mercredi 9 avril 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - les dix candidats au premier tour de l'élection présidentielle de 2012




Election présidentielle 2012

observations & réflexions

XI






Comment je vois et ressens chacun des dix candidats




Cette revue est subjective, elle n’est pas une étude biographique, au plus est-elle un effort d’empathie pour une meilleure compréhension. C’est un état daté de ce que je vois et ressens de chacun des candidats. Je pourrais en écrire beaucoup plus car chacun se reflète dans ce qu’il cherche, et une candidature est toujours une offrande à l’autre, même si certaines ont les apparences de l’égotisme.

Avec chacun de ces candidates et candidats, je serais disposé à ytravailler pourvu que ce soit au plus proche, selon l’organigramme et le degré de discrétion que souhaiterait l’impétrante, l’impétrant. Je crois au dialogue et à la possibilité de toujours re-fonder une opinion, puis le projet d’une décision si sont dépassés les apriori et les dogmes. A deux, à plusieurs on pense certainement plus juste qu’en solitude si ce sont les esprits et non les volontés de puissance qui se rencontrent. Le travail ensemble bâtit toujours.

L’ordre de la présentation est alphabétique.



Nathalie Arthaud

Je ne la connais que de nom. Arlette Laguillier, pour laquelle j’ai constamment voté depuis qu’elle se présente, ressassait à l’écran, en réunion publique pas très achalandée (je la rencontrai ainsi pour une première fois place de l’Etoile, à Strasbourg) ou à la grande salle de la Mutualité, à Paris, en y ayant emmené ma chienne, flot rouge au collier, mais d’année en année, de campagne en campagne, le ton restait juste parce que précisément la situation ne changeait pas. Je retenais deux choses : la continuité d’une analyse datant d’un siècle et à laquelle il n’était pas renoncé, puisqu’elle continuait de répondre du présent, la proposition-répétition-réclamation d’une législation permettant aux salariés d’une entreprise, et notamment ceux des services comptables, de dénoncer les recels et abus. Il est avéré que dans une entreprise, les salariés et le comité sont au moins autant que les dirigeants au fait des difficultés, y compris commerciales et financières. Le gisement de l’imagination et des alternatives est là. La revendication d’autogestion ou de prise du pouvoir n’est pas ou n’est plus une révolte sociale ou seulement une soif de justice, elle peut être la solution quand périclitent, par abandon, par esprit de système, par cupidité les dirigeants. Mieux vaudrait venir à un partage et à un débat entre tous qu’à cette disparition du sens des responsabilités que la crise met en évidence chez beaucoup de « décideurs ».
Nathalie Arthaud m’est apparu davantage de conviction que de doctrine, de fidélité à elle-même et à ses compagnes et compagnons que de doctrine. J’ai été étonné qu’elle défende si banalement l’objectivité de son enseignement de l’économie à je ne ais quel niveau, alors qu’on peut apprendre à réfléchir, et à raisonner sur des données tout en indiquant son propre cheminement. Mais elle a su dire que ses élèves et étudiants sont par eux-mêmes des onbservateurs et des censeurs de la réalité. Elle incarne donc, comme Philippe Poutou, davantage un service commandé, la propagation d’une parole, qu’un parcours personnel. En cela, elle est respectable et m’a ému. Sa sincérité est, médiatiqement, bien plus difficile à mettre en difficulté que le vernis et la récitation des professionnels de la politique et des plateaux de télévision.


