Election
présidentielle 2007
observations
& réflexions
XII
L’événement de la
fin de Mars a été pour moi l’entretien avec Valéry Giscard d’Estaing donné par Metro le vendredi 30
mars ; il doublonne la préface datée du 2 Février d’une édition en livre
de poche du tome III de ses mémoires. J’ai lu aussitôt le livre de Ségolène
Royal (Maintenant) de présentation
matérielle peu aguichante mais de manière et de ton aussi ingénieux qu’habiles,
et donc attachant. Témoignage de
Nicolas Sarkozy et La
France peut supporter la vérité de François Fillon font en quelques pages le point de la manière
qu’avait Jacques Chirac d’exercer ses fonctions et à partir de 2002 de
gouverner. Je lis enfin qui sont de fond : Vive la révolte d’Edgard Pisani qui eut le courage (mortel
pour sa carrière mais démonstratif de sa liberté et d’une réelle proximité
d’analyse avec de Gaulle) de voter la censure au gouvernement Pompidou en Mai
1968… (René Capitant qui pensait pire, démissionna pour ne pas avoir à la
voter) – ainsi qu’un rapport parlementaire décisif (AN n° 3251- 5 Juillet 2006) sur nos
inconséquences vis-à-vis de l’Afrique que nous voudrions encore nôtre, et qui
ne l’est plus davantage par nos inconséquences que par son désir d’indépendance
(elle est plus grande et plus lucide que nous sur nous et sur nos relations
avec elle) : Jean-Claude Lefort. Et aussi la relation de deux exemples
étrangers : Romano et Flavia Prodi, La
politique du cœur. Le témoignage d’un couple en politique, et de Vaclav Havel : A vrai dire. Mémoire de l’après pouvoir, passionnant à tous points de vue. A
connaître, Génération CPE par le
président de l’UNEF, Bruno Julliard.
J’avais par écrit
demandé à l’UMP, à l’UDF et au PS leur programme « législatif » et le
programme de leur candidat respectif. Je n’ai reçu de documentation que du PS ;
les 101 propositions de Ségolène Royal. Le contact donné avec Nicolas Sarkozy,
par la circulaire électronique ayant inauguré la campagne, il y a plus d’un an,
ne fonctionnait pas dès son indication.
Feu le Comte
de Paris (1908 + 1999) soutenait que le général de Gaulle, inaugurant la
procédure d’élection du président de la République au suffrage universel direct, s’était
amoindri et banalisé. De fait, la démocratie visant au consensus, sinon à
l’unanimité que caractérisa la succession de quatre referendums largement
positifs en quatre ans, fit place à partir de Décembre 1965, à une démocratie
de confrontation. Les scrutins législatifs alternativement très serrés ou
donnant une large majorité à l’un des camps, ont privilégié la décision au
détriment de la représentation de l’opinion. Les scrutins présidentiels sont
devenus mixtes : moins choix de personnalité que de programme. Jacques
Chaban-Delmas, avec son discours sur la nouvelle société, a été fondateur de l’illusion
que le gouvernement peut changer culture, civilisation et rapports entre
Français, façon de faire et façon d’être. La démocratie n’est plus une
décision, elle prétend légitimer l’exercice du pouvoir. Celui-ci est brigué
généralement en possession d’état. Le sacré et la révérence ont jusqu’à présent
étaient accordés au tenant de la place, ou plus exactement François Mitterrand
l’a obtenu par sa personnalité et sa façon d’être, Jacques Chirac en a
fonctionnellement bénéficié et s’efforce de consolider cet acquis pour ne pas,
au sortir de l’Elysée, être banalisé jusqu’à passer en correctionnelle. Les
deux principaux dessous de la campagne sont à l’actif du candidat qu’il a dû
subir : les parrainages de Le Pen ont été accordés pour une part selon des
démarchages de l’appareil U.M.P., l’amnistie, sous couvert qu’elle paraisse
générale, pour l’ancien maire de Paris. La statue est édifiée par
mimétisme : Odile Jacob qui a procuré deux posthumes de François
Mitterrand, édite avec des couvertures semblables deux recueils de discours, et
le même Pierre Péan qui avait révélé le président sortant en 1994-1995 par son
