Election présidentielle 2007
observations & réflexions
IV
1° Les rôles-titres et les
acteurs
La campagne
présidentielle en cours tranche sur les précédentes, parce qu’il y a deux
séries d’acteurs. Ceux qui jouent les rôles convenus : les candidats, et
ceux qui prétendent agir sur l’électorat.
Jusqu’à cette
élection, il y avait toujours en lice au moins un candidat du pouvoir en place,
quoiqu’en 1969 Georges Pompidou en était éloigné depuis dix mois. Aujourd’hui,
personne ne se réclame de ce qui a été fait en douze ans de mandatures de
Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy est dans la position de Valéry Giscard
d’estaing en 1974 ; n’étant pas le Premier ministre, il peut se distancer
de l’action du gouvernement dont il fait pourtant partie et ne revendiquer
qu’une extension de ce qu’il fait du portefeuille qui lui a été donné mais il
ne se pose ni en héritier de quoi que ce soit ni de ce qui que ce soit –
candidat de rupture - et si Dominique de Villepin se présente – ce qui ne
pourrait se faire qu’en dehors de l’U.M.P. – il préfèrera probablement
s’attacher au gaullisme plutôt qu’au chiraquisme. Ségolène Royal n’invoque
personne et ne succède à personne, François Bayrou ne semble pas adoubé par le
fondateur de l’UDF il y a trente ans.
Il n’y a donc
pas de grande mémoire ou de grande action qui soutienne l’un ou l’autre
candidat. Les candidats sont tous de longue carrière déjà, mais sans expérience
gouvernementale décisive, et pour les plus favorisés d’entre eux – sauf pour
Jean-Marie Le Pen - , leur emprise sur le parti qui les investit est récente.
En revanche,
des acteurs bien plus enracinés semblent vouloir jouer un rôle décisif. Les
médias forcent les portraits, et ne semblent guère se distinguer les uns des
autres. Il y a eu la phase féministe qui a porté Ségolène Royal et dont Michèle
Alliot-Marie a espéré profité elle aussi : seule une femme peut en battre
une autre. Puis celle de la victimisation : Clearstream et les attaques
internes au parti socialiste contre la favorite des sondages, étant acquis que
l’agressé profite de l’agression dans l’opinion. On serait maintenant dans le
misérabilisme : les enfances malheureuses et les revanches sur les destins
pertsonnels et familiaux des principaux candidats. Les médias installés ne sont
plus comme en 1965 et jusqu’en 1988 des supports d’idées. Les hebdomadaires
appartiennent à des fortunes industrielles ce qui n’était pas le cas dans les
années 1960 et 1970. La presse gratuite semble avoir comme objectif de
compenser les distorsions de concurrence entre « petits » et
« grands » candidats.
Si le MEDEF
n’est pas officiellement courtisé et ne prend pas non plus parti – jusqu’à
présent – il apparaît que de grandes fortunes comme la dynastie Lagardère ou
François Pinault sont en lien direct avec des candidatures, le second étant
d’ailleurs recherché, semble-t-il, autant par le Premier ministre en place que
par la candidate socialiste, alors même qu’il a joué contre Mittal Steel contre
l’aciérie européenne et française.
Tout se passe
comme si les rôles avaient un texte dicté, y compris les apparents tests de
personnalité ou la course à la « stature internationale » - en
d’autres temps, c’aurait pou être à l’art oratoire ou à l’effet de plume,
aujourd’hui à ces concours aucun candidat actuel ne pourrait plus se présenter.
Les entourages, même et surtout quand ils sont de qualité comme à gauche, ne
sont pas connus du grand public.
