos maîtres en la matière et ce qui vous fait vous y
consacrer. Vous êtes seul à pouvoir donner ces compte-rendus et à les
commenter. Vous aviez bellement fait remarquer pour de Gaulle en Février 2012 (Métro)
sa conscience professionnelle.
Un
second livre - de vous - est urgent. Une analyse et des propositions pour ce
dans quoi nous nous trouvons et nous débattons. Nous manquons d’autorités
morales depuis plusieurs décennies, vous en êtes manifestement une, vous l’avez
montré en faisant rédiger et en inspirant la Constitution européenne. Dire
comment vous voyez la crise mondiale en économie, commerce, en politique sera
précieux et, à votre niveau, exceptionnel. Nous n’avons que du journalisme ou
de l’incantation politique, du simplisme peu informé, peu prospectif, peu
enraciné. Vos conseils aux dirigeants de tous pays et de toutes resoonsabilités
auront du poids t cela donnera une voix de France puisque Dominique
Strauss-Kahn et François Hollande…sans parler de Nicolas Sarkozy, n’écrivant
rien ni en réflexion sur son mandat ni sur notre avenir.
Et
j’aimerais vous revoir…
A
la présente, je joins d’une part un papier paru dans Le Monde et saluant ce qui me parut un tournant dans le début de votre
septennat, votre journée du Terrible à Colombey. Vous m’aviez dit – en 1997 – votre
regret que Michel Poniatowski vous ait brouillé avec les gaullistes… or, vous
en étiez initialement un, quoique non encarté, avec Raymond Mondon, et décisif
pour le referendum de Novembre 1962. La vérité me semble plus antérieure, c’est
Georges Pompidou, craignant un rival en Janvier 1966 pour une suite qu’il
prévoyait proche (sa connaissance du Général et probablement le diagnostic
médical sur sa propre santé), qui vous a évincé et séparé. Il y avait certes Michel
Debré à « caser » qui travailla bien en vous succédant, mais qui n’y
gagna pas plus que d’avoir été Premier ministre en 1959 et rédigé notre
Constitution.
Et
d’autre part comment je vois nos issues.
Vous savez toute ma déférente estime, depuis
maintenant longtemps, après que…
Avec vous, Bertrand Fessard de Foucault
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