Election
présidentielle 2007
observations
& réflexions
IX
Je suis presque
sans radio puisque je la « prenais » dans notre voiture, accidentée
depuis maintenant dix jours (j’écouterai-regarderai le président sortant
rétrospectivement selon un enregistrement vidéo. qui m’est fait à Paris), je
lis beaucoup de journaux, les quotidiens dont j’ai l’habitude, les gratuits du
métro. La recherche de mon chien me fait parler avec beaucoup de gens
d’ici : ruraux ou salariés de Vannes habitant en campagne. Je sonde aussi
mes étudiants de Paris VIII . Deux genres de vie, deux types de
culture et des générations différentes. Mes étudiants dont une moitié n’est pas
votante, parce que pas de nationalité française. – Je lis le livre-manétophone
de Raymond Barre (L’expérience du pouvoir), le recueil des discours de François Bayrou (Au nom du tiers état) et le rapport de l’Académie des sciences
morales et politiques (La
France prépare mal l’avenir de sa jeunesse), notamment adopté par Raymond Barre et
Pierre Messmer.
Recul donc. Deux
sites que je crois phares dans nos débats : http://gaullismesocial.free.fr et www.maisonroyale.org.
Deux
conversations ce matin tandis que je recherche toujours notre chien, en
compagnie de ses deux frères et de notre petite fille Marguerite. Au lieudit
moulin du Guérizec, bois et rivière. La question d’entrée, une fois établi le
portrait du chien perdu … et la campagne électorale ? Toujours la prudence
– qui me fait douter des sondages – mais parfois l’ouverture si je peux donner
le sentiment que je m’ouvrirai aussi. La planète, l’avenir de nos enfants, tous
les moyens et diagnostics sont là, mais ils se chamaillent, cour de récréation
puérile et ne font/ne feront rien ; ce qui me fait songer aux années 1930,
chacun conscient du péril mais personne n’entreprenant de le conjurer, ce qui a
coûté au monde et surtout à l’Europe la deuxième guerre mondiale et les camps.
Il n’est pas déterminé, il est très posé et me laisse ses adresses
électroniques en couple, il est inquiet en profondeur, regrette Edouard
Balladur et Jacques Delors, ce qui est dater le début de tout ce qui a été
manqué : 1995. A
la plage, ensuite, lisse de la mer, pas d’oiseaux, un autre silence, les gens
ne s’entendent pas. Aux agrès, un visage rappelant celui de DSK. Je le dis,
vous m’y gaites penser mais en beaucoup mieux. De fait, élancé et svelte, l’autre
est rassuré ; tout sauf la gauche ; j’ai voté Mitterrand une fois, en
1981 (il ne dit pas si ce fut par exaspération de VGE, ma mère : cela
avait été çà), cela suffit. Donc Nicolas Sarkozy. Remettre les Français au
travail (il a 56 ans, ne les fait pas, a commencé de travailler à quatorze ans,
est à la retraite depuis deux mois), je lui dis que beaucoup de gens voudraient
bien travailler et ne trouvent pas. Je lui dis que ce sera Jacques Chirac,
culte du chef, réputation d’énergie mais indélicatesse pire puisque cela
concerne – déjà – les libertés publiques. Le Pen, je partage beaucoup de ces
idées, répond-il. Pourquoi pas François Bayrou, alors ? Ah, non !
celui qu’il ne vienne pas nous emm… Ma postière, il y a quatre jours, passée du
vote socialiste traditionnel à Bayrou : battre absolument Nicolas Sarkozy,
Ségolène n’en est pas capable. Mais elle avait commencé selon la
prudence : n’importe qui, pourvu qu’il soit bien entouré. Soit ! si
l’impétrant est capable de travailler avec ce « bon » entourage et de
le susciter.
Deux
non-événements.
L’annonce par
le président sortant qu’il ne se représente pas, est une confirmation.