François Bayrou

Il m’est d’abord apparu, sa campagne et ses affichages en 2002, comme un ambitieux déplacé. J’avais pourtant noté une présence active et adéquate – tranchant avec les autres comportements gouvernementaux – pendant la crise de Novembre-Décembre 1995, surtout un discours improvisé dans une université à Toulouse. Il est courageux. Je l’avais entendu tenir tête aux chiraquiens s’imposant la fusion du R.P.R et de l’U.D.F après quarante ans de pluralisme dans les majorités qui ne s’avouaient pas encore de droite.
J’ai eu depuis deux expériences de lui, elles sont très positives.
La première est qu’il répond – parfois en ligne – aux messages courriels que je lui adresse, notamment sur des sujets immédiats, ainsi la nomination scandaleusement illégale et immorale de François Pérol à la tête du groupe bancaire que depuis dix ans il organisait dans des positions personnelles régaliennes, ainsi l’entretien que je lui ménage, sans y participer, avec la veuve du fondateur d’un des Etats-clés de notre ancienne Afrique d’expression française. Il est soucieux de s’informer directement.
La seconde est en colloque ou séminaire. Récemment et à propos de nos institutions. Si le discours public est convenu, rigide, le renvoi dos à dos des camps dominants, la présence discrète mais chaleureuse dans les sous-groupes de travail est très adéquate, le dire est précis, respectueux. Je comprends qu’au moment de sa soudaine montée dans les sondages en Février-Mars 2007 il ait vu venir vers lui une élite de hauts fonctionnaires et de praticiens comme jamais les partis et les candidats n’en avaient attiré depuis Mendès France, de Gaulle et Chaban-Delmas.
Malheureusement, son électorat, la participation aux exercices qu’il propose n’a pas son audace, son charisme et ressemble à celui de l’U.M.P., ce n’est pas « le métro » évoqué par Malraux pour qualifier celui du général de Gaulle. Le parcours du candidat est donc différent de celui de ses soutiens statistiques. L’entre-deux-tours de l’élection en cours est essentiellement fait de cette distinction. Le projet de refaire le pluralisme dans la droite de gouvernement et de parlement est à terme encore plus utile au bien commun que l’exercice du pouvoir présenté comme suprême. François Bayrou a cet empire sur lui-même.
En 2007, l’évidence était que l’électorat de Ségolène Royal pouvait voter pour lui au second tour, mais pas la réciproque, ce qui se vérifia puisque la candidate de la gauche fut défaite.
La campagne qui sans doute s‘achève pour lui aurait dû rester fidèle aux deux pétitions fortes qu’il porte : l’exigence de moralité publique et donc la dénonciation précise des écarts et des mensonges du président sortant, la démonstration que notre démocratie réclame la représentation proportionnelle et le vote blanc tandis que nos institutions sont désormais assez fortes pour ne pas retomber dans le régime d’indécision et d’assemblée d’autrefois, assimilié à tort à ce mode de scrutin.

Jacques Cheminade

C’est un camarade de promotion à l’E.N.A. et à la direction des relations économiques extérieures du ministère des Finances – direction détruite en 2005-2006 au profit de celle du Trésor, et dont le réseau à l’étranger qui faisait tant envie au Quai d’Orsay a été réduité à un simple conseil en analyse (même erreur que celle de la suppression du Commissariat au Plan au profit d’un Conseil d’analyse économique à Matignon, décidé par Lionel Jospin). D’abord au travail dans le bureau suivant les questions agricoles, particulièrement techniques et névralgiques, il est affecté à notre représentation permanente à New-York (Nations Unies) et « tombe dans l’underground ». Je le perds de vue. Il est sympathique et franc.
On lui prête par son mentor Larouche beaucoup de moyens financiers, lui permettant d’acheter les parrainages, mais ses dettes envers l’Etat au titre de sa candidature de 1995 n’ont pas été réglées, c’est donc qu’il ne le pouvait pas.
Il s’insurge contre le système financier, boursier et bancaire qui nous mène tous à la perte de chacun de nos repères et à la destruction des Etats, seul recours face à une exploitation bien plus justiciable des analyses marxistes, que celle d’antan. Il n’a pas de doctrine mais une vue prospective très respectable et qui aurait pu séduire bien davantage, si elle était mieux connue : les questions planétaires ne sont pas d’abord des institutions et des normes mais de la recherche et une réflexion aux dimensions du cosmos. Ce n’est pas plus utopique que de bâtir l’alternative à un système financier et bancaire qui a échoué.


