nous avons déjà correspondu à plusieurs
reprises à propos des populations Rroms et de la manière dont celles-ci sont
traitées, notamment depuis 2010 et encore aujourd'hui, par les autorités de mon
pays. J'avais alors voulu vous soutenir publiquement dans les remarques et les
évocations - sévères et douloureuses - que vous aviez faites.
Les grandes échéances de renouvellement du
Parlement et de la Commission pour notre Union eurropéenne, approchent et je
tiens à vous confier ce qui me tient à coeur :
1° l'identité européenne dans le monde et vis-à-vis de ses
ressortissants ne peut fondamentalement être ni la puissance économique,
commerciale ou financière quoique cette puissance soit nécessaire pour notre
monde et pour nos concitoyens européens, ni même les exceptionnelles richesses
immatérielles que sont notamament nos diversités, nos patrimoines culturels,
linguistiques et spirituels. Elle est essentiellement la démocratie et le
respect des droits de l'homme. C'est ce qui fait notre bien commun et
notre exceptionnalité. On en voit bien l'application en Ukraine.
C'est le domaine dont vous avez eu la
charge au sein de la Commission et que beaucoup de vos interventions et des
orientations ou décisions que vous avez recommandées et prises, ont illustré.
A ce titre, votre désignation à la
présidence-même de la Commission serait un gage décisif pour cette identité. Je
souhaite donc que vous soyez notre prochaine présidente, et si je puis d'une
manière ou d'une autre y contribuer, et ensuite vous accompagner dans ce grand
mandat, combien j'en serais heureux et honoré !
Ce me semble avoir des conséquences
immédiates.
2° la démocratie est imparfaite et surtout
peu éloquente dans le fonctionnement de l'Union européenne. Je souhaite que
fait et cause soient pris par vous pour que le prochain Parlement ait mandat,
implicite ou explicite, de rédiger et adopter un nouveau traité qu'il vaudra
mieux appeler Loi fondamentale que Constitution et qui, tout en prévoyant ce
que l'actualité rend évidemment nécessaire : une protection douanière comme ce
fut la version initiale de notre union à Six pour rétablir dans les relations
commerciales internationales bon sens et loyauté, l'aménagement d'un droit de
sécession avec une possibilité cependant de retour, établirait l'essentiel.
L'élection au suffrage direct du président
de l'Union européenne par tous les citoyens européens. Avec compétence d'en appeler au
referendum européen dans les matières prévues par la future Loi
fondamentale. Dans l'instant même de cette élection, l'Europe trouvera unité,
volonté, solidarité. Elle est aujourd'hui humiliée, sans expression et avec
fort peu de solidarité, les uns, notamment à l'Est bénéficiant indûment de
leurs bas coûts humains de production, d'autres chancelant sous le poids de leurs
endettements, d'autres enfin jouant de rentes de situation notamment en
intermédiaires commerciaux avec les pays dits émergents. Tout changera.
L'Europe pourra enfin être politique, indépendante et vouloir sa défense
en propre.
3° démocratie et droits de l'homme devraient
nous faire inventer, aussi bien pour les Rroms que pour toute population
migrante et transnationale de fait, une citoyenneté européenne et des
organisations indépendantes de l'appartenance à un Etat national. Cette citoyenneté directe donnerait lieu
à des représentations dans les divers organes et assemblés de l'Union, à
égalité de droits et de devoirs avec les Etats membres, sauf la rédaction des
traités et la sécssion qui ne serait d'ailleurs évidemment pas de
l'intérêt de ces populations. Ce serait peut-être aussi un chemin de solution
pour des peuples territorialemnt stables mais ne se reconnaissant pas dans la
nationalité de l'Etat que leur position géographique leur impose. Je préfère ne
pas donner d'exemples, mais vous avez ces situations à l'esprit.
4° nos associations et partenariats avec des
pays et peuples que l'Histoire a attachés à certains des Etats-membres - les
pays A.C.P. d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique - sont censés promouvoir
pas seulement des aides et des solidarités économiques et financières, mais des
valeurs communes dont le non-respect par une quelconque des parties au traité
de Cotonou entraine des examens, des probations et des sanctions.
Une lacune criante se trouve à
l'expérience dans les fonctionnements
électoraux de certains de nos partenaires. L'Union a l'expérience de ces
contrôles, en s'associant ou pas avec d'autres ensembles comme l'Union
africaine ou l'Organisation internationale de la francophonie. Mais
ce ne peut s'entreprendre qu'à la demande de l'Etat concerné. L'expérience que
j'ai de la Mauritanie, dont je vous ai fait part ainsi qu'au directeur général
du Développement qu'a été Stefano Manservisi, est décisive. En 2006-2007,
élections municipales, parlementaires et présidentielles préparées et
contrôlées de la confection des listes électorales à la transmission des
résultats bureau par bureau pendant plus d'un an avec des dizaines d'experts
internationaux, un matériel informatique prêté considérable et un parc de
voitures ad hoc. Une élection pluraliste avec deux tours, a inauguré un
gouvernement démocratique incontestaablement. Dans les quinze mois, un putsch
que la France - encore elle, très malheureusement - a très vite contribué à
légitimer en s'en portant fort auprès de l'Union africaine, malgré la
persistance de manifestations de rue pendant un an contre les putschistes.
L'élection anticipée en
Juillet 2009 par abnégation du président légitime qui a
choisi d'abdiquer, n'a pas été contrôlée, le président de la commission
électorale a même démissionné le soir du scrutin, constatant trop
d'irrégularités pour que rien ne soit acceptable. Des élections parlementaires
et municipales viennent de se tenir, sans contrôle aucun et ont évidemment
conforté le pouvoir en place, celui du putschiste qui pendant la courte période
démocratique dirigeait l'état-major particulier du président et une garde
prétorienne, organisée selon ce qu'il avait appris chez Sadam Hussein et dont
en vingt-cinq ans, il n'a quitté jusqu'à ce jour le commandement direct que
pendant le temps de stages au Maroc dans les années 1990. L'élection
présidentielle se prépare dans la même absence de contrôle. Quoique le
gouvernement français actuel le déplore, il n'est pas jusqu'à présent possible
de convaincre l'homme fort de son intérêt d'une réélection incontestable, donc
contrôlée, notamment par nous.
Il conviendrait donc que Cotonou soit
rectifié en sorte qu'un Etat ne puisse
se dérober à l'automaticité du contrôle de ses élections, et plus généralement
de son respect de l'Etat de droit et de la dignité humaine. Ce sera la
stricte application de nos valeurs et l'illustration de notre identité et un
soutien décisif aux démocrates ainsi qu’à la jeunesse, notamment en Afrique. Ce
pourrait figurer dans notre Loi fondamentale européenne à venir.
Pardonnez-moi d'être ainsi long, et
veuillez agréer l'expression et de mes hommages très sincères et de mes voeux
ardents pour votre présidence de notre Union européenne.
Cette lettre vous est d’abord parvenue par
courrier électronique.
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