NOTE
pour le Ministre
travail\note-A.mae
La
question nucléaire dans l'ensemble anciennement soviétique, a été jusqu'à
présent trop vite regardée comme de responsabilité uniquement russe. La
Russie ne contrôle pas les sites hors de son territoire, dont les statuts
juridiques, notamment au Kazakhstan, sont divers. Elle contrôle
technologiquement un ou plusieurs segments des deux processus de production
d'énergie nucléaire, mais pas leur totalité (sites d'Aktau à neutrons rapides
sur la Caspienne, que sont censés connaître Framatome et le CEA, ce qui est
controuvé à l'expérience que j'ai faite avec ces institutions sur le terrain,
d'Oust-Kamenogorsk dans l'Altaï, presqu'aux confins sino-russes :
enrichissement d'uranium à fins militaires, et de Steppnogorsk, jamais encore
visité, au centre de la zone dite des " terres vierges"). Ses propres
sites dépendent de productions au Kazakhstan. Et la communication
intellectuelle ou matérielle entre les sites est à deux niveaux, celui d'accords
gouvernementaux, dont nous ne savons à peu près rien, et celui des relations
inter-entreprises que nous connaissons mal, faute de nous être intéressés au
sujet commercialement et politiquement.
Nous avons prêté la main à la
prolifération en ne monnayant pas - Européens moins encore qu'Américains - les
matières en stock et les outils hérités de l'Union Soviétique. Et en bâclant la
reconduction du traité de non-prolifération. Les gouvernements ont besoin d'argent, et les entreprises de la filière
ont besoin de clients.
L'Iran est au coeur
du débat entre les Républiques ex-soviétiques. Il contrôle une part de la
question difficile en droit international du statut de la mer Caspienne,
lequel emporte la validité ou non des permis azeris et kazakhs. Il constitue le
débouché alternatif, commercialement et en circuit d'évacuation, pour le
pétrole en mer ou autour de Tenguiz, au Kazakhstan. Il est pressé de jouer ce
rôle, que l'émancipation des satellites soviétiques peut lui donner. Les
Américains n'auront pas, au niveau gouvernemental, de prise sur leurs sociétés
pétrolières soucieuses de rentabiliser leurs investissements en Asie centrale
et donc de " sortir l'huile ". La
seule chose que Moscou peut offrir à Téhéran, pour se concilier le grand voisin
du sud dans les questions pétrolières et en fait pour une reprise en main des
Républiques ex-soviétiques, c'est le nucléaire. Le Kazakhstan est l'enjeu
autant que le maillon de cette double relation pétrole-atome. NAZARBAEV a
commencé cet automne d'envisager une évacuation méridionale de son pétrole.
Ce qui semble pour
nous la prolifération nucléaire (dont Allemands et Japonais profiteraient : les
Allemands introduits par des affinités ethniques à Oust-Kamenogorsk, et les
Japonais finançant en partie des démantèlements) est dans l'ancienne Union
Soviétique la question de savoir jusqu'où peuvent aller et iront donc les
indépendances des Républiques successeurs. L'Union Européenne n'a jusqu'à
présent fait qu'accompagner les Etats-Unis dans la pression politique, et s'est
déchargé du reste financier et commercial, au risque de consolider le monopole
américain et de renvoyer à terme les Républiques "nucléaires" dans le
giron russe./. (10.IV.95)
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