Nicolas Dupont-Aignan

Je lui ai donné ma voix, par une lettre très motivée, dès l’automne de 2010, par sympathie profonde avec le courage d’avoir fait sécession de l’U.M.P. et d’en avoir dénoncé le totalitarisme. Je suis en désaccord total avec sa proposition de quitter l’euro. et les institutions européennes, au motif que leur ensemble – dont la Grande-Bretagne a refusé l’imbrication et la solidarité – fonctionne mal. C’est parce que l’intergouvernemental l’a emporté depuis 2005-2007 sur un exercice de démocratie directe à l’échelle européenne que l’Europe est aujourd’hui détestée par les siens et méprisée par le reste du monde et par la finance. Toutes les analyses de mon candidat sur les possibilités d’une France libre sont transposables et ne sont efficaces qu’à l’échelle européenne. N’importe, je tiendrai parole dans l’isoloir… Sympathie, couple marié, pas de maîtresse connue, évocation du Général, fraicheur.
Quel avenir ? l’échec électoral est probable, l’endettement au titre d’une très longue campagne puisque le mouvement qu’il a fondé Debout la République a près de quatre ans, va être handicapant. Deux écueils le guettent qui me feront lui retirer mon soutien mais non ma sympathie personnelle. Une alliance avec le Front national – projet qui lui est souvent prêté et dont je ne sais rien – pour les prochaines législatives. Un soutien apporté à Nicolas Sarkozy pour le second tour.
Le chemin que je voudrais lui voir parcourir serait de réclamer haut et fort publiquement, mais surtout avec ce qu’il lui reste de relations à l’intérieur de l’U.M.P. des assises du gaullisme à l’automne prochain, au lieu d’une nouvelle course au contrôle du partu. C’est cette manière qu’avait choisi après sa défaite de 1974 François Mitterrand, elle lui permit de rallier le PSU et les chrétiens dits de gauche : Daniel Mayer, Michel Rocard, Pierre Bérégovoy et Jacques Delors. Afin que les relents de « gaullisme social » et les débuts d’une culture démocratique dans un mouvement adonné au culte du chef depuis des décennies soit enfin un outil de participation à la vie politique et un réel conseil pour le pouvoir ou pour l’opposition.


François Hollande

Il est habile, il a su traiter les questions difficiles de l’Europe, de la fiscalité, des retraites en termes d’amodiations, d’ajouts, de correction de trajectoire. Ce n’est ni l’idéologue ni le révolutionnaire dogmatique que souhaiteraient avoir comme opposant la feuille officielle du président sortant et celui-ci : le Figaro et Nicolas Sarkozy, n’espérant plus qu’un vote par défaut et sans mémoire des cinq ans écoulés.
François Hollande a su maintenir le Parti socialiste aussi bien dans le soutien, parfois méritoire, à un certain immobilisme de Lionel Jospin pendant la troisième législature de la gauche depuis 1958 : celle de 1997 à 2002. Il a su maintenir le même parti dans les deux défaites de 2002 et de 2007. Le reproche que je lui fais est sa séparation d’avec Ségolène Royal. Le couple au pouvoir eût été parfait, l’élection d’une femme de gauche, de brio et de conviction, d’élégance aussi eût parfaitement correspondu à l’image que le monde, à juste titre, se fait de la France. Cette rupture du couple qui avait fait ses classes dabs les mêmes écoles, de l’E.N.A. à l’équipe de François Mitterrand à l’Elysée, a sans doute eu des raisons intimes, mais une certaine jalousie de l’homme pour la femme qui le double a dû malheureusement jouer. Il faut reconnaître que la femme est ces mois-ci très bonne joueuse et soutient l’ex-compagnon autant que le candidat. Qu’elle y ait intérêt c’est sûr, mais François Hollande y gagne. A mon sens, le pays aussi.
François Hollande surprendra. Il n’est ni mou ni flou. Il est mitterrandien. Comme le répétait Napoléon pendant les Cent-Jours : on verra après les batailles. Sa faiblesse possible est celle des socialistes en général depuis Léon Blum compris : ne pas s’appuyer carrément pour gagner et surtout pour gouverner, sur le mouvement social, le susciter au besoin. S’il gagne, il aura besoin du peuple pour s’imposer face à une opposition et à un perdant particulièrement haineux, et face à une Europe dont la plupart des électorats qui avaient viré à droite par xénophobie sont en train de se porter à gauche (Pays-Bas, Tchéquie, Pologne et… nous) par révolte sociale.
Il est depuis longtemps conscient de son possible destin, l’affirme sans doute trop, se comporte aussi comme si… ce n’est pas son côté le plus attirant, mais c’est à prendre ou à laisser, c’est peut-être aussi une manière de se structurer. J’ai pu dès 1977 entretenir une relation tête-à-tête et une correspondance mutuelle avec François Mitterrand jusqu’en 1994. Malgré mes demandes et quelques signes les promettant, je n’ai pu l’obtenir de François Hollande. Naturellement, il aura ma voix au second tour. Je ne l’aurais pas donnée à Dominique Strauss-Kahn que je pressentais très vulnérable notamment vis-à-vis des Américains après cinq ans passés parmi eux, mais j’avais été bien impressionné par un passage de celui-ci en Avril 2011 sur une de nos chaînes publiques : ses analyses des situations économiques et sociales de l’Europe étaient calmes, précises et de bonnes dimensions. Je suis intervenu à l’Elysée et à l’ambassade américaine de Paris pour que son sort soit plus respectueux de la dignité humaine. Mais il s’avère certain que nous l’avons échappé belle grâce à l’incident du Sofitel.
La France a de telles ressources dans le cœur et l’intelligence de la plupart de ceux qui, à l’étranger, l’estiment que cette combinaison d’un candidat scandaleux et d’un président psychopathe et pantomime ne nous a pas irréversiblement diminués. Ce serait la confirmation par notre vote du second tour que nous avons à tout prendre apprécié le premier quinquennat de Nicolas Sarkozy au point d’en vouloir un second, qui serait désastreuse et signifierait que nous ne sommes plus nous-mêmes, ou plutôt que nous sommes devenus autres. 
Discutable sa relation, d’un modèle trop courant dans la politique et le journalisme d’aujourd’hui, avec celle dont j’espère qu’elle ne sera pas affublée de ce titre hors Constitution et hors tradition : première dame.
Il a de la volonté : un régime amaigrissant. Il peut tuer, mais se retient. Cela s’est vu à l’automne dernier. Cameras habiles à filmer ceux qui regardent et non plus celui, celle surtout qui parle : les primaires socialistes.