passé, dresse un anti-portrait de celui qui quitte, par contrainte, le pouvoir
en 2006-2007 : un homme de culture, un expert en antiquités, le fils adoptif
d’un grand résistant éditeur de nos poètes contemporains. François Mitterrand
n’était pas celui qu’on croyait, puisque sa biographie est paradoxale, Jacques
Chirac ne l’est pas plus, ce n’est ni un simpliste ni un univoque obsédé de
campagnes électorales et de salons d’agriculture, c’est un philosophe et un
esthète. A mon étonnement, cette image, agréablement superposée à celle d’une
jeunesse et d’une énergie à peine entamée, d’un don permanent de sympathie et
de généreux accueil, de simplicité et d’accessibilité, semble acceptée par les
Français. De tous nos présidents jusqu’à présent, Jacques Chirac est donc celui
qui a le mieux su poser et surtout maintenir l’impression que doit avoir de lui
le public. Pour avoir essayé de jouer du registre de l’agité incontrôlé, qui
fut une des facettes du maire de Paris dans les années 1980, Laurent Fabius,
alors Premier ministre et convaincu de l’emporter en débat télévisé contre lui,
s’y cassa. La pièce n’est pas terminée, mais le sage de la politique française
apportant au monde un rebond d’engagement et de prêche international pour
l’écologie, va entrer en piste. Sauf si l’histoire retient dans quelques années
que nous sommes redevables à Jacques Chirac de l’exercice du pouvoir par
Nicolas Sarkozy, qui eût pu en être empêché presque jusqu’à la dernière
minute.
Pour l’heure,
il me semble que trois traits caractérisent notre ambiance :
1° aucun thème
ne s’est imposé dans la campagne. La situation du pays, ressentie généralement
comme très grave au début de la compétition, a été peu analysée ;
2° aucun
candidat ne sort grandi par la course, la pléthore des livres de portraits,
d’analyses, de conseils aux candidats ou aux électeurs, la surchauffe des
journalistes ne cachent pas la banalité de l’élection en cours au point que la
grisaille déteint sur les candidats, même s’ils étaient sur la ligne de départ
très typés pour certains ou se sont révélés, pour d’autres, pendant quelques
jours ;
3° les
Français sont perplexes, sans appétit pour les émissions télévisées, peu communicants
et peu manifestants. Ils subissent un rite, le jugent répétitif et peu en
attendent des solutions qui n’auraient pu être trouvées ou mises en œuvre
autrement. Pour l’étranger, c’est une bataille pour le pouvoir sans éclat ni
génie, sans enjeu non plus. La
France est devenue médiocre, elle n’est exemplaire que dans
le discours de quelques commentateurs nationaux : le même cliché à la fin
des années 1930.
1° Sensations de la campagne,
notamment à la télévision
Quoique ne la
suivant que très épisodiquement, en quoi je dois figurer dans la moyenne de nos
compatriotes, la campagne à la télévision me donne plusieurs impressions,
aucune n’est positive mais elles tiennent toutes plutôt au mode médiatique
qu’aux candidats. L’évolution de ces dernières années est que nous sommes
ravalés par le système des médias qui abaisse le niveau de la politique en
prétendant soit l’intimiser par des traitements de personnes (le réalisme des
vies quotidiennes ou des opinions quelconques, la privauté des personnages
publics) soit l’exposer mais hors de toutes références et comme quelque chose
de banal parmi d’autres choses qui peuvent davantage importer, telles que le
sport, les faits divers, le climat, une casatrophe. La politique n’est plus présentée par l’audiovisuel comme une structure
englobante et sujet à démocratie et objet de décision. Elle est une activité
dont on rend compte parmi d’autres, une rubrique : une campagne
électorale étant un thème dont on mesure l’audience à l’instar d’autres. Dérive
qui a été celle du « système » des partis mais dont je pense que
ceux-ci ont conscience : la tentative dee reviviscence par le débat
interne et la promotion de la militance.
Impressions.
Le décousu. Cela tient donc aux médias
et à leur souci prétendu d’équilibre. On cueille quelques images et phrases de
l’un puis de l’autre puis du troisième, rien n’est traité, c’est du point de
suspension. Chaque candidat n’apparaît que découpé, et l’ensemble est un patchwork. Comme, pour trancher plus
devant l’opinion et surtout les commentateurs que l’un face à l’autre, les
candidats eux-mêmes font dans le discontinu et passent d’une « idée »
à l’autre, d’un thème à l’autre, rien n’est traité dans son ensemble, rien
n’est relié à rien, ni à des causes premières s’il s’agit d’exposer nos
situations, ni à des convictions s’il s’agit de présenter une candidature ou une
famille d’esprit. Le remède a été en partie proposé par François Bayrou et
accepté par Ségolène Royal : organiser dès avant le premier tour, et même
avant l’ouverture de la campagne « officielle » des débats entre
candidats, au moins par internet. Nicolas Sarkozy s’y est refusé. La
présentation physique de celui-ci en scène publique à forts auditoires, qui ne
varie pas (fond en grand de son affiche inspirée de celle, rurale et à horizon
vert et bleu, de François Mitterrand en 1981), est étonnante d’éloquence. Il
est seul à un pupitre, ces pupitres venus de la Maison Blanche depuis une
vingtaine d’années, qui isole, naguère les hommes avaient une canne quel que
soit leur âge (on portait chapeau, aussi), aujourd’hui, c’est le pupitre du
lecteur de messe dominicale, mais sans entourement. Sensation de solitude et
difficulté du geste. Le physique mal mis en place soit en studio soit en
meeting, les paroles tirés de leur contexte au chronomètre, les discours sans
suivi et selon les auditoires et les lieux, quand le candidat n’improvise pas pour
plaire et répondre. Cela a été le cas souvent de Ségolène Royal et de François
Bayrou.
L’inadéquation. Les conversations –
selon un fichier joint, quelques « spécimens » - que j’essaie d’avoir
tant à Paris que dans ma province, par hasard de rencontres, ou avec des
proches, ce qui n’est pas plus aisé ni moins surprenant parfois, montrent
toutes une lassitude vis-à-vis de la campagne qui semble avoir duré longtemps
mais devoir se terminer brusquement, comme un long charivari laissant soudain
place au silence, le scrutin à la façon d’un jour d’enterrement, un vote à
mi-voix. Elles montrent aussi que les analyses personnelles sur notre pays, faites
par tout un chacun, avant cette campagne sont comme émoussées par celle-ci. Au
lieu d’appeler à davantage encore de réflexion, la campagne pousse à la
perplexité et à l’indécision, au moins sur les personnes. Les thèmes se perdent
parce que trop ponctuels et pas assez fouillés. Chacun sur ce qui lui importe,
croit en comprendre, en savoir, en vivre davantage en effet que les candidats.
Ceux-ci sont donc amalgamés. Les
sondages en mettent quelques-uns en vedette, ce qui accentue l’impression de
contrainte qui avait déjà dominé la campagne référendaire de 2005 et sans doute
poussé beaucoup de France au vote négatif. La plupart des adresses paraissent
donc partir vers l’inconnu, alors même que la pose souvent démagogique de tous
les candidats serait de cibler.
L’absence de débat. Il n’y en a ni
entre candidats, car la critique ou l’invective n’est pas un débat prenant les
questions et les solutions les unes après les autres, sans a priori et de bonne
foi : ce que nous ne savons pas faire ni en politique, ni entre nous,
source de l’intolérance et du racisme. Ni entre candidats et électeurs. Ces
dernières années, les Français ont pris conscience de ce qu’ils souffrent, ils
souffrent de subir alors qu’ils avaient été – au moins selon la mémoire des
générations précédentes, à laquelle je commence d’avoir la sensation
d’appartenir… - habitués à inspirer, à conduire les choses, les débats mondiaux
sinon à vaincre et à être toujours dans les premiers. Aujourd’hui, ils sentent
que ce qui est dit est « à côté ». Une manière de gouverner :
ratée depuis douze ans. Une élkection : celle de 2002, faussée, donc
ratée. Et maintenant une campagne ratée, alors que beaucoup reconnaissent et
observent qu’elle avait bien commencé : le débat militant à gauche sous
deux aspects, la concurrence de candidats au sein du Parti socialiste, la
discussion sur la pluralité ou l’unité d’expression au sein des mouvances de
l’extrême gauche antilibérale, le défi interne dans la majorité sortante lancé
par un des ministres au président régnant. L’ensemble promettait du
jaillissement. Depuis des semaines, le sur-place. La « percée »
thématique qu’a été la mise en évidence par François Bayrou de l’alternance et
du clivage droite/gauche n’a finalement pas eu de suite en contenu et n’en aura
peut-être pas autant que souhaitable, dans les urnes.