L’interrogation rétrospective est triple. Jacques Chirac a consenti à
l’abrègement de la durée du mandat présidentiel pour se faire plus aisément
réélire aussi bien en 2002 qu’en 2007, à la recherche qu’il est depuis 1995 de
dépasser son score du premier tour (jamais plus de 20% depuis 1981…), sans
avoir compris que son élection à 82% lui rendait l’avenir, non pas tant un
nouveau mandat, mais les moyens d’une tentative si novatrice : le
gouvernement d’union nationale correspondant à cette majorité unanimitaire
contre l’extrêmisme que d’ailleurs n’importe quel candidat opposé à Jean-Marie
Le Pen aurait recueillie. Beaucoup plus difficile sera celle de François
Bayrou, s’il en reçoit le mandat au premier tour en y étant second : il
aura été préféré, en pis-aller peut-être mais préféré, par l’électorat
traditionnellement socialiste alors que son parcours jusqu’en 2002-2006 aura
été dans la majorité sortante, l’équation est la même que celle de 2002, mais
le score évidemment sera très moindre, ce qui rend les choses proches des
contraintes ayant pesé sur le dessein de Valéry
Giscard d’Estaing (François Bayrou me paraît avoir le même sans que
l’ancien président de la
République le reconnaisse encore) : caractéristique du « chiraquisme », l’adversaire n’est pas
légitime, on ne peut donc travailler avec lui parlementairement (ce qui
imposa à François Mitterrand la dissolution en 1981 et en 1988), mais on
accepte la cohabitation convaincu qu’on sera meilleur que lui… Deuxième
interrogation-méditation, Jacques Chirac avait tous les moyens d’empêcher
Nicolas Sarkozy d’exister au point où celui-ci en est maintenant : il
dominait l’U.M.P. sans conteste jusqu’en 2004, le non-cumul des fonctions de
chef de parti et de ministre allait de soi, enfin des rappels à l’ordre sur les
libertés publiques lui étaient faciles, elles étaient de sa compétence, elles
l’auraient grandi, François Mitterrand, dans ce registre, eût été décisivement
assassin. Enfin, quitte à ce que le président ne se représente pas en 2007, crainte d’être battu (le referendum
de 2005 et l’hospitalisation peu après), le suspense pouvait être organisé et
des hâtes dans le processus de candidature au sein de l’U.M.P. où le moins
qu’on puisse constater est que le plébiscite de confirmation a effacé toute
discussion, auraient pu être évitées, les impertinences caractérisées du
ministre-candidat aussi. Mais Jacques
Chirac est au seuil de sa vraie popularité ; celle qu’il aura en n’étant
plus au pouvoir et correspondant au portrait de l’humaniste (cf. Pierre
Péan sur L’inconnu de l’Elysée),
passionné d’arts et de civilisations exogènes, engagé à fond dans la sauvegarde
de la planète rejoignant Mikhaïl Gorbatchev et Nicolas Hulot… à se demander
pour quoi il fut président de la
République ? Il semble que l’opinion ne le réalise pas
encore.
L’analyse
faite si tardivement par les « deux principaux » candidats et surtout
par les parieurs de carrière, de leur positionnement mutuel en cas d’émergence
d’un tiers. Pour Ségolène Royal, le
précédent de l’irrésistible distanciation de Jacques Chaban-Delmas en 1974 par
Valéry Giscard d’Estaing, tient à ce qu’une partie de son électorat
potentiel a deux envies qu’il faut satisfaire à la fois. Une capacité de
renouveler la politique mais avec compétence, être placé pour battre
l’adversaire dont on ne veut à aucun prix. Dès qu’il apparut que Valéry Giscard
d’Estaing était mieux à même de l’emporter sur François Mitterrand, l’électorat
de la majorité sortante quitta Jacques Chaban-Delmas, qu’elle ne préférait que
par raison (à quoi s’était employé Georges Pompidou ne considérant plus à
« l’usage » son Premier ministre). L’homme à battre aujourd’hui est,
pour beaucoup, Nicolas Sarkozy et la gauche n’est pas seule dans cette
mobilisation négative. A l’inverse, la hiérarchie du Parti socialiste sent bien
que les voix grossissant l’électorat de François Bayrou, par rapport à son
score de 2002, viennent du centre gauche. François Bayrou a eu le génie de
sentir le premier que la réserve de voix est là. Et bien entendu, alors que
Ségolène Royal fait l’erreur de l’étiqueter à droite sans réaliser qu’elle-même
ne peut l’emporter au second qu’avec cet électorat centriste qu’elle avait
d’abord visé en étant candidate à la candidature, François Bayrou au contraire
a décisivement évoqué que son Premier ministre sera choisi à gauche.
