Election
présidentielle 2012
observations
& réflexions
X
26 Février . 15 Avril 2012
Si la
France mentait ?
Si la France mentait ? :
cela poserait beaucoup de questions
sujet d’article
que, depuis quinze jours, me propose notre fille Marguerite (7 ans 4 mois),
puis de roman
Les faits… (chronologie à
approfondir pour la première quinzaine d’Avril)
27
Février – Nicolas Sarkozy attaque sur RTL Valérie
Trierweiler, compagne de François Hollande – François Hollande propose une
tranche à 75% pour les revenus supérieurs à un million d’euros
28
Février – le Conseil constitutionnel juge contraire à la Constitution la loi
adoptée le 23 Janvier sanctionnant pénalement la négation de génocides
reconnues par la loi française, notamment celui des Arméniens en 1915 – à
Montpellier, Nicolas Sarkozy propose de rémunérer davantage les enseignants à
condition qu’ils soient davantage présents à l’école
29
Février – officialisation par conférence téléphonque du rapprochement General Motors-PSA – le conseil d’administration de Veolia conforte à sa tête Antoine Frérot, contrairement au vœu d’Henri Proglio,
PDG d’EDF qui voulait y faire élire Jean-Louis Borloo
1er
Mars – à Bayonne, Nicolas Sarkozy chahuté tandis qu’il perd un point
d’intentions de vote – sur France-Inter, le président
candidat attaque le président de France Culture,
Olivier Poivre d’Arvor
2
Mars – à Bruxelles, signature par vingt-cinq Etats-membres de l’Union
européenne du nouveau traité de discipline budgétaire convenu entre Angela Merkel
et Nicolas Sarkozy ; douze Etats à l’initiative de Mario Monti demandent
une rédaction supplémentaire en faveur de la croissance, ainsi que François
Hollande – les journalistes Edith Bouvier et Williman Daniels exfiltrés de
Syrie – Mariano Rajoy indique que les objectifs budgétaires qu’il avait fixé à
l’Espagne pendant sa campagne électorale, ne seront pas tenus
2-3
Mars – un sondage Ipsos-Le
Monde indique que deux Français sur trois
jugent la campagne « pas intéressante »
3
Mars – Jean-Pierre Bel, président socialiste du Sénat, assure que la réforme
teritoriale sera abrogée
4
Mars – dès le premier tour, élection de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie : 64% des
suffrages exprimés, mais elle est aussitôt contestée
5
Mars – Der Spiegel indique que les chefs des gouvernements allemand,
espagnol, britannique et italien se sont entendus pour ne pas recevoir François
Hollande pendant la campagne électorale
6
Mars – à l’émission « des paroles et des actes » sur France 2, Laurent Fabius apporte la contradiction à Nicolas
Sarkozy qui élude tout bilan
8
Mars – Nicolas Sarkozy confirme qu’il se retirera de la politique en cas de sa
défaite
9
Mars – veto de la Pologne
à un accord sur le climat au sein de l’Union européenne
10
Mars – François Hollande discourant à propos de l’Outre-Mer, déclare vouloir
supprimer le mot « race » dans la Constitution
11
Mars – lancement de la campagne de Nicolas Sarkozy en rassemblement de 30.000
personnes à Villepinte : protectionnisme et Europe, « la France forte » – discours
de François Hollande à Paris sur la défense (Mitterrand : « la guerre
n’est pas le passé, ce peut être l’avenir », Jaurès : « les
armées participent de la cohésion de la Nation ») – le Mouvement national de de
libération de l’Aazawad prend le contrôle de Tessalit, au nord du Mali – à
Toulouse, près de la Cité
de l’espace, assassinat d’unsous-officer parachutiste en uniforme
13
Mars – co,nformément à l’accord passé en Décembre 2011, le Japon achète des
obligations d’Etat chinoises libellées en yuan (contre-valeur 7,9 milliards
d’euros, soit 0,53% de la dette publique de l’Etat centrak chinois = 27% du
PIB), ce qui revient à internationaliser la monnaie chinoise
14
Mars – rumeur selon laquelle la Grande-Bretagne envisage de s’endetter à cent
ans, voire à perpétuité (précé&dent de Lloyd George en 1917 à 5% rengocié à
3,8% en 1932)
15
Mars – la criminologie est érigée en discipline universitaire – Jean-Luc Mélenchon
monte à 11% des intentions de vote – nouvel attentat contre des militaires à
Montauban : trois légionnaires, dont deux tués sur le coup – au Sénat,
levée de l’immunité parlementaire de Jean-Noël Guérini et de Robert Navarro
16
Mars – accueilli par Jean-Franois Copé à Meaux, Nicolas Sarkozy placé en tête
du premier tour pour la première fois, assure qu’ « on va
gagner » – date limite du dépôt des candidatures : Dominique de
Villepin ne la dépose pas
17
Mars – meeting de François Hollande avec la gauche européenne
19
Mars – à Toulouse, devant une école confessionnelle juive, trois enfants et un
enseignant sont abattus par le tireur à scooter de Montauban : Nicolas
Sarkozy se rend sur place – le Conseil constitutionnel publie la liste des neuf
candidats ayant recueilli 500 signatures ou plus : Nathalie Artaud (42
ans), François Bayrou (60 ans), Nicolas Dupont-Aignan (51 ans), François
Hollande (57 ans), Eva Joly (68 ans), Marine Le Pen (43 ans), Jean-Luc
Mélenchon (60 ans), Philippe Poutou (45 ans), Nicolas Sarkozy (57 ans)
20
Mars – le RAID entreprend le siège de Mohamed Mérah retranché à Toulouse ;
le suspect a fait plusieurs séjours en Afghhanistan et au Pakistan ;
Nicoas Sarkozy réunit à l’Elysée les représentants des commpunautés musulmane
et juive
21
Mars – à Toulouse, Nicolas Sarkozy en tant que président de la République rend hommage
aux soldats asssinés ; François Hollande, François Bayrou, Nicolas
Dupont-Aignan et Eva Joky sont présents – au Mexique, la Cour suprême refuse la
libération de Florence Cassez, pourtant réclamée par l’un des cinq juges ayant
fait rapport sur les irrégularités de procédure – coup d’Etat militaire au Mali
renversant Amadou Toumani Touré
22
Mars – Mohamed Merah donnant l’assaut aux forces ayant pénétré dans son
appartement est abattu ; les dires de Claude Guéant sur son suivi par la DCRI (dirigée par Pascal
Squarcini, déjà mise en cause dans l’affaire des « fadettes ») ainsi