2° Le test de personnalité
L’élection
présidentielle est un choix personnel de l’électeur pour une personne.
Censément en dehors des poussées des partis, des medias, des conditionnements.
Elle est un acte libre et intime. Elle est la source d’une adhésion de chaque
citoyen, puis de leur somme par respect mutuel, à ce qui va faire
temporairement la légitimité de l’exercice du pouvoir par une individualité
jusques-là quelconque, quel qu’ait été sa course antérieure.
En analysant la longue litanie des promesses, les électeurs
doivent s‘efforcer de détecter si celles-ci sont conformes à la pente sur
laquelle se situe le candidat. S’il est élu, aucune des promesses faites à
contre-courant ne sera tenue. C’est pourquoi l’inclination, la « pente
personnelle » du candidat, a davantage valeur d’engagement que ses
annonces.
Le troisième point est celui de la recherche du caractère intime
de la personne, de la manière dont le candidat vivra l’exercice futur de la
fonction. J’ai pratiqué ce jeu passionnant lorsque j’étais ministre du général
de Gaulle : j’ai pu observer sa force d‘âme, son courage inébranlable,
mais aussi assister à ses moments
d’émotion, lors de la mort de son frère, et même déceler, tenez-vous bien !
les poussées de timidité qui faisaient battre ses paupières. En suivant ce
récit de la vie au pouvoir, vous connaîtrez mieux ce qu’est « l’emploi »du président de la République. Vous
ne l’observerez pas seulement en train de parader dans les manifestations
officielles, lisant des textes souvent écrits par d’autres, maquillé pour ses
apparitions à la télévision, ou encore multipliant les poignées de main, vous
le découvrirez dans dans ses moments de doute, ds solitude, parfois de fatigue
physique ; au moment où il s’interroge sur les décisions à prendre, en
ressourçant à la lecture des mémoires de ses prédécesseurs ou encore lorsqu’il
bénéficie du rare retour à l’anonymat que lui procure la marche dans une rue
sous la pluie, sans que personne songe à le reconnaître. Et pensant à celle ou
à celui que vous aurez à désigner, vous devrez prendre en compte l’art et la
manière dont il poursuivra sa vie réelle, une fois installé au pouvoir, car
c’est ce qui déterminera sa véritable aptitude à remplir la fonction et sa
capacité à faire face aux situations de crise. De cette manière, la lecture de
ce livre de souvenirs peut devenir pour vous une sorte de biographie écrite au
futur.
En identifiant la personnalité intime du candidat, en relativisant
la portée de ses promesses et en vous préoccupant davantage du contenu de son
éthique, vous pourrez, je crois, mieux le choisir ; je veux dire :
bien le choisir.
Valéry Giscard d’Estaing, extrait de la préface – datée du 2
Février 2007 – à l’édition « de poche » du tome III de ses Mémoires
La campagne
qui s’achève dans huit jours pour le premier tour a eu deux nouveautés. La
floraison de livres, l’enquête sur les entourages, en fait sur la conjugalité
des « principaux » candidats. François Bayrou, trois livres de son crû.