Pour Nicolas
Sarkozy, l’aveu est sans fard : faire que Jean-Marie Le Pen soit présent
au premier tour, c’est au mieux l’avoir comme adversaire au second tour, qui
n’en sera plus un, le plébiscite se renouvellera, et c’est plus probablement
disposer de ses voix contre Ségolène Royal, mais encore davantage contre
François Bayrou du fait de l’engagement européen de ce dernier. Si le
ministre-candidat est si petitement européen, c’est bien à cause du Front
national. François Bayrou au second tour est plus dangereux que Ségolène Royal,
il aura des voix de gauche, il aura des voix libérales au sens premier du terme,
c’est-à-dire se déterminant en fonction des libertés publiques et du profil
psychologique du président souhaitable. François Mitterrand l’emporta ainsi en
1988.
Les voix dont disposera Ségolène Royal au
premier tour dépendent en fait des possibilités de candidature de
l’extrême-gauche dite anti-libérale bien plus que de sa perte de séduction
envers l’électorat centriste. Si la question des parrainages construit une
candidature unique : celle d’Olivier Besancenot, faute que les appareils y
soient parvenus d’eux-mêmes à l’automne, la bataille socialiste deviendra une
bataille d’identité de gauche. Intéressante et décisive pour une grande famille
d’esprit et qu’avait su gagner – paradoxalement – François Mitterrand à
plusieurs reprises, mais très handicapante pour assembler, au second tour,
au-delà de la gauche.
Je préfère
donc analyser ce qu’apporte la campagne en cours – structurellement – à la vie
politique française. Je la crois révélatrice et constructive. Donc,
indépendamment des candidats et de leurs dires, bénéfique pour notre avenir.
1° La campagne modifie
peut-être la fonction présidentielle
L’élection au
suffrage universel direct n’était pas utile à de Gaulle, elle l’handicapa même,
modifiant pour quelques années l’origine de son pouvoir. Le défunt Comte de
Paris le remarqua le premier, il ne s’agirait plus de légitimité. Mais l’homme
du 18 juin – ce faisant – dès 1962, voulait, et fit jurisprudence, que les
successeurs aient une équation dépassant leur propre personnalité et leur
parcours. C’est l’occasion à de sa
propre campagne, en 1965, que le fondateur refusant « la politique des
boules puantes » - dont beaucoup de Français regrettent en ce moment
qu’elle ait tant cours – articula aussi, à propos de François Mitterrand que
les siens voulaient discréditer, qu’ « il ne faut pas porter atteinte
à la fonction, pour le cas où il viendrait à l’occuper » [1].
Prophétie et capacité de recul, alors qu’on est soi-même en cause, devenues
rares en ce moment. La droite en particulier déniant toute capacité à la
candidate socialiste et tâchant de répandre un jugement sur Ségolène Royal qui
n’aurait comme critères que les siens : quoi d’étonnant alors qu’elle ne
fasse pas l’affaire. Tactique décalée car la candidate socialiste, qu’on avait
cru à gauche comme à droite capable de faire bouger les traditionnels votes de
droite, n’y est manifestement pas parvenue, plus attractive en campagne interne
au Parti socialiste, qu’une fois intronisée. Problème déjà rencontré par Michel
Rocard, apprécié à droite plus que d’autres socialistes, mais jamais au point
d’être préféré au candidat proprement dit de cette droite.
L’élection
présidentielle, dans la forme décidée par referendum en 1962, devait être à la
fois une décision de politique générale et un choix de personne, la meilleure,
la plus adéquate possible. A partir de 1995, c’est l’échec. D’une part, les campagnes deviennent une prospection
des électorats par catalogues et engagements commerciaux : 1988 en
avait donné un avant-goût, François Mitterrand parla de « jack-pot »
à propos de celle du Premier ministre sortant. Celle en cours dépasse tout
précédent. J’entends par promesses autre chose que les priorités ou les
propositions, manière de la gauche qui pourrait d’ailleurs s’articuler en
propositions de loi dûment déposées avant la fin de la législature et
automatiquement reprises, au début de celle suivant la victoire du nouveau
président. Mais des spontanéités, en fonction d’auditoires de l’instant (le
second porte-avion nucléaire abandonné pour en reporter les crédits sur
l’éducation), ou des calculs très délibérés en fonction d’un électorat
recherché (le projet de fichier national des psychopathes, rejeté par la
communauté médicale et même la majorité parlementaire sortante, donc retiré par
le ministre de l’Intérieur mais promis par le candidat). Promesses qui créent
un besoin de leur évaluation par des
autorités ou des mécanismes indépendants, et appellent des questions sur la
manière de les réaliser. Le débat sur le chiffrage… le site d’Alexandre Jardin…
D’autre part,
si à mesure de l’exercice du pouvoir, Valéry Giscard d’Estaing et François
Mitterrand étaient critiqués, il ne fut jamais avancé qu’ils étaient inférieurs
à leur fonction. Edouard Balladur dès 1996 l’a soutenu à propos de Jacques
Chirac, alors qu’une quasi-unanimité s’était faite sur son exercice des
fonctions de Premier ministre. La révérence que le président sortant pour son
prédécesseur explique probablement sa
lacune principale : il lui faut un père, même s’il s’oppose à lui.