Eva Joly

Sa lettre à « chère France », en clip de campagne, m’a ému. Elle a démontré, s’il en est encore besoin, que les nouveaux venants au patriotisme et à l’appartenance, à l’esprit français sont bien plus solide d’amour et d’intelligence que bien des nantis parmi nous. La crânerie d’un port de lunettes ridicule au premier abord m’ont chacune émue. L’écologie par extension d’une vue personnelle et d’expérience de notre société, de ses cécités et des vices que nous tolérons. Elle a eu le courage de ne pas jeter l’éponge malgré des sondages désastreux et la critique de ses amis. Elle a su jeter au bon instant le relevé des graves présomptions pesant sur l’honnêteté et la moralité, le civisme du président sortant. Il est paradoxal que n’ait été traitée qu’en primaires socialistes puis en caricatures la question de l’énergie nucléaire et de sa production, que n’ait pas été abordé techniquement et financièrement celle de l’énergie éolienne. Elle n’a malheureusement pas su camper l’autorité morale dont les sujets écologiques, « environnementaux » – éminemment prospectifs mais soumis plus que tous les autres, aux lois de l’urgence et à des choix éthiques et sociaux – ont besoin. Depuis vingt ans se multiplient rencontres à tous niveaux et de toutes sortes, traités, protocoles et propositions fiscales sans que s’exprime une volonté générale et globalisante. La dimension cosmique, moquée chez Jacques Cheminade, et la dimension de notre environnement, tour à tour exploitée politiquement (le « Grenelle ») ou daubée, devraient un programme commun à tous les partis. On en est loin.
Je souhaite qu’Eva Joly soit notre prochaine garde des Sceaux, et que par elle les lois pénales pensées et écrites par Robert Badinter puis Pierre Arpaillange aident à inventorier et abroger l’empilement des textes répressifs depuis 2002 et surtout depuis 2007, et que par elle aussi, soutenue par l’élu du 6 Mai prochain, la justice aille au fond des affaires ayant vainement fait l’actualité hebdomadaire du quinquennat qu’il y a lieu de juger, et de toutes celles qui en politique depuis cinquante ans sont restées irrésolues, de la révision du procès Pétain aux assassinats/suicides de Robert Boulin, de Pierre Bérégovoy et d’autres. La raison d’Etat tue la démocratie.
Elle n’est pas affectée, elle nous choisit, elle aime la France. Nous ne sommes pas son tremplin, en campagne elle ne sait pas s’y prendre parce qu’elle ne s’y prend absolument pas comme les autres.