que les conditions de l’opération donnent lieu à polémique ; le frère du
meurtrier et sa compagne ainsi que leur mère sont placés en garde à vue –
Nicolas Sarkozy prévoit des sanctions pénales contre la consultation de sites
faisant l’apologie du terrorisme » –
le juge Jean-Michel Gentil, chargé de l’instruction à Bordeaux de
l’affaire Bettencourt, juge suspect des retraits de 400.000 euros effectués par
Patrice de Maistre en 2007 et place celui-ci en détention préventive
26
Mars – Dominique Strauss-Kahn mis en examen pour proxénétisme dans l’affaire du
Carlton de Lille – Benoît XVI à Cuba
25
Mars – au Sénégal, Abdoulaye Wade est battu par son ancien Premier ministre
Macky Sall et reconnaît aussitôt sa défaite -
en mer du Nord, fuite de gaz sur une plate-forme de Total (elle n’est
maitrisée que le 31)
29
Mars – grève générale en Espagne contre le projet de budget de Mariano Rajoy –
en Italie, Mario Monti met sa démission en jeu pour la réforme du droit du
travail – François Fillon s’étonne de la mise en détention provisoire de
Patrice de Maistre
29
Mars – à New Delhi, les grandes économies émergentes (BRICS : Brésil,
Russie, Afrique du sud, Inde et Chine) s’entendent sur une réforme de la Banque mondiale et du Fonds
monétaire international, et critiquent les arrangements ayant permis aux
Occidentaux d’en conserver la tête – Mohamed Merah est inhumé au cimeière de
Comeberrieu, dans la banlieue de Toulouse, comme il l’avait souhaité et contrairement
aux vœux de sa famille, son père préférant l’Algérie mais les autorités de
celles-ci l’ayant refusé
30-31 Mars – BVA Orange : au premier tour, François Hollande obtiendrait 28% des
suffrages, Nicolas Sarkozy 27, Marine Le Pen 15, Jean-Luc Mélenchon 14,
François Bayrou 11 ; au second tour, François Hollande l’emporterait avec
56% des suffrages exprimés
1er Avril –
Nicolas Sarkozy promet « une banque pour les jeunes » – au Mali, les
rebelles touareg prennent Tombouctou
2 Avril – faillite du premier
producteur d’éoliennes aux Etats-Unis
6 Avril – sondage publié
par Le Figaro selon lequel pour la première foi, Nicolas
Sarkozy devance François Hollande d’un point dans les souhaits de victoire – BVA
Orange : au premier tour, François
Hollande obtiendrait 30% des suffrages, Nicolas Sarkozy 27, Marine Le Pen 15,
Jean-Luc Mélenchon 13, François Bayrou 11 ; au second tour, François
Hollande l’emporterait avec 56% des suffrages exprimés
10 Avril – mort de Raymond
Aubrac
11 Avril – mort d’Ahmed Ben
Bella – France 2 diffuse un reportage à Tombouctou passé
sous la coupe des « islamistes – France 2 consacre son émission « des paroles et des actes » à un
portrait de cinq des dix candidats à l’élection présidentielle : Nicolas
Dupont-Aignan, Eva Joly, François Hollande, Marine Le Pen, Philippe Poutou
12 Avril – hausse des prix
à la consommation : 2,3% en un an – rapport de la Cour des comptes sur
l’Education nationale : l’école est inégalitaire (les dotations de l’Etat
ne tiennent pas compte du nombre des élèves, des disparités sociales et celles
des collectivités locales ne sont pas concertées avec les premières) – Sony licencie 6% de son personnel – France 2 consacre une seconde émsision « des
paroles et des actes » à un portrait des cinq autres candidats à
l’élection présidentielle : François Bayrou, Jacques Cheminade, Nicolas
Sarkozy, Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélenchon ; le président sortant traite par
le mépris les ragots le concernant au titre des affaires Bettencourt et Karachi
– Bachar El Hassad accepte un cessez-le-feu qu’il rompt dès le surlendemain
sous prétexte de terrorisme – Marie Le Pen évoque un changement d’appellation
du Front national selon le succès ou pas de ses alliances avec les
souverainistes pour les prochaines législatives
14 Avril – à Marseille, sur
la plage du Prado, Jean-Luc Mélenchon appelle à l’insurrection civique quelques cent mille participants.
15 Avril – à Paris, place
de la Concorde,
rassemblement conclusif de la campagne de Nicolas Sarkozy – polémique entre UMP
et PS sur le voyage de Michel Vauzelle au Mexique et une possible intervention
du candidat de l’opposition pour la libération de Florence Cassez (ce que
désavouent les parents de celle-ci)
16 Avril – cotation à
Francfort de produits dérivés de la dette française
…
22 Avril – premier tour de
l’ élection présidentielle ; si
nécessaire, un deuxième le 6 Mai
18
Mai – sommet du G 8
21
Mai – sommet de l’OTAN
10
Juin – premier tour des élections législatives
A dix jours du
premier tour de l’élection présidentielle, 37% des Français hésitent sur leur
vote et le « croisement des courbes » tant attendu par le président
sortant a semblé se produire au moins pour les intentions de vote le 22 Avril,
mais ne persiste pas.
Les portraits
de Nicolas Sarkozy se multiplient. Catherine Nay, auteur de la seule biographie
antérieure au mandat quinquennal : Un
pouvoir nommé désir, produit un second essai : L’impétueux. Le Point avait donné sa couverture à
« l’homme qui ne renonce jamais ». Le Monde analyse ces électeurs qui lui viennent de chez François
Bayrou et du Front National. La tendance, selon les sondages, était à la baisse
d’un point par semaine depuis que François Hollande a été investi candidat du
Parti socialiste : elle a cessé, mais on est passé en gros d’une élection
plébiscitaire pour le candidat de la gauche, quand il allait s’appeler
Dominique Strauss-Kahn, il y a juste onze mois, à un premier tour incertain
pour François Hollande. Mais celui-ci reste crédité de la victoire par 56 ou
54% des suffrages au second tour. On est passé du mode éventuel – ô combien,
comme l’a montré l’affaire du Sofitel, finalement avantageuse pour la
candidature socialiste et pour le pays, en termes de destinée : qu’eût
donc été Dominique Trauss-Kahn à l’Elysée, quand et quelle bombe eût
explosé ? – à la réalité de débats et d’évaluation de personnalités. Ou
plutôt à la possibilité et au devoir d’évaluer des situations et des
personnalités.
