jeudi 3 avril 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 1er.5 Décembre 2011




Election présidentielle 2012

observations & réflexions

V




1er  . 5 Décembre 2011

Le ou les vrais débats ?


On nous prend petit à petit
un chasseur dans la baie de Somme – enquête de France-Infos. diffusée le 18 Novembre 2011

Les résultats : un élément important d’évaluation, mais pas suffisant
Franck Riboud, PDG de DanoneChallenge 13-19 Octobre 2011

C’est la politique de la peur et ceux qui réagissent, passent pour des révolutionnaires.
Je n’ai pas peur : j’ai la vie avec moi
Danielle Mitterrand rappelé par France-Infos, le matn du mardi 22 Novembnre 2011 – propos de Mars 2010


Les faits…


17 Novembre – à Montfermeil, Claude Guéant envisage publiquement de sanctionner par le refus de renouveler des titres de séjour, les manques d’assiduité aux « programmes d’intégration »



18-19 Novembre – sondage BVA-Orange : 1er tour, Hollande 32% - 7 contre Sarkozy 27% + 4 ; 2ème tour, Hollande 58% (-4) 



18 Novembre – le Conseil constitutionnel recule sur la nouvelle législation de la garde à vue : possibilité d’interrogatoire du suspect pendant les quatre premières heures sans assistance d’avocat


20 Novembre – en Espagne, victoire écrasante du Parti populaire emmené par Mariano Rajoy sur le P.S.O.E. enregistrant son plus mauvais score depuis 1976 (le chômage atteint 21% de la population active et 47% des moins de 25 ans)

21 Novembre – Moody’s estime la France en déséquilibre par renchérissement du taux de ses emprunts et défaut de croissance – débat sur la récidive et les centres d’éducation fermés à la suite du meurtre d’une adolescente par un camarade censément sous surveillance judiciaire et psychiatrique – aux Etats-Unis, le « super-comité » bipartite ne parvient à s’accorder sur des recommandations budégtaires s’imposant à la Maison Blanche et au Congrès 

22 Novembre – aux Etats-Unis, démocrates et républicains ne parviennent pas à s’entendre sur la réduction des déficits publics – mort de Danielle Mitterrand – réunion UMP à Lambersart (Nord) pour présenter le programme économique et social, « programme du courage »

23 Novembre – l’Allemagne peine à placer sa dette sur les marchés
25 Novembre – à Tricastin, Nicolas Sarkozy s’exprime à nouveau sur le nucléaire – au Maroc, les élections anticipées sont remportées par  les islamistes (Parti de la justice et du développement) : 107 sièges sur 395 et leur chef est appelé par Mohamed VI, le 28, à former le gouvernement

28 Novembre – Moody’s préparerait une dégradation de l’ensemble des Etats-membres de la zone euro. pour leur incapacité à résoudre la crise des dettes souveraines – l’OCDE prévoit une récession de quelques mois pour la France et pour l’Allemagne – rumeur d’un plan B concocté entre Paris et Berlin : durcir les critères de Maastricht dans le traité de Lisbonne, au besoin par un traité bilatéral auquel l’Italie serait invitée à s’associer – Le Monde publie une mise au point de François Hollande sur sa politique énergétique

28-29 Novembre – réunion de l’eurogroupe au niveau des ministres des Finances : libération de 8 millaurs d’euros pour la Grèce et renforcement de la coopération avec le F.M.I. – en Egypte,  premier tour des élections constituantes : les Frères musulmans obtiennent 37% des suffrages, le parti salafiste Al-Nour 24% et les libéraux 13%

29 Novembre – propositions par l’U.M.P. d’un code pénal pour les mineurs

30 Novembre – rupture diplomatique des « Occidentaux » avec l’Iran à la suite du saccage de l’ambassade britannique – à la suite d’un accord budgétaire le 27, les partis belges s’accordent sur Elio di Rupo, président du parti socialiste wallon, pour diriger le gouvernement après 535 jours sans gouvernement – Laurent Gbagbo est incarcéré à La Haye, premier ancien chef d’Etat à passer en jugement devant la Cour pénale internationale – séminaire-bilan présidé par le Premier ministre sur la « révision générale des politiques publiques », lancée en Juin 2007 par le président de la République – François Hollande à Bruxelles confère avec le groupe socialiste au Parlement européen et s’entretient avec le président de la Commission, notallent sur l’avenir du site d’Arcelor à Florange

1er Décembre – à Toulon, Nicolas Sarkozy discourt sur la crise, l’Europe et  le couple franco-allemand tout en attaquant le PS sur l’immigration, la retraite à 60 ans et les 35 heures

2 Décembre – devant le Bundestag, Angela Merkel reconnaît la perte de crédibilité des politiques en Europe, à laquelle échappent seules les banques centrales, la B.C.E. et la Cour constitutionnelle de Karksruhe – Marie-Laure divorcée de Dominique de Villepin est interrogée, dans l’affaire Relais & Châteaux de surfacturation, sur le financement du cabinet d’avocats et des activités politiques de l’ancien Premier ministre

4 Décembre – en Russie, le parti de Wladimir Poutine passe de 64,03 % des voix en 2007 à 49,54% - en Croatie, le parti nationaliste fondé par Franjo Tudjman est battu par celui de Zoran Milanovic obtenant 80 sièges sur 151 à la Diète – en Slovénie, les élections anticipée donnent par surprise la victoire à Zoran Jankovic, maire de Llubjana et de centre-gauche contre le favori ancien Premier ministre et chef du Parti démocrate Janez Jansa

5 Décembre – Greenpeace démontre par son intrusion dans plusieurs centrales nucléaires françaises que n’est pas leur sûreté face à des individus déterminés, ni a fortiori contre l’imprévisible genre accident d’avion – publication d’un sondage selon lequel 36% des Français (65% des ouvriers et 53% des employés) souhaitent un retour au franc, 44% jugent que l’euro. est un handicap mais 49% contre 37%  sont favorables à un renforcement des pouvoirs de l’Union européenne en matière fiscale et budgétaire – déjeuner de travail Merkel-Sarkozy à l’Elysée : refus des euro-obligations, perspective d’un nouveau traité européen à 17 au lieu de 27 et sur la rigueur budgétaire – Standard & Poor’s annonce en soirée qu’elle s’apprête à dégrader les six pays de la zone euro. encore cotés AAA (Allemagne, Autriche, France, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas) et que la France sera la seule à être dégradée de deux crans – François Baroin assure qu’il n’y aura pas de troisième plan de rigueur

