Cher Monsieur le Premier ministre,
la dernière fois que je vous
ai écrit remonte au 13 Juillet 2011 et traitait des archives diplomatiques à
maintenir à Nantes, en terminant par le vœu de vous rencontrer et qu’un
gouvernement plus légitime et une manière de faire et de voir mieux éclairée et
moins expéditive, soient de nouveau les nôtres. Nous avions commencé de
correspondre en 2002, après nous être rencontrés lors du colloque de Nevers en
Avril 1995, à la mémoire de Pierre Bérégovoy, dont j’étais proche et à qui je
dois le meilleur de ma carrière. Au Zénit de votre bonne ville, j’avais trouvé
une ressemblance très grande de vous avec François Mitterrand pendant votre
discours de soutien à la chère
Ségolène Royal, aux côtés du grand Robert
Badinter.
Depuis que vous êtes Premier
ministre, je n’ai pas voulu me manifeter auprès de vous, confiant dans votre
parfaite relation avec le président de la République, à qui depuis son
investiture par le Parti socialiste, j’avais proposé un court moment périodique
de travail sur tous sujets du moment et courants dans l’opinion.
Je veux vous dire avec
beaucoup d’autres aujourd’hui, j’en suis sûr, que vous avez été un modèle de
Premier ministre par un sens de votre responsabilité d’homme d’Etat et d’homme
de gauche, et plus encore par votre loyauté sans faille et dont je suis certain
qu’elle va demeurer envers François Hollande. Avec lui, vous formiez un couple
pour l’exécutif, et pour animer les machines de la politique et de l’Etat, sans
précédent en France. Votre première intervention radio télévisée avait montré
une intimité amicale avec le Président, une expérience du travail ensemble,
constituant un atout majeur pour l’entreprise de nous remettre à flot et de
nous relancer vers la pleine mer.
En vous demandant de partir
– alors qu’il est seul en question depuis l’automne de 2012 et qu’il est rentré
dans les ornières de son prédécesseur en appelant tout à lui, ainsi le pacte de
responsabilité qui était « normalement » de votre ressort en montage,
en négociation, en présentation et en suivi, et en absorbant au péril de votre
autorité propre vos compétences constitutionnelles en sus de celle de la
direction du Budget qu’il a assumée en propre – en vous demandant de partir,
avec en sus une très mauvaise communication sur le déroulement de cette journée
de lundi, il se sépare d’un ami sûr, d’un socialiste d’ouverture, d’une personnalité
entendue dans tout le spectre dirigeant français, du patronat (puisque vous
vous êtes marqué contre un processus de nationalisation à propos de Florange,
que personnellement je souhaite) et des écologistes (malgré la question
désagréablement posée et menée du second aéroport de votre belle métropole). Et
il place son propre rival en situation soit de réussir et donc de le dépasser
pour 2017, soit d’échouer, ce qui le fera également mourir politiquement.
C’est injuste pour vous,
c’est absurde pour lui, ce n’est pas la voie bonne pour donner réponse à
l’appel de ceux qui ont voté le 6 Mai 2012 et veulent de la gauche et du
socialisme, donc de l’imagination – dans laquelle certes placer du budget –
mais pas en priorité et en blocage mental.
Avec votre départ, le pays
entre dans l’inconnu. Peut-être lui faut-il cette épreuve pour que le
socialisme en France retrouve ses sources et leur actualisation, pour que le
gaullisme perverti et trahi à doses homéopathiques d’abord, selon le vote du 27
Avril 1969, puis en grand avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, retrouve lui
aussi une vie. Ce serait le gage du renouvellement de la grande
alliance-réflexe de la Résistance, de la Libération et même de la fondation de la Cnquième République
– en dépit des craintes et hostilités de ce moment-là qui furent celles de
Pierre Mendès France et de François Mitterrand.
Vous n’avez pas failli, vous
avez été un modèle de maîtrise de vous-même tout en sachant vous scandaliser
quand vraiment l’adversaire n’est que haine ou absurdité, et vous avez subi.
Vous étiez, avec Christiane Taubira et Vincent Peillon, le bon choix. Vous
auriez sans doute pu faire davantage pour le franco-allemand, vous l’a-t-on
vraiment laissé ?
Nicolas Sarkozy s’avère
incapable ou du talent ou de la maîtrise de soi pour rendre compte de son
quinquennat dans un livre de mémoire et d’explication. Il manque au pays, une
fois de plus. Votre propre récit et illustration de ces vingt-trois mois me
semble nécessaire. L’Histoire et la gauche l’attendent : état des lieux,
empêchements, leçon à tirer pour la suite, convictions et expérience donc.
Si vous avez temps et goût
pour que je vienne vous rencontrer à Nantes, dont je suis voisin, ou à Paris,
et s’il vous paraissait que dialoguer un peu avec moi la rétrospective de votre
gouvernement, et donc la perspective de la France et de l’Europe, je suis à
votre entière disposition.
J’ajouterai que par un
certain décret que vous avez signé le 8 Octobre dernier, sur la proposition de
Christiane Taubira, vous êtes entré dans ma mémoire familiale et m’avez mis en
grande dette de chaleureuse et vive reconnaissance envers vous. Je comptais
d’ailleurs vous l’écrire ces temps-ci.
Ci-joint un schéma pour le
changement. Il a été élaboré, en marge de l’écriture d’une politique-fiction à
bientôt paraître où le Président change complètement de cap, gouverne selon les nécessités et les vœux des
Français, en vous chargeant de ce cap et d’un gouvernement vraiment de
délibération collégiale. Je l’ai donné à Bernard Combes et répétitivement à
Pierre-René Lemas. Au Président, j’avais adressé le mode de mon emploi, joint
aussi à la présente.
En vous priant d'agréer l'expression de ma très grande estime, je vous adresse mes voeux les plus chaleureux. En mémoire, en espérance.
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