Mardi 6 Mai 2008
Gordon Brown
L'entretien à Jeune Afrique du président mauritanien
Lecture du projet de loi constitutionnelle
Ségolène Royal, une intuition à développer
Prier ainsi, commencement ou fin ? et de quoi ? alors que Dieu est présence et nous appelle à une présence définitive et totale. L’Eglise propose à nouveau aujourd’hui le grand texte de dimanche sur lequel je ne suis que partiellement revenu. Denis développait, ; dans son homélie, la petite église romane d’au moins dix siècles avec ses fondations de cinq siècles encore antérieures, et nous étions là, la génération certainement la moins croyante et la moins ecclésiale de toutes. Glorifier, donner, connaître… le cycle entier de l’histoire humaine quand elle est méditée selon ce qu’elle a de surnaturel : tu as donné à ton Fils autorité sur tout être vivant, il donnera la vie à tous ceux que tu lui as donnés. De la Genèse à l’Apocalypse. Dieu à l’œuvre et les hommes le reconnaissant. Les hommes, chacun de nous, moi et les miens, don mutuel de chacune des personnes divines à l’autre. Ceux que tu m’as donnés, ils sont à toi et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi. Nous entrons dans ce don, sommes saisis par ce don en reconnaissant le Christ et l’ensemble de sa mission, de son œuvre, laquelle est précisément de nous amener à la foi, la connaissance. Texte dense et dont nous ressentons l’extrême simplicité, la cohérence sans pouvoir le dire. La prière surpasse les mots, les sentiments, nos sens, nos facultés. Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. Paul au travail : vous savez comment je me suis comporté tout le temps où j’étais avec vous… j’ai servi le Seigneur en toute humilité, dans les larmes… vous savez que je n’ai rien négligé de ce qui pouvait vous être utile… on ne peut pas me reprocher de vous avoir menés à votre perte, car je n’ai rien négligé pour vous annoncer le plan de Dieu tout entier… et maintenant je suis certain que vous ne reverrez plus mon visage, vous tous chez qui je suis passé en proclamant le Royaume. Pas plus beau bilan, pas d’adieu plus poignant. Les deux fondements de l’Eglise dans sa foi – si l’autorité est celle de Pierre dans laz profession de cette foi – sont bien Jean, qui connaît et connut et Paul qui propagea et dépensa tout de lui-même. Une des forces du christianisme est que ses Ecritures sont à tant de mains, selon tant de tempéraments et de circonstances, et pourtant si cohérente, s’appelant les unes les autres. Ni une tradition multiple et anonyme comme il semble que soient les dits des sages de l’hindouisme ou ce qui est rapporté du Bouddha, ni un écrit fulgurant mais de plume unique, celle de Mahomet. Quoique ces écrits-là sont à joindre aux nôtres, bouquet de l’humanité quand elle tend (et arrive) à Dieu [1]
Photographie de Gordon Brown, dans Le Monde, une belle tête. Sérieux et présent. Tony Blair était un falsificateur, le visage d’un homme dispersé et dispersant, il était populaire, son successeur ne l’est pas, sans doute sérieux à la Jospin, mais sans charisme (qu’est-ce, cependant, que le charisme quand il n’est qu’esbrouffe ou charme, physique ? est-ce fécond ?). Ministre des Finances, il me paraissait, le peu que j’en entendais, comme un Européen coinvaincu mais exigeant. Blair a passé pour plus europhile que lui mais n’en a rien fait, pas de referendum sur la Constitution et division des Etats-membres sur l’Irak. Le voici, depuis l’automne, le candidat de la France officielle pour inaugurer la stabilisation relative de la présidence du Conseil européen. – Leterme en tournée à Berlin puis à Paris (la France en second dans son calendrier), l’homme sérieux, là encore, n’est pas celui du pouvoir actuel, mais bien Verhostadt. Bon candidat pour cette présidence européenne, à défaut d’un Français que pourraient être Delors ou mieux encore VGE, ou de Jean-Claude Juncker.