7 Décembre – François Bayrou officialise sa candidature

8-9 Décembre – réunion du Conseil européen 




La campagne pour l’élection présidentielle française est lancée. Deux candidats sont visibles. L’un sans changement depuis son élection en 2007, incapable de surprendre même s’il renonçait, tant son personnage est devenu explicite et expliqué, tant il a fait savoir qu’il changeait et se « présidentialisait » : Nicolas Sarkozy, tenant du titre mais défait selon les sondages avec un écart qui diminue mais demeure d’une dizaine de points, L’autre peu prévu il y a un an, peu connu comme personnalité et pouvant donc surprendre en bien ou en moins bien, pouvant décaniller en quelques jours dans les sondages et dont la victoire sera difficile, les débuts à l’Elysée héroïques, herculéens. Deux personnages qui ont un point commun : un fort « ego », la volonté de parvenir à leurs fins, et quoiqu’en dise l’U.M.P. une grande expérience chacun. Nicolas Sarkozy a celle l’exercice de l’autorité par cynisme et intimidation, autant que par le sacre électoral et les prérogatives de la fonction, maintenant en débat. François Hollande celle du débat, de la consultation, de l’accompagnement, ainsi de François Mitterrand, président de la République, puis de Lionel Jospin, Premier ministre. Les camps et soutiens en faveur de l’un et de l’autre sont de force – je crois – équivalente, mais de consistance très différente. Le soutien au président sortant est de mise dans son parti, sa majorité, son entourage, la suite des carrières dépend de sa réélection. Qu’il la manque, et il faudra attendre cinq ans pour les grandes responsabilités si l’on est dans la partie exécutive, avec l’aléa considérable d’ignorer le successeur ou le candidat de la revanche (aujourd’hui ce serait François Fillon ou Jean-François Copé, puisqu’Alain Jupé ne peut concourir qu’en remplaçant haut-le-pied du président sortant, ce que continuent d’espérer beaucoup de la majorité sortante), et ce sera la débâcle électorale pour l’U.M.P. L’Assemblée Nationale sortante est analysée, statistiquement, comme la plus âge de


Discernement aussi sur les temps actuels et les remèdes qui ne sont pas techniques mais politiques et spirituels. La France a subi ces crises morales, pas seulement en perdant des guerres (ce qui la faut davantage réfléchir que ses victoires, cf. l’issue de la Grande Guerre) mais en hésitant sur les élections : entre 1981 et 2002, tout s’est passé comme si les Français changeaient constamment d’avis, sans vraiment trouver une orientation à laquelle se tenir. L’immobilisme de Jacques Chirac et la crispation du discours de Nicolas Sarkozy, l’absence de diagnostic d’ensemble proposé par les politiques, à commencer par le président de la République quels que soient les surabondances de la prise de parole et les décisions d’organigramme, les nominations faisant réseau ont abouti à la cécité collective et au possible mutisme de l’électeur en 2012. Ainsi est mis en cause la possibilité-même de la politique et de la démocratie. Peut-on décider ? y a-t-il dans les circonstances actuelles matière à décider, s’il n’y a aucune alternative aux politiques seulement réactives de la France et de l’Union européenne depuis quatre ans ?  

2° un referendum ou un plébiscite ?

Comme en 1965, l’élection à venir est binaire, quels que soient le nombre et la qualité des candidats, c’est-à-dire des adversaires de Nicolas Sarkozy. Maintient-on le général de Gaulle dans les fonctions qu’il a créées ? approuve-t-on la forme et le fond des politiques imposées par Nicolas Sarkozy à l’ensemble des politiques de son camp et de l’autre. Il y a cependant une différence entre 1965 et 2012, même si le personnage principal est tel que sa réélection ne le changera pas. De Gaulle vécut son élection comme sa banalisation et surtout comme un signe que son temps et sa manière étaient désormais surveillés, en sursis ; cela produisit un prodigieux testament, un legs que son premier septennat n’aurait pas donné. La décolonisation, les institutions, la réconciliation franco-allemande étaient un cadre : à tout faire. La percée à l’Est et vers l’Union soviétique, le défi aux Etats-Unis à propos de la question israëlo-arabe et de la guerre du Vietnam, le Québec libre et surtout la grande pétition de la participation sociale et politique, en trois ans et demi seulement ont inauguré une politique étrangère mondiale en rayonnement et en efficacité autant qu’une dialectique en politique intérieure reprenant, sur le mode démocratique, celle de la lutte des classes et des grands intérêts travail/capital… et caractérisé, par la possibilité de sa sanction, la responsabilité présidentielle (la démission en cas de referendum négatif). Tandis que la réélection de Nicolas Sarkozy ne conduira à aucune imagination collective et confirmera la séparation entre les gestionnaires et les administrés, contribuables, chômeurs et assujettis de toute sortes. Le président sortant n’arguera pas de son bilan mais des excuses pour celui-ci : la crise. Il ne peut rien promettre, notamment parce que son immobilisme confirmé à propos de la réorganisation européenne ne lui donne aucun espace ni intellectuel ni politique, et parce que ses grands engagements de 2007 n’ont pas été tenus. Le referendum porterait sur un programme. Le compte-rendu de mandat par le président sortant le lui interdit.

C’est donc bien une question de personne qui sera tranchée en 2012. Un plébiscite, qui peut être négatif, si l’adversaire socialiste incarne l’ensemble de l’opposition des Français soit à la manière, soit aux décisions prises, soit aux lacunes et aux injustices et si son propos devient un programme, une perspective : alors l’élection vaudra referendum. Mais l’élection présidentielle est aussi la meilleure figuration de l’opinion publique ; elle est pour l’heure la seule prise en compte de courants d’opinion ou de familles politique qui ne peuvent ni au scrutin de liste sénatorial ni au scrutin uninominal à deux tours pour le Palais-Bourbon, faire élire l’un ou l’une quelconque des leurs. L’élection présidentielle confirme – ou rappelle – que les élections à l’Assemblée nationale sont très insuffisamment représentatives et que la consultation directe des Français en circonscription, donc le referendum en cours de mandat présidentiel, est populaire, efficace, source de légitimité et d’autorité vraies.

3° un jeu à trois

Jusqu’en 1986, les trois forces en compétition pour l’exercice du pouvoir redéfini par la Constitution de 1958 étaient une majorité présidentielle, unie jusqu’en 1974, désunie manifestement en 1981, qui refusait l’étiquette de droite d’une part, et deux partis explicitement réformistes en société et en économie, se revendiquant de gauche. L’entrée du Front national au Parlement en même temps que les institutions devenaient émollinentes du fait de la « cohabitation » a modifié l’un des trois partenaires. Depuis vingt-cinq ans, le Front national sans accéder jamais à un pouvoir de gestion démontrant des capacités positives (Orange et Toulon, Vitrolles dans une certaine mesure ont vite changé l’étiquette de leur nouveau maire) arbitre l’élection présidentielle : la dualité de candidatures crédibles à droite depuis 1981 a moins modifié les donnes électorales que l’arbitrage du Front national qui dominera en 2012, bien qu’en 2002 ou en 2007. En réalité, il faut considérer que cette dualité – toujours à droite – n’est plus entre R.P.R.-U.M.P. et les modérés, mais bien entre l’U.M.P. et le Front national, mais sa nature est plus complexe : en 1974, 1981, 1986, 1995 il y avait lutte pour l’exercice du pouvoir mais peu de différence entre les politiques proposées, tandis que depuis 2002 le débat est entre protestataires et exécutif. Il n’y a aucune chance pour que le Front national gagne l’élection présidentielle, mais il est déjà acquis depuis 2007 que ses thèses ont triomphé en France, à défaut de l’étiquette.

