jeudi 22 mai 2008

Inquiétude & Certitudes - samedi 17 mai 2008


Samedi 17 Mai 2008
Batailles de candidature ou séquence logique ?
Rôle du parti présidentiel
Les rumeurs pour diriger une entreprise juteuse, qui déshabillent le prince
Notre diplomatie, l'objectif et la manière pour changer les relations internationales
L'histoire est psychologique, les faits s'exhument par la psychologie (des acteurs, de l'historien)

Prier… silence, recueillement, les oiseaux et le matin même ici, sur fond sonore d’aéroport et d’avenue, peut-être au loin un coucou. Les humains sont arrivés à dompter et à domestiquer toutes les espèces de bêtes et d’oiseaux, de reptiles et de poissons ; mais la langue, aucun homme n’est arrivé à la dompter, vraie peste toujours en mouvement, rempli d’un venin mortel. Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, eux qui ont été créés à l’image de Dieu. L’œil fenêtre du cœur, quelque part dans l’Ecriture, mais la langue, expression du cœur, le cœur lieu central où l’homme secrète ses pensées mauvaises selon la Genèse, dès la première chute. L’impureté n’est pas du dehors mais du dedans, réflexion du Christ. Nous qui enseignons, nous serons jugés plus sévèrement. Toujours été étonné que la hiérarchie ecclésiale ne se rende pas toujours compte (ou ne vive pas) combien les évangiles sont « anti-cléricaux » et pénétrés de la responsabilité qui incombe aux établissements spirituels, les Pharisiens, les chefs des prêtres, les scribes, les connaisseurs ou qu’ils se donnent. Le don des langues, celui d’enseigner, de propager, de donner l’exemple ne sont pas une initiative, une prérogative humaines. Page de Jacques que je n’avais jamais lue aussi forte et véhémente : cette langue est une partie de nous-mêmes, et c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle met le feu à toute notre existence, un feu qu’elle tient de l’enfer. Notre nature pécheresse, la rémission par le silence – cesser la propagation des présentes notes ? Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche. Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. Redondance du psaume, ou plutôt héritage que l’apôtre reçoit et commente, applique du psalmiste. Que le Seigneur supprime ces lèvres menteuses. Distinction entre langue humaine et parole de Dieu. Le contenu… l’origine… celui qui parle, souverainement. Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, argent passé au feu, affiné sept fois. Toi, Seigneur, tu tiens parole. La parole suprême étant prononcée par le Père lors du baptême de Jésus, puis lors de la Transfiguration. Langue, parole, écoute. Ecoutez-le. L’antidote à l’ambivalence de la langue, dont nous ne sommes pas maîtres, pas plus que nous ne discernons la valeur et l’effet de ce que nous disons ou professons (La loyauté a disparu chez les hommes, entre eux la parole est mensonge, cœur double, lèvres menteuses), c’est l’écoûte, donc la disponibilité, on revient toujours, dans une vie spirituelle, à l’équation simple que la liberté et l’achèvement de soi sont la disponibilité à Dieu [1].