En ce sens
l’élection présidentielle n’est qu’apparemment le choix d’une personnalité pour
animer le pays pendant cinq ans, elle révèle la maturité et la capacité de
discernement d’un peuple. Elle mesure ce que l’exercice du pouvoir et la
capacité d’animation de l’élu du scrutin précédent a produit dans l’esprit
public de la nation…
I – La campagne révèle davantage les
électeurs que les candidats
1° les candidats retenus par le Conseil
constitutionnel
Le 16 Mars a
expiré à dix-huit heures le délai imparti à tout candidat pour produire au
moins cinq cent signatures de présentation à l’élection. Dix sont retenus par
le Constitutionnel le 19. La surprise est que l’échec ou la renonciation de
Dominique de Villepin à se présenter n’en provoque pas, et n’avantage pas
particulièrement Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen qui passait avant l’été pour pouvoir
éliminer Nicolas Sarkozy du second tour, avait dans les dernières semaines,
publié fréquemment l’ostracisme dont elle était l’objet de la part des
« parrains » potentiels. Nicolas Dupont-Aignan avait finalement
recueilli 740 signatures, et dans la dernière journée de cette course, Philippe
Poutou avait trouvé quarante parrainages rien que dans la circonscription de
Bergerac : Daniel Garrigue, député anciennement U.M.P. puis
« villepiniste » rallié, faute de champion à François Bayrou, y jouit
d’une influence à nouveau confirmée.
Parmi ces dix
candidats s’en détachent deux groupes, mais assez éloignés l’un de l’autre :
en tête gratifiés de 28 à 30% des intentions de vote François Hollande et
Nicolas Sarkozy , puis ensuite également au coude-à-coude Marine Le Pen et
Jean-Luc Mélenchon. Ces deux derniers sont la suprise, jusqu’à présent, de la
campagne. La candidate du Front national faisant moins bien que son père en
2002 mais bien mieux que lui en 2007 : la tendance est cependant pour elle
à la baisse et sa campagne ne fait pas éclat. Au contraire, Jean-Luc Mélenchon
porte le Parti communiste et un électorat qui est attaché à mener des combats
utiles (contrairement au vote d’identité des extrêmes représentés par Nathalie
Arthaud et Philippe Poutou) à un niveau qu’il n’avaient plus connus depuis
Georges Marchais et la campagne de 1981. Ce phénomène crée certainement un
changement sur l’échiquier politique à venir, selon que le désistement du Front
de gauche pour le candidat du Parti socialiste au second tour portera sur le
programme ou sur les circonscriptions à se réserver… Autant Jean-Luc Mélenchon
a su se faire une place de concurrent efficace à gauche vis-à-vis du champion
en titre et en perspective de l’emporter, autant Nicolas Dupont-Aignan a échoué
dans la même stratégie vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. François Bayrou subit le
sort de Marine Le Pen en ce sens que « le troisième homme » de 2007
n’arrive pas à l’être en 2012. Il est pourtant aussi décisif qu’en 2007
puisqu’il est acquis que ses deux devanciers représentent un électorat dont le
report au second tour s’anticipe. Il est le seul élément variable, doté d’assez
de suffrages pour peser au second tour.
Si les sondés
se plaignent du peu de qualité de la campagne à leurs yeux ou du défaut de
correspondance de cette campagne avec leurs propres préoccupations, il n’a pas
été mesuré leur éventuelle réclamation de candidatures qui n’auraient pas été
homologuées. La non-candidature de
Dominique de Villepin ne semble pas causée par un manque de parraainages et
François Asselineau, disposant d’un parti qu’il a fondé en 2007, n’était pas
plus dépourvu que Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République. Jacques Cheminade ne doit pas sa présentation à une
quelconque puissance financière puisqu’il n’est toujours pas à jour de ce qu’il
doit à l’Etat au titre de sa campagne de 1995.
2° les rythmes et les thèmes de campagne
monopolisés par le sortant
Nicolas
Sarkozy a pour principal talent d’épouser l’événement, quel qu’il soit et de
s’exposer aussitôt médiatiquement. Mais n’a le statut d’événement que celui qui
frappe l’opinion. Les affaires d’otages sont la spécialité de la droite en
manque de suffrages, ceux du Liban en 1988, Florence Cassez si elle n’est pas
disputée par les socialistes (le voyage mexicain qu’accomplit en dernière
Michel Vauzelle). Le premier assassinat en pleine rue à Montauban n’avait pas
été traité de la sorte, le second à peine, c’est le siège puis l’assaut du
présumé coupable Mohamed Mérah qui permet au ministre de l’Intérieur de
commenter en direct et de commander ersonnellement, au président sortant de
communiquer trois fois, un « sommet » à l’Elysée des concessions
religieuses concernées, un hommage aux soldats tués, un affichage des
dispositifs répressifs. L’approbation générale, manifestée par les sondages et
aussi par la présence de six des dix candidats à l’élection, en comprenant le
sortant, est exploitée par l’indication que le président de la République a
directement ordonné la phase finale et mortelle du siège de Mohamed Mérah, est
intervenu personnellement pour que les videos qu’il avait prises de chacune des
ses actions et meurtres ne soient pas diffusées par Al Jazeera et ainsi de suite… surtout sont diabolisées les
interventions concurrentes : celle de Marine Le Pen amalgamant tout
immigrant, régulier ou clandestin, à un meurtrier en puissance, motivé
religieusement de surcroît et celle, mieux fondée, de François Bayrou, mettant
en cause une ambiance que le pouvoir en place a généralisée, voire provoquée.
En revanche,
deux événements qui commandent les premières décisions à prendre par le nouvel
élu s’il est d’opposition, ne sont pas mis au débat : le libellé exact du
traité de discipline budgétaire européen, dont l’existence et les lacunes ne
sont dites que par François Hollande, le mécanisme de spéculation contre les
obligations françaises mis en place avec l’accord du Trésor français à la
bourse de Francfort.
