jeudi 29 mai 2008

Inquiétude & Certitudes - jeudi 29 Mai 2008


Jeudi 29 Mai 2008
L'incohérence nous gouverne
Francophonie : commencer par les boîtes de dialogue de nos serveurs
Nicolas Sarkozy crée les problèmes, vg. le financement de l'audiovisuel public
Mai 68 pendant et a posteriori : extraits politiques de mon journal intime
Les mensonges fondateurs du pouvoir ?
Taipeh et Pékin, même combat y compris pour réduire les Tibétains
De l'impopularité, de ses remèdes en politique extérieure
Talk !

Prier…[1] l’aveugle Bartimée, le nom sonne grec, il salue Jésus pourtant à la juive, cela se passe à Jéricho, le Christ est surentouré. La scène et le dialogue sont très vifs, la conclusion heureuse aussi : Que veux-tu que je fasse pour toi ? (Attali, bien après avoir perdu le « pouvoir » m’adressa spontanément cette question, une fois : type de ses visiteurs ou conbsidération de ce que je devenais ? à rapprocher d’une salutation du cardinal Marty que je montais saluer à la tribune de la Mutualité, une petite salle, il venait de succéder à Pierre Emmanuel, sépulcral, pendant la « Semaine des intellectuels caholiques français » qui semblent ne plus se tenir depuis des décennies… où en êtes-vous ? il ne me connaissait pas et posait l’essentiel) – Rabbouni, que je voie – Va, ta foi t’a sauvé … et il suivait Jésus sur la route. Efficace, l’un. Et l’autre, donnant sa vie, sans barguigner à celui qui la lui avait changée. Vous étiez privés d’amour, mais aujourd’hui Dieu vous a montré son amour. Pierre nous remettant en situation devant Dieu, notre vie changée, conclut aussi sur notre condition humaine : vous êtes ici-bas des gens de passage et des voyageurs. Nous sommes des miraculés, en transit. J’embarque les miens, et tous ceux qui sont en communion avec moi et ceux avec qui je voudrais communier, pays, peuples, civilisations et tout le créé, à construire le Temple spirituel.

L’incohérence nous gouverne, en France et dans le monde. A moins qu’une dialectique de l’histoire – non encore vraiment écrite ou théorisée, au contraire de la proposition marxiste – ne réponde de tant de faits et de comportements convergents, ces années-ci, avec une accélération de la preuve, ces semaines-ci.

Le mouvement des marins-pêcheurs est commenté de façon confuse, et semble s’arrpeter ici, pour continuer ou reprendre là. Caractéristique du mouvement social depuis une dizaine d’années, la solidarité demeure dans les professions très typées, et exposées, à forte composante PME, mais les gens n’y ont plus assez de réserves personnelles pour qu’une grève persiste. L’arme absolue du blocage des dépôts de carburants ou des entrées de port est affrontée de manière – habilement décentralisée par la ministre de l’Intérieur – par les préfets. En revanche, la gestion entre Michel Barnier et Bussereau, bien agencée elle aussi, l’un répondant de l’Europe, et l’autre allant aux professions une par une (transporteurs, taxis, etc.) risque d’être inopérante, faute de perspectives. La profession de la pêche souffre autant du prix du carburant que des quotas. On est pris entre deux contraintes, et l’on ne pense pas à jouer sur les causes. Accompagner les effets pour les identifier et les atténuer a des limites financières vite atteintes. On est contraint par les disciplines européennes, et l’on n’a pas encore au niveau européen le réflexe – valable sur presque tous les sujets économiques et financiers – de contester le (dés)ordre international. La régulation du cours des matières premières, la régulation des pratiques esclavagistes de certains pays pour soutenir leurs exportations de biens de consommation (la Chine, particulièrement visée) devraient être des priorités et donc une révision complète de l’esprit et de la lettre régissant l’O.M.C. On en est très éloigné.

L’incantation – fréquente depuis que l’écologie, après l’environnement sont de modes sur fond de texte catastrophiste – d’avoir à changer de vie et de comportement, n’a pas de sens. On ne peut régresser en niveau de vie et de consommation, sauf économie de guerre. Bussereau analyse les lacunes du transport collectif des personnes, les gens vivant à la campagne, le besoin de transports individuels, etc… Il me semble depuis longtemps que la technique et l’application de la recherche dans ce sens – à tous les points de vue permettent de bien davantage travailler et même produire chez soi. Les déplacements – fatiguants et coûteux, chronophages – sont causés par la concentration physique des lieux de travail dans de grandes métropoles et par la dépendance économique, notamment alimentaire ou énergétique de la majorité des gens. Un enseignement conséquent pourrait donner à chacun des éléments de savoir faire en culture vivrière, en bricolage, en mécanique et des investissements à encourager pour équiper les habitats individuels en production autonome d’énergie réduirait les besoins de déplacement. D’une certaine manière, la dépendance sociale et énergétique de beaucoup de gens pourrait diminuer. Agir sur les causes au lieu de dépenser sur les effets.