Cambadélis qui brille par le défaut d’ambition et roule pour Strauss-Kahn, accuse Ségolène Royal de désordre et de précipitation dans son annonce de candidature au premier secrétariat du Parti socialiste. Le Point titre en « brèves de comptoir » : « Mais qu’a-t-il vraiment en tête ? Paris, P.S., Elysée…», portrait de Bertrand Delanoë. Manuel Valls, qui doit tout à Lionel Jospin, premier secrétaire puis Premier ministre, double l’une et l’autre, il sera candidat à l’élection présidentielle de 2012. Je crois que les séquences logiques du débat interne au Parti socialiste : premier secrétariat, programme politique, désignation du candidat ne séduisent que l’esprit de quelques-uns, elles ne sont pas réalistes. Le plus tôt sera désigné le candidat – et à mon sens, ce doit être la confirmation de Ségolène Royal – le plus tôt sera en place le dispositif de réplique constante et d’énoncé d’une politique alternative, surtout d’un style et d’un maintien personnels alternatifs. François Mitterrand, pourtant lourd, selon les « gaullistes » d’un passé prêtant à la critique de Vichy à l’Observatoire, puis à son faux pas de candidature présidentielle en Mai 1968, s’imposa cependant. Une cible est grandie à l’être à tous coups. Le programme ne sera bien propagandée par le candidat (la candidate) que s’il est conçu par dialogue avec celui qui le portera. François Mitterrand avait imposé autant que sa candidature les thèmes du programme commun de la gauche, dès 1965, bien avant la formalisation de 1972. La préparation de ce programme – au lieu que le candidat en soit soudain chargé, sinon handicapé, au moment d’une investiture de dernier moment – donnera à Ségolène Royal ce qui a manqué à la gauche en 2007 : l’habitude et le goût, en sus de ses propres modes de dialogues participatifs, du travail avec les hiérarques du Parti. Si Jacques Chirac avait eu le bon sens de délionétiser Nicolas Sarkozy en le faisant connaître aux Français par l’exercice des fonctions de Premier ministre, celui-ci ne serait jamais entré à l’Elysée. Son mandat le fait connaître et désunit, de semaine en semaine, sa majorité du premier tour, l’U.M.P., plus encore que l’ensemble de la droite et du centre. La gauche peut se présenter bien plus unie, si les multiples candidats à l’investiture socialiste ont plusieurs années et non quelques mois pour se faire une raison.

Patrick Devedjian encourage ses « troupes » à soutenir les réformes et à être sur le terrain. Qu’est-ce que cela veut dire, sinon qu’il est avoué que les réformes ne sont pas celles dont les Français ont besoin et dont ils ont – chacun pour son compte – la recette et l’attente, mais sont celles du gouvernement, du président en réalité. Etre sur le terrain pour le parti, naguère dit « gaulliste », c’est invectiver la droite. « Ils n’ont rien fait, ils n’ont rien à proposer » : la gauche, ce qui dispense de gloser sur ce que fait le gouvernement et sur ce que proposent les élus de la majorité.

Folie… laisser courir la rumeur que la place est libre à la tête de Gaz de France, son P.D.G. actuel, cinq ou six fois moins payé que Gérard Mestrallet qui va l’absorber, n’aurait pas été assez empressé. Les noms de Jean-Pierre Jouyet, d’Henri Guaino sont prononcés, de Gérard Longuet aussi. Les anciens ministres ne croient plus s’abaisser à accepter une pédégerie subordonnée – Michel Jobert rêva, même sinon surtout après le Quai d’Orsay, de diriger Renault et aurait refusé la S.N.C.F. mais c’étaient des entreprises par elles-mêmes et non pas vouées à la privatisation et à la démolition. Le départ soit du secrétaire d’Etat aux Affares européennes, expert de ces choses même s’il est en même temps thuriféraire du règne actuel (mais il en a bien compris le système, notamment sa novation constitutionnelle, l’élection valant referendum et mandat orrévocable pendant cinq ans), soit du « conseiller spécial », rédacteur des discours fondateurs ou visionnaires, signifierait que le président de la République peut se passer de ce qui lui tient lieu jusqu’à présent de structure sinon de continuité intellectuelle. Avec un autre, on croirait que se casent déjà ceux qui anticicipent la fin.

Continuité des réformes : après la « carte » judiciaire, la « carte » hospitalière, maintenant la « carte » militaire. La disolution du 51ème régiment d’infanterie, basé à Bitch, diminue de moitié la population locale et va faire fermer plusieurs classes. L’économie ainsi réalisée n’est pas chiffrée, l’aménagement du territoire reste une priorité nationale, la concertation est superfétatoire.

Notre diplomatie.