Marine Le Pen

Le Front national a eu deux chances. Celle des régionales de 1998 développées en stratégie d’alliance avec le parti dominant la droite gouvernementale : Bruno Mégret l’incarna. Celle d’une relève de génération, de présentation, de moindre provocation médiatique : Marine Le Pen pouvait l’incarner. Elle le promettait avec intelligence et force tandis que son père restait le candidat. De même que celui-ci ne sut pas progresser d’une voix entre les deux tours de 2002, de même elle n’a pas su, dans cette campagne, devenir décisive au contraire de quelques sondages qui la faisait, avant l’été dernier, éliminer du second tour le président sortant. Ses efforts pour banaliser sa candidature, sinon son mouvement – elle envisage maintenant d’en changer le nom selon le succès ou pas d’alliances avec les « souverainistes » aux prochaines législatives – ont échoué. Les partis extrêmes en France depuis un siècle ont toujours su s’attirer le concours ou la caution d’écrivains notoires et d’élus si solidement ancrés localement qu’ils peuvent refuser les investitures. La droite « fasciste » des années 1930, le Parti communiste à toutes ses époques et encnore aujourd’hui ont eu ces alliés ou ces sympathisants. Pas le Front national. Le programme économique n’est pas superficiel.
Alors que l’écologie devrait être la conviction et le souci de tout mouvement politique, sans qu’il y ait à en étiqueter aucun en exclusivité, mais n’y parvient pas, l’idéologie du bouc émissaire a au contraire réussi à pénétrer puis à structurer le parti dominant à droite – par le principal de ses élus, le président de la République. Le Front national rend au président sortant le grand service d’exister et donc de lui permettre de faire croire qu’il n’est pas lui-même de cette famille.
Je n’ai jamais rencontré personnellement ni le père ni la fille. Je ne sais s’il est possible d’échanger avec eux. Il est possible qu’une élection nominale à des responsabilités exécutives ferait sortir de son cercle hérité l’actuelle candidate des simplismes et des frustrations. Il ne dépend pas d’elle que la sagesse nationale permette la représentation proportionnelle et que la logique de l’U.M.P. si renégate – dans son discours actuel – du legs gaullien lui offre de fusionner, puisque l’idéologie est la même et que le mandat à juger met en œuvre depuis cinq ans, et surtout le discours de Grenoble, la plupart des pétitions du Front national.
Je l’aurais crue bien meilleure en campagne. Son score ne dépend que des électeurs. Ceux-ci ne la déterminent pourtant pas. Les plus simples sont mystérieux, les bavards ne disent rien. Elle participe de ces deux stypes de comportement public.


Jean-Luc Mélenchon

En séminaire pour les jeunesses socialistes, réunies à Niort l’été de 1997, et auquel j’assistais, il est passionnant, éblouissant de verve, de logique. Je l’ai alors rencontré et pratiqué : en tête-à-tête il est précis et moins égotiste. Il a la culture d’un élu local et la dialectique de l’extrême-gauche. Voici que paradoxalement, c’est un socialiste qui va re-fonder le Parti communiste. Arnaud Montebourg, plus restreint de registre, n’a pas osé aller sur cette voie. Son score aux primaires lui permet tous les parcours si François Hollande ne l’emporte pas cette fois-ci. Un Parti socialiste, réorienté à gauche, un Parti communiste à nouveau charismatique face à une droite qui serait l’argent et se déguiserait de moins en moins efficacement en porteuse de valeurs, donneraient ensemble une bataille encore sans précédent en France : un changement d’idéologie dominante par la voie électorale et parlementaire. Jean-Luc Mélenchon est en effet le seul à proposer comme mode de retour à la démocratie, non pas une présidence de la République s’en tenant aux textes et à la pratique du général de Gaulle, mais l’élection d’une assemblée constituante.
Le candidat du Front de gauche – en plus – a de l’humour et il a bien choisi son prédécesseur pour les tréteaux : Georges Marchais, ce dernier avait de beaux yeux, se prêtait à la caricature. Lui, ne vieillit pas mal et pourra même devenir bonasse. Populiste, dialecticien, il va peser sur la vie politique française tant que Dieu lui prêtera vie. Les votes en tout cas ne vont pas lui manquer. Seul au pouvoir, il serait dangereux de comportement mais pas d’idées. En collégialité et en débats sur l’exercice du pouvoir, ce qui devrait être le cas à partir du 6 Mai prochain, il sera au meilleur de son utilité.