De son
élection à ce premier tour pour son éventuelle ré-élection, Nicolas Sarkozy a
maîtrisé le calendrier de la vie publique, soit par ses initiatives, soit en
s’aappropriant les événements pour chaque fois en faire objet de débat,
d’ajustements législatifs. Il a rarement été dépassé en audience
médiatique : la campagne pour les « primaires socialistes et citoyennes »
a été la seule rupture durable de cette domination présidentielle. Deux sortes
d’occurrence auraient pu l’entraver. Une seule voix aurait manqué au Congrès du
Parlement réuni pour la révision constitutionnelle du Juillet 2008, et
l’emprise présidentielle aurait été montrée pour ce qu’elle est : château
de cartes qu’une seule personne, placée à l’endroit adéquat, peut souffler. De
même, la nomination de François Pérol, manifestement contraire à toute
déontologie puisqu’il avait travaillé à Bercy comme à l’Elysée et entretemps
chez Rothschild à la constitution du groupe bancaire qu’il préside, pouvait
être empêchée par le seul président de la commission ad hoc. A l’inverse,
Nicolas Sarkozy est parvenu à ce que n’aboutisse l’instruction d’aucune des
« affaires » le mettant manifestement en cause, contre toute
prévision initiale. L’abus de faiblesse perpétré sur les biens personnels de
Liliane Bettencourt et les rétrocommissions attenantes au marché de sous-marins
d’attaque obtenus au Pakistan par un établissement public français n’ont donné
lieu qu’à des procédures sur plaintes de personnes privées, la propre fille de
l’héritère de l’Oréal, les familles des onze ingénieurs victimes d’un attentat
à Karachi. Les deux « affaires » n’ont donné lieu qu’accessoirement à
des présomptions de financement illégal de campagne présidentielle, celle
d’Edouard Balladur en 1995 et celle de Nicolas Sarkozy en 2007, le même
dirigeant la campagne du premier. Quand l’événement à son initiative tourne
mal : l’élection de Jean Sarkozy à la tête d’un des établissements publics
les mieux dotés de France ou la mise en œuvre d’une législation pouvant rallier
le suffrage de 500.000 Français d’origine arménienne n’en déplaise à 150.000
Français d’origie turque, le président de la République sait faire
vite oublier le revers, y compris sa promesse consécutive à la censure du
Conseil constitutionnel de faire voter un nouveau texte par le Parlement. Les
souvenirs collectifs sont même revus au crible de confessions explicites :
les exhibitions du début de règne (Fouquet’s et yacht en vue de Malte) ou le
discours de Grenoble sont regrettés. Le fait-même d’être candidat permet au
président sortant de faire considérer hors sujet le bilan – c’est-à-dire le
passé – de son exercice du pouvoir.
Pour tous les
candidats, les derniers jours de campagne ne se prêtent qu’à répétition alors
que de nouvelles données sur le marasme ou les dysfonctionnements français
deviennent publiques : la hausse des prix et donc la moindre rémunération
de l’épargne la plus pratiquée (le livret A), l’école de plus en plus
inégalitaire. Le président sortant lui-même semble prisonnier d’un discours
tenu depuis un an : la crise absolvant le passé et faisant pour l’avenir
le portrait de l’indispensable dirigeant d’expérience qu’il est. Ses
improvisations d’entrée en campagne, notamment pour de mutliples consultations
référendaires – supposant d’ailleurs une nouvelle révision de l’article 11 de la Constitution – n’ont
pas été redites.
3° l’effet de la campagne
La donnée
majeure, aussi bien des sondages que des conversations que je provoque, est la
relative indifférence du grand nombre pour une campagne jugée en comparaison de
celle de 2007, moins proche des préoccupations à 65% des sondés [1],
moins intéressante à 76% et moins innovante à 83%. En 2007, la présence
simultanée d’une femme, très émancipée de son parti, pour incarner la gauche,
et d’un vibrant tenant d’une droite fière de s’affirmer en tant que telle
avaient produit une campagne jugée bien plus positivement que celle de 2002. La
conséquence possible est un niveau appréciable des abstentions au premier
tour : de 20 à 24% [2], mais
moindre que celui de 2002 : 28%
L’échec,
apparemment imputable à tous les candidats et aux médias aussi, est surtout
celui du président sortant. Nicolas Sarkozy malgré le tournant pris le 30
Juillet 2008 à Grenoble, malgré une présence médiatique intense pendant le
siège de Mohamed Mérah à Toulouse les 21 et 22 Mars qu’avait pourtant approuvée
à 72% les sondés, ne parvient pas à déterminer en sa faveur les électeurs du
Front national : 51% seulement iraient à lui au second tour et 16% à
François Hollande, intentions de vote stables depuis son entrée officielle en
campagne. Novation par rapport à 2007, les électeurs de François Bayrou, en
revanche, n’ont pas accepté ce tournant vers la droite extrême : 44% au
lieu de 29% iraient vers François Hollande au second tour. Une évolution qui ne
favorise pas François Bayrou au premier tour, puisque le centre-droit qui lui
était favorable à 14% en début de campagne, ne l’est plus qu’à 11%.
En revanche,
l’extrême-gauche dont les champions avaient été jugés médiocres, quoique
choisis par leurs instances respectives, semblent dans les derniers jours, se
faire davantage apprécier. La parodie de l’émission « Questions à un
champion » donnée en clip par Philippe Poutou le 11 Avril, a fait parler
de ce dernier, dont la présence à l’écran est positive. Olivier Besancenot et
Arlette Laguillier paraissent, chacune aux côtés de son candidat ;
Ségolène Royal en a fait autant à Rennes pour François Hollande.
Les électeurs
que le pouvoir en place avait « mithridatisés » en rendant courant
puis prioritaires, selon son dire, des thèmes jusques là hors champ
politique : immigration, sécurité, identité nationale, ne semblent pas
juger ni les sotants ni les candidats selon ces thèmes. La hantise du chômage
ne fait pas distinguer nettement un champion plutôt qu’un autre. Des
évaluations, voire des insurrections décisives pour d’autres générations :
l’image de la France,
la moralité publique ne sont pas non plus éliminatoires. Les libertés
publiques, auxquelles les technologies actuelles, bien plus que la perversité
éventuelle d’un gouvernement, permettent d’atteindre ne semblent plus importer.
D’ailleurs la liberté de la presse quand celle-ci est de plus en plus
« virtuelle » (internet) et semble ne plus dépendre de la relation ou
pas avec l’argent, n’est plus considérée comme substantielle ni pour la
démocratie ni pour l’information. Les électeurs avaient semblé déterminés en
faveur de l’opposition socialiste et les manifestants, notamment contre la
réforme des retraites, paraissaient se réserver en 2010 pour la manche
décisive : le scrutin de 2012. Nicolas Sarkozy, possiblement éliminé dès
le premier tour selon les anticipations de l’été dernier, puis assurément battu
au second tour, est aujourd’hui certainement placé pour le premier et pas
immanquablement écarté du pouvoir dans trois semaines. Versatilité des
électeurs ? non. Prise de conscience d’un manque de connaissance de la
plupart des données commandant notre avenir. Ce qui diffère du fréquent réflexe
de désespérance ou d’indifférence quant à la possibilité du
« changement ».
II – Les données à traiter par le
prochain gouvernement sont imprécises
1° la volatilité des sujets d’importance
Commencée par
une critique unanime de la pratique des institutions par le président sortant
et par l’exposé d’un bilan désastreux de son exercice du pouvoir – lui-même
esquivant systématiquement ces deux arguments pour seulement bâtir un duopole
avec le candidat socialiste, annulant de fait le premier tour de l’élection –
la campagne a perdu tous les thèmes qu’imposent les circonstances.