Le Mistral, notre porte-hélicoptère, interdit d’accoster en Birmanie avec ses 1.200 tonnes de secours aux sinistrés. Tout y est. Une diplomatie qui échoue au Conseil de sécurité dans des demandes complètement décalées et sans jurisprudence : le mois dernier, une esquisse de projet de résolution à propos de la piraterie dans l’Océan Indien, maintenant une esquisse pour que puisse être forcé un Etat dont la souveraineté et la légitimité n’ont jamais été contestées par les « Occidentaux » malgré l’évidence de la dictature, évidence que symbolise l’assignation à résidence d’un prix Nobel de la paix. Du secours apporté par un bateau de guerre. Dans les manuels d’histoire, dont le président de la République est grand correcteur, on parlait naguère de la « diplomatie de la cannonière ». – Au sommet Europe-Amérique latine, la France, seul Etat-membre à n’être pas représentée par son chef d’Etat ou de gouvernement, dûment accompagné de son ministre des ffaires étrangères. C’est de la diplomatie

Le monde et les relations internationales.

Il y a quarante ans, on parlait à Washington et en Extrême-Orient, c’est-à-dire à l’ouest des Etats-Unis de vietnamisation de la guerre du Viet Nam. Aujourd’hui, c’est l’américanisation de toute initiative militaire ou politique. Mossoul et sa région (le nord de l’Irak) sont désormais et pour des semaines aussi interdits que le Tibet. Les témoignages sont de préparation de frappes aériennes contre Al Qaïda censée avoir sur place quelques dix mille combattants. Arrestations et frappes sont aveugles, et les témoignages viennent de partisans du gouvernement installé par les Américains à Bagdad. Terroristes kurdes et sunites, mêmes combats, donc. C’est à cette politique et à ces orientations qu’il est question de faire adhérer la France, par sa réintégration de l’O.T.A.N.

Victoire : la Chine accepte que des secours lui viennent en appoint d’une organisation que tous les siens applaudissent. Ne sont admis que les Asiatiques. Le message est clair. Exception pour la Russie : les Chinois sont russophones, à raison du passé. Nous n’avons pas même su maintenir la francophonie en Indochine, les octogénaires vont bientôt mourir et au colloque sur la guerre américaine au Viet Nam il y a quarante ans, une intervenante – thésarde française – mais sans doute à la recherche d’un contrat d’université américaine décida – salle Austerlitz des Invalides – de poursuivre ses exposés en anglais.

Les faits, en histoire politique contemporaine, ne sont pas faciles à établir tant il s’y mêle de psychologie. La psychologie de l’historien ou du chercheur teintant l’événement de ses conséquences et risquant de rendre nécessaire ce qui était contingent. La psychologie des acteurs. Mon enquête pour caractériser et explorer l’immense « constellation de Gaulle » bien commun des Français, très peu connue de nos dirigeants actuels, exhume des faits et les hiérarchise, par ma recherche de psychologie. Les uns des autres, les acteurs du passé – bien moins malveillants que ceux d’aujourd’hui, ce qui les perd eux et leur système, qu’on soit à gauche ou à droite – peuvent donner des pistes de compréhension qu’aucun livre, qu’aucun document ne fournit, à l’état brut. Je dialogue ainsi à plusieurs degrés tandis que je suis accueilli ou que je lis, et l’actualité – de maintenant – je la rapporte à ce qu’en faisaient les prédécesseurs. A vrai dire, d’une autre essence. L’argent et la carrière ne dominaient pas, l’honneur de servir et d’avoir servi suffisaient même, sinon surtout, aux plus ambitieux. Autour de de Gaulle, on a été modeste et presque humble, individuellement. Défier le grand homme qui à mesure de son règne, était bien moins l’homme du 18-juin du fait de notre régime électif, auquel il voulut se plier, a sans doute dévié de grandes gens de notre histoire politique contemporaine, mais à l’épreuve du pouvoir suprême, chez nous, à l’Elysée donc, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand ont retrouvé – sans forcément le publier – la posture intime qu’ils eurent à leurs premières rencontres du Général. Pas courbée, mais consciente que leur propre valeur gagnait à avoir commercé avec de Gaulle. Les deux premiers s’avouent secondaires et admiratifs, finalement, le dernier a cherché à se mettre au même niveau : hommage…


[1] - lettre de saint Jacques III 1 à 10 ; psaume XII ; évangile selon saint Marc IX 2 à 13

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