Je veux vous féliciter pour l’organisation de ce Sommet et pour la
qualité de l’accueil que vous nous avez réservé, ici, dans ce centre
remarquable Abdou DIOUF, qui est un symbole de l’Afrique en
développement.
Mesdames, Messieurs, les chefs d’Etats et de Gouvernements,
Monsieur le Secrétaire Général de l’organisation de la Francophonie, mon cher Abdou DIOUF,
Mesdames, Messieurs,
Nous formons une communauté exceptionnelle nous les francophones. 57
Etats membres, 20 observateurs, près de 280 millions de locuteurs. Une
communauté dont nous ne mesurons pas toujours et la force et
l’attractivité. Une communauté qui porte des ambitions, des ambitions
politiques, économiques, planétaires. Une communauté qui résout aussi
des crises, qui fait en sorte que les valeurs que nous portons puissent
être défendues, dans l’espace francophone et au-delà.
Enfin, une organisation qui fait de la diversité culturelle, de la pluralité linguistique une oeuvre au service du monde entier.
Avec la famille francophone, ici, à Dakar, nous voulons dire au
Président Abdou DIOUF non seulement notre amitié et notre
reconnaissance, mais nous pouvons lui dire, grâce à lui ce qu’est un
homme d’Etat. Un homme ou une femme d’Etat sert d’abord son pays, c’est
son devoir. Mais un homme, une femme d’Etat, sert aussi des valeurs
universelles et est capable à un moment de s’élever au-delà même de sa
condition nationale pour devenir un acteur de la vie internationale et
c’est ce que vous avez fait, cher Abdou DIOUF.
Vous avez été un exemple d’abord, d’accepter que l’alternance puisse
exister dans votre pays. Laisser la place lorsque les électeurs l’ont
décidé, mais prendre votre place dans l’organisation de la francophonie.
Vous avez de la sagesse, elle vous est reconnue, elle n’a rien à voir
avec l’âge. Vous avez de l’expérience, cela n’a rien à voir avec le
nombre d’années passées à la tête d’un mandat. Vous avez de la culture
et il ne suffit pas de parler français pour avoir de la culture. Et,
vous avez fait beaucoup pour la cause qui est la nôtre, la langue
française. Beaucoup pour la démocratie, beaucoup pour la paix et c’est
pourquoi ce centre international à Dakar porte votre nom, votre nom qui
partout dans le monde, au-delà de l’espace francophone fait raisonner la
démocratie et la paix. Merci.
Albert CAMUS disait qu’il n’avait qu’une seule patrie, la langue
française. Et pour nous tous ici, le français est notre pays natal, il
est la matière avec laquelle nous composons nos souvenirs, nous
retrouvons nos émotions, nous évoquons nos rencontres. Mais la langue
française c’est aussi un trait d’union, un trait d’union entre des
peuples, entre des continents.
Notre langue, elle s’exprime partout, partout dans le monde. Et
l’amour de la langue française parfois vient de celles et de ceux qui
voudraient parler le français et qui n’y parviennent pas. C’est un amour
irraisonné, parce que pour beaucoup de peuples, parler français c’est
parler la langue de la liberté. SENGHOR disait que cette langue, que
cette langue française c’était la langue de la lutte, de l’émancipation,
qu’elle avait tantôt la « douceur des alizés », tantôt la « fulgurance
de la foudre ». Et c’est en français que les peuples se sont
décolonisés, en français qu’ils ont accédé à l’indépendance et à la
liberté et qu’ils ont gardé le plus souvent le souvenir de cette
langue-là. Non pas comme d’un héritage, mais au contraire comme d’une
exigence pour le monde entier.
Défendre le français, c’est protéger la diversité culturelle.
Défendre le français, c’est faire en sorte que ce patrimoine-là ne soit
jamais entamé. Défendre le français, c’est considérer que la culture est
un bien public universel. La conception selon laquelle les biens
culturels puissent être considérés comme des marchandises comme les
autres, n’a pas sa place dans des négociations commerciales entre des
continents ou entre des pays. Jamais nous n’accepterons que la culture
puisse être objet de négociation.
Défendre le français, c’est promouvoir le pluralisme linguistique.
Car mal nommer les choses, c’est ajouter encore du désordre au monde. La
francophonie doit être le fer de lance de cette lutte, notamment dans
les organisations internationales. Si nous demandons que le français
soit parlé, ce n’est pas pour simplement défendre un privilège, mais
parce qu’en parlant français dans les organisations internationales,
nous permettons qu’il y ait là le pluralisme, la multiplicité et même la
défense de toutes les langues, parce que nous, nous défendons toutes
les langues, les langues nationales, les langues locales à travers le
français.