2° L’électorat présumé
Il n’est pas
nouveau que chaque candidat cherche à mordre sur les territoires adverses, mais
le scrutin de 2002 a
montré que ces visées peuvent se payer par la perte de ses propres acquis. Les
rivalités de candidatures dans chaque famille politique quand celle-ci est
dominante dans les fututres coalitions de droite ou de gauche, partent du
principe que ces acquis sont intangibles, et que al victoire, une fois candidat
formellement, s’obtient à la marge. On est dans une logique qui n’a plus rien à
voir avec celle ayant fondé la Cinquième
République et que l’élection au suffrage universel direct du
président de la République
avait consacré. Cette logique est que l’élection présidentielle met hors de
pair une personnalité parmi d’autres et lui donne la légitimité pour user de
toutes les prérogatives que lui dnne la Constitution. En
théorie, le débat entre personnes et l’évaluation de leurs capacités l’emporte
sur les programmes et plus encore sur les partis les soutenant. C’est ainsi
d’ailleurs que les médias suivent actuellement les candidats, en cherchant à
les faire connaître jusques dans leur intimité. Une intimité factice censée
renvoyer à l’opinion ce qu’elle prise, croit-on. Mais, malgré la difficulté
d’obtenir les parrainages d’autant qu’ils doivent etre avoués publiquement, les
candidats sont nombreux et empêchent les mieux dotés d’acquis originels d’être
assurés de garder toutes leurs voix présumées.
La présence
sur l’échiquier électoral d’un parti à la fois repoussoir mais fortement
implanté dans l’opinion a faussé en 1969 et en 2002 l’élection présidentielle.
La prochaine élection ressemblera à l’un ou l’autre de ces scrutins. Le Front
national s’il est écarté de l’élection, faute de parrainage, ou s’il n’est
présent au second tour, arbitrera celui-ci, comme l’abstention communiste de
1969 fit la victoire de Georges Pompidou. Et s’il est présent au second tour, aura
renvoyé la décision au premier tour. Ce qui donne dans chaque camp – droite et
gauche – une crédibilité de destruction absolue à une dualité de candidature
dans la majorité sortante ou à une entente vraiment unitaire des antilibéraux à
gauche. Ces prévisions supposent un partage droite/gauche du pays. Tout
l’effort de l’homme du 18 Juin et l’essence même du gaullisme étaient
d’atténuer ce clivage. La Quatrième
République, elle-même, y était arrivée parce qu’elle était
exclusive non d’un seul parti mais de deux (les communistes et les gaullistes),
ce qui mettait le système aux seules mains de coalitions qu’on dirait
aujourd’hui centristes ou de gestion.
La surprise de
2007 serait qu’apparaisse un candidat, sans électorat originel à prétention
majoritaire, et qui à droite et à gauche en trouverait les éléments. Sans doute, est-ce la stratégie de François
Bayrou.
Le paradoxe
des régimes électoraux en vigueur fait que l’élection présidentielle a
progressivement ruiné le parti communiste au profit d’une dynamique unitaire de
gauche et que les élections législatives ne peuvent donner au Front national
faute d’alliance non seulement aucune majorité parlementaire, mais même
probablement aucun député. L’attitude de l’UDF lors des derniers débats de
confiance à l’Assemblée nationale place ce parti pour les prochaines
législatives dans la situation du Mouvement des citoyens en 2002. Le point
commun des deux régimes électoraux est en effet de donner la victoire au second
tour à qui profite de désistements ou d’abstentions ou retraits motivés.
3° Les certitudes des
Français en forme de questions
La question de
savoir s’il existe encore un pouvoir politiquement, censément contrôlable par
l’exercice de la démocratie, dans un contexte d’économiosme triomphant, est
posée par les médias que contraint le scepoticisme de l’opinion. Celui des
candidats qui montrera et convaincra qu’il existe encore une possibilité –
immédiate – de restaurer le pouvoir d’une décision politique en France, sera
peut-être battu mais il acquerra une autorité morale durable. Celle d’un Mendès
France sous la IVème République,
à la façon d’un de Gaulle assurant dès 1940 que les engrenages de la guerre ne
sont pas forcément ceux qu’on observe en situation de désastre.
L’autre
question récurrente dans l’opinion est celle de l’information des gouvernants
et de leur position mentale pour comprendre les gouvernés et donc leur
répondre. Ni les sondages, ni les week-ends « sur le terrain » des
élus nationaux ou des ministres ne sont une manière suffisante. L’interrogation
porte en fait sur la représentativité des élus nationaux, donc des gens
sélectionnés et contrôlés par les partis, sur la préparation des élites à la
direction du pays (grandes administrations, grandes entreprises, toutes
institutions et tous organismes d’emprise nationale ou au moins régionale).