Valéry Giscard d’Estaing, de trop peu son aîné, n’en tint pas lieu. Jacques
Chirac à Pierre Péan ne dit pas : de Gaulle ou le général de Gaulle, il
dit : le père de Gaulle. Et envers Georges Pompidou, puis la femme de
celui-ci, ses sentiments d’attachement filial ont toujours été explicites.
Mais si
l’élection présidentielle, dans son actuelle psycho-sociologie, ne contribue
pas à la fonction telle que l’avait inaugurée de Gaulle, elle en construit
peut-être une autre. Du moins, la conception qu’en a désormais la
« classe » politique le présage. L’un des arguments pour abréger la
durée du mandat présidentielle a été le risque de conflit de légitimité entre
le président et l’Assemblée renouvelée en cours de son mandat, et donc plus
« fraîchement » élue que lui. C’est un argument que je récuse car la
dissolution précisément ou le recours au referendum sont des opportunités pour
le président en place de se faire confirmer presqu’à tout moment. Evidemment en
courant le risque d’être désavoué. Dans une conception de la présidence
quinquennale, c’est le renouvellement du mandat qui compterait le plus. La
légitimité ne serait plus créée par la première élection, ne caractérisant pas
une personnalité et ne lui permettant que l’accès au pouvoir, mais elle serait reconnue
par la seconde selon la qualité d’exercice de la fonction présidentielle. En tout
cas, la première élection serait un
choix de programme, une décision d’orientation ; la consécration
personnelle ne pourrait intervenir qu’à la seconde. Le quinquennat serait un
mandat de dix ans conditionnels. Durée choisie pour le consulat de Napoléon
Bonaparte ou pour le chef de l’Etat, dans le projet du maréchal Pétain. Durée
d’exercice des fonctions présidentielles par le général de Gaulle, seul à avoir
accompli cette durée en pleine possession de toutes les prérogatives qui leur
sont attachées, puisque François Mitterrand et Jacques Chirac ont eu leur
propre longévité, partiellement amputée par les cohabitations (deux fois deux
ans pour le premier, cinq ans sur douze pour le second).
Ainsi, la
vraie révision de nos institutions n’est-elle pas celle proposée pour son texte
par tous les candidats, elle résulte de la campagne en cours.
2° La campagne révèle aussi
bien notre vie politique intérieure que l’état de nos relations extérieures
L’élection présidentielle,
surtout, révèle la réalité de la vie politique et montre les évolutions dans la
distribution des familles d’esprit. C’est elle qui a fait constater la
diminution puis la quasi-disparition du vote communiste, bien moins sensible
dans les scrutins parlementaires puisque les réserves de circonscription entre
partis maintiennent – artificiellement – l’importance non seulement des
communistes, mais des Verts. Le fait qu’aucun candidat ne se réclame du passé,
ni du sien propre, ni de l’exercice du pouvoir par l’un quelconque des
présidents de 1959 à ce printemps-ci, centre l’agencement des forces politiques
et des candidatures que la plupart cherchent à placer sur la stricte actualité.
La procédure
d’émergence des candidatures est d’ailleurs – sauf pour ceux des chefs de
partis qui sont eux-mêmes candidats : François Bayrou, Marie-George
Buffet, Jean-Marie Le Pen, Philippe de Villiers – tout à fait nouvelle à peu
près partout. La tentative de candidature unique à l’extrême-gauche, le
pluralisme très libre chez les socialistes, le simulacre dans la majorité
sortante d’autant plus remarquable qu’on le croyait imputable seulement à la
personnalité fondatrice de Jacques Chirac.