Entretien du président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, donné à Jeune Afrique n° 2469 des 4 au 10 Mai 2008 – réplique ? à la publication par Le Calame (hebdomadaire à Nouakchott & cf. mon blog. http://mauritanie-ouldkaige.blogspot.com) de notre conversation d’il y a deux ans, autrement substantielle. Le texte est si lisse qu'il fait tomber la plume et toute velléité de commentaire ou réplique - tout le contraire de Mohamed Vall... celui qui renversa la dictature de Maaoyia Ould Sid’Ahmed Taya, le 3 Août 2005, à qui j'ai eu l'honneur de répondre, tant étaient multipliées, à dessein, les contre-vérités dans son propos - mais je pense qu'il faut être avec vous et à Nouakchott ou dans l'intérieur du pays, pour vraiment lire cela. – Je note cependant le satisfecit si appuyé à l'armée, l'attentisme en faveur de Taya, l'amnistie de fait pour les crimes de 1987 à 1990 pour le moins, la persévérance vis-à-vis d'Israël (au moins cette ambassade permet-elle d'avancer les thèses et expériences mauritaniennes pour débloquer la question de Palestine ?). – En revanche, je suis scandalisé que dans l'état des finances publiques, une mosquée privée ait été édifiée dans l'enceinte du "Palais". – La Mauritanie qui coincidait avec ses dirigeants et réciproquement avait une présidence modeste et belle - tranquille - en pierre d'Atar, sans grilles ni barrières, un planton somnolent et aimable assis sur une mauvaise chaise de métal, le président de la République, s'il priait publiquement, s'y adonnait au milieu de ses concitoyens - comme je crois le souhaite l'Islam, car c'est là l'attitude religieuse que d'être parmi tous quand on est devant Dieu - enfin et surtout il n'y avait pas de palais ni dans Nouakchott ni ailleurs, et le mot-même n'existait pas... le bureau-salon de travail de Moktar Ould Daddah n'était pas immense, le jour y était donné par le désert au seuil duquel il avait été bâti, la limite de la capitale vers le nord était là, on était assis à côté du fondateur, encore si jeune, à pouvoir le toucher, au lieu de ses distances infinies où l'on se trouve les uns des autres dans des pièces trop vastes et où l'extérieur semble banni. – Je ne comprends pas la persévérance de ces décennies pour mettre un h à Moktar Ould Daddah – des communiqués simples ont été donnés là-dessus en 1957 et en 1959. J'ai tendance à y voir la même attitude que celle en France écrivant De Gaulle pour de Gaulle, et prononçant Mit'ran pour Mitterrand. L'hostilité larvée et impuissante de la jalousie, alors on dénigre en minuscule que l'on est et par une chose minuscule.
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Je lis – « plume en main » – le projet de loi constitutionnelle, l’exposé des motifs souvent rédigé loin du dispositif de remplacement ou d’ajout proposé. L’ensemble fait nombre et fatras, en sorte qu’on s’y perde et qu’on ne distingue pas le décisif du superflu, le cosmétique du piège. Il est maintenant acquis que l’abrègement de la durée du mandat présidentiel, présenté par Georges Pompidou en 1993 et accepté par Jacques Chirac en 2000 comme tout à fait anodin et sans incidence imaginable sur le fonctionnement d’ensemble des institutions, est aujourd’hui un des éléments pour les modifier au prétexte d’être conséquent. Et l’on nous dit que ce qui est maintenant modifié, ou le sera, si le texte est adopté, est tout aussi anodin, qu’il ne saurait être question de mettre en cause, etc…
Dans la genèse-même de ce projet – tout entier d’inspiration unique : Nicolas Sarkozy, cumulant son inculture juridique et historique avec sa haine pour Jacques Chirac, un père de plus qu’il n’a pas eu ou qui a été volage et lui a donc manqué – on est allé de pire en pire dans le texte et au plus cynique dans les intentions et la présentation.
Je retiens surtout
1° ce qu'il faut empêcher absolument que le président puisse s'adresser en personne au Parlement et que les ministres remerciés ou démissionnaires retrouvent automatiquement leur siège, sans revenir devant leurs électeurs,
2° le trompe l'œil : la limitation à deux mandats présidentiels, l'exception d'inconstitutionnalité (cela dépend du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation et non des parties dès la première instance),. le droit de pétition désormais criblé par le seul Conseil économique et social,. les divers contrôles nouvellement attribués au Parlement alors qu'ils n'ont pas été rodés en un an de pratique discrétionnaire du président régnant,
3° l'abandon du referendum d'initiative populaire
4° une manipulation ambigüe du Conseil supérieur de la magistrature
En fait, l'inspiration générale continue d’être celle que j’ai relevé depuis l’automne : pour Nicolas Sarkozy et ses affidés, l'élection présidentielle est un mandat impératif de programme que sanctionne seulement la non-réélection éventuelle de l'élu - sans qu'en cours de mandat il soit possible de le mettre en question, et que la responsabilité doit s'entendre non comme d'avoir à répondre de ses actes, mais comme la prérogative de décider (seul).