Une telle dialectique serait applicable pour les rémunérations ou disponibilités monétaires à assurer au minimum aux gens par droit de naissance. Cette philosophie sous-tend, sans qu’on la reconnaisse explicitement, toutes les aides sociales.

Francophonie … les boîtes de dialogue des serveurs régissant la France sont en anglais. Qui pense, au gouvernement, au Parlement, à obliger qu’elles soient en français ? Une de mes étudiantes, travaillant en Suisse, candidate en formation continue à un Institut genevois, correspondance et rappel biographique sont en anglais. Jean-Noël Jeanneney avait conçu une stratégie française puis européenne pour un « google » et des moteurs de recherches avec des banques de données, indépendantes. Il a été remercié – non renouvelé – à la tête de la Bibliothèque nationale de France.

Nicolas Sarkozy a été élu pour régler des problèmes. Il est avéré qu’il en crée surtout. Ainsi, en conférence de presse de début d’année, il « supprime » la publicité sur les chaînes de télévision publique ; hier, il exclut toute taxation, toute augmentation de la redevance. Tout en prétendant par ailleurs convoquer des états-généraux de la presse, il enlève tout financement autre que budgétaire à la télévision et à la radio publiques, et accessoirement rend sans objet la commission de proposition ad hoc dont il avait confié la présidence à Jean-François Copé. Obéit-il à un réflexe de vengeance envers l’actuel président du groupe parlementaire UMP au Palais-Bourbon ? ce qui correspond à la rumeur générale et aussi aux débuts d’insolence de celui-ci à son égard (imitée de son propre comportement envers Jacques Chirac). Ou bien suit-il des groupes d’intérêt détenant les télévisions privées, ce qui semblait expliquer ses dires, apparemment sans préavis, en conférence de presse ? Etats-généraux et commission pluraliste de réflexion, deux leurres pour faire « passer » la suppression des chaînes publiques ? car le paradoxe actuel est que la télévision publique est moins aisée à contrôler par le pouvoir en place que les télévisions privées, le président de la République étant au mieux avec les patrons du CAC 40.

La révision constitutionnelle présentée comme une avancée démocratique historique se révèle, maintenant, conforme au dessein initial, non explicité évidemment. Prétendre fonder un statut de l’opposition et limiter le droit d’amendement n’est pas contradictoire : pour arriver à ses fins, le pouvoir actuel habille par ce statut la négation littérale de la participation éventuelle de l’opposition à la rédaction et au vote des textes gouvernementaux.

Je continue – par ailleurs – de recopier et de publier . sur ce même blog. . les extraits politiques de mon journal intime en Mai 1968.

Plusieurs choses me frappent rétrospectivement, dont une seule m’était apparue dès que Georges Pompidou eût établi la légitimité de sa succession à de Gaulle par son rôle et son triomphe personnel lors des « événements ». Il est confirmé – à me relire – qu’il s’est battu courageusement mais que le mardi 28 Mai 1968, il était à bout, physiquement et dialectiquement, et ne parvenait pas à rétablir l’ordre ni à mettre fin aux grèves. C’est de Gaulle qui par une action surprenante a pu amener l’ensemble des choses à sa conclusion pacifique et positive, tout en se sauvant lui-même. Mais ce que je ne voyais pas à lépoque, c’est qu’il y ait eu des divergences de stratégie à suivre entre le Général et son Premier Ministre ; que celles-ci n’aient pas été perceptibles dans l’action montre combien les institutions fonctionnaient bien, et combien surtout le sens du bien commun et de la continuité de l’Etat l’emportaient sur tout, combien enfin la communication du pouvoir restait bonne et unifiée. On en est aux antipodes, aujourd’hui.