Le français n’est pas en bataille contre d’autres langues. Le
français n’a peur d’aucune langue, peut-être par prétention, peut-être
parce que nous savons que notre langue quand elle est parlé, ce n’est
pas par commodité, par facilité, mais par adhésion.
Nous avons aussi la volonté de défendre le français pour favoriser
les échanges. Et c’est pourquoi notre francophonie doit accueillir plus
d’étudiants, permettre plus de circulation, plus de mobilité pour les
jeunes, pour les entrepreneurs, pour les chercheurs. La France doit
d’abord montrer l’exemple et c’est ce qu’elle a commencé de faire à
travers la délivrance des visas de circulation et l’accueil de nombreux
étudiants étrangers.
Défendre le français, c’est également faire le choix de l’avenir. Il y
aura en 2050, c’est ce que les démographes nous annoncent, 750 millions
de locuteurs en français. La jeunesse du monde sera pour une grande
partie francophone, elle sera africaine cette jeunesse. A nous, à nous
tous ici rassemblés, de permettre à ces jeunes, non pas simplement de
parler français, mais d’être éduqués en français, d’être accompagnés en
d’être formés en français. De pouvoir trouver des emplois pour pouvoir
accéder aux technologies, pour pouvoir bénéficier de la meilleure
capacité à réussir leur vie.
Défendre le français, c’est aussi affirmer des valeurs. Et la
première d’entre elle, c’est la démocratie. Certains pays, au sein même
de notre organisation ont traversé des crises politiques graves et ce
fut l’honneur du Secrétaire Général et de l’ensemble des membres de
notre organisation de réussir à surmonter ces crises grâce à des
médiations. Et aujourd’hui, je suis particulièrement heureux que le
Président de Madagascar soit parmi nous, parce que Madagascar a été
longtemps écarté, justement parce que les conditions de la démocratie et
du pluralisme n’étaient pas réunies.
La francophonie, elle est soucieuse des règles de la démocratie, de
la liberté du vote, du respect des ordres constitutionnels et de
l’aspiration des peuples, de tous les peuples, à des élections libres.
C’est ce qui vient de s’accomplir en Tunisie. C’est une belle
illustration, que ce soit dans un pays francophone, qu’il y ait eu la
réussite d’un Printemps Arabe.
Cet accomplissement, cette transition doivent également servir de
leçon. Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la
liberté est bafouée, là où l’alternance est empêchée, j’affirme ici que
les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l’espace
francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le
droit et la démocratie.
Il y a quelques semaines, le peuple burkinabè a fait une belle
démonstration. A lui aussi de maitriser ce processus, de faire en sorte
que les règles puissent être posées et encore une fois respectées, que
la réconciliation vienne et que l’on évite tout règlement de compte
inutile.Mais aussi ce qu’a fait le peuple burkinabè, doit faire
réfléchir ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays en
violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce sont les peuples qui
décident. Ce sont les élections qui permettent de savoir qui est
légitime et qui ne l’est pas.
Notre solidarité dans l’espace francophone doit, hélas, également se
situer sur le terrain sécuritaire. Nous devons nous unir, nous l’avons
fait d’ailleurs, contre la barbarie, contre les risques présentés par le
fondamentalisme et notamment au Sahel et au-delà de nous, en Afrique et
pas seulement en Afrique, quand nous regardons la situation au
Moyen-Orient. Au Mali, le Président KEÏTA l’a rappelé. Nous avons montré
que nous pouvions vaincre, vaincre le terrorisme, vaincre le
fondamentalisme, vaincre la barbarie qui s’en prend d’abord toujours aux
femmes, puis ensuite fait régner son ordre qui est en fait le plus
grand des désordres.
Nous avons montré que nous pouvions lutter pour que la réconciliation
vienne après la guerre. Nous avons aussi montré que la France pouvait
être au service de la sécurité de l’Afrique. La France et ses soldats, a
pris sa part dans la libération du Nord du Mali. Des sacrifices ont été
consentis. Dix militaires sont morts et je veux saluer leur mémoire.
Des militaires tchadiens aussi sont morts, des militaires maliens, bref,
il y a eu de lourds sacrifices. Mais comme je l’avais dit à Bamako, la
France a aussi en intervenant au Mali, avec les Africains, payé sa
dette, la dette que nous avions contractée à l’égard des tirailleurs
sénégalais qui étaient venus lors de la Première guerre puis, dans
d’autres conditions, lors de la Seconde guerre mondiale, pour libérer la
France.
Nous n’avons pas fini avec le terrorisme. Au Nigéria, un attentat a
fait plus de 120 morts, à la sortie d’une mosquée, je dis bien, à la
sortie d’une mosquée. Voilà ce qu’est