Philippe Poutou

Rien qu’un moment, sur France 2, en émission électorale, le même quart d’heure que les autres, mais le sourire, la décontraction, l’évocation si vécue des copains, des discussions, des débats qu’il me semble que chacun pourrait avoir du bonheur à trinquer ou à regarder avec lui quelque sujet que ce soit, quelque spectacle ou à faire le point de toute lutte. Votez comme vous combattez. Ce n’est pas de la conviction, ce n’est pas une cause, c’est la vie à défendre ensemble, la vie pas au sens de la bio-éthique manœuvrée par des intégraux (ce n’est pas péjoratif au contraire d’intégristes) mais la vie au sens de la société hors de laquelle personne ne survit.
Ouvrier candidat, et il l’est vraiment : tel Albert (prénom ou nom seulement, on ne saura jamais et qui a cherché à le savoir ?), dernier de la liste du gouvernement provisoire publiée à l’Hôtel-de-Ville de Paris en Février 1848, Lamartine en portant le drapeau.
Avantage pour n’importe quel autre candidat, y compris Nathalie Artaud : en l’écoutant, au physique de Jean Yanne et à l’authenticité de tout Français aux mémoires ataviques du travail, de la grève, du syndicat, des rapports de force dans une entreprise quand celle-ci va ou trop mal ou trop bien, on entend le résultat de toutes nos démolitions de ces vingt ou trente dernières années, telles que nous les avons laissé faire, à compter de la première cohabitation, quand au programme de ce qui se revendiquerait désormais comme la droite, inscrivait la privatisation de la poste et des chemins de fer (excessif à l’époque, surtout pour les signataires, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac et en passe d’etre réalisée aujourd’hui). Mais c’est dit avec le sourire parce qu’il reste la chaleur humaine, partout sauf dans nos prisons surpeuplées (les peines-plancher).
Qu’il ne pèse rien, qu’il soit à peine l’homme-sandwich pas prétentieux, pas même un porte-parole, c’est secondaire. Le prix de sympathie va à lui. L’élection est un choix d’amour même s’il semble déplacé de l’écrire. N’est-ce pas l’acceptation pour cinq ans d’une ambiance, d’une présence médiatique, d’un système  d’existence ? même si le prochain président parvient à nous faire revenir sur les habitudes et tolérances de ces cinq années-ci.
Son sourire, en conclusion, comparé à celui du président sortant, le Président sortant de la salle de ce spectacle en dix sketches, avant lui. Le sien lui ouvrait le visage et venait des yeux, rieurs et complices, offerts. Celui de Nicolas Sarkzoy était un jeu de lèvres découvrant la mâchoire serrée. Le premier remerciait et disait une égalité foncière avec tous ceux du plateau et de la salle : démocratie. Le chef de l’Etat, puisqu’une candidature à la réélection n’ouvre pas d’office l’intérim de la fonction afin que tous soient à égalité, qu’un bilan puisse se faire et qu’aucun abus de posssession d’état ne soit passible. Le tricolore réservé à l’Etat et interdit à quelque candidat que ce soit. De Gaulle en ballotage… le chef de l’Etat au contraire jouait les excuses, l’humilité de l’élève devant un jury. Je crois Nicolas Sarkozy parfois penaud, un Philippe Poutou comme il y en a encore beaucoup : jamais.