Le mauvais rapport à l’argent n’est pas
nouveau. Il y eut – ravageusement – les scandales du Panama ou de Stavisky
– sous la Troisième République.
Jacques Chaban-Delmas fut atteint par l’affairisme de certains de ses
ministres, il est vrai de rang secondaire. Plus que d’enrichissement sans cause
ou d’une concussion avérée – quoique ce soit le problème manifeste de l’un des
candidats, du fait d’ailleurs d’un cumul de mandats qui est l’habitude du
R.P.R. léguée à l’U.M.P. – c’est de laxisme, qu’il s’agit. Dès leur entrée
respective à l’Elysée et à Matignon, Jacques Chirac et Alain Juppé, en 1995,
aveint vu mettre en cause leur pratique immobilière selon leur position à la
mairie de Paris. Il est évidemment choquant que des candidats à une fonction
dont l’exercice sera en partie de veiller à la morale publique, donc à la
sincérité fiscale, ne soient pas rigoureux dans leurs gestions personnelles.
Mais le laxisme n’est pas que pour l’argent. Il fut choquant d’entendre le
président sortant dont la responsabilité politique a été deux fois sanctionnée,
en 1997 à la suite de la dissolution et en 2005 par referendum, en appeler au
sens de la responsabilité de tous, à plusieurs reprises. Le mauvais rapport à l’argent va de pair avec un mauvais rapport au
peuple, simplement parce que le laxisme personnel rend superficiel les
engagements politiques. La phrase si cynique de Charles Pasqua : les
promesses n’engagent que ceux qui y croient. C’est ce qui produit la sensation
chez les Français – fondée – que la politique est un exercice professionnel,
comme un autre, en rien exceptionnel, sacré donc, que les carrières dans
l’intérêt public et selon des convictions ou un idéal laissent la place à de
simples parcours d’ambition. Une sorte de « jeu de l’oie » : du
cabinet à la députation (circonscriptions que l’on se repasse, ainsi le
monnayage de celle de François Léotard contre une nomination à l’inspection
générale des finances, au tour extérieur, ou la disponibilité de celle de
Jean-Louis Debré à Evreux qui échoit au directeur du cabinet de Dominique de
Villepin – le fait que celui-ci ne la retienne pas pour lui-même et donc pour
commencer une carrière parlementaire d’ici l’été, est d’ailleurs, je crois,
l’événement de la semaine, peu commenté encore), de la députation au
gouvernement malgré la philosophie première de notre Constitution qui
prétendait distinguer les deux fonctions et aussi les deux types de talent, et
du gouvernement… à « la dernière marche » : expression de
Nicolas Sarkozy, donnant à la
Réunion en exemple pour tous les modestes de naissance, sa
propre carrière. Discrimination positive.
Le rapport aux médias a complètement
changé. D’une possibilité technique pour saisir directement les Français
qu’Edouard Daladier avait inaugurée et qui importa tant au maréchal Pétain, et
à quoi n’excella de Gaulle que parce qu’il avait quelque chose à dire et à
faire approuver, quelque chose de précis, les ondes ont fait apparaître une
profession, tendant à devenir une classe, au fonctionnement analogue à celle de
la politique : même problématique du rapport à l’argent et au peuple, même
tendance à la cooptation et même à l’hérédité, même écart entre l’explicite et
le sous-jacent dans l’exercice d’une fonction pourtant essentielle à la
démocratie contemporaine. Essentielle quand fléchit l’instance du contrôle
politique qu’est le Parlement : magistrature et journalisme
d’investigation, ensemble, tiennent le rôle de la commission d’enquête
parlementaire, y compris dans la phase de contradiction. Naguère, les
« affaires » étaient portées sur la place publique par les
adversaires ; aujourd’hui, elles sont exposées à l’électeur directement.
Accessoirement, c’est un bon test de personnalité pour les candidats : le
jeu de la vérité. Valéry Giscard d’Estaing y perdit le contrôle de son image.
Que Jacques Chirac ne soit pas tombé par harcèlement tient de deux prodiges,
une « mithridatisation » des Français, pas forcément positive ni
civique, dangereuse pour notre estime à l’étranger, une vraie solidité nerveuse
du président de la République. Trait
de caractère que semble posséder bien plus Ségolène Royal que Nicolas Sarkozy,
à égalité de questionnement ces jours-ci.
