lundi 19 mai 2008

journal - lundi 20 mai 1968

+ Lundi 20 Mai 1968




21 h 00


La crise semble maintenant étale.
On s’y installe.
De Gaulle est rentré dans la nuit de samedi à dimanche,
et semble consulter sans arrêt depuis son arrivée.
Il laisserait la direction des opérations, tant sur le
plan parlementaire que sur le plan social, à Pompidou,
n’intervenant que si la situation s’avérait insurrectionnelle.
En tout cas, son allocution, prévue pour le 24, n’est pas avancée.

Depuis samedi et la grève générale, avec occupation
d’usines, la crise m’a paru devenir une crise de
régime, remettant en cause, tout ce qui était acquis
depuis 10 ans. Bel anniversaire de 1958.
Comme si la France, avait été violée, non séduite,
il y a 10 ans.
On pouvait craindre, le pire, samedi.
Tout pouvait arriver. La prise de bâtiments publics.
La rébellion de la police.
De Gaulle qui avait voulu rétablir la stabilité,
l’autorité de l’Etat, l’idée nationale, aurait
complètement échoué. Et le tout emporté d’un coup
de vent, en quinze jours.
Et l’on se serait retrouvé, pire qu’en 1958.

Car, à qui faire appel ?
Comment isoler les étudiants, du reste de la nation,
les clouer progressivement au pilori, après les avoir bernés,
comme on a fait pour l’armée et les pieds-noirs.

Il semble que maintenant, les choses aient atteint leur
maximum, à moins que ce ne soit qu’un palier.
C’est le maximum, s’il ne s’agit que d’une contagion
à partir de Nanterre, dans les universités, puis les syndicats
profitant de l’occasion, et prenant le train en marche.
Ce n’est qu’un palier, et c’est grave, s’il y a
« un chef d’orchestre clandestin ».
Cohn Bendit, et ses appels aux travailleurs, depuis le débat
télévisé, donne à penser à ce chef d’orchestre,
qu’il ne serait d’ailleurs pas.

La vague étudiante a semblé irrésistible.
Elle n’est pas encore retombée. Mais on ne voit pas – à part
la prise d’assaut de l’Elysée, et des préfectures –
ce qu’elle ferait maintenant. Les proclamations d’autonomie,
ne veulent pas dire grand-chose, surtout à l’IEP,
dont il suffit de lie le statut pour savoir qu’il est déjà
autonome.

Ce sont les étudiants qui ont donné cette tournure
dramatique et révolutionnaire aux événements,
mettant en cause la société, l’Etat, la nation,
refusant toute concession etc .

Les syndicats ont une attitude ambigüe
– crainte que les militants sans instuction précise
ne passent à l’anarchie Et quelle instruction peu claire,
que la grève, la seule que l’on puisse donner.
La vérité ne serait que nuances incompréhensibles pour la masse.
– « découverte » soudaine de l’urgence des revendications
salaires, garantie de l’emploi, etc.
et reprise de la litanie sur les ordonnances anti-sociales.
– revendication plus vaste de démocratie . syndicale et politique

Bataille parlementaire paraît, dans ce contexte,
absolument désuète, et sans objet.
Bien que de Gaulle veuille la maintenir, pour faire donner
un à un les mécanismes du régime.

Pb. économique très angoissant.
Sur ce plan là, irresponsabilité totale des syndicats.
Pour ne pas risquer d’être débordés par l’anarchie,
Ils ont opté délibérément pour un handicap très grave
de l’économie, à un mois de l’ouverture complète
des frontières. Le Gvt aura beau jeu de demander
qui est le plus européen ? car, si cela continue il faudra
peut-être refuser l’ouverture des frontières.

On reste désolé devant tout cela
– jeunesse qui a complètement décroché,
progressivement depuis plusieurs années. Depuis la fin de l’Algérie.
D’abord les cheveux longs . Antoine . etc.
puis la drogue, et maintenant la révolution, avec le
sérieux des néophytes et le sang-froid des fanatiques.
Saute la baraque, cela fera des bourgeois en moins.
Le monde commence avec nous. Le reste est de la crotte !
– lâcheté des journaux, des professeurs, etc.
qui prétendent que la crise était visible, évidente
depuis longtemps, et en analysent les causes,
et en acceptent n’importe quel remède.
La grande peur des aveugles, qui croient se faire bien voir
en hurlant avec les loups, et en se retournant contre le Gvt
taxé d’incapacité.,


De Gaulle va-t-il réussir encore, à près de 80 ans,
un des plus beaux coups de sa carrière.
Cela va être dur, en tout cas.
Mais déjà, il semble imposer son propre rythme aux événements,
ne déplaçant pas son allocution télévisée, permettant le
débat de censure.

A la TV, il avait l’air très détendu et souverain, à l’
aéroport d’Orly.
De toutes mes forces, de tout mon cœur, je souhaite sa victoire
pour la France.


22 h 45

– 5 ou 6 millions de grévistes
300 usines occupées

– conférence de presse UNEF - CFDT
lutte commune contre structures oppressantes et étouffantes
du capitalisme

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