Election présidentielle 2007
observations & réflexions
II
1° Le choix et la manière
socialistes
L’adoubement
par les militants socialistes à 61% de Ségolène Royal comme leur candidate est
un choix et a des conséquences sur l’ensemble de la campagne et donc de la vie
publique française, dès à présent.
Le choix est
judicieux pour l’emporter. La manière de la candidate transcende beaucoup des
clivages habituels, et ce qu’elle fera perdre à son parti vis-à-vis de
l’extrême-gauche (la réaction immédiate de Bertrand Besancenot), elle le
gagnera dans toutes les autres strates de l’électorat. Elle est difficile à
attaquer, car – c’est déjà beaucoup dit et remarqué, mais cela ne fléchira pas
– « on » n’attaque pas une femme, et surtout la première à se présenter
avec des chances aussi sérieuses de l’emporter, comme on pourfend un adversaire
selon des habitudes deux fois séculaires. Sans doute, des femmes
« politiques » ont été cruellement prises à partie ou brocardées dans
notre passé ancien ou récent, mais les reines de France ou Edith Cresson
étaient au pouvoir et cette dernière n’a été impopulaire qu’une fois Premier
ministre. Ségolène Royal ne peut être attaquée que par les siens. Elle ne
perdra que par les siens ou par elle-même.
La question –
dans l’opinion – semble être que la victoire est probable mais que le succès à
la tête du pays est plus incertain. La candidate n’a pas jusqu’à présent pu
combiner la novation de son discours : « les idées neuves »,
avec l’assurance qu’elle a des structures intellectuelles et spirituelles fortes.
Ambition et charisme ne font pas une fiabilité.
Les
socialistes ont, par la manière dont ils désignent leur chef, débattent de leur
programme et décident de leurs options, cela depuis 1995, mis en difficulté
tous les autres partis qui fonctionnent – sauf les Verts – à l’applaudimètre
pour une personnalité unique. L’UMP en particulier a un handicap certain. Les
rivalités en son sein ne sont pas, jusqu’à présent, passibles des urnes, les
déclarations de candidature sont commentées mais ne sont pas faites. Ces
candidatures d’ailleurs souligneraient le cumul des fonctions : Nicolas
Sarkozy, Michèle Alliot-Marie et Dominique de Villepin, donnés dans l’ordre où
ils se découvriront. Seul, Dupont-Aignan mène depuis des années un combat fondé
sur deux paris : il peut y avoir du gaullisme dans la majorité qu’avait
suscitée Jacques Chirac, il peut y avoir un débat dans un parti où domine
depuis toujours – pour le meilleur et pour le pire – l’allégeance, le culte de
la personnalité.
L’effet ou
l’exemple de la manière socialiste devrait se faire sentir et les autres partis
modifier leur façon d’être et de faire en eux-mêmes.
2° Les programmes
Ils se
publient actuellement. Ils n’engagent à rien et ne sont pas précis. Oubli total
d’une structure de travail et d’approfondissement qui est pourtant disponible,
constitutionnelle et qui ferait gagner du temps : les propositions de loi
des parlementaires. Les programmes de chacun des partis ou des candidats, s’ils
étaient écrits en forme de propositions de loi pour tout ce qui est du domaine
législatif – et c’est l’essentiel de ces programmes qui l’est – seraient de
véritables engagements. Ils seraient votés dès l’ouverture de la session
commençant avec le nouveau mandat présidentiel. Jusqu’à présent, les programmes
– sauf une bonne part des 101 propositions de François Mitterrand en 1981 –
n’ont jamais été appliqués, et les propositions parlementaires ont toujours été
écrites en situation d’opposition pour être oubliées une fois le pouvoir obtenu :
celles portant notamment sur la participation populaire par referendum [1].