Nicolas Sarkozy, deux. Ségolène Royal, un. Des hebdomadaires mettant en
parallèle François Hollande et Cécilia Sarkozy, tant Bernadette et Claude
Chirac ont tenu de place dans l’explication du système de comportement et
d’image du président sortant A l’hôtel de ville où il était posté depuis 1977
comme une figure prometteuse de l’espérance, Jacques Chirac était sollicité par
tous ceux qui, incapables par eux-mêmes, de conquérir le pouvoir, le
conseillaient d’avance sur ce qu’il faudrait en faire. Sinon pour les Français,
du moins pour les « initiés », il en ressortait l’impression d’un
homme sans structures intellectuelles personnelles, une machine à gagner des
élections (quoiqu’il en ait au vrai beaucoup perdu, comme celle-ci qu’il avait
tant espéré jouer depuis 2002) mais incapable d’un discours personnellement
pensé et écrit ; le paradoxe a été la grisaille de ses conseillers à
l’Elysée, même si Dominique de Villepin passe pour flmaboyant et a abouti sous
les projecteurs tant au Quai qu’à Matignon, mais sans résultats. Au contraire –
abondance de livres et de portraits tendant à l’illustrer rétrospectivement – ,
presque tout a été attribué à la fille du président pour le premier mandat, à
son épouse pour le second, y compris à propos de l’abdication en faveur de
Nicolas Sarkozy. Celui-ci présentant tous les traits de Jacques Chirac avec qui
il prétend pourtant « rupturer », a donc son influence d’alcove. On
ne sait rien de celle cadrant éventuellement François Bayrou et ce que l’on
suppose du couple Ségolène Royal/François Hollande n’est pas informé, tout
simplement parce que les deux compagnons ont su garder pour eux et leurs
enfants ce qu’ils sont au vrai chacun l’un pour l’autre. Je n’en sais
positivement rien, mais je le crois. La question de personnalité n’est
d’ailleurs pas là.
Il n’y a pas
d’énigme psychologique ni pour Ségolène Royal dont les traits de caractère sont
généralement perçus avec exactitude : ambition, ténacité, sensibilité aux
ambiances mais capacité de résister aux pentes, courage physique et mental,
froideur apparente, voire attitudes méprisantes, mais caractère chaleureux au
mental et à l’expression jusqu’à des actes de confiance en autrui spontanés et
vrais – ni pour Nicolas Sarkozy, expliquant les plus outrés de ses propos pour les
confirmer et les réitérer, se donnant beaucoup à voir et comprendre dans Témoignage, ayant des idées personnelles
sur les sujets les plus délicats, le religieux, le psychique, le racial, ce qui
n’est pas en soi mauvais mais qui est très périlleux si l’on n’est pas enclin à
écouter en se fondant dans le cercle des intimes, sans le dominer. Il y en a au
sujet de François Bayrou. Ses livres développent des thèmes par eux-mêmes bien
vus et posés, intéressants, mais la structure d’ensemble manque et la psychologie
du candidat n’apparaît pas. Il est sensible à la gloire et au succès, sans
doute le plus des trois « principaux » candidats, il est vrai qu’il a
été le seul à innover dans cette campagne et à sentir une attente de l’opinion,
à trouver des éléments d’écho ou de réponse, mais qui est-il ? s’il faut
trancher. Pourquoi les fondateurs de l’U.D.F., Valéry Giscard d’Estaing et
Raymond Barre, pourquoi l’ex-« bande-à-Léo » ne le soutiennent-ils
pas ? Valéry Giscard d’Estaing répond dans le texte ci-dessus cités en
extraits. Mais les autres, et surtout les plus « petits », tous
libres puisque sans emploi ni grande notoriété rétrospective ?
Aucun des
candidats, sauf Nicolas Sarkozy – minutieusement et de façon nconvaincante –,
n’a donné sa manière de travailler, de s’informer, de se faire une opinion, de
se constituer mentalement. Maintenant (de
Ségolène Royal, très habilement fait en paragraphes questions/réponses par
ordre alphabétique) a de l’attrait parce que sur des points, parfois inattendus
(le soin prioritaire d’un enfant s’il n’avait pas été bien portant, le
protocole, Mai 1968, de Gaulle et François Mitterrand avec Dieu…) mais il ne
fait pas sentir par avance comment sera, à sa table de bureau et en réunion
décisionnelle, la présidente. Je ne sais pas sa manière en Poitou-Charente, non
d’être mais de travailler. Elle aime être libre, elle choisit en toute
indépendance, en quoi elle répond à ce qui était l’attente initiale des
militants socialistes et d’une bonne part des Français : une femme à la
tête du pays sera autre et regardera tout, autrement. Elle écoute, elle a une
culture non livresque et vêcue, mais elle a montré que certains dossiers,
forts, elle ne les avait pas vraiment ouverts. De Gaulle sur des sujets précis
avait sa culture : le nucléaire, les institutions, et pouvait rédiger
personnellement et à main levée, mais chaque fois qu’il fallait vraiment entrer
en jeu, il avait recours à expert, le général Gallois sur le premier sujet en
1956, Raymond Janot en roulant à toute allure vers Paris et le pouvoir sur la
rédaction des lois d’habilitation en 1958. La maîtrise de soi et de son
expression ne semble pas être le fort de Nicolas Sarkozy. Jacques Chirac était
de comportement plus rentré mais d’expression parfois aussi aventurée :
son observation sur les pays d’Europe centrale et orientale dont les dirigeants
auraient mieux fait de se taire en Janvier-Février 2003 (les fameuses lettres
publiques zélées par Tony Blair et d’allégeance des anciens communistes à
George Bush) ont eu un effet ravageur dans une zone où la France avait déjà tant
perdu par ses lâchages de 1938-1939 puis par sa peur de l’Allemagne en
1989-1990.
