Cher Monsieur le Président de la
République,
je
me permets de solliciter de nouveau, et en confiance, votre haute attention. Je
le fais en même temps que je courielle aux cardinaux et à quelques évêques de
l’Eglise de France, en leur donnant notamment mon analyse de la contestation
qui a commencé et persiste depuis l’automne de 2012, avec des thèmes et une
chalandise réputés chrétiens.
Le
pays est matériellement à plat, ayant progressivement perdu presque tous les
éléments de son industrie, et donc pas tant des emplois qui vont avec que du
savoir-faire pour plus tard. Il mendie à l’étranger ses investissements, y
compris culturels et sportifs. Nous dépendons en finances publiques de la
spéculation internationale et de notations sur lesquelles la démocratie
française et son outil principal, l’Etat national, n’ont aucune prise.
Les
Français perdent donc le sens.
Les
rumeurs les plus folles, les procès d’intention les plus insidieux sont
intentés au gouvernement légal et à vous-même pour miner, dans l’esprit public,
la légitimité des dirigeants, des institutions, des processus électoraux.
Face
à des manifestations de rue, exploitant certainement la bonne volonté et la
qualité des convictions de celles et ceux qui y participent, et face à l’inédit
des contagions, des émois et d’organisations émergentes encore peu identifiées
et étudiées, les partis politiques sont hors jeu. La gauche et les citoyens qui
déjà s’étaient peu mobilisés à propos très concret des successives réformes des
retraites, n’ont pas su à propos exemplaire de la liquidation d’Aulnay et des
tête-à-tête dont il faut reconnaître qu’ils furent honteux entre Mittal et
vous, puis entre Mittal et le Premier ministre, se mobiliser massivement et
durablement pour que le social remette l’économie, l’investissement,
l’exportation dans les directions qu’ils n’auraient jamais dû quitter.
La
crise n’est donc pas principalement budgétaire, économique, identitaire, pas
même morale – car, notamment à propos du « mariage pour tous » et
même de son corollaire logique s’il s’agit que ne soient plus pénalisés les
homosexuels : leur accès légalisé à la procréation médicale assistée, les
Français ont très bien su discerner et débattre entre eux, notamment les plus
jeunes. Notre crise est mentale et d’organisation de notre rapport
gouvernés/gouvernants. Nous avons gardé tous nos repères, mais nous désespérons
radicalement que nos outils et nos capacités civiques et institutionnels soient
mis en oeuvre.
Si
l’opinion publique est ressaisi, si – comme dans chaque grande période de
redressement dans notre histoire - l’esprit civique français est suscité,
presque tout a sa solution, mieux et plus profondément qu’ailleurs, chez nos
partenaires de l’Union européenne, plus vite peut-être.
Votre
fonction n’est pas d’être directeur du budget de l’Etat comme vous l’êtes de plus en plus avec le
risque avéré d’être brocardé par votre corps d’origine…, ni de vous substituer
au Premier ministre comme vous l’avez fait en préparant et présentant le
« pacte de responsabilité »…, ni même selon une déviation de nos
institutions depuis les engagements que prit Georges Pompidou au départ ou pour
le départ du général de Gaulle : remplir un programme, tenir des
promesses. Elle est d’animer et d’orienter le pays, tous citoyens et
gouvernants confondus, toutes collectivités ou organisations que ce soient. L’esprit public vous incombe.
L’élection est un examen de personnalité, l’exercice du pouvoir sa preuve.
Si
je continue de vous adresser suggestions, suppliques, programmes de
gouvernement et propositions de conversion, quoique vous n’ayez pas répondu
encore à ma demande de quelques minutes d’entretien avec vous chaque quinze
jours pour simplement échanger à propos du bien commun, c’est que je garde
confiance en vous. Et qu’il n’y a pas de rechange à vous tant que votre mandat
n’est pas échu ou que vous n’avez pas démissionné.
La
nature de la contestation actuelle montre d’ailleurs qu’il ne s’agit plus des
habituelles luttes sociales ou des enjeux d’équilibre économique et financier,
mais bien du regard de chacun sur notre ensemble, et sur ce que nous faisons de
tant de privilèges reçus de notre histoire, de notre géographie, de nos
démographies, et de tant d’expérience institutionnelle en gouvernement, en
remise en ordre, en négociations entre nous.
Comment
nous ressaisir d’âme et d’esprit ? et à votre initiative.
Certainement
en changeant complètement des voies et moyens de nos politiques. Je vous
redonne les suggestions que je me permets de vous écrire périodiquement.
Egalement,
en vous rapprochant de ce qui constitue le cadre mental du pays et qui n’est ni
les syndicats, ni le patronat, mais certaines associations, certaines familles
d’esprit constituées et organisées, parmi lesquelles les Eglises, les
religions. L’Eglise de France, principalement, a un effet d’entrainement
décisif. L’exaltation et l’embrigadement de bonne foi d’une partie des ouailles
qui lui restent coinstirtue aujourd’hui une part de la vie politique nationale
laissant perplexe toutes les autres. C’est une énergie qu’il faut atteler
autrement. Je le crois possible et viens de courieller en ce sens à ceux des
évêques dont j’ai les adresses internet.