Les programmes
sont tous révisionnistes de la
Constitution actuelle. Aucun ne fait état d’une compréhension
de nos institutions que seul un retour à son esprit fondateur – et à la
pratique du général de Gaulle – rend possible et cohérente. C’est ce qui ouvre
un espace certain à une candidature qui ne serait que gaulliste et donc
indépendante de l’ensemble des partis actuels. Une démarche qui n’est pas
permise à beaucoup, en tout cas pas au président sortant.
Aucun ne
présente une sortie de la crise ouverte dans l’Union européenne par le rejet du
traité constitutionnel en France et aux Pays-Bas. La question de l’avenir
européen paraît n’être que celle des élargissements à venir de l’Union. Elle
est en réalité tout autre et s’énonce en deux points : le fonctionnement
et l’expression. On ne peut – ni pour les opinions publiques de l’Europe ni
pour le dehors – incarner quoi que ce soit, même si c’est excellent ou
démontrable, par des dîners de vingt-cinq têtes. L’expression, il n’y en aura
pas, comme il n’y en a pratiquement jamais eu depuis cinquante-cinq ans ans, si
nous ne nous émancipons pas des Etats-Unis, ce qui n’est pas un jugement de
valeur sur ceux-ci, mais une simple décolonisation. Un ensemble vassal,
mentalement, financièrement, militairement, n’existe pas dans les relations
internationales. Nous ne nous en sortirons que par l’élection d’un président au
suffrage direct par l’ensemble des électeurs de l’Union sans distinction
d’Etat, et celui-ci ne s’imposera, dans les grands choix, que par le referendum
à question unique, posée le même jour dans tous les Etats. Un candidat à
l’élection de 2007 qui articulerait ces deux propositions ne serait peut-être
pas élu – Robert Schuman ne fit pas grande carrière après son plan du 9 Mai
1950 – mais il fondera.
L’économie est
diluée dans l’ensemble des propos qui sont jusqu’à présent, de conciliation
entre ce qui est supposé réaliste – l’environnement européen et mondial – et ce
qui semble souhaité par le grand nombre. Ce n’est pas nouveau.
La convergence
semble porter sur la prise de conscience qu’il faut trouver des formes
nouvelles de participation – combien le thème a fait ricaner quand de Gaulle a
diagnostiqué et pris date en Mai 1968 ! Je redis que l’esprit de notre
Constitution, s’il est compris et pratiqué, donne l’imagination de toutes les
prolongations institutiuonnelles nécessaires : initiative populaire du
referendum, exception d’inconstitutionnalité – propositions tendant à être
celles de tous les candidats – quorum pour qu’un scrutin – quels que soient sa
nature et son niveau – soit valable, cette proposition est plus rare, elle
s’appliquerait aussi dans l’hémicycle parlementaire, même en séance de nuit.
Quant au contrôle des élus, s’il n’y a aucune chance que s’érigent des jurys
populaires, en revanche il existe des procédures en Suisse et dans ce qui était
la lettre (mais pas la pratique) des constitutions soviétiques : une part
des électeurs se mobilise et déclenche le retour aux urnes de l’élu décevant.
3° Les faux semblants
Certains
médias posent la question, la traitent même en droit et en sociologie comparés
et la plupart des Français y répondent négativement : y a-t-il encore un
pouvoir politique qui puisse en imposer au cours économique et financier
actuel. C’est la question de la démocratie, si celle-ci n’a pas d’application,
pas de conséquence, nous jouons au théâtre. Trois exemples immédiats. L’accord
du président français et de la chancelière allemande pour le regroupement des
bourses européennes, est refusé par l’organisation des bourses dont fait
notamment par la France
et la solution américaine est préférée. Impuissance et défaut d’Europe.
L’aciérie européenne sous contrôle suprational indien et gérée désormais en
termes uniquement financiers, ce qui garantit la délocalisation et l’absence de
décideurs européens dans le nouvel ensemble : l’opinion et les salariés le
savaient, les politiques ont fait mine que cela ne se produirait pas.