L’inconnu de 2012 – en fait de ces mois-ci – est au « centre », c’est-à-dire qu’il existe une famille d’esprit ne se reconnaissant pas dans la politique et le dire de la majorité et du président sortants, mais ne votant pas a priori pour l’opposition de gauche. Elle se cherche un champion, Jean-Louis Borloo n’a pas saisi cette occasion, François Bayrou est sollicité davantage par les principaux candidats que par les électeurs car si les sondages lui donnent un potentiel de 29% des votants, seuls 7% sont décidés à ce suffrage. L’un et l’autre – à l’épreuve – manquent du charisme ou de l’autorité dont Jean Lecanuet en 1965 et Valéry Giscard d’Estaing en 1974 firent preuve au point de rompre le manichéisme d’une consultation jusques-là dominée par le seul second tour.


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II – Pour le présent : les hors sujets et ce qu’ils appellent à leur contraire


1° un débat sans orientation

Symbolique, la libairie politique actuelle [i]. D’abord qu’un ancien président de la République, longtemps ministre des Finances en des temps certes très différents mais dont la mémoire devrait produire une grande liberté d’examen et une sûreté technique, puisse commettre un pâle roman « de gare » au lieu d’écrire un diagnostic et une médication d’ensemble. D’autant que Valéry Giscard d’Estaing a brigué une présidence de l’Europe qu’il eût certainement exercé avec certitude et rayonnement. Une autorité morale – tardive mais peu contestable – aurait pu apparaître, relativisant notre campagne et notre élection présidentielles françaises comme elles doivent l’être tant la crise des économies et des institutions européennes appellent d’autres dimensions. Nous élisons le partenaire de nos partenaires, notre représentant mais non plus notre seul décideur. Valéry Giscard d’Estaing dont n’est pas contesté le don de débatteur et de metteur en page sur les sujets difficiles, manque à sa vocation, même s’il est expliqué rétrospectivement qu’il n’a candidaté à son époque que faute d’inspiration littéraire et par doute de sa capacité…Ensuite, Dominique Strauss-Kahn, parfaitement dimensionné pour une synthèse d’électorats flottants en France et pour une conciliation des positions entre Etats-membres en Europe, s’est probablement fait piéger à New-York mais passait trop de temps en pensée et en agenda à ses addictions, et a laissé trop d’éléments en France-même pour que sa vulnérabilité soit établie. J’aurais préféré un livre de lui consacré d’une seule plume à sa compréhension de la crise, surtout s’il est avéré que ce sont les débats imminents sur la défaillance grecque et ses propres propositions qui firent décider en urgence, et selon un habile processus, sa mise à mort. Deux livres manquent. Ceux qui sont en devantures s’égalent les uns les autres en superficialité : candidats, programmes, règlements de compte, évaluations des psychologies sont de camapgne en campagne de moins en moins approfondis et de plus en plus mal écrits. En 1965, il y avait eu le destin secret de Georges Pompidou (les frères Bromberger), ce qui était – même avec la candidature du Général – un vrai sujet, et en 1969, le Pompidou de Pierre Rouanet (déjà connu pour son excellent Mendès France) donnant – déjà – la thèse du complot (contre de Gaulle). De semi-émule en 2007, que le livre de Catherine Nay sur Nicolas Sarkozy, parce qu’il donne l’état de ce que l’on savait de lui avant son élection : ce fut immédiatement précieux, ce l’est plus encore aujourd’hui en termes de responsbailité collective pour ceux qu’il a séduits ou réduits. Significativement, les quarante ans de Mai 68 ont bien mieux produit que la projection de notre avenir à partir de 2012. Les livres de candidats : Ségolène Royal et François Bayrou avaient en 2007 une substance approchant, en alternative à nos médiocrités d’alors, les publications du programme commun de gouvernement en 1972 et ses commentaires pour ou contre. Nicolas Sarkozy saura-t-il écrire – de sa main – comme Valéry Giscard d’Estaing, Démocratie française, et comme François Mitterrand, la Lettre à tous les Français. Ces deux rédactions, chacune en situation, ont de la qualité et ont eu de l’impact. Un ou deux grands livres vont-ils bientôt sortir ? Morin ? Delors ? Lionel Jospin ? Mes projets : la compilation de mes analyses pendant la campagne de 2007 et les débuts de la présente, la compilation de mes adresses au pouvoir et à l’opposition depuis Mai 2007, l’évaluation par empathie des six présidents de la Cinquième République…

2° des polémiques sans fondement

Significatif, le discours du pouvoir encore en place prêchant d’autant plus sa réélection qu’il feint de n’avoir en rien à la préparer, tout à son devoir d’état qu’il veut paraître… la pose avait été celle de Jacques Chirac face à François Mitterrand, dans les derniers mois de la première « cohabitation » : il fait de la politique (politicienne, s’entend), moi je veille sur la France… Le mélange des genres s’accentue donc : il a pour effet pervers d’empêcher une prise de conscience de ce que sont les pouvoirs publics,  la responsabilité présidentielle, la compétence gouvernementale, et il installe l’évaluation la plus pernicieuse de la représentation nationale par les électeurs. Exemple : les accidents de la route, catalogue de « décisions » présenté hier par Nicolas Sarkozy en tant que président de la République. Naguère, c’était du ressort du délégué interministériel à la sécurité routière. Communications… ne pas dépasser trois mille morts, comme s’il n’y avait pas qu’une ambition, zéro mort. Jacques Chirac a donné le départ de ce genre d’abus de thèmes et de compétence : la sécurité routière, grande cause nationale pour son second mandat en 2002, avec le cancer et peut-être l’illettrisme.


[i] - en librairie actuellement

L’urgence de comprendre . pour une société meilleure (l’Aube . Novembre 2011 . 601 pages)

Philippe Bernard, Thierry Gaudin, Susan Genge, Stéphane Hessel, André Orléan

La fabrique des présidents (La Martinière . Octobre 2011 . 222 pages)  Florence Vielcanet

Le pouvoir dans la peau (Plon . Octobre 2011 . 238 pages) Jacques Séguéla

Les jeux du pouvoir (éd. de l’Atelier . Novembre 2011 . 110 pages) Jean de La Fougerie

Les loups et les chiens . la droite sous Sarkozy (éd. du Moment . Novembre 2011 . 179 pages) Alain Auffray

Tir à vue 1965-2012 (Novembre 2011 . 366 pages) Jean-Jérôme Bertolus & Frédérique Bredin

François Hollande, l’inattendu (l’Archipel . Novembre 2011 . 268 pages) Richard Michel

Les meilleurs ennemis . histoire secrète de la primaire socialiste (Fayard . Novembre 2011 . 201 pages)

Hélène Fontanaud & Sophie Landin

Dans la tête des candidats . le profil psychologique des présidentiables (les Arènes . Novembre 2011 . 383 pages) Pascal de Sutter & Hélène Risser

La fin du malheur français . un nouveau devoir politique (Stock . Septembre 2011 . 217 pages)

La République des idées . refaire société (Seuil . Novembre 2011 . 89 pages) coll. préf. Pierre Rosanvallon

Histoire secrète de la droite . 50 ans d’intrigues et de coups tordus (Nouveau Monde éd. Octobre 2011 . 640 pages) Eric Branca & Armand Folch

Sarko m’a tuer (Stock . Août 2011 . 355 pages) Gérard Dayet et Fabrice Lhomme

La face cachée de Marine Le Pen (Flammarion . Octobre 2011 . 125 pages) Romain Rosso

La France d’en bas face à Sarkozy (Favre . Octobre 2011 . 125 pages) Pierre Le Menahes

La société des égaux (Seuil . Septembre 2011. 428 pages) Pierre Rosanvallon

Le retour du citoyen (Cherche-Midi . Janvier 2012 !!! 320 pages) Jean Lassalle

Juppé, l’orgueil et la vengeance (Flammarion . Septembre 2011 . 226 pages) Anne Cabana

Anne Sinclair (Calmann-Lévy . Octobre 2011 . 319 pages) Alain Hertoghe & Marc Truchet


 

Le débat sur les emplois publics, notamment dans l’éducation nationale, soulevé par François Hollande en réaction à la tension dans l’Education nationale, et réactivé par l’U.M.P., pour un principe excédant ce seul ministère, n’a pas de sens. Les emplois dans la fonction publique et dans le service public correspondent certes à de la dépense publique, donc à un soutien de la consommation des ménages, mais leur justification est tout simplement le service public pour lui-même. L’assurer est la première responsabilité de l’Etat. L’Etat n’a d’existence qu’à trois conditions : qu’il ait des ressources humaines, qu’il ait des ressources financières, qu’il ait « le monopole de la contrainte organisée ». S’il doit y avoir débat, ce ne doit pas porter sur les effectifs, mais sur leur emploi et sur les tâches à remplir. Ne pas partir de la description de ce qui est fait pour en déduire ce que l’on peut supprimer, mais partir de ce qu’il faut faire pour en déduire des moyens. La RGPP (révision générale des politiques publiques) ne se prête ni à un bilan précis de son exécution et de ses effets budgétaire, ni à une validation par la Cour des comptes, le Conseil économique social et environnemental, le Parlement. Une approche comptable de la modernisation de l’Etat dressee contre les gouvernants les agents et les usagers. Elle n’a pas donné lieu à une actualisation des définitions et des missions de l’Etat. Le principe de subsidiarité établissant le partage des compétences dans l’Union européenne entre les Etats-membres et les politiques communes n’est pas mis en œuvre. Ce serait la voie d’une évaluation qualitative de ce qu’il y à améliorer ou à rationnaliser. Les économies seraient la conséquence d’un meilleur fonctionnement de la puissance publique, au lieu que les rechercher pour elles-mêmes désorganise et décourage.

Les thèses du Front national sur l’immigration, le traitement des étrangers ne méritent la discussion publique que pour une seule raison : elles ont été reprises presque intégralement par le parti présidentiel à l’initiative du candidat de 2007. Ce contenu nouveau et avoué pour un programme plus présidentiel que gouvernemental – François Fillon est en retrait et bien des ministres ne l’abordent jamais en public – mérite discussion pas pour lui-même mais en tant que stratégie d’un parti qui attente à l’unité nationale et à l’image de la France vis-à-vis des Français et vis-à-vis du reste du monde. Ce dévoiement s’est affiché dès la campagne de 2007 par le projet d’un ministère compétent pour l’identité nationale. Il a été malheureusement avalisé par Simone Veil, présidente du comité de soutien au candidat Nicolas Sarkozy. La politique d’intégration ou d’assimilation en revanche doit se débattre en définition, en moyens, en fins poursuivies. Elle a ses applications, elles-mêmes soumises à un débat qui ne peut se traiter hors ensemble : le vote des étrangers aux élections municipales, la sécurité. – J’ai proposé au pouvoir et à la Commission européenne (Viviane Reding) que soit instaurée une citoyenneté européenne indépendante d’une quelconque nationalité selon les Etats, en sorte que des communautés manifestement transnationales puissent être reconnues et s’organiser en tant que telles, et même être représentées au Parlement européen. Ce qui suppose évidemment une révision du traité.

« Sortir du nucléaire » n’est qu’un débat théorique à l’échelle d’un quinquennat. Il nous faut de l’énergie et sa production, sa disposition ne doit pas nous rendre tributaire sans réciprocité. François Hollande a posé avec justesse le problème qui est celui de notre indépendance et du progrès de nos technologies en tous domaines, généré ou pas par le nucléaire. Une substitution prend du temps et suppose des avancées techniques considérables pour l’exploitation d’autres sources d’énergie. L’entretien du parc existant importe autant que la recherche des énergies de l’avenir, et réciproquement. La question du coût avancé par Henri Proglio pour l’E.D.F. (un million d’emplois seraient détruits), par Benard Bigot pour le Commissariat à l’énergie atomique (750 milliards d’euros) et par l’Elysée pour l’U.M.P. (200.000 emplois détruits et augmentation de 50% du prix de l’électricité) n’a pas de sens puisque les paramètres sur les quelques vingt-cinq ans nécessaires à cette « sortie » varieront d’une façon peu prévisible, notamment la demande en électricité fonction de la conjoncture économique, des progrès techniques, de l’apparition de nouveaux besoins. Mais il est étrange que ce débat occupe tellement le début de la campagne alors que s’opposant en public, entre les deux tours de l’élection de 2007, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal étaient à égalité d’ignorance sur les principaux chiffres et de notre arsenal nucléaire et de notre parc de centrales, signe que la question étant alors secondaire, il n’avait pas ni à l’un à l’autre, de se préparer à traiter le sujet… Aussi étrange, le regain d’intérêt pour la sécurité nucléaire né de la catastrophe de Fukushima n’a pas suscité une véritable attention à ses suites, aux médications physiques, politiques et financières mises en œuvre au Japon. L’attentat du 11-Septembre avait déterminé une noria de visiteurs compassionnels sur le site new-yorkais. La nature de l’accident et les autorités locales ont rendu le pèlerinage difficile. Les écologistes français jouent leur avenir politique sur la question nucléaire, en cela ils se différencient de tous les autres mouvements et partis mais Greenpeace est bien plus convaincant que les prestations de leur candidate.