Sans doute la
pratique de la démocratie française est indirectement traitée par le débat sur
la représentation proportionnelle qu’impose François Bayrou à chacune de ses
candidatures, mais la proposition de Jean-Luc Mélenchon de passer à une VIème
République, moyennant l’élection d’une Assemblée constituante n’est considérée
par aucun autre candidat : elle ne donne pas lieu à publication de
sondages.
Au rejet
massif par l’opinion des fonctionnements, des solidarités et des institutions de
l’Union européenne n’a pas correspondu une analyse des questions motivant ce
désaveu. La crise de l’euro. évidente selon les actualités grecque,
espagnole, italienne, portugaise – l’habituelle caricature de la technocratie
bruxelloise –l’adhésion turque sur le ton du génocide arménien, périmant le
débat entre fédéralistes et souverainistes, n’ont été évoqués que marginalement
et seulement par les candidats n’ayant aucune chance de l’emporter.
Ainsi les deux
débats que l’élection présidentielle devrait trancher, ne seront que la
déduction de tempéraments personnels et d’engagements libellés tout autrement :
fonctionnement de la Vème République
et de la Constitution
actuelle, fonctionnement plus démocratique de l’Union européenne et réflexion
sur sa crédibilité d’avenir. François Hollande entend être un « président
normal » au lieu d’être « chef de tout, responsable de rien »,
qui ne sera chef ni de la majorité parlementaire ni du gouvernement. Nicolas
Sarkozy incarne une mûe européenne décisive : l’intergouvernemental périme
le champ d’initiative et de proposition de la Commission européenne.
Divers développements de l’un ou de l’autre de ces sujets ne sont pas davantage
durables dans le dire des candidats : le mode de scrutin, la question du
vote blanc, le cumul et la longévité des mandats, l’organisation territoriale
ne sont qu’évoqués.
Le calendrier
lui-même qui impose la ratification ou pas du nouveau trauté de discipline
budgétaire européenne, une préparation à l’extension des pouvoirs électifs du
Parlement européen, un retrait de nos troupes d’Aghanistan, avait paru
impressionner les candidats jusqu’à l’ouverture de la campagne officielle. Ce
n’est plus le cas. La persistance de l’accident nucléaire à Fukushima, la
disparition de tous les éléments écrits des procédures mises en œuvre par le
gouvernement japonais de l’époque de la catastrophe – qui sont d’intérêt
planétaire – n’ont marqué ni les candidats, ni les électeurs selon les
intentions de vote en faveur d’Eva Joly.
Enfin, les
révélations de l’actualité n’ont occupé les électeurs, l’opinion selon que les
médias l’expriment ou la contraignent, les candidats que le temps réservés aux
faits-divers. En ce sens, Nicolas Sarkozy a parfaitement compris le rythme
mental d’un pays qu’il a rendu amnésique, sans qu’on sache déjà si c’est par
résignation ou par trait de notre caractère collectif : Le Jaby, Florange,
Pétroplus illustraient par leur mise en déshérence l’échec d’une dogmatique
économique et l’absence d’emprise de la puissance publique, du système
syndical, de la démocratie sur les mécanismes bancaires et sur les
comportements des dirigeants d’entreprise. Cela a seulement inspiré des visites
médiatisés, quelques montages du ressort des tribunaux mais aucune analyse de
fond de nos manières de penser et d’entreprendre, aucune solution pérenne dans ces trois cas n’ont été présentées. Des
salariés en perte d’emploi et de dignité ont été exploités, induits en
espérance et sombrent dès que les tréteaux sont repliés. Les graves questions
posées par les scandales Bettencourt et Karachi avec les diverses révélations
qu’ils ont produites : atteintes au secret des sources journalistiques,
fonctionnement du parquet, financement de campagnes électorales, n’ont provoqué
aucun examen sérieux ni des responsabilités du président sortant, ni de la
sincérité des systèmes et procédures garantissant les libertés publiques et le
fonctionnement de la justice. Seule, Eva Joly, sachant ce dont elle parle, les
a évoqués publiquement et provoqué les journalistes l’ayant entendu à
interroger Nicolas Sarkozy directement dans la même émission.
2° le refus ambiant de rendre crédible l’alternative
aux cours actuels
Les guerres de
décolonisation et l’entreprise européenne dans les années 1950 et 1960 avaient
posé à la France
de multiples questions dont les réponses ne sont apparues comme binaires que
rétrospectivement : accorder l’indépendance à nos possessions outre-mer
quelqu’en soient le statut ou l’ancienneté, déléguer une part de notre
souveraineté au moins pour l’exécution de décisions s’appliquant à un ensemble
d’Etats et non plus à nous seuls. Quelques hommes : Robert Schuman, Pierre
Mendès France, le général de Gaulle avaient su trancher. La campagne actuelle
n’a montré personne qui propose une analyse globale des faits, de leur
interaction et des alternatives pour résoudre une crise facilement qualifiée
par un grand nombre d’épithètes : la crise est économique, sociale,
financière, bancaire, budgétaire, morale et elle est d’emprise mondiale,
européenne, nationale, locale. Mais le lien n’est pas fait et les convergences
de propositions notamment pour un certain protectionnisme ne décident pas s’il
doit s’agit d’initiatives unilatéralement françaises, ce qui revient à quitter
la zone euro. et l’Union européenne, ou d’une refonte des mécanismes européens
assortie de propositions valant pour l’ensemble des Etats se partageant peuples
et territoires de notre planète.
Les éléments
de solidarité financière entre les Etats membres de l’Union européenne, le
degré de participation d’Etats et d’institutions tiers ne sont pas clairs, les
calendriers d’exécution des conditionnalités et des disponibilités promises à
certains Etats ne le sont pas davantage. La pénétration des fonctionnements
gouvernementaux, notamment en Grèce pour le passé et en Italie pour la
succession de Silvio Berlusconi par des banques étrangères à l’Union confirme
la progressive péremption des Etats. La mûe des activités de banque vers la
spéculation et le rejet par conséquent des entreprises vers les marchés pour
leur financement s’étend maintenant au traitement de la dette des Etats. Le
président sortant, au contraire de ses homologues américain, britannique et
allemand, n’a jamais envisagé la nationalisation de l’une quelconque des
banques de la place française. Il admet même à une semaine du premier tour de
scrutin la mise en place à Francfort d’instruments de spéculation sur la
solvabilité nationale.