Elle ne se posait pas aux débuts de nos diverses Républiques parce que la
souveraineté nationale déléguée aux élus était un dogme indiscutable au moins
pour les républicains. Elle se pose depuis que la démocratie directe a commencé
d’être souhaitée (propositions de lois socialistes à partir de 1895,
introduction de la procédure par le général de Gaulle) et maintenant que la
technique permet apparemment l’immédiateté et la multiplication à l’infini des
assemblées et des votations virtuelles. Le problème est analogue à celui de la
justice ; celle paraît satisfaisante si le droit du plaignant est reconnu
au détriment de celui de son adversaire ; serat démocratique la décision
correspondant au for intérieur. Pas de réponse sauf consensus. Ce qui ouvre une
piste. Autrefois, les sujets à traiter, les circonstances, des fidélités de
personne à personne déterminaient les partis. Quand il y avait accord ou
consensus, il reflétait à peu près l’opinion majoritaire. Aujourd’hui, le
processus est inverse. Les partis, plus ou moins intangibles, sont divisés par
leur concurrence à exercer le pouvoir et à distribuer les places à ceux qui en
font partie. La division est fonctionnelle, elle n’est plus thématique. Sur les
grands sujets, les accords et désaccords sont internes aux partis et non entre
les partis : l’entreprise européenne, l’allégeance atlantique, le service
public, la propriété nationale, l’ethnicité, la référence laïque, et la plupart
des débats actuels divisent en leur sein les partis, et si ceux-ci se fondaient
sur des thèmes, il est probable qu’ils se distribueraient autrement les
personnalités. Comme nous n’en sommes pas là, les partis ne sont plus la
matrice des programmes et des idées, ils sont des apprentissages du pouvoir et
des machines à faire élire ; programmes et idées, malgré les simulacres
sont le fait des personnes, qu’il y ait eu un véritable effort de collecte à la
base des résultats de débats organisés, comme au parti socialiste, ou quelque
rédaction en commissions nommées, à l’U.M.P.. Chacun sait que les candidats ne
diront que ce qu’ils veulent dire ou roient devoir dire pour dépasser les
frontières électorales de leur parti d’étiquette, et qu’élu le candidat
s’écartera autant du programme de ce parti que de ses propres dires de
campagne. Ce qui revient à l’interrogation de départ : comment faire que
les gouvernants restent dans la peau des gouvernés et au moins des candidats. –
Quant à moi, je n’ai pas de réponse sinon celle de notre ancienne
monarchie : la conscience du roi éclairée de conseils, mais libre
constitutivement.
4° Quel contexte ?
Le contexte
peut se caractériser ainsi, et il y a peu de chances qu’il se modifie
fondamentalement d’ici Mai 2007.
Internationalement,
ni la France
ni l’Europe ne pèsent comme elles en avaient la crédibilité ou le poids
effectifs il y a quinze ans. Les principales institutions extra-européennes ont
pour chefs nominaux des non-européens : les dernières désignations au
secrétariat général des Nations unies ou à l’OMS le confirment. Les retraits
britanniques et italien d’Irak, notre retrait d’Afghanistan, même et surtout si
ces retraits sont fondés algré que ce soit des revirements, mettent l’Europe
hors des questions qu’avait posé l’intervention américaine. Le conflit
israëlo-palestinien échappe au bailleur de fonds qu’était l’Union pour
l’Autorité palestinienne. La carte de la vieille Europe s’est refaite depuis
1990 hors des prévisions françaises – sauf à remonter à de Gaulle et à son ministre
des Affaires étrangères, Couve de Murville – hors de nos souhaits (les
tentatives de François Mittrerrand d’une confédération, et les montages
d’Edouard Balladur pour des pactes régionaux de stabilité) et sans initiatives
européennes : l’élargissement de l’Union, la guerre de Yougoslavie sont
des initiatives des pays concernés, ce n’a jamais été une stratégie l’Union.