L’actuelle
campagne semble dégager, pour l’exercice de la fonction médiatique, deux règles.
L’équilibre de traitement entre les candidats ne serait pas seulement affaire
de temps d’antenne, mais de neutralité ou de réserve des commentateurs et des
éditorialistes de renom. Il y aurait une émission « faiseuse de
rois », à chaque campagne. Il est dit que François Bayrou doit le début de
sa « percée » dans les intentions de vote à son passage dans
l’émission où avant lui, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal avaient surtout
rivalisé et subi une évaluation selon l’audience, mais non le fond (10,5
millions de téléspectateurs pour la seconde contre 8 et quelques pour le
ministre-candidat). Encore, n’en sommes-nous qu’à la pré-campagne. En 1974,
Jacques Chaban-Delmas espéra se rattraper par un face-à-face avec François
Mitterrand avant le premier tour, comme s’il s’était agi pour lui de surpasser
le champion de la gauche, alors que son adversaire était bien – pour la
primaire – Valéry Giscard d’Estaing. De Gaulle, au contraire, pour la campagne
du deuxième tour en 1965, avait innové (ou plutôt son secrétaire général,
Etienne Burin des Roziers) : un dialogue, la chose a été reprise à
satiété, au point que soit confondu de plus en plus un discours direct du
président de la République
avec une conversation. L’homme du 18 juin avait seulement voulu contrer une
réputation de trop grande altitude par rapport au commun. Des gouvernants qui
ont suivi, on réclame au contraire – maintenant – un peu plus de hauteur de
vues et de propos, car si ceux qui exercent le pouvoir en démocratie sont
tellement semblables à leurs administrés, et tiennent tellement à ce que cela
se sache, au nom de quelle différence rétendent-ils l’emporter. Concours de
proximité, à quoi serait consacré l’essentiel de tout talent des candidats et
des gouvernants ensuite ? ou démonstration d’excellence ?
Une des révélations de la campagne actuelle
est qu’il n’y a plus de primaire ni à droite ni à gauche, elles
surabondèrent de 1974 à 2002. Tandis que beaucoup regrettent que nous n’ayons
pas de « primaires » à l’américaine, c’est-à-dire un choix des
candidats, non seulement par les appareils ou par les militants, mais bien par
les électeurs potentiels De même – pour beaucoup de Français qui s’en cachent
bien moins que de leur intention de vote –, le parrainage des candidats devrait
rester le secret du Conseil constitutionnel pour ne pas être, par la
publication des signatures, un véritable premier tour de l’élection et, pis
encore, une élimination de sensibilités politiques existantes. Réforme à
inscrire à l’ordre du jour de la prochaine législature. Ce qui induit une
réflexion de plus grande portée. La prérogative présidentielle, surtout si elle
retrouve son fondement qui est la responsabilité du président de la République devant le
peuple à l’occasion de la dissolution ou du referendum, est telle que le mode
de scrutin pour l’Assemblée nationale peut changer. La représentation
proportionnelle permettrait l’accès au Palement de toutes les familles
d’esprit, alors qu’actuellement elles n’espèrent, pour beaucoup d’entre elles,
n’apparaître et pouvoir se dire qu’à l’occasion de l’élection présidentielle.
Le changement du mode de scrutin pour le renouvellement de l’Assemblée
nationale, et peut-être aussi le changement dans la composition du Sénat, ce
qui est pensé depuis cent cinquante ans et toujours pas accepté – malgré de
Gaulle notamment – libèrerait l’élection présidentielle d’un rôle qui ne doit
pas être le sien et qui pollue la campagne : la représentation. L’élection présidentielle est une décision
de personne, elle-même garante d’un programme et incarnant des options ;
elle n’est pas un outil de représentation des diversités françaises.
Certaines
idées-force peuvent fonder un parti, mais quand elles ont été efficaces,
c’est-à-dire contagieuses, elles ne peuvent faire, par elles-mêmes, que
susbiste un parti. Les républicains, ou les courants républicains, se
justifiaient en tant que partis face aux alternatives royaliste et bonapartiste
au début de la Troisième République.