A la
complexité des systèmes, des procédures et au péremptoire des dogmes, des
soumissions diverses d’institutions qui devraient rester souveraines : la
démocratie notamment, s’ajoutent l’excès d’informations et le manque
d’autorités pouvant en faire la synthèse. L’audit fait de la France en 1981 par la
gauche arrivant au pouvoir n’a pas fait école. La redite de 1997 a été timide. Ni l’une
ni l’autre n’a produit une habitude, celle d’un bilan pour une période donnée.
En sorte que les élections donnent un quitus sans examen : la décision
judiciaire avec sursis ayant condamné Jacques Chirac a été exemplairement
désavouée par tout le système politique. La revendication des responsabilités
n’est qu’un accaparement des décisions et un empêchement de tout débat pouvant
préparer ou modifier celles-ci.
Le fondement
de la démocratie est autant sociologique : les urnes plutôt que la rue
pour décider les orientations fondamentales du pays, qu’intellectuel :
aucune politique, aucune décision collective n’est la seule possible. L’esprit
national est adulte quand il est en constante recherche sinon du mieux, du
moins de la critique et des voies parallèles ouvrant à la communauté
l’alternative, donc la matière d’un choix. Le totalitarisme n’a pas pour
essence la contrainte (celle-ci n’en est que l’effet ou le moyen), mais
l’affirmation qu’il n’est d’autre solution que celle dite par le pouvoir en
place. Une campagne électorale doit faire décider entre des affirmations et des
diagnostics concurrents mais explicites.
3° le flou des données de base
L’aléa des
sondages donne la meilleure comparaison avec celui des statistiques
économiques, financières et budgétaires quand celles-ci – à tort – sont
regardées comme le cadre de toute action ou proposition politiques.
La conduite de
l’économie n’est plus comme dans les années dites « trente
glorieuses » et trop superficiellement analysées dans les causes et trop
dans les effets, une construction politique et une géographie en connaissance
physique et sociale de cause. Elle a deux caractères depuis une trentaine
d’années, la suite des « glorieuses » et en fait l’inversion de
presque toutes les tendances y compris des capacités intégrantes de notre pays
en novations trechnologiques, en initiatives géo-stratégiques et en mûe
ethno-démographiques, depuis 1986 (la première cohabitation et la première
affirmation d’une droite en tant que telle, et seulement en tant que telle).
L’économie comme un jeu de « monopoly », construction et destruction
des ensembles d’entreprises, selon des décisions prises dans l’abstrait, depuis
Paris, et selon aussi des libidos et parcours de carrière de personnalités nées
dans la mouvance politique et d’épanouissant dans celle des fortunes vite
faites (l’hérédité tentée à la seconde génération). C’est par le jeu des
privatisations de la période Chirac-Balladur (1986-1988), malheureusement
permis par les nationalisations de 1982 que s’est instaurée la manipulation
d’empires économiques personnels, tentaculaires et multiprofessionnels en
France : une dizaine de noms seulement, grandissant aux dépens du
contribuable et du consommateur français et ne pratiquant nullement une
stratégie nationale ou européenne dans les espaces tiers : disparition de
la sidérurgie, du textile, d’Elf, de Péchiney, de Thomson. A ce prix se sont
effondrés des réseaux et des entreprises françaises, d’envergure mondiale,
traditionnels ou nouvellement imaginés : le Crédit Lyonnais, Vivendi, Elf.
Les délocalisations n’ont été que postérieures à ces premières pertes de
substance, de capacités d’indépendance, de gisements d’emplois, de cerveaux. La
seconde tendance a été de ne plus regarder l’économie qu’en statistiques et non
en population et en territoire. Disparition de deux concepts et de deux
pratiques proprement liés au renouveau de la France depuis la Seconde Guerre mondiale :
planification souple et aménagement du territoire. Symbole de l’obsolescence de
ces deux facteurs de notre prospérité (et de notre prestige – mot qui, comme
celui de grandeur, a totalement disparu du vocabulaire politique
national) : le Fouquet’s, le 6 Mai 2007 au soir (gerbe préparée pour un
amour évanescent par l’heureux élu ? ou bombe à retardement placé au très
bon endroit par une épouse perspicace, déjà de secondes mains et en partance
après essai vers de troisièmes ?) avec cette « noblesse »
d’argent, et la réforme dite territoriale consacrant toutes les révisions de la
géographie des places militaires et des instances judiciaires. Mépris de ceux
qui ne « réussissent » pas, mépris de nos provinces, de nos
campagnes, de nos métiers. Une première en France, avec aussi une déconfiture
du pays mis en macrio-économie au rang de pays peu dotés en ressources
physiques et en organisation publique.
Ni cet
historique, ni notre inventaire ne sont faits. Le débat sur la dette publique
ne porte pas même sur les destinations de ce qui a été emprunté ni sur la
gestion des deux décennies passées. Méconnaissance du passé autant que du
présent, au point que – avec sagesse – le candidat socialiste placé pour la
succession du président sortant veut des rapports et enquêtes à jour et
documentés sans l’emprise du pouvoir actuel, hanté depuis sa prise de
possession il y a cinq ans par les scrutins à venir. A plus forte raison,
aucune prévision à court et à moyen terme ne vaut. Elles n’étaient nullement
sollicitées antan. L’inventaire commandait bien davantage que la boule de
cristal. Les solutions étaient toujours une combinaison de la confiance en
nous-mêmes et de notre confiance en nos dirigeants. Retrouver cette équation
est le défi du prochain quinquennat.