Impuissance et plus même de substance européenne. La réussite la plus concrète
et qui était le seul domaine où l’Europe était en train de l’emporter
franchement sur les Etats-Unis – démonstration que la décolonisation est
possible – était Airbus. Des nominations hasardeuses, d’initiative
malheureusement françaises (celles personnelles de Jacques Chirac) et un
évident retour au nationalisme de part et d’autre du Rhin, ont produit le
désastre. Les indemnités dûes pour retard à la livraison des appareils vont
financer des achats chez le concurrent qu’on avait cru au tapis. La solution à
terme – coup de grâce pour l’entreprise européenne, avec la probable parité
fixe entre le dollar et l’euro. à gérer, dans les bonnes logiques boursières,
par la Réserve
fédérale – est prévisible : il y aura fusion des deux avionneurs et la
décision sera désormais, en emploi et en recherche technologique,
outre-Atlantique. La Russie,
pour la plupart des grands dossiers industriels actuels, est candidate à une
entrée informelle mais efficace dans l’ensemble économique de l’Union :
sans doute, nous avons des différends avec elle, notamment à cause de sa
manière politique (euphémisme) mais la France est bien placée pour avoir expérimenté que
son redressement, après 1871, fut – psychologiquement et c’était décisif – la
conclusion de l’alliance russe, alors que les régimes différaient bien plus
alors que mainenant.
La plupart des
candidats – en tout cas Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal – courent après la
stature internationale que doit avoir, chez nous (mais ce n’est pas le critère
partout), un futur chef d’Etat. C’est dangereux et ridicule. Dangereux, car ce
n’est pas à l’étranger de choisir à notre place. Ridicule parce que des
entretiens, en situation de ne rien pouvoir honorer (et des promesses s’il y en
avait seraient répréhensibles), ne sont sanctionnés par aucun résultat. Et les
interlocuteurs sont-ils par eux-mêmes de cette stature si recherchée ? Ils
sont en place, ce qui est différent. Une illusion qui domine et obère les
relations internationales depuis deux ou trois décennies, est d’ailleurs la
prolifération des entretiens au « sommet », le gaspillage des
« axes » et couplages-moteurs. Le travail de conception et de
proposition peut se faire discrètement et autrement. Des rencontres plus rares
auraient plus de sens.
4° Interrogations en conclusion d’étape.
Deux inconnues
sont attendues.
Le vote
protestataire, bien au-delà de l’interrogation – de substance – sur les
capacités d’intégration de notre nation autant pour les immigrés et leurs
descendants que pour les jeunes générations, même de souche ancestrale, se
traduira-t-il par l’abstention, qui ne sanctionnera rien dans l’état actuel de
la législation ? ou par la présence de Jean-Marie Le Pen au second
tour ? comme en 2002. Dans les deux hypothèses, l’élection sera encore
moins « consacrante » et productrice de légitimité.
La situation
économique ne peut-elle – si elle devient insupportable en dénationalisation,
en délocalisation et en endettement de l’Etat, des entreprises et des
particuliers – faire se casser des éléments essentiels de la machine
française ?
BFF – 20 XI 06
[1] -
ainsi le referendum d’initiative populaire en proposition de loi signée de tout
le groupe RPR au Sénat (n° 422 – 22 Juin 1983 & n° 51 – 8 novembre
1989) ou par Jacques Toubon à l’Assemblée nationale (n°
517 – 21 Décembre 1988) alors que la
proposition du Front national (n° 972
– 21 Octobre 1987) n’a pas été examinée
quand ceux-ci avaient la majorité à l’Assemblée nationale - ou encore l’élargissement
de la possibilité de recours au referendum par les centristes à l’Assemblée
nationale (n° 1317 – 16 décembre 1982) qui font voter le Sénat contre, comme
Jean Foyer (n° 1835 –
25 Novembre 1983) qui s’y oppose à l’Assemblée nationale quand
c’est François Mitterrand et la gauche qui le proposent
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