Nicolas Sarkozy

Donc : lui. Habileté certaine, avoir défait des Pasqua et des Chirac, avoir deviné la vénalité psychologique d’Edouard Balladur, et discernant que l’extrême rassuera las modérés, s’être fait élire un peu là-dessus et se faire réélire complètement là-dessus. Habileté : avoir établi dans l’esprit collectif français, une amnésie quasi-générale pour tout bilan, pour toute alternative dont pourtant le passé nous a donné l’expérienceséie
Je n’avais aucun a priori contre lui en 2000-2002. Comme depuis le départ du général de Gaulle en 1969, je cherchais quelqu’un de conviction et de mérite qui puisse reprendre le legs de celui-ci. Cela me passa dès 1974 quand il apparut qu’aucun des épigones du gaullisme ne produirait un nouveau personnage, pas forcément hors du commun, mais d’audace intellectuelle et de pratique référendaire et participative (c’est au centre, François Bayrou, ou à gauche, Ségolène Royal, que ces thèmes ont retrouvé une expression). Je cherchai dès lors qui, ayant de fortes chances d’arriver au pouvoir, aurait assez de liberté une fois parvenu pour revenir au bon sens gaullien. Le député-maire de Neuilly, possible Premier ministre, pouvait être de cette sorte. La correspondance fut passe-partout.
Dès son élection présidentielle, quoique j’avais milité pour Ségolène Royal, répondant parfois et personnellement à mes suggestions ou impressions de programme et de campagne, je proposai à Nicolas Sarkozy des propos brefs et gouvernementaux. Je le tentai à propos de l’Europe, de la démocratie, puis sollicitai de participer en avant ou en arrière de la main aux travaux constitutionnels que je jugeais cependant inopportun dans leur principe. Le retour à la responsabilité présidentielle sanctionnée par la démission de celui qui revendique la confiance populaire et ne l’obtient me paraît depuis 1969 la seule révision efficace de nos manières de vivre les institutions de la Cinquième République.
L’Afghanistan, le retour dans l’OTAN, cette révision constitutionnelle étaient autant de motifs d’opposition. J’ai continué de courieller ou d’écrire à Nicolas Sarkozy jusqu’à l’automne de 2011, lui suggérant à plusieurs reprises la manière de reprendre la main pour lui et de faire gagner du temps et de la substance au pays : anticiper l’élection présidentielle dès lors que la crise « mondiale » appelait une relance européenne sans précédent et le recours à des nationalisations et à des emprunts directs citoyens. Ou bien former un gouvernement d’union nationale en référence aux nécessités et non à la suite de son mandat.
J’ai donc traité le président sortant comme notre premier magistrat dont la fonction doit être respectée et susciter jusqu’au bout l’espérance. Dès 2005, j’avais été choqué par l’insolence de Nicolas Sarkzoy envers Jacques Chirac présenté comme un roi fainéant. J’ai deux reproches contre Jacques Chirac : avoir démoli nos institutions par le quinquennat et son incrustation à l’Elysée malgré ses défaites personnelles en 1997 et en 2005, avoir permis Nicolas Sarkozy à qui il pouvait ou casser les reins en lui interdisant le gouvernement et le parti ou dévoiler la véritable personnalité en lui confiant Matignon. Reproches non exclusifs de ceux plus personnels : avoir laissé Robert Galley et Alain Juppé payer à sa place, avoir inauguré une immunité viagère de droit et plus encore de fait pour tout élu à la présidence de la République.
En Mars 2009, j’ai surpris – par un éminent ami mauritanien, président démocratiquement élu de son pays puis renversé par quelques colonels – Nicolas Sarkozy en mensonge flagrant : il affirmait avoir téléphoné à l’infortuné au moment de sa chute et n’avoir en revanche remarqué aucun mouvement qui ait soutenu sa légitimité. Faute que mon ami s’abaisse à démentir, je m’en chargeai par tous moyens, ma messagerie et celle de ma femme furent aussitôt ravagés et notre téléphone longtemps placé sur écoûte.
Mes missives, notes et courriels vont avoir leur éditeur. Les citoyens dirigés par un autiste. Toute collectivité peut avoir ce caractère débilitant pour qui appelle à l’intelligence ou au secours, mais précisément la politique, les institutions, l’Etat secrètent le roi sous le chêne de Vincennes, le recours, l’arbitre, le monérateur, le justicier, en fin de compte le bienfateur, car si le pouvoir était continuellement bienfaisant, il faudrait préférer son autocratie à la démocratie. Nicolas Sarkozy inspire cette réplique dans L’espoir : je ne veux pas qu’on me dédaigne. Je crois qu’il l’inspire à presque tous les Français, qu’il le sait puisqu’il a le regard si triste. L’omnipotence est une compensation.