3° l’entreprise européenne abandonnée

En 1965, le général de Gaulle fut mis en ballotage par les paysans, qu’il faisait défendre pourtant à Bruxelles, et par les catholiques alors qu’il était d’évidence le dernier « roi très chrétien ». Je le crois, avec le ministre de sa confiance, Maurice Couve de Murville, un fondateur insigne de l’entreprise européenne. Sans doute la réconciliation franco-allemande, mais surtout la pratique institutionnelle à Bruxelles, réaliste et efficace, assortir d’une perspective pas du tout gestionnaire : la réunification du Vieux Monde notamment par son émancipation de l’hégémonie américaine et le contact avec l’Est. Les décisions prises depuis lui sont difficilement réversibles en ce qui concerne la participation de tous les peuples européens à l’entreprise – moyennant les formes d’une « maison commune » telle que proposée par Mikhaïl Gorbatchev pour y associer la Russie, le Belarus, l’Ukraine et les mises de la Turquie laïque aux normes de l’Europe. Elles le sont, quoiqu’on en hésite ces mois-ci, pour ce qui est de la monnaie unique : plutôt qu’envisager des retraits, c’est au contraire la participation britannique qu’il faut prévoir et obtenir. Le marché intérieur unique est fondamentalement sain, ce sont les idéologies et les intrusions et exploitations de tiers qui sont à éradiquer au simple motif que c’est une tricherie et que c’est sa destruction économiquement et mentalement, car les peuples ne peuvent admettre de passer, pour cause d’Europe, d’une position historique suprême dans la plus grande partie du monde au statut de grand marché de consommation livré aux pays dits émergents. Rien d’original à l’écrire, mais c’est peu formalisé et cela ne produit pas le départ pour une réflexion émancipatrice.
L’Europe est en crise de gouvernement, en crise de perspective, en crise d’indépendance. Bien plus gravement et substantiellement qu’en crise économique et financière. Elle n’a jamais pu sortir militairement et stratégiquement, intellectuellement même, de l’emprise américaine. Parce qu’elle ne l’a jamais voulu au niveau de la plupart de ses dirigeants nationaux. Elle avait commencé d’inventer la relation riches-pauvres, nord-sud, elle a beaucoup perdu en ne résolvant pas à ses portes le conflit israëlo-arabe, elle dépend aujourd’hui pour les finances de ses Etats-membres et donc pour la sécurité sociale chez chacun de ceux-ci, de marchés financiers et boursiers dominés par l’étranger. Elle sait user de la contrainte contre l’immigration, pas contre le dumping fiscal et social. Elle est épouvantée à l’idée d’être un modèle de démocratie et d’en faire dépendre ses relations avec des partenaires qui n’ont pas cette morale : principalement la Russie et la Chine, en tant que dictatures, évidemment pas en tant que peuples.

Morale, orgueil et dignité bien placées, intérêts immédiats et à terme enjoignent tous de nous donner des institutions fortes dont l’efficacité dépendra de l’aadhésion populaire qu’elles susciteront en fonctionnement, en audace collective, en résultats. Il faut une initiative française pour l’Europe. Rien dans la campagne en cours n’en donne le présage. Aucun des candidats, actuellement les plus favorisés par les sondages, n’affiche une priorité pour la question d’Europe, à plus forte raison aucun ne s’en dit le champion. Point besoin d’une candidature spéciale, mais la conviction qu’il n’y a plus de sursaut national qu’européen manque. Aucune des élections précédentes n’en a été à ce point dépourvue. Sans doute, la candidature du radical Jean-Michel Baylet aux primaires « citoyennes et socialistes » était-elle pâle, elle avait le mérite de l’affichage européen.

Cet affichage, d’instinct, les candidats l’évitent ou ne s’y adonnent que fugitivement, en fonction d’une circonstance – qui pour le moment ne s’est présentée que pour le président sortant, selon le calendrier des réunions avec ses homologues, tandis que son compétiteur se contente d’aller s’entretenir avec le groupe socialiste au Parlement européen. Les idées et propositions courent les colloques et remplissent les boîtes à idées mais ne sont portées par aucun politique, en France ou dans l’un quelconque des Etats-membres. Quatre scenarii ont été résumés après une rencontre à Varsovie à la mi-Novembre [i] : 1° une intégration asymétrique sans révision du traité et ne s’appuyant que sur le Conseil européen, donc en court-circuitant la Commission et le Parlement ; 2° une zone euro réduite aux Etats les mieux notés ; 3° une union de stabilité ou une union budgétaire et fiscale supposant la révision du traité ; 4° une union des pionniers (Jacques Chirac) ou de l’avant-garde (Joshka Fischer), les autres Etats-membres laissés en arrière. Trois pays seulement débattent de l’avenir de l’Union.


Plus ils sont rudimentaires, plus ils importent. S’agissant des médias, c’est certainement la leçon qu’apporte une récapitulation des campagnes présidentielles précédentes. La toute première, mettant en cause la suite de l’action du général de Gaulle, brisa le monopole dont jouissait le pouvoir à la télévision, il y avait même un ministre de l’Information. La réponse à cette forme de dictature était de faire remarquer que l’ensemble de la presse écrite était hostile au pouvoir en place, aux institutions nouvelles et que les ondes sous le régime précédent avaient été interdites d’accès à l’homme du 18-Juin. Les « événements de Mai 68 » commencèrent au Parlement par un débat sur la publicité à l’O.R.T.F. et le statut de cet Office fut l’un des enjeux de l‘élection de 1974, en tout faisait, ainsi que les écoutes téléphoniques, la différence entre Valéry Giscard d’Estaing et l’U.D.R. le parti présidentiel. Les médias télévisés restèrent cependant sous tutelle gouvenementale jusqu’à François Mitterrand : les radios locales, les démultiplications puis l’abandon du monopole d’Etat datent de lui. Les médias pendant un siècle et demi ont donc été un enjeu de libertés publiques. Les textes sur les équilibres à maintenir entre familles politiques comme entre entreprises privées, publicité d’une part et audio-visuel de l’Etat d’autre part garantissent, en principe, des égalités comme si un parti ou un personnage public dépendent de sa fréquence à la télévision, accessoirement à la radio. C’est ce qu’a posé, cependant, en méthode de communication, Nicolas Sarkozy, et c’est ce qu’espèrent les candidats à l’élection présidentielle en mal de notoriété et surtout de parrainages, quelle que soit leur valeur personnelle : Nicolas Dupont-Aignan ainsi, d’excellente présence télévisuelle, peut espérer en campagne officielle opérer une percée. Christine Boutin devrait répliquer de façon audible au président sortant qui l’a déçue. Et ainsi de suite.

C’est mal observer une évolution plus pernicieuse qui n’est pas l’accaparement ou pas des outils audio-visuels existants, mais qui portent sur la propagation de l’information – de plus en plus indépendante de tout contrôle politique, scientifique et déonotologique – et sur le commentaire de celle-ci. L’Agence France Presse dont le pouvoir en place entend modifier le statut hérité de la Libération et pérenne depuis 1957, est la base de la totalité des médias écrits et parlés francophones. Les dépêches suppléent les rédactions sur  beaucoup de sujets ou d’événements, apparemment secondaires, la source n’est d’ailleurs pas citées par les médias oraux. Le statut est peut-être à adapter, mais certainement pas dans le sens d’une rentabilité d’un service public.La base de l’information est en danger, actuellement. Le commentaire est dirigé dans beaucoup d’occurrences, il tend à faire passer pour exceptionnel ou de fond ce qui ne l’est que par intitulé, un discours du président de la République, et pour banal ce qui ne l’est pas, un autre discours du même président de la République : le discours de Toulon II ce 1er Décembre, le discours prononcé à Grenoble le 30 Juillet 2010.

Présentation, commentaire, équilibre n’ont donné lieu jusqu’à présent qu’à deux réglages : le débat entre les deux tours de l’élection présidentielle depuis 1974, les primaires « citoyennes » ou socialistes.

Le cumul est-il un « mal français » ? je ne sais pas assez la vie politique de nos partenaires pour en décider. Il est facilement observable que quelques journalistes sont à la fois titulaires d’émissions ou invités systématiques d’émissions sur des chaines de télévision à grande audience, éditorialistes dans la presse écrite, débatteurs sur des radios publiques ou privées. Le Monde en a dressé une liste assortie de portraits. Le commentaire audio-visuel en France, après avoir été le monopole du pouvoir « gaulliste », est devenu un oligopole que renforce l’édition et que soutient la tendance à l’endogamie : les liaisons et compagnonnages durables ou pas se font en milieu unique et fermé, et se pratiquent entre objets et sujets puisque la carrière politique et la carrière médiatique s’épousent ou se lient de plus en plus. En « traversée du désert » affectivement, le candidat Nicolas Sarkozy a donné dans le système. François Hollande en est, Dominique Strauss-Kahn en fut, Bernard Kouchner aussi. Faute d’introduction dans ce milieu qui n’est plus qu’image et intelligence artificielles, souvent brillantes, mais ne communiquant plus avec les Français ni avec ce qui n’est pas parisien, je ne peux conjecturer davantage.

Autant la question des cumuls de conseils d’administration et de mandats électifs appelle de la nuance pour la régler, puisque ce peut être aussi bien (positivement) un mode d’information permanente, une manière de relier souplement des intérêts ou des équipes qui ne le seraient pas autrement  que (négativement) la sécurité que se donne un groupe, une profession, un individu pour ne pas se faire pénétrer par la concurrence et même en empêcher la naissance, autant celle des accaparements d’antenne introduit à « l’idéologie dominante », à « la pensée unique » sans qu’apparaissent des autorités morales – ce dont nous manquons. La France vit dans le comique de répétition, mais en pleure. Ces dictions R.P.R., puis U.P.M. à la tribune du Palais-Bourbon ou en débats télévisés : répéter inlassablement les deux-trois premiers mots de la phrase sur un ton de lassitude péremptoire, celui de désespérer d’un adversaire que l’on aurait cru à sa hauteur et qui déçoit par sa petitesse ou son esquive. La bourde de François Baroin affirmant qu’en 1997 la gauche n’arriva au pouvoir que « par effraction » m’a aussitôt paru involontaire, pas même agressive, puisque sur le même plan : est-ce du courage ? est-ce du courage ? étaient posées les mesures gouvernementales et celle que ne prendrait ou n’avait pas prise la gauche, puisque surtout l’orateur ne maîtrise manifestement pas sa langue maternelle et avait, sans doute, voulu dire : par surprise.

L’accaparement est notre plaie, il est l’exact contraire en esprit de ce qui fondait la Cinquième République, voulue et pratiquée par de Gaulle. Il n’est pas un indice de personnalité, il n’est pas libertaire, il emprisonne même celui qui l’organise à son bénéfice.

Peut-on codifier les cumuls ? peut-on promouvoir par discrimination positive des représentations – sélectionnées par qui ? – et censément positives. Les quotas hommes/femmes, ethniques et pourquoi pas d’âges ? La question est culturelle et psychologique, affaire d’éducation. Permettre aux vocations de s’épanouir sans distinction – selon la Constitution – de conviction, de sexe, d’origine. Les apports au débat ou à la collectivité, les novations et imaginations sont affaire de personnalités et aussi des systèmes sociaux et éducatifs répondant aux vocations, les discernant et assurant leur promotion, ils ne sont pas liés principalement à l’âge, au sexe, à la naissance. Les discriminations positives traitent en statistique ce qui doit être regardé en qualité et en judicieuse affectation des talents. Nous nous enfonçons dans une mauvaise voie, la précocité n’a que faire de la mémoire mais elle perd pied et n’a pas le sens des réalités qu’elle prétend incarner, la longévité au pouvoir peut tendre à éliminer les concurrences à naître et donc à tout assurer sauf l’avenir, bien des femmes en politique ne servent avec pas mal d’exhibition que l’homme en elle, la finesse, la compassion, l’empathie qu’elles devraient apporter dans la vie publique n’est, à l’expérience des années de leur promotion notamment gouvernementale, pas bouleversante pour l’établissement et la pérenité d’une chose publique qui reste dure aux administrés, aux citoyens, aux assujettis, en fait : aux inférieurs.

L’accaparement le plus contraire à l’imagination collective et à la démocratie est certainement l’appropriation des circonscriptions électorales pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Le scrutin uninominal en est moins la cause que le caractère de plus en plus décisif des investitures par les partis pour le choix des électeurs. Les personnalités, dont la carrière et la promotion importent autant à elles qu’à la machine d’un parti, sont ainsi placées de force, soit parce que la circonscription est « sûre », soit parce que son élu vieillissant peut être circonvenu et parrainer efficacement. Naguère Laurent Fabius, hier Alain Juppé qui comme Lionel Jospin avait tenté du XVIIIème arrondissement de Paris, la circonscription de Clemneceau et de Louis Vallon, sans succès. Jacques Chaban-Delmas ou Jacques Baumel donnent ainsi Bordeaux ou Rueil-Malmaison. Passe encore, mais le député de la Sarthe, Premier ministre, s’installant à Paris pour aller de la mairie de Sablé à celle de la capitale en 2014, et la candidate à l’Elysée en 2007 passant des Deux-Sèvres à la Rochelle pour 2012, choquent les électeurs et étonnent eu égard à ce qu’ils sont. Le scrutin uninominal – précisément – devait, devrait lier une personnalité et ses concitoyens. C’est de représenter un pays à l’Assemblée nationale qu’il s’agit et non un parti dans une ville ou un terroir donnés, encore moins combiner un rebond ou un surplus de carrière. La République, à l’usage, renforça le lien puisqu’initialement les candidatures muiltiples étaient loisibles : en 1848, Louis-Napoléon… en 1871, Thiers… puis Boulanger. C’est bien d’un choix mutuel, personnel qu’il s’agit. Ségolène Royal, sans peut-être le savoir, proposa en 2007 des rendez-vous en cours de mandat entre le mandataire et ses mandants. Comme dit plus haut, avoir fauté au point d’être démis du gouvernement ou bien choisir de ne plus y appartenir impose au ministre, précédemment député, de revenir devant les électeurs au lieu de se rasseoir à son banc dans l’hémicycle, comme si rien n’avait été… Déjà le Parlement européen, élu au scrutin de liste, est à la disposition des partis pour placer et faire rétribuer les gens de sa machine, exemple Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, ne parvenant à se faire élire à Auray.