Justement, je
consacrerai ma toute prochaine note à rappeler campagne et personnalité des
prédécesseurs : de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand. Leur expression aussi.
3° Les sujets traités
Santé,
politique et administration, économie et banque, fiscalité, beaucoup est
abordé, rien n’est bouclé ni mis en contexte. Ce semble – de la part même des
candidats les plus entourés de conseillers et favorisés par les sondages, donc
sérieux et dotés de moyens de travailler les questions – de pures réponses à ce
qui est pensé comme plaisant aux électeurs ou les inquiétant. Un aspect,
souvent réducteur, de chacun de ces sujets est tiré mais ni scruté ni organisé
dans son ensemble : la question de l’Ecole nationale d’administration ou
celle de la tarification des services bancaires pour le client petit ou moyen,
méritent d’être posées, mais comme une manière d’introduire (et d’ntéresser
ceux qui n’en auraient pas la culture complète) à la totalité de sujets décisifs. Le financement de notre économie et le
développement (la sauvegarde) de nos actifs en tous genres. La relation entre
pouvoir démocratiquement désigné et habitudes de la haute fonction publique
pour gérer et justifier des gestions. Ces deux sujets mettent en cause
notre avenir mais ne suscitent pourtant pas beaucoup notre imagination.
Ne sont pas
évoqués la politique extérieure, la perte de nos capacités propositives, le
cadre européen de tout choix politique, non parce que nous y sommes contraintes
par les traités, mais parce que c’est la bonne dimension. Ce qui renvoit à
l’urgence de notre renaissance à l’imagination collective nationale.
Actuellement éteinte, malgré quelques livres d’anciens décideurs surtout en
économie, finances et monnaie, qui conseillent les candidats mais ne
tranchaient guère quand ils étaient aux manettes, sans compter tous les diables
qui retraités dans le bénévolat ne se font ermites que par âge. A la tête des
plus grandes institutions ou entreprises nationales ou internationales, ils ont
conforté, en acceptant le moule de pensée et même de langue, par docilité
mentale, le système qui nous strangule.
4° L’opinion des Français ?
Les sondages
admettent leur faillibilité par leur multiplication-même. Il est injustifiable
que leurs instituts prétendent de méthode scientifique des corrections
spontanées – au vu de 2002… - des données brutes recueillies. J’éprouve
personnellement dans ma quête d’opinion que les Français d’une part ne sont pas
décidées, cela en très grande majorité, et d’autre part ne se confient pas
facilement. En quoi ils ont raison, le choix est difficile, il est intime et
les données ne sont pas certaines : je viens de le dire, les grands
thèmes, ceux qui dirigent et encadrent les choix à faire, ne sont pas traités à
fond et avec clarté, et la personnalité des principaux candidats pas toujours
évidente.
Des
comportements d’ailleurs – d’évidence électorale – ne sont pas posés par les
candidats, alors qu’ils seraient compris et sont sans doute attendus des
électeurs.
Si dans la
constellation des anti-libéraux et de la gauche radicale où se meuvent cinq ou
six candidats, il y avait soudain pot commun pour qu’un seul (une seule)
finalement se présente devant les urnes, cela ferait peut-être 8 à 10% des
suffrages possibles. Eparpillés, ils seront sans poids et signifieront
seulement – comme dans tous les cas historiques d’urgence, la gauche
républicaine espagnole dans la guerre civile, les opposants à la montée
d’Hitler dans l’Allemagne de 1930 à 1933 – l’aveuglement qui consiste à se
préférer soi au salut public.