Mais
principalement en vous interrogeant et en nous interrogeant sur la manière de
nous diriger ensemble en démocratie et de former et promouvoir nos cadres en
tous domaines. Il n’y a plus aujourd’hui d’esprit civique, de patriotisme, de
sens de l’Etat face à l’individualisme des carrières, aux modes et aux
engouements, aux modèles, face à l’argent. Il y a un désoeuvrement profond,
intime de ceux censés diriger les entreprises et le pays, d’où l’évanescence
des communications, la précarité des structures de couple, la banalité et le
convenu des convictions. Le recel, les abus, les enrichissements polluent la
vie élective, les décisions gouvernementales. La France est en état d’adultère
avec elle-même et avec tout ce qui l’a constitué et qui s’appelle aujourd’hui la République. La
vertu est rare, elle qui donne du caractère même à ceux qui n’en ont pas
nativement ou circonstanciellement.
Typiquement,
maintenant que l’Etat est démuni après avoir été décrié depuis trente ans, il y
a un haro redoublé contre l’Ecole nationale d’administration et celles/ceux qui
en sortent… la croyance au complot et aux accaparements occultes y participe
avec la revendication si commune de connaître ou pas « le terrain »,
les chiffres, selon que c’est l’entreprise ou le tout venant qui revendique.
C’est le signe – un de plus – que la formation de nos élites n’existe plus.
J’ai été très frappé par le dévoiement de Sciences-Po. – l’école des cadres
proposée au pays et à l’Etat, sans initiative gouvernementale, par quelques
patriotes remarquables dont des Alsaciens choisissant la patrie et donc l’exil
(parisien). C’était le fruit de notre désastre de 1870, c’était la réforme
intellectuelle et morale, les origines de la France contemporaine, d’intenses
autorités morales. Descoings et Mion, maintenant, pour dire les noms, ont
entrepris de faire de cette Ecole, « une université de l’excellence »,
où le critère de la modernité est que les élèves parlent anglais entre eux et
pour soi-disant attirer l’étranger. Nous avons d’autres institutions pour cela,
il ne s’agit d’ailleurs pas d’attirer ceux qui sont ailleurs, mais d’être
nous-mêmes, et de pourvoir à nous-mêmes. Le narcissisme et les recels de la
direction dénoncent d’ailleurs ce dévoiement, qui me paraît symptomatique d’une
évolution commencée depuis longtemps. La mondialisation mentale n’est pas une voie
de compétivité mais une astructuration intime de nos dirigeants, dont beaucoup
viennent des cabinets ministériels et sont ensuite soit les recéleurs soit les
ennemis de ce qui doit tout à l’effort commun. L’affaire Pérol, mais aussi les
parcours de Mestrallet, de Messier sont typiques.
Rencontrer
dans la discrétion les patrons de grands groupes, les directeurs de nos
principales administrations centrales, des évêques, des associatifs, des
responsables syndicaux, des éditeurs, des journalistes, des maîtresses et
maîtres d’école primaire… tranquillement et sans communiqué, sans ordre du jour
que de parler de la France, du pays et des moyens de mieux former au
discernement, à l’animation, à l’écoute. Un thème commun à chacun de ces
entretiens. Pas la boîte à idées, mais comment nous refaire un esprit vif.
Enfin,
un gouvernement moitié moins nombreux, vivant autour de vous collégialement et
dont les membres font de même, sans écran d’entourage et sans souci de la
montre médiatique, directement avec leurs administrations et leurs administrés.
Les grands corps – armée, préfets, magistrats, diplomates – doivent être connus
de vous personnellement et dans ce même souci de voir et comprendre comment
nous réformer d’âme et d’habitudes de penser et de vouloir. La réforme est
mentale, celle des institutions, celle de nos structures de commandement et de
financement de notre économie s’en déduira naturellement et calmement.
Je
mentionne pour terminer l’évidence du tonneau des Danaïdes et de la spirale
récessive d’une politique nationale de fiscalité commandée par la dette. Tous les grands
Etats et l’ensemble de nos partenaires européens avec nous subissent l’assaut
de tous les intérêts qui refusent l’outil du bien commun : les Etats et la
démocratie qui les gouvernent. Donc, en concertation secrète et en proclamation
par tous au même instant : le moratoire des dettes souveraines. Quant aux
prochaines élections européennes, elles n’ont de sens que pour une nouvelle
constituante européenne décidant principalement l’élection du président de
l’Union directement par tous les citoyens de celle-ci.
Moratoire
asséchant la spéculation et démocratie irriguant notre Vieux monde, l’ambiance
est changée tandis que nous savons ensemble comment nous reprendre, en France.
Confiant en vous et en notre ressort.
Bertrand Fessard de Foucault
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