2° les responsabilités jamais examinées

Les « affaires » qui caractérisent l’actualité française ne sont pas des débats politiques, mais la discussion de culpabilité au sens pénal. La plupart – emplois fictifs de la ville de Paris quand Jacques Chirac en était le maire…recel de commissions occultes ayant financé la campagne présidentielle d’Edouard Balladur à l’occasion de ventes d’armes au Pakistan et à l’Arabie saoudite… confusion par Eric Woerth et sa femmes des fonctions de trésorier de l’U.M.P., de participation à la gestion de la fortune de Liliane Bettencourt, de ministre du Budget … procédure et fond de l’arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie contre le liquidateur du Crédit Lyonnais… mais aussi conditions de la nomination de François Pérol à la tête du second groupe bancaire français puis de l’ensemble de la corporation… conditions d’écoutes téléphoniques visant à connaître les sources d’un journaliste – tiennent soit à des retouches par complaisance des textes en vigueur, soit à l’absence de contrôle, soit à une aménité forcée des juges de la procédure ou du fond : l’affaire Clearstream (Dominique de Villepin relaxé le 14 Septembre) reflète simplement les haines et intérêts communs de deux candidats à l’élection présidentielle dont l’un a doublé l’autre mais recherche celui-là pour sa réélection. L’immunité pénale du président de la République n’avait jamais été légiférée, ni à plus forte raison constitutionnalisée depuis l’instauration définitive de la forme républicaine en France ; l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris qui a motivé la construction jurisprudentielle, puis fait saisir l’occasion des exceptions de juridiction pour la Cour pénale internationale  consacre en fait une immunité viagère du président de la République, à compter de son élection et cette immunité a été unanimement consentie par les politiques (accord entre l’U.M.P. et le maire socialiste de Paris pour exonérer en majeure partie Jacques Chirac). Elle a conduit à davantage, la non-comparution du prévenu, et l’extension, sauf prochaine cassation, de l’immunité à l’ensemble des collaborateurs de confiance du président de la République (le marché de sondages conclu par la directrice du cabinet à l’Elysée en ouverture du mandat de Nicolas Sarkozy, et condamné par la Cour des comptes). Il apparaît aussi que le passage de Christine Lagarde de la rue de Bercy à la direction générale du Fonds monétaire international l’exonère de toute responsabilité dans le détournement de procédure permettant à Bernard Tapie de refaire fortune, et par extension le président de la République en personne, donneur d’ordre à la ministre pour continuer ce qui avait été initié quand il était lui-même à cette place : bien que la commission d’instruction de la Cour de justice de la République ait autorisé l’ouverture de l’enquête, la retraite du procureur Nadal a bloqué la suite. Il est maintenant avéré (entretien du professeur Jacques Robert, ancien membre du Conseil constsitutionnel, accordé au Parisien libéré) que la vérification des comptes de campagne présidentiel peut n’être qu’ « une entourloupette » selon le candidat à examiner et un enrichissement personnel est soupçonné (la propriété de Tourgeville dans le Calvados, acquise en 1996), tandis que l’instruction de l’« affaire de Karachi » ayant causé mort d’hommes fait évoquer Nicolas Sarkozy, ministre du Budget à l’époque (l’Elysée a cru devoir communiquer le 22 Septembre que « le nom du chef de l’Etat n’apparaît dans aucun des éléments du dossier »). Quant aux flux d’espèces entre l’Afrique et la France, forme avérée de rétrocommissions payant de l’influence en divers domaines (les dires de Robert Bourgi et d’autres intermédiaires : Ziad Takieddine, intervenu aussi pour la libération des infirmières bulgares… et Alexandre Djouhri, en écho à la « cassette Méry » des années 90 pour un fait des années 80), il semble punissable seulement selon les lois du pays expéditeur. Quant à « l’affaire Clearstream », elle tourne tellement à la « comedia del arte » qu’elle a peut-être caché de véritables détournements et recel, non éloigné de l’« affaire Karachi ». Non seulement, on ne sait pas bien, mais la suspicion fait tache d’huile. Grands personnages et institutions s’abîment dans l’opinion générale, elle-même conviée pourtant au sens des responsabilités et à la pédagogie par l’exemple pour les jeunes générations. Lentement, la socciété française est conviée à se détruire par schizophrénie et mauvais exemples ; comme l’alcoolique est entretenu dans son addiction par les mauvais génies qui ont intérêt à son déclin, la France est privée autant des nourrritures terrestres que de ce qui, d’ordinaire, la subjugue et la remet en mouvement.

A défaut de contrôle juridictionnel de droit commun ou tel que prévu par les textes constitutionnels, le contrôle politique n’est pas davantage opérationnel. Une réforme majeure, selon la révision de Juillet 2008, est revenue sur une des ruptures opérées par la Constitution dans sa version originelle : un parlementaire devenu ministre, s’il quitte le gouvernement, ne retrouve son siège que selon sa réélection, celle-ci soumise aux électeurs par la complaisante démission de son suppléant, ou bien faisant partie du renouvellement de la Chambre dont il faisait partie. Cette réforme fait donc siéger d’anciens ministres démis pour indélicatesse ou imprudence, mais pas pourtant mis en examen : André Santini, Eric Woerth, Michèle Alliot-Marie, Georges Tron, d’autres moindres.