Puis, il y a la grimace. Assistant, quai Conti, au cinquantenaire de notre Constitution, je contemplait le spectacle en partie double des courtisans en habit vert de tous les instituts et du chef de notre Etat mime sidérant de Louis de Funès, ne contrôlant aucun de ses gestes et abaissant le discours censément le plus solennel aux contre-vérités et à un ton, un vocabulaire, un dire lamentables. La chasse aux Roms, incompréhensiblement pardonnée par Vivane Reding et Benoît XVI achevèrent de me convaincre que la France n’a plus de représentant à sa tête depuis bientôt cinq ans.
Rencontrerai-je le personnage que je serai intimidé ? sans doute alors que je ne le fus par aucun chef d’Etat étranger, par aucun ministre du général de Gaulle ou qui que ce soit en exercice et pas par François Mitterrand, direct et proche s’il en est à condition que ce soit en tête-à-tête. Le personnage déséquilibré et sans structure ni culture, faute de père en affection et réelle acsendance, et de mentor en politique faute que Jacques Chirac en ait eu l’exemplarité et Edouard Balladur l’honnêteté intellectuelle et morale, est inexpugnable par mépris de l’autre, obséquiosité devant ceux qu’il envie (les gens d’argent), qu’il craint (un instant, Ségolène Royal dans le débat de l’avant-deuxième tour de 2007 ou son homplogue chinois), qui le fuient (Cécilia…), la vie qu’il a choisi de vivre par le forceps, le culot depuis ses dix-huit ans ou vingt ans l’a rendu méchant. Comme tout autodidacte, il est totalitaire, impossible à raisonner à moins de prendre ses propres défauts d’intolérance.
J’attends avec intérêt les mémoires et les témoignages de Claude Guéant, de Christian Frémont, de Xavier Musca, ses collaborateurs : en donneront-ils ? Témoignage sur sa façon de travailler. Ce que chaque semaine, la presse, et notamment le Canard enchaîné, confirme est le mépris avec lequel il traité ses plus proches comme ses ennemis politiques, voire la plupart de ses homologues étrangers. Dans d’autres époques, il eût été dictateur absolument : rien que la manière dont pendant cinq ans, il s’est substitué aux ministres et d’abord au Premier, au législateur à qui il dictait en dialogue télévisé avec des journalistes les dispositifs à écrire et à voter, et surtout la revendication de bâtir sans précédent sur table rase, tout en servant, comme par hasard, toujours les mêmes intérêts et les mêmes positions sociales. Pis, à la tête d’une très grande puissance il eût déclenché une guerre mondiale. Quant aux camps de rétention, à la prison arbitraire, à l’espionnage, ils existent chez nous. Quant à la réplique mensongère quand la question est frontale, elle est d’un homme qui a évalué qu’aucun de ses contemporains n’a son culot.
Je renonce volontiers à tout ce que je viens d’écrire en regardant mentalement le président sortant, en considérant simplement que tous les six mois, et en couverture de Match dernièrement, Nicolas Sarkozy a assuré qu’il changeait et – maintenant – que réélu il serait « un président différent ». Donc inconnu, vierge premier commencement.
J’ajoute cependant qu’effectivement personne ne le connaître d’amitié, d’affection. Il n’est pratiqué semble-t-il par son entourage, qu’exactement comme par tous les Français : subi. Pourquoi ? question qui nous renvoit à nous-mêmes. Je sais en quoi il a nui à la France, mais ceux qui le soutiennent savent-ils pourquoi ils le soutiennent ? par hostilité à qui ? à l’un ou l’autre de ses compétiteurs dont aucun n’a exercé le pouvoir ?
Il nous a appris à tolérer abus, immoralité, mensonge. A sa décharge, il est le résultat de beaucoup de nos évolutions psychologiques récentes, elles-mêmes produites par un tempérament national particulièrement vulnérable dès que se dissolvent l’Etat et la nation, que l’outil de la démocratie et du service public est diminué, moqué, mésestimé, que la comparaison ou le modèle étrangers l’emporte sur la considération de nos expérience et de notre nature.
Bien mieux que moi, ici, les anonymes collectifs du Figaro et du Monde – Surcouf pour les armées, Marly pour les diplomates, Calvignac pour le corps préfectoral – et Jean-Noël Jeanneney, à la troisième génération de patriciens de la République (l’Etat blessé) ont jugé l’œuvre, donc dit l’homme.
Alors, « le bon choix », « les valeurs françaises », la reprise de François Mitterrand : la lettre à tous les Français devenue lettre au peuple français, mais introuvable quoique j’en ai fait la demande à Jean-François Copé (la messagerie-contact direct pendant la campagne de 2007 ne fonctionnait pas…), et le portrait de profil mais regard vers la droite, pour la France unie regardée en 1988 depuis la gauche.

Bertrand Fessard de Foucault
dimanche 22 Avril 2012

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