III – L’esquisse d’un autre univers
politique
1° l’agencement des partis à la suite de
l’élection présidentielle
Les
Républiques précédentes sans capacité de décision, sauf périodes et personnalités
d’exception : 1899 à 1909 (Waldeck-Rousseau, Combes, Clemenceau, Briand),
1928 à 1932 (Poincaré non sans Briand), 1954-1955 (la parenthèse Mendès France,
pourtant fondatrice), fonctionnaient selon un régime d’assemblée où les partis
étaient des groupes parlementaires souverains. La Cinquième a rendu
tributaires du pouvoir les partis le soutenant et a organisé l’opposition selon
des coalitions après à conquérir une majorité des électeurs, celle au Parlement
ne se déterminant plus dans les couloirs. Avatar imprévu, sa politique
économique, contrairement à l’adage du général de Gaulle, se fait explicitement
à la corbeille selon la campagne présidentielle en cours. Un paysage – la
« bande des quatre » – semblait immuable dans une dialectique
droite-gauche obligée par le second tour : épigones du gaullisme, héritage
des indépendants-paysans et des libéraux en politiques (de Gaulle, Pinay,
Giscard d’Estaing)
Jusqu’à
présent, l’élection présidentielle au suffrage universel direct avait fait
disparaître un parti à gauche : le Parti communiste, et apparaître un
parti à droite : le Front national. L’U.D.F., fondée à l’appel d’un
président régnant, Valéry Giscard d’Estaing, fédérant les centristes divers
avec les Républicains Indépendants, a toujours eu un candidat à l’élection
présidentielle jusqu’en 1995, explicitement (le président sortant en 1981,
Raymond Barre en 1988) ou implicitement (Edouard Balladur en 1995). Malgré les
dialogues entre Hervé Morin et Jean-Louis Borloo, chacun empêché d’être
candidat pour son mouvement, il est probable qu’une renaissance de ce parti se
fera à partir de François Bayrou, de son parcours et de son prochain score. Il
y moins de différence de fond et de ton entre l’U.M.P. (version Nicolas
Sarkozy) et le Front national qu’il y avait il y quarante ans entre le Parti
socialiste et le Parti communiste quand se signa le Programme commun de
gouvernement. François Mitterrand transforma le paysage politique et non
seulement gagna le pouvoir mais réduisit les communistes – ce qui, à tort ou à
raison, pouvait satisfaire ses ennemis – à ne plus compter dans les élections
nationales alors qu’ils les avaient arbitrées de 1936 à 1981. Nicolas Sarkozy
serait franc s’il fusionnait avec Marine Le Pen. Ses successeurs à la tête du
mouvement auront le choix, s’il est battu, entre cette fusion ou des assises du
gaullisme permettant d’intégrer des anciens compagnons de route et des nouveaux
en retrouvant une tendance sociale qu’avait incarnée Philippe Séguin et même
François Fillon, ce dernier avant d’entrer à Matignon. Ce procédé avait permis,
en 1974, déjà après une défaite, à François Mitterrand d’être rejoint par le
P.S.U. (Michel Rocard et Pierre Bérégovoy) et par certains chrétiens démocrates
(Jacques Delors).
Les probables
novations sont de poids différents. Le succès du Front de gauche et,
personnellement, de Jean-Luc Mélenchon, devrait engendrer un nouveau Parti
communiste, en tout cas un parti de gauche fortement structuré idéologiquement
(ce qui n’est plus le cas depuis 1988 du Parti socialiste) mais à vocation
gouvernementale. Cela quel que soit l’issue de l’élection présidentielle en
cours. Dialoguée déjà mais dans la discrétion, ou à négocier prochainement, la
réunion des « souverainistes » avec le Front national pour le renouvellement
de l’Assemblée nationale aura pour effet de consommer la rupture entre l’U.M.P.
qui aurait pu les réaccueillir en mutant elle-même et un courant qui s’était
révendiqué du gaullisme social et qui perdra identité et âme par cette
alliance, d’ailleurs perdante électoralement. Cette alliance suffira-t-elle
pour amoindrir l’ostracisme empêchant le Front national d’accéder au
Parlement ? Cet empêchement, quel que soit le programme ou le ton de
l’extrême droite, est-il démocratique, sain et utile ?
Bien entendu,
un changement du mode de scrutin ou la combinaison de plusieurs modes pour
introduire une « dose de représentation proportionnelle »
réaliserait, au Parlement, ces changements s’il s’avérait que l’élu du 6 Mai
les anticipait en faisant voter par l’Assemblée sortante, en session
extraordinaire, la révision de la loi électorale. A défaut, le décalage entre
la représentation du pays au Parlement et les courants d’opinion constatés à
l’élection présidentielle accentuera ce défaut – devenu évident – de notre démocratie,
et à terme plus pernicieux encore que le cumul des pouvoirs et fonctions ayant
caractérisé le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
La question du
vote blanc est de même urgence démocratique. Sa prise en considération sans
amalgame avec les votes nuls n’a de portée que si un quorum de participation
est institué pour la validité des scrutins nationaux. Alors apparaîtra sans
doute un parti singulier, ne revendiquant que la démocratie et une mûe profonde
de notre vie politique puisque le vote blanc en récuse les formes et visages
actuels. Cette réforme n’est – sauf erreur – inscrite dans aucun programme de
la présente campagne.
2° unité sociale et unité nationale
Les réformes
du régime des retraites en 2003, en 2007 et en 2010 ont provoqué d’importants
mouvements sociaux mais qui n’ont pas empêché la mise en vigueur de celles-ci.
La confrontation est restée limitée, les éléments constitutifs du mouvement de
Novembre-Décembre 1995 n’ont pas été réunis alors même que la masse
étudiante et lycéenne pouvait, à l’automne de 2007, opérer la jonction avec un
mouvement des salariés bénéficiant de régimes spéciaux : la loi Pécresse
était contemporaine de la contestation par le nouveau gouvernement de ces
régimes. Ni la grève générale ni le blocus des voies de communication par les
chauffeurs routiers ne furent même envisagés. La personnalité gouvernementale
du négociateur de 2010 se prêtait à une récusation moralement motivée, il n’en
fut rien. Précédant la crise de l’euro. et un découplage entre la solidarité des
gouvernants européens, quels que soient les Etats et les opinions publiques
entretenues par ces mêmes dirigerants sur le particularisme des pays risquant
leur faillite, il y a eu – en France – la résignation sociale à une baisse du
pouvoir d’achat et factuellement à une baisse du montant des retraites
puisqu’aucune, sauf pour les archi-privilégiés des
« retraites-chapeau » et des maintiens en « activité »
au-delà de soixante-dix et quatre-vingt ans, n’est servi à taux plein, du fait
du chômage…
Les élections
syndicales et les ajustements apportés au concept de représentativité ainsi
qu’à la législation afférente ont montré, de façon concomitante, que les
tendances françaises à la non-affiliation et à l’abstention ne peuvent être
combattues que par la réserve du bénéfice des conquêtes sociales aux seuls
affiliés des syndicats les ayant obtenus. Cette réforme décisive n’est pas non
plus – sauf erreur – mise à l’ordre du jour par un des prétendants.