Se dire républicain aujourd’hui à peu de sens surtout si la République n’est plus
définie comme un régime mais comme l’attachement à des valeurs : qui n’est
pas humaniste ? d’autant que sans changer la forme républicaine du
gouvernement, constitutionnellement insusceptible de révision, rendre
héréditaire (dans la maison de France) la fonction présidentielle permettrait
sans doute de donner à la Cinquième
République ce qu’il lui manque essentiellement en ce
moment : le contrôle parlementaire, le chef de l’Etat n’étant plus
qu’arbitre. Les Verts, depuis René Dumont qui fit en 1974 que tout commença,
ont gagné : l’écologie doit être la priorité de tous les partis, si elle
n’est la tâche que d’un seul, elle ne s’accomplira pas assez. Leur déclin, en
tant que mouvement politique, est à la mesure de leur succès d’idées. La
bataille pour l’emploi ou la sécurité sociale, la dignité des travailleurs en
tant que tel, qui – en situation de gouverner – les ignorerait ? La
pétition socialiste, sur ce plan, est en concurrence et le Premier ministre
actuel a eu tort d’en faire dépendre son image, alors que – à tort ou à raison
– son discours aux Nations unies lui avait donné une image populaire. D’une
telle image, Michel Jobert avait eu la ténacité (et le talent incomparable) de
bénéficier jusqu’à sa mort et sans jamais avoir été élu. Du fait de l’échec
d’un système ayant régné de fait depuis 1981 : l’alternance droite/gauche
au pouvoir, ls centristes – actuellement l’U.D.F. – deviennent un parti nécessaire
dont la proposition n’est qu’institutionnelle. Cette proposition peut, selon ce
qu’exprimera leur candidat-refondateur, être aussi une radicale imagination
européenne. Paradoxalement, autant la proposition institutionnelle est
porteuse pour François Bayrou, autant une
pétition européenne intégrale serait périlleuse : on mesure là l’évolution
en France de la perception de l’enjeu européen. Le général de Gaulle,
pourtant si ferme (et ingénieux avec Maurice Ciouve de Murville aux Affaires
étrangères) dans la fondation d’une pratique européenne entièrement dans nos
intérêts, et il parvenait, fut mis en
ballotage en 1965 à l’élection présidentielle par une surenchère des centristes
(la candidature de Jean Lecanuet, supranationaliste). Ne pas paraître assez
européen était dangereux il y a trente ans, l’être ou l‘être trop est
aujourd’hui périlleux. Ce qui rend encore plus artificielle la puérile course à
la « stature internationale » - avec ses paradoxes, la candidate
socialiste cherchant son adoubement chez la chancelière chrétienne-démocrate et
le candidat de la majorité sortante chez le président socialiste du
gouvernement espagnol – montre l’état pitoyable de nos relations extérieures.
L’entente franco-allemande à l’épreuve des erreurs de gestion d’Airbus.
BFF
– 9.11 III 07
disponibles
sur demande, les précédentes réflexions sur le même thème de l’élection de 2007
12 Novembre 2006
Le contexte : L’impuissance à plusieurs points de vue.
Les paradoxes
Les processus de
candidatures et de programmes
20 Novembre 2006
Le choix et la
manière socialistes
Les programmes
Les faux semblants
Interrogations en
conclusion d’étape.
2 Décembre 2006
Les candidatures
Les procédés
Les absences
16 Décembre 2006
Les rôles-titres et les acteurs
L’électorat présumé
Les certitudes des
Français en forme de questions
Quel contexte ?
2 Janvier 2007
Le naturel des partis
Les clivages ne correspondent plus aux
partis
Le métier fait les moeurs
L’élection présidentielle est à un tour
9
Février 2007
Les mises en campagne
Les modalités de la campagne présidentielle restent à inventer pour
l'avenir
La politique extérieure est le vrai clivage, il n'est avoué en tant que
tel par personne
18
Février 2007
L'opinion et les candidats
Les candidats et l'opinion
L'absence de choix en matière institutionnelle
Le mauvais énoncé de la question européenne
24.25
Février & 4 Mars 2007
Des certitudes négatives
De rares certitudes positives, mais qui sont sans doute la matrice d’un
système nouveau
Apathie ou désespérance des électeurs ? ou médiocrité des
acteurs ?
Quelque chose
prendrait-il forme ?
Le monde, pendant ce
temps-là…
Les résultats du
capitalisme tel qu’il se pratique en français
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