La discipline de vote, le chantage à la réinvestiture ne sont pas nouveaux, mais l’ambiance – interdisant le vote de conscience et empêchant tout scrutin de confiance librement exprimée – rend artificielles les procédures parlementaires. Les présidences de commission concédées à l’opposition socialiste au Sénat et à l’Assemblée nationale ne gênent ni le système ni le pouvoir en place. Quand une nomination pourrait être dangereusement refusée – François Pérol, les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel – ou qu’une procédure pourrait aboutir – des commissions d’enquête – elles sont frappées d’interdit, et les élus exécutent. La notion de bien commun, supérieure par construction aux allégeances ou aux habiletés de carrière, disparaît. Les « éléments de langage » font loi, jamais un président de la République n’a exercé aussi personnellement la présidence du groupe parlementaire de la majorité dite présidentielle. Ni referendum, ni censure, ni renvoi en Cour de justice. Seuls, les sondages font infléchir la posture du pouvoir. Un régime aussi fermé s’admettrait en raison de circonstances exceptionnelles – nous y sommes – s’il générait des propositions, des décisions, des mises en œuvre d’exception, insusceptibles de passer autrement dans les faits. L’occupation des médias, la complaisance rigide des commentaires, des plaidoyers en défense, la revendication incessante des accaparements pour le présent et d’une lecture personnelle du passé défaussant systématiquement le président sortant n’ont encore rien produit qui change la donne en Europe et dans le monde sur les sujets qui nous obsèdent. S’il est compréhensible que finalement la décision soit l’apanage d’un seul, il est certain que des délibérations la préparent au mieux et que la démocratie est, au minimum, le contrôle en honnêteté et en bon sens.

3° revenir à la Cinquième République façon 1960

La pratique actuelle du pouvoir – sans que la révision de Juillet 2008 y soit pour quelque chose, sauf la portée politique de son vote, à une voix de majorité, entérinant déjà une pratique d’un an de nos institutions, radicalement différente de tous les exerciecs qui avaient précédé ceui de Nicolas Sarkozy – a instauré de fait un nouveau régime caractérisé par son invulnérabilité et son immunité pour toute la durée du mandat présidentiel avec lequel se confond en durée mais plus encore en attitude, le mandat de l’Assemblée nationale.

Il faut rétablir fluidité, débat et répartition des compétences. La présidence de la République oriente et arbitre, le président de la République est seul à parler et rarement, les conseillers ne sont qu’instrumentaux et n’existent pas pour le public ni pour les journalistes ni pour les ministres ou les parlementaires. Le Premier ministre est le chef de la majorité – sans qu’il y ait à distinguer le parlementaire du présidentiel puisqu’en principe l’Assemblée nationale est élue pour soutenir le programme du président de la République qui ne choisit le Premier ministre, éventuellement hors du Parlement (Georges Pompidou, Raymond Barre qui ne furent élus députés qu’ensuite) que selon ses propres vouloirs. La « cohabitation » n’est pas saine car c’est elle qui introduit une dyarchie et des rivalités dans le fonctionnement des pouvoirs publics ; elle ne fut compréhensible que pour donner quelque chance de pérenniser des acquis de gauche en 1986 ; elle avait bien moins de raisons de se renouveler en 1993. A ces deux dates d’ailleurs François Mitterrand n’était pas personnellement mis en cause, le renouvellement de l’Assemblée s’était fait à terme constitutionnel et les deux dissolutions qu’il avait prononcées à chacun de ses élections lui avaient donné raison. Ce qui ne fut pas le cas de 1997 pour Jacques Chirac.

De même qu’il a fallu un siècle pour que la laïcité – version tolérance et pluralisme de la démocratie et du civisme – soit consensuelle en France, de même faut-il œuvrer pour que le politique, l’économie, le social, l’éthique trouvent chacun leur sphère sans en sortir. Il est présomptueux de la part du Président de trancher de tout en réaction à tout, que ce soit ou non de sa compétence. Il est inopérant dans les faits et dans les esprits que le législateur tranche ce qui devrait rester du domaine personnel : les diverses parités, la marche du couple, les cas de conscience posés par les tout débuts ou la toute fin de la vie. Ce qui doit restaurer l’autonomie de la morale pour la rendre de nouveau impérative par le spirituel et non par la contrainte, est du même ordre dans l’économie. Il y a un patrimoine national séculaire, il y a eu des investissements publics financés par l’impôt ou des renflouements : le chemin de fer, l’acier, l’automobile récemment, notre avance dans la production énergétique à moindre coût que dans les autres Etats-membres de l’Union. Cela ne peut se vendre, cela ne peut se délocaliser. La morale et la finance se rejoignent pas tant pour l’éthique – la loi organise en principe les finances publiques, collectives et individuelles – que pour inculquer et maintenant chez les dirigeants un certain patriotisme, le sens du bien commun, le souci en père de famille que prospère notre pays en tant que tel : les délocalisations, la défroque des hauts fonctionnaires disposant des entreprises ou procédures qu’ils ont privatisés de l’intérieur des ministères dont ils ne sortent que par goût du lucre et du pouvoir sont des trahisons. Du vol encore plus dommageable pour nous que la fraude fiscale ou aux prestations sociales.

Il se trouve que le fonctionnement responsable, démocratique, référendaire des débuts de notre Cinquième République coincida avec ce sens de l’Etat et du pays, toutes générations et ambitions confondues, sans aucun cynisme, et avec une culture du service public, de l’entreprise publique. Tant que nous n’y reviendrons pas – sous des formes à réinventer, dont la première, cadre de beaucoup d’autres, sera la planification « souple à la française » des années 45 à 75 – nous n’aurons de solutions ni pour notre crise nationale, notre mise globale à l’encan et au chômage, ni pour la crise européenne, crise de désespérance et non de dénuement.

L’élection présidentielle n’en décidera pas seule. Le mouvement social – sans résultat depuis « Mai 68 », quelque force qu’il ait montrée en 1995, 2003 et 2010, en s’opposant au pouvoir de la droite étant – sera indispensable pour soutenir le nouveau président de la République et son gouvernement dans leurs décisions, si celles-ci ne sont pas de compromis. Mouvement de ssoutien qui aura peu de précédent dans notre histoire, mais auquel beaucoup sont prêts. Il le faudra face aux désertions du capital, de groupes industriels quand il nous en reste, face à un simplisme haineux, sinon vociférant, d’une droite qui pourrait être tout autre mais nous en donne l’idée depuis l’automne de 2007 à chaque protestation devant l’injustice ou la simple précipitation pour surprendre et contraindre les Français.

A défaut, l’inconnue et l’intraitable politiquement et sociologiquement que sont devenus et que représentent pour l’ensemble du pays : les banlieues, de nombreuses zones rurales, et tous ceux qui sont exclus de la vie économique, du travail et de la considération publique détermineront – peut-être le prochain scrutin – certainement une désagrégation ou un retour de la France à l’unité spirituelle et nationale. Quant au problème politique et financier posé par l’endettement des « souverains » que sont les Etats, il n’est rien – en souffrance et en bouleversement – à côté de ce que – de plus en plus nombreux – couples, ménages, vieillards vivent et endurent aujourd’hui. Le slogan politique de la dette nationale par habitant à ne pas « léguer à nos enfants » est d’une application dramatique, jusqu’au suicide, dans des familles françaises. Ce qu’avait commencé de vivre l’Amérique au moment où s’identifia, pour les banques et pour les politiques, « la crise » ./.
 

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