Faute d’avoir déclaré l’évidence – l’obsolescence de l’Alliance atlantique à la
chute du mur de Berlin, à l’implosion soviétique, à la dissolution du pacte de
Varsovie – le système américain, via l’OTAN, gouverne tout. Une double
extension géographique et thématique permet à ce système de répondre du monde
entier, sans pour autant entrer dans quelque discipline que ce soit – notamment
des Nations unies. Le thème du terrorisme mine le concept démocratique et fait
intervenir en discriminant les Etats sur une base religieuse et raciale.
L’élargissement de l’OTAN vers l’est a précédé et imposé l’élargissement de
l’Union. Commercialement, l’Union aurait dû dominer l’OMC et arbitrer les
déséquilibres sino-américains. Ceux-ci ne produisent que la déconfiture des
offres de la France
et l’Union – notamment nucléaires, et prochainement aéronautiques. Ni la France ni l’Europe n’ont
d’imagination stratégique : vassalisées mentalement par les Etats-Unis,
courtisanes inconditionnelles, intéressées et à court terme de la Chine, sans proposition
d’aucune sorte vis-à-vis de la
Russie pourtant européenne, voisine et apte à équilibrer la Chine ou les Etats-Unis,
voire les deux s’il y avait communauté de vues entre Bruxelles et Moscou. La
similitude ou la complémentarité des intérêts crève pourtant les yeux, et la Troisième République
laïque et exilant les princes, avait – elle – su traiter avec un monarque, à
l’époque absolu. La France
savait alors défendre son indépendance et lutter contre l’hégémonie
contemporaine.
Nationalement,
la France est
en mauvais état. Le déficit commercial est installé, il n’y a plus de
croissance qu’au mieux d’un point ou d’un demi-point, c’est-à-dire
statitisuqmeent discutable, et imperceptible pour la population. La France perd depuis vingt ans ses principales industries
et elle ne garde pas les services qu’elle a su inventer, elle ne produit aucun
mariage intra-européen de forte substance – de Sanofi-Aventis à Gaz de France,
les exemples sont multiples et désastreux. Elle n’imagine toujours pas de
rechange pour 2013 au plus tard à la politique agricole commune, déjà amendée
dans un sens qui divise la communauté nationale en salariant les agriculteurs
au lieu de rétrubuer à un juste prix les productions. Les démographes semblent
s’être trompés et l’attente des gouvernements successifs depuis celui de Lionel
Jospin à l’actuel est démentie : il n’y aura de baisse du chômage que par
une création réelle d’emplois et non par vieillissement de la population, ce
qui est d’ailleurs sain et ce qui accule les gouvernants à ne plus se parer des
plumes du paon. La France
ne se connaît plus elle-même – arive-t-elle ou non à intégrer les générations
immigrées, rapports et avis divergent, y a-t-il discriminations, on n’en sait
pas la proportion. Surtout, elle n’est plus exprimée : pas de prix Nobel
français de littérature, pas de grandes autorités morales. Pas non plus
d’instances de renconres et de prévisions : la planification française est
morte, ses derniers cadres ont quitté les structures ayant remplacé le
Commissariat du plan (qui n’était plus qu’un ectoplasme du Commissariat général
au plan), la « refondation sociale » judicieusement intitulée par le
patronat ne paraît une priorité pour aucun des « partenaires
sociaux » ni pour les gouvernants : en tout cas, elle ne se fai que
par touches successives, apparemment sans schéma d’ensemble, ainsi la
désinstitutionnalisation des représentativités syndicales. Les structures
économiques et étatiques sont donc vidées de leur élan, les structures sociales
sont dans une mutation dont les règles ne sont pas dites mais ne sont pas non
plus spontanées.
Il n’est plus
même sûr que l’étiquette France recouvre encore des projections d’avenir pour
beaucoup de citoyens, alors même que l’Union européenne telle qu’elle est
perçue semble avoir une forte majorité contre elle : ni le passé, ni
l’avenir, et un présent appelé à se répéter mécaniquement en forme d’élections
ne donnant pas pour autant prise sur les évolutions.
Notre pays ne
sait plus ni s’organiser ni se gouverner, il recherche de moins en moins et
innove peu techniquement ou intellectuellement, il ne rayonne plus./.
BFF – 16 XII 06
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