La contre-attaque globale serait de ne retenir que le voeu présidentiel de l'amélioration des relations entre Parlement et gouvernement, et de proposer que la mise en forme se fasse - tranquillement et sans urgence - entre parlementaires, quitte à ce que le gouvernement les accompagne par des commissaires ad hoc. Ce qui suppose un sursaut parlementaire : trois personnes et trois seulement peuvent, l’une ou l’autre, ou en conjonction de fait, le susciter. Le Premier secrétaire du parti socialiste, de lui-même ou convaincu par quelques hiérarques, type Jean-Marie Ayrault, Jean-François Copé qui a choisi de s’opposer au président régnant en imitant ce qui a si bien réussi à Nicolas Sarkozy sous Jacques Chirac, Jean-Luc Warsmann, le président de la commission des lois, ardennais boureau de travail semble-t-il et politicien professionnel de naissance, pourrai-je écrire (conseiller municipal de son village dès ses vingt ans à peine), qui est le rapporteur du projet à l’Assemblée nationale…
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Pages spéciales du Monde : « Sarkozy J + 364 ». L’autonomie des universités serait la seule promesse intégralement tenue. J’ai vêcu le débat – et l’analyse très détaillée de la loi Pécresse – à Paris VIII où j’enseignais au premier semestre de cette année universitaire. Paris VIII, ex-Vincennes, université expérimentale organisiée par Edgar Faure en Août 1968, en toute hâte et nonobstant la Ville de Paris pour l’emprise des terrains dans le Bois. J’avais conférencé en Décembre 1995 en Bretagne sur le mouvement social, présenté et analysé dans son déroulement historique depuis le milieu du XIXème siècle, mais surtout depuis les débuts de l’Internationale socialiste, en insistant sur 1919, 1936, 1947 et 1953. J’ai derechef conférencé sur le mouvement étudiant depuis la fondation de l’UNEF qui a passé les cent ans, et étudié les lois Savary, les projets Devaquet et surtout l’admirable débat à l’Assemblée nationale dominé avec prodige par Edgar Faure à l’automne de 1968. Là, il y eut une concertation, un dbat, des oppositions, l’autonomie consacrée et décidée, et une conclusion par un vote unanime, ce qui ne s’était jamais vu et ne s’est plus revu en pareille matière. Peur peut-être de tous les élus vis-à-vis d’une jeunesse alors insaisissable ? Prétendre que l’actuel gouvernement fait l’autonomie des universités est donc un mensonge historique. En revanche, ce qui est vrai, c’est que l’autonomie des programmes et des financements existait peu, celle du recrutement, hormis les seniors qui sont nombreux à pouvoir enseigner, écoûter et transmettre, composer des cours, et qu’on ne recrute ni ne garde passées leurs 65 ans. La gouvernance, depuis la loi Savary, étaitdémocratique et efficace, elle y perd dans la réforme Pécresse et le soupçon des étudiants comme des universitaires que les financements privés favorisent telle discipline et telle région me paraissent fondés, parce que l’argent ne s’investit pas sans contre-partie.
Un sociologue, présenté comme un spécialiste des médias, Denis Muzet, donne à ce supplément ad hoc du Monde quelques notes [2]que je crois justes, et d’abord que l’élection de Nicolas Sarkozy, parut, sans inventaire ni imagination de la suite, la solution par elle-même aux impasses et problèmes du pays, cela pour toutes les classes et pour tous les intérêts. En ce sens, il est étonnant que l’élu ne l’ait été qu’à 53% des suffrages.
Sur France-Infos., Ségolène Royal à 18 heures 15. J’en ai pris la substance et l’ai donné à sa date dans ce blog. Je regrette qu’elle n’ait pas développé une intuition forte qui pourrait répondre de tout, mais qui était trop à égalité de débit et de débat avec beaucoup d’autres remarques : la mondialisation ne désarle oas les gouvernements, au contraire elle leur donne des outils qu’ils n’avaient pas auparavant. Au premier rang de ceux-ci, je place, quant à moi, une attente réfléchie des opinions publiques que la notion de bien commun et son instrument, dirigé par des élus, l’Etat, soient restaurés. Les caricatures ne valent plus, c’est pourtant sur ces leurres et ces ruines que nos gouvernants s’acharnent au lieu de partir de la vie nationale – résiduelle, après tant de temps perdu ou destructif.
[1] - Actes XX 17 à 27 ; psaume LXXXVIII ; évangile selon saint Jean XVII 1 à 11
[2] - Le président tient moins des discours qu’il n’envoie des cartes postales : le verbe s’efface derrière l’image quotidienne conçue pour le journal télévisé. Cette occupation de l’espace médiatique, jusqu’à la saturation, impose une présence quasi ubiquitaire. (…) On est entré dans une phase accélérée de dérèglement, avec un feu d’artifice de symboles et de gestes ( comme la prise en charge de la mémoire de la Shoah par les écoliers) sans aucune légende et, du coup, ne faisant plus sens. – Le Monde supplément 6 mai 2008 – n° 19681
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