François Bayrou et Ségolène Royal ne
peuvent gagner qu’ensemble. Ce n’est pas du mélange d’idéologies et de la
perte d’identité pour chacun, du gauchisme ou du marxisme soudainement pour
l’ancien ministre de droite, les armes rendues à la privatisation ou au
libéralisme de la part de la candidate socialiste. C’est l’évidence qu’il faut
leurs efforts coincident et se rencontrent pour la redistribution des rôles
politiques gouvernementaux et l’organisation de la représentativité au
Parlement et dans la vie politique française que la rénovation du Parti
socialiste ne produira pas à elle seule. L’évidence que le cadre européen pour
convenir à nouveau aux Français qui mirent de Gaulle en ballotage parce qu’il
ne leur paraissait pas assez fervent de ce cadre… doit être proposé à nos
partenaires et surtout à leurs opinions publiques, d’une manière toute neuve.
Et spectaculaire. Ce n’est qu’ensemble qu’ils peuvent gagner s’il s’agit
d’empêcher Nicolas Sarkozy d’exercer le pouvoir comme sa gestion place Beauvau
en a fourni un specimen, et comme sa manière de contrôler l’U.M.P. de
l’empêchement mental et pratique de toute candidature différente à la
sous-traitance des parrainages en faveur de Jean-Marie Le Pen. Produire cet
enjeu à tort ou à raison sur le fond produirait dans la forme la vraie
coalition, celle qui existe dans l’esprit des Français, partagés chacun et pas
tellement entre eux, entre le recours à la poigne pour que le pays s’en sorte
(en soit sorti ?) et la peur que restent sur le carreau démocratie et
libertés publiques, respect des personnes quelles qu’elles soient.
5° Les scenarii pour le
prochain mandat et notre avenir
Alors que les
politiques – à gauche et à droite – n’avaient pas vu venir la
« percée » qu’opéra François Bayrou, précisément par son analyse d’un
clivage droite/gauche à l’origine des impérities constatées, puis l’avaient
vivement contestée en renvoyant l’auteur à sa biographie ministérielle, voici
qu’en coincidence étrange avec la baisse de celui-ci dans les sondages,
certains socialistes le croient finalement élu et veulent constituer la
majorité de sa majorité. Du moins, est-ce une rumeur. La réalité me paraît
davantage qu’aucun des concurrents
malheureux de Ségolène Royal, au sein du Parti socialiste, n’a désarmé pour
l’avenir. Sa défaite n’est pas seulement anticipée ; c’est sa mise au
rancart qui est organisée par le scenario d’une victoire de François Bayrou
et de la nomination par lui d’un Premier ministre de gauche – son annonce de la
mi-Février – quand bien même Dominique Strauss-Kahn presque nommément visé,
s’était aussitôt récrié.
C’est ne
comprendre ni l’utilité de François Bayrou, gagnant l’élection présidentielle
ou, à défaut, amenant assez de députés dans la prochaine Assemblée nationale
pour y vraiment peser en tiers parti – ni celle de Ségolène Royal, habituant
les Français à la perspective qu’une femme s’asseye au bureau du général de
Gaulle et rénovant le Parti socialiste. Indépendant de l’organisation du parti
qu’il préside, François Bayrou peut survivre à une double défaite
présidentielle et législative, s’il maintient son cap ni de droite ni de
gauche, mais tout à la fois pour tout autre chose. Ce qui suppose évidemment
qu’il ne rallie pas Nicolas Sarkozy entre les deux tours et que l’U.D.F. pour
le confort de ses sortants ne passe pas d’accords avec l’U.M.P., les deux
points ne sont pas forcément couplés, et l’auorité de François Bayrou est plus
grande l’opinion publique et chez certaines élites de l’économie et de
l’analyse que sur son groupe parlementaire : on l’a vu au dernier vote de
censure. En revanche, l’intérêt du Parti socialiste et dans une certaine mesure
de toute la politique française, dépasse celui de Ségolène Royal. Il faut que
celle-ci s’installe, à défaut d’entrer à l’Elysée, dans la position morale et
intellectuelle du chef reconnu de l’opposition, que fut François Mitterrand en
prolongation immédiate de son duel avec de Gaulle en 1965. C’est possible parce
qu’elle le veut, mais cela doit être consenti par les principaux chefs du Parti
socialiste. Si recommence, dès cet été, une querelle pour l’investiture en
2012, la gauche déjà affaiblie par le morcellement de ses extrêmes, ne
parviendra pas à la synthèse qu’il faut opérer entre une doctrine charpentée et
motivante, et une analyse juste du monde et de la France en ce moment.