Mes propres cheminements – m’engager pratiquement, résolution prise le mardi 28 Mai 1968, et selon une analyse de désespoir mais aussi de corps fait avec un régime dont je découvre combien j’y suis attaché – sont sans doute représentatifs de l’état d’esprit qui globalement s’opposa et triompha finalement de l’ambiance qu’on avait cru (et vêcu) irrésistible et irréversible. Le génie de de Gaulle est d’aller une étape avant ces réflexions, d’en tirer toutes les conséquences. D’une certaine manière, l’entier des séquences qui auront lieu à partir du jeudi 30 Mai 1968 et jusqu’après le referendum du dimanche 27 Avril 1969, m’est apparu mais dans le désordre. Les dessous ne commenceront de m’apparaître que de lecture : le Pompidou de Rouanet, que je lis en Mars 1969, sous les tilleuls de l’esplanade des Invalides, puis le Mai 68 d’Adrien Dansette. Les équivoques ou trahisons se mettent alors en place dans mon esprit. Il y a place aujourd’hui pour une nouvelle enquête : celle portant sur l’idéologie est trop imposante, celle sur les faits encore très lacunaire. Rien qu’au colloque de l’autre mois sur Pompidou en Mai 1968, des témoignages ont été produits qui ne l’avaient pas été avant. J’avais assisté il y a quelques années à un exercice du même genre : la modernité Mendès France, au cours duquel Georges Kiejman puis Michel Rocard ont témoigné sur l’attitude et les mouvements de cette figure encore emblématique, mais si solitaire, à l’ccasion des « événements ».

Evénement ? la venue à Pékin du nouveau président formosan : le Kuo Min Tang ayant en commun avec PCC la dogmatique de l’unité de la Chine. L’hypothèse indépendantiste a été défaite en Janvier. Mais le moment de le manifester est particulièrement bien choisi, et tout à l’avantage de Pékin vis-à-vis du monde entier, avec l’appui – attendu du fait des investissements formosans sur le continent – de Taïwan. Les Tibétains sont oubliés, chaque jour davantage. Au Népal non loin, la monarchie, mais qui semblait simpliste et même sanguinaire, est renversée par les vainqueurs des récentes életions législatives : on les dit « maoïstes », cela signifie-t-il pro-chinois ?

Chaque mois apporte des aveux d’acteurs de second plan mais du premier cercle à la Maison-Blanche sur les mensonges qui ont fondé l’agression américaine en Irak. Combien de gouvernements, dans le monde actuel, sont fondés sur des mensonges dont on dira, quand ils seront tombés, ou proches de l’être, que c’était à la portée de chacun de le comprendre et d’en tirer les conséquences. Autant le journal intime d’un proche de Jacques Chirac apportera peu, sauf le film des deux naïfs montant Clearstream ou en acceptant le montage, autant en revanche il y a aura à synthétiser par quel entregent, intimidation, chantages individuels, Nicolas Sarkozy a conquis l’UMP et aujourd’hui malgré une impopularité installée en garde le contrôle… quelques points de popularité si Carla Bruni donne à la France la première naissance à avoir lieu à l’Elysée, ou tout comme. Les Blair à Downing street…

Si Nicolas Sarkozy était Richelieu ou Mazarin, son impopularité (personnelle : 65% de mécontents – thématique : 70% de jugements négatifs sur la politique économique actuelle) ne lui pèserait pas. Or – est-ce une explication à son intervention sur tant de sujets à la fois, le rytthme n’étant plus hebdomadaire mais diurne, avec les fameux « levers tôt » ? – il y semble sensible et recourt à l’habituelle diversion de la politique étrangère. Apparemment brillante en agenda : l’Angola, la Hongrie, la Pologne, Vienne et ce soir le dîner avec Vladimir Poutine, nous ayant, répète-t-on donné le privilège de sa première visite à l’étranger en tant que Premier ministre. Mais la réalité est une discontinuité sur les 35 heures, des improvisations sur la taxation du pétrole, des manipulations de statistiques macro-économiques, et surtout… une ambiance au Palais-Bourbon délètère et souvent qualifiée de pitoyable, pas tant pour la majorité qui n’en est plus une, puisque chaque député semble avoir repris sa liberté de parole sinon de vote, que pour le gouvernement : Rachida Dati se voit opposer des refus par le président de l’Assemblée… et en cette même politique extérieure, les nouvelles moutures de la Commission européenne pour le grand projet d’Union de la Méditerranée, édulcorant sérieusement la proposition française – elle-même mieux articulée par des travaux en commission de l’Assemblée nationale à l’automne que par le président de la République sous la dictée d’Henri Guaino.

Le Premier ministre, qui a joué le jeu avec l’Elysée, en défendant l’option afghane puis celle de la révision constitutionnelle, inaugure une nouvelle émission, en concept et en technique, lundi prochain : « talk », ce qui lui va bien puisque Pénélope Fillon est galloise. Prénom de l’épouse qui va de plus en plus caractériser un Premier ministre, censément révocable ad nutum mais qu’il devient impossible de remplacer.


[1] - 1ère lettre de Pierre II 2 à 12 passim ; psaume C ; évangile selon saint Marc X 46 à 52

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