L’unité
nationale est davantage mise à mal par les débats artificiellement soulevés
depuis 2007 par l’U.M.P. et son chef : identité nationale, immigration,
laïcité, législation sur les négationnismes, que par les tendances aux
communautarisations. Tout simplement parce que les immigrés d’origine
extr-europénne sont désireux d’intégration et parce que les Français musulmans
ne suivent pas l’exemple de certains des Français juifs, encouragés dans la
tendance à constituer un bloc d’opinion, plus seulement vis-à-vis des
politiques d’Israël ou de l’antisémitisme, mais électoralement courtisé. Les
débats sur la laïcité n’ont visé que le Front national et sa dénonciation d’une
islamisation de la France,
ils n’ont pas, faute de matière, vraiment traité la question des signes
ostentatoires dans les lieux publics. Ils ont laissé vierge tout réflexion sur
la nature du civisme, du patriotisme et et sur la spécificité de l’esprit
français au début du XXIème siècle. Ils n’ont pas fait réfléchir sur l’image
actuelle de la France
dans le monde et vis-à-vis des siens. Le thème d’une responsabilité (ou d’une
culpabilité) du pouvoir exercé pendant le quinquennat qui s’achève n’a été
évoqué que lors des primaires socialites. Il n’a pas été repris – sauf erreur –
par le candidat socialiste.
Enfin et
surtout, les conditions et les objectifs d’une mobilisation sociale par les
dirigeants à venir du pays n’ont été discutées que par les partis d’extrême
gauche et leurs candidats : Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud et
Philippe Poutou. Ils avaient été explicitement un thème de la campagne de
François Mitterrand en 1981 : « vous rendre le pouvoir », ce
qu’a repris le Front de gauche. Or, que le candidat socialiste soit ou non élu
le 6 Mai prochain, le mouvement social sera seul assez fort pour défendre la
mise en œuvre des engagements pris par celui-ci face aux vaincus, face à
l’inertie dogmatique de nos partenaires européens ou pour accompagner les
tentatives parlementaires de faire obstruction à un Nicolas Sarkozy réélu sur
le fil mais empêché de gouverner par l’élection d’une Assemblée d’opposition,
scenario très probable au cas de cette réélection.
La campagne
pour le premier tour n’a donc fait avancer aucune des deux questions de fond
qui commandent notre avenir : qui sommes-nous ? exist-t-il encore un
peuple solidaire des luttes ponctuelles et des autres résistances
nationales à la débâcle des systèmes économiques et financiers d’un libéralisme
totalitaire ?
3° vers un recommencement de la communauté
européenne de destin
La
contestation de la mondialisation – en doctrine et en conséquence – est en soi
une révolution. Toute révolution, à l’époque contemporaaine, comme l’histoire
du communisme de 1917 à 1991 l’a montré, dans sa version soviétique, ne peut
aboutir que si elle devient univzrselle, ou au moins dépasse une cadre
strictement national – ce qu’il advint pour la Révolution française.
La dimension est donc européenne. Le défi porté à la zone euro. par le sytème
financier et bancaire prévalant ne peut être relevé que par la solidarité
totale des Etats-membres et l’Union de ceux-ci n’est crédible qu’à condition de
changer de mode de décision et d’expression : élection au suffrage direct
du président de l’Union par l’ensemble des
citoyens européens, prérogative de ce dernier de convoquer ces citoyens
à décider par referendum. Ce changement peut rendre à l’Europe sa crédibilité
monétaire et financière parce qu’elle deviendra visible et audible, ce que
n’est pas l’addition de vingt-sept gouvernements, chacun en mal de soutien et
de légitimité chez lui. La solidarité entre peuples ne peut se soutenir que par
la démocrataie, certainement par l’entente dosée et conditionnée dans les huis
clos de « sommets » de chefs d’Etat ou de gouvernement.
Bien plus
qu’économiquement, l’Europe a fait faillite politiquement parce qu’elle n’a pas
été démocratique. Le traité de Lisbonne se substituant à cinquante-six ans de
traités, chacun en progrès partiel par rapport à son devancier, a combiné tous
les défauts des textes précédents sans prendre l’avancée décisive du projet de
Constitution de 2005, largement d’inspiration française, grâce à Valéry Giscard
d’Estaing, avancée résidant dans le fait que le droit et les modalités de la
sécession y figurait et surtout dans la procédure de révision selon le
texte-même et non plus par négociation intergouvernementale. Les référendums
négatifs en France et aux Pays-Bas pétitionnaient une reprise fondamentale des
traités et plus encore des pratiques. L’avertissement ne fut pas entendu ni en
Europe ni en France faute que le président alors régnant ou bien démissionne parce
que désavoué sur une question aussi belle que celle contraignant le général de
Gaulle à abandonner le pouvoir, ou bien porte à Bruxelles haut et fort le vote
français de censure.
Aujourd’hui,
aucun candidat ne propose, ne crie une novation européenne et une avancée
irréversible vers – non pas un fédéralisme ou des abandons de souveraaineté par
les Etats – mais vers une prise de pouvoir par les peuples européens pour une
ré-invention des institutions communes.
Cette
imagination – ou cette audace – manque à tous les candidats, soit qu’ils
prêchent le « souverainisme », la sécession, hors tout droit
international puisque cette issue, à tort, n’est pas réglée par les textes en
vigueur, soit qu’ils craignent de perdre des voix en prônant l’Europe. Or, les atteintes
graves que subissent notre substance, notre économie, notre esprit collectif du
fait de la « mondialisation » sans réciprocité et sans homogénéité
des sujets auxquels elle s’applique, ne sont telles que faute d’Europe, et pas
du tout à cause de l’Europe. Les négociations pour un ajustement du plus récent
des traités (celui signé le 2 Mars) n’auront de sens, et la France n’y aura de poids
que si la perspective d’abenir d’une Europe libre et elle-même est proposée à
nos partenaires, au besoin directement à leurs opinions publiques, puisqu’il a
été soupçonné que les gouvernements de droite généralement en place se seraient
solidarisés avec le président sortant.
Or, de toutes
façons, les Européens, de plus en plus victimes du reste du monde, alors qu’ils
étaient en passe, il y a dix-quinze ans, de l’organiser à tous égards, auront à
s’entendre avant quelques semaines.
*
* *
La campagne
qui va s’achever, semble donc – ainsi que les électeurs, interrogés par un
nombre record de sondages, rien que depuis le 19 Mars – manquée. Les candidats
prétendaient rejoindre les électeurs dans leurs situations et leues gestions,
ils ont rivalisé épisodiquement pour quelques sujets comme l’éducation
national, le remboursement de la dette publique, l’emploi. Le bilan des cinq
ans écoulés n’a pas été fait. Les
présomptions lourdes pesant sur l’honnêteté financière et intellectuelle du
président sortant n’ont pas été mises au jugement des Français. Le rite, oui,
mais le fond ? Même pas le spectacle, alors que les réunions, hors celles
de la dernière semaine et l’assemblé du Front de gauche, place de la Bastille, coûtent en
location d’espaces et de salles, logistiques comprises des décennies de SMIC…
Bertrand Fessard de Foucault
dimanche 15 .
vendredi 20 Avril 2012
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