Au contraire,
le scenario de ceux qui veulent imposer à François Bayrou leur férule (et accessoirement
éliminer donc de l’avenir Ségolène Royal), diminue celui-ci puisqu’ils font
paraître son analyse et sa proposition, non comme une novation de la politique
française mais comme une combinaison aux
nombreux et anciens précédents. Regard qu’ont sur lui certains gaullistes
aux titres incontestables.
Ce qui reste
posé est l’interrogation sur la prochaine Assemblée nationale. Sera-t-elle
représentative, même selon le mode de scrutin actuel ? ou bien
collera-t-elle à la majorité présidentielle, concept et distinction auxquels je
n’adhère pas. Il y a une majorité dans le pays qu’il faut susciter ou connaître
par la mise en jeu de la responsabilité populaire du président de la République, il n’y en
pas deux. Si elle change en cours de mandat présidentiel, c’est la faute du
président de la République
décevant ou ne prenant pas les moiyens de la reconstituer. Ce fut tout le
dilemme du général de Gaulle depuis sa mise en ballotage en Décembre 1965.
Au-delà de la
répartition des forces et des rôles – dont il apparaît bien maintenant que la
toute proche élection présidentielle ne la produira qu’en partie – il y a la
nécessité d’un consensus en France suffisant pour imaginer la suite, sans le
complexe d’un pays ingouvernable ou refusant toute réforme, sans la paralysie
des solutions imposées et non concertées avec les usagers. Or, le seul candidat
opposé à cette novation est Nicolas Sarkozy dont l’élection continuera le
monolithisme déjà vêcu depuis 2002 : un
parti majoritaire déterminant une majorité pour cinq ans à l’Assemblée
nationale, selon l’élection présidentielle, et alors que le Sénat est déjà
orienté dans ce sens.
BFF
– 2.13 IV 07
disponibles sur
demande, les précédentes réflexions sur le même thème de l’élection de 2007
12 Novembre 2006
Le contexte : L’impuissance à plusieurs points de vue.
Les paradoxes
Les processus de
candidatures et de programmes
20 Novembre 2006
Le choix et la
manière socialistes
Les programmes
Les faux semblants
Interrogations en
conclusion d’étape.
2 Décembre 2006
Les candidatures
Les procédés
Les absences
16 Décembre 2006
Les rôles-titres et les acteurs
L’électorat présumé
Les certitudes des
Français en forme de questions
Quel contexte ?
2 Janvier 2007
Le naturel des partis
Les clivages ne correspondent plus aux
partis
Le métier fait les moeurs
L’élection présidentielle est à un tour
9
Février 2007
Les mises en campagne
Les modalités de la campagne présidentielle restent à inventer pour
l'avenir
La politique extérieure est le vrai clivage, il n'est avoué en tant que
tel par personne
18
Février 2007
L'opinion et les candidats
Les candidats et l'opinion
L'absence de choix en matière institutionnelle
Le mauvais énoncé de la question européenne
24.25
Février & 4 Mars 2007
Des certitudes négatives
De rares certitudes positives, mais qui sont sans doute la matrice d’un
système nouveau
Apathie ou désespérance des électeurs ? ou médiocrité des
acteurs ?
Quelque chose
prendrait-il forme ?
Le monde, pendant ce
temps-là…
Les résultats du
capitalisme tel qu’il se pratique en français
9.11 Mars 2007
La campagne modifie
peut-être la fonction présidentielle
La campagne révèle
aussi bien notre vie politique intérieure que l’état de nos relations
extérieures
13.15 Mars 2007
La refonte possible des institutions
Quel que soit l’élu, un président très différent de ses deux
prédécesseurs
Effondrement de la
gauche ou fin d’un clivage ?
17.23 Mars 2007
L’ordre de bataille
Le vote utile
Cristallisation
d’image et psychopathie des prétendants
La démocratie
émolliente ?