Election présidentielle 2007
observations & réflexions
III
1° Les candidatures
Il y aurait 39 candidatures à l’élection présidentielle prochaine.
Elles ont toutes le même caractère inédit, avoir l’aval statutaire d’un parti
politique. Comme si les partis, concourant à l’expression du suffrage populaire
selon la Constitution,
étaient propriétaires de quelque chose qui ne devrait être que celle des
électeurs. Une exception peut-être, la candidature du Premier ministre en place
qui ne pourra être celle de l’U.M.P. sauf circonstances actuellement
imprévisibles. Rétrospectivement, il est sidérant que le président sortant ait
laissé s’imposer au parti qu’il a lui-même fondé un candidat que manifestement
il n’apprécie ni humainement ni au point de vue du programme, qu’il l’ait
rappelé au gouvernement, qu’il l’y garde. Cela seul dément toute intention –
malgré des rumeurs très artificielles – qu’il se représente lui-même. La
candidature du Premier ministre ne serait possible que si Nicolas Sarkozy était
discuté dans l’électorat de la majorité sortante ou s’il apparaissait qu’il
conduit celle-ci à un échec certain. Ce n’est pas le cas. Dominique de Villepin
aurait cependant un profil très conforme à l’esprit de l’élection
présidentielle qui est d’émanciper les candidats de leur formation d’origine,
tant en campagne – Ségolène Royal l’a amplement démontré bien avant son
invesiture et sans déplaire, au contraire, aux militants socialistes – que dans
l’exercice du pouvoir suprême. Il aurait comme présentation un certain retour
aux sources gaullistes, qui ne sont invoquées que très occasionnellement depuis
trente ans et jamais pratiquées. Il serait étonnant que cela suffise.
Les élections précédentes, y compris le retour-même du général de
Gaulle « aux affaires » en 1958, montrent qu’attendre peut servir,
qu’en tout cas des tentatives infructueuses n’éliminent pas à terme.
La question de fond de cette élection a été posée en 2002 et elle a une
jurisprudence de près de quatre-vingt ans en France. Peut-on exclure du
processus électoral et des systèmes d’alliances un ou des partis,
« diabolisés » pour des raisons qu’une époque juge péremptoire ?
– car Jean-Marie Le Pen a perdu au second tour parce qu’il était interdit
d’alliances et donc de tout désistement. Ce fut le cas à plusieurs reprises
pour le parti communiste français : sans doute, n’est-il pas d’abord exclu
du système puisque les socialistes le prennent pour allié de 1924 à 1947, mais
le pacte germano-soviétique de 1939, ce qui parut une tentative d’insurrection
en 1947, les répressions soviétiques de 1953 et de 1956 en Europe orientale,
firent l’exclusive. Il était entendu que les voix communistes ne
« comptaient » pas pour une majorité à l’Assemblée nationale de la Quatrième République.
François Mitterrand eut l’audace et le génie de rompre l’enchantement, ce qui
d’ailleurs – plus encore que l’implosion soviétique de 1990 – fit la
banalisation du parti et sa réduction à des scores, au moins pour l’élection
présidentielle, inférieurs à ceux de l’extrême gauche.
Un point n’a pas encore été décisivement étudié. Le parti communiste et
le quart, puis le cinquième de l’électorat qu’il entrainait, était-il un parti
protestataire ou la machine d’une utopie collective ? Lui disparu, sauf au
Parlement, selon une sociologie électorale également à étudier, le Front
national a a-t-il « mathématiquement » bénéficié de ce statut de
parti d’opposition globale à un système scandalisant beaucoup de
Français ? Auquel cas, pour le réduire, il faut lui faire exercer des
responsabilités : au plan municipal, l’essai est concluant, le Front ne
s’implante pas. Mais la nuisance du Front national et de ceux qui votent pour
Jean-Marie Le Pen n’est pas principalement là. Elle consiste – on l’a vu en
2002 et il serait annéantissant pour notre démocratie que cela se reproduise en
2007 – à rendre illusoire le second tour de l’élection présidentielle. Le
premier ou le second au premier tour (au cas où Jean-Marie Le Pen serait en
tête, ce qui paraissait dans les sondages d’Avril dernier et ce qui reste
possible selon ceux de la fin de Novembre), est automatiquement élu puisque le
Front national n’engrange pas une voix de plus au second tour . C’est donc
un vote forcé puisqu’il n’existe – toujours pas – chez nous une légalisation du
vote blanc et un minimum de suffrages exprimés pour qu’un scrutin soit valable.
Une réforme – dangereuse – sous Valéry Giscard d’Estaing a été grosse
de cette impasse. Celle qui a consisté non seulement à augmenter de 100 à 500
le nombre constitutionnel des signatures de parrainage à réunir, mais surtout à
les faire publier (intégralement, s’il n’y en a que cinq cent, par tirage au
sort jusqu’à concurrence de cinq cents, s’il y en a davantage). Il n’y a pas
que l’hypothèse d’une dictature en cours de s’instaurer qui terrorise ceux qui
ont la qualité de parrain : c’est la crainte des électeurs apprenant
comment se « conduit » leur maire ou leur parlementaire, c’est le
chantage aux subventions pour les collectivités locales. Belle pratique de la
démocratie. Autrement légitime, une candidature royaliste – sans jeu de mots –
serait très difficile, la
République paraissant l’exclure alors même que ne figurent
plus dans la Constitution
la clause d’inéligibilité des membres des familles ayant régné sur la France.
J’ai soutenu en 2002 que
l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen aurait été inopérante et
seulement une période de cohabitation de plus. Le Front national, sauf système
de représentation proportionnelle et pas avant longtemps, n’est pas capable de
former une majorité parlementaire.
La logique des comportements et des programmes milite pour que cesse
l’exclusive contre Jean-Marie Le Pen par une entente entre Nicolas Sarkozy et
lui. Charles Pasqua y avait intensément travaillé entre les deux tours de 1988.
Naturellement, une telle alliance fera battre dans un premier temps celui que –
dans la droite parlementaire – s’y risquera. Mais à terme, ce sera une droite
totale qui si elle arrive au gouvernement, suscitera une gauche totale,
lesquelles provoqueront soit une alternance apaisée comme en Allemagne ou en
Grande-Bretagne, sans grandiloquence, soit l’invention de ce qui nous manque et
que je viens de dire : le vote blanc, le minimum de participation pour
qu’un scrutin soit valable. Procédés qui feraient valoir ceux qui contestent
l’ensemble de ce qui se fait ; la protestation ne serait plus celle d’un
parti réputé extrême et voué pour une génération aux gémonies, mais de citoyens
forçant les partis à de véritables alernatives (ce que l’alternance n’a pas
encore produit chez nous).
Une réflexion sur une nouvelle formulation de notre régime
constitutiuonnel serait alors praticable. Hors cette circonstance, elle n’est
que destructive de nos institutions comme le montrent l’irresponsabilité
présidentielle malgré les désaveux populaires et la réforme-même qu’est le
quinquennat.
2° Les procédés
Clearstream à droite, une cassette à gauche. Tous les coups sont permis
à l’intérieur de chaque camp. Autrefois, c’était d’un bord à l’autre que l’on
se frappait ou que l’on se piégeait. Ce qui donne la réalité des solidarités de
partis ou de gouvernement. Longtemps, ce n’avait été que propagande entre
familles politiques : « l’homme de tous les passés », « le
pouvoir personnel », « l’ambulance ». Depuis 1995, le déballage
venant de la famille dont on est issu ou dont on se sépare du fait d’être
candidat. On passe de la campagne à la haine, des thèmes aux personnes. Les
candidats et le pays y perdent.
Internet a permis la
circulation des sondages interdits, il alimentera les bobards et les rumeurs.
Il ne fera pas la campagne.
Le plus pâle de nos ministres des Affaires étrangères depuis des
décennies, pratiquement adonné à l’accueil d’otages de retour aux aéroports
internationaux ou à donner des non-nouvelles d’Ingrid Bétancourt, s’illustre en
accrochant la candidate socialiste. Augurons une campagne indirecte où des
leçons de gouvernement et de conduite en tous genres seront données par ceux
qui n’auront en commun que cet emploi.
3° Les absences
Jacques Chirac ne se représente pas, parce qu’il est constamment
désavoué par les électeurs depuis qu’il a été élu en 1995. Dès l’automne de
cette année-là, le « plan Juppé » qu’il soutint et dont il expliqua
qu’il était la seule médication possible pour la fracture sociale – difficile
exercice dialectique pour passer de la générosité promise à la rigueur imposée
– le fit chuter. L’élection de 2002 n’en a pas été une. Le désaveu tient au
mécontentement, mais l’absence d’électorat tient au manque de bilan, donc à
l’impossibilité d’une prospective attachée à sa nouvelle candidature.
Absent de la compétition, Jacques Chirac l’est aussi des professions de
foi. Alors que de Gaulle et François Mitterrand, trente-sept ans après, onze
ans après, y figurent.
Cela ne confère cependant aucune vertu novatrice à la discussion
électorale qui a commencé. Le débat reste ou abstrait ou de l’ordre de la
police municipale : le maintien de l’ordre. Il n’est plus même, pour le
moment, question des impôts. La recherche d’une « stature
internationale » - je l’ai déjà écrit – est une pantalonnade. Une stature
est évidente, elle n’est pas fonction des billets d’avion ou des images
d’audience à l’étranger. Que peut dire, dans les affaires internationales, pour
y peser – sauf s’il est fin journaliste ou s’il dispose déjà d’une grande
autorité morale – quelqu’un qui n’a pas le pouvoir ?
Rien encore sur la reprise de la construction européenne, et sur
l’évident préalable que l’Union ait des institutions visibles, un mode de
décision populaire clair, une incarnation unique. Rien sur la reprise d’une
croissance économique qui ne soit pas seulement statistique et de l’ordre du
point ou du point et demi, mais qui se sente, qui à travers tout un pays
répande fondations d’entreprises, grands travaux, embauche par milliers :
nous vivons depuis des décennies la chronique quotidienne des « plans
sociaux » qu’il serait plus franc d’appeler anti-sociaux. Rien sur
l’exercice concret de la démocratie, à commencer par le fonctionnement des
médias en pleine mutation. Aucun inventaire des actifs français sur notre sol
et à l’étranger, ni de nos moyens d’influencer le cours mondial des choses. Pas
de jugement affiné sur celui-ci, pas de stratégie pour l’infléchir, seul ?
avec d’autres ?
Douze ans d’exercice – creux – du pouvoir, engendrent-ils une succession
creuse ?
Dans notre République, c’est le
chef de l’Etat qui répond de l’intérêt supérieur et permanent de la France, de la stabilité des
institutiuons, de la continuité dans la conduite des affaires publiques. Sa
fonction et son action sont donc à grande portée et dépassent la conjoncture.
Aussi st-il élu par le peuple pour sept ans. Aussi, est-il rééligible.
De Gaulle, en conférence de presse (la
dernière), le 9 Septembre 1968.
BFF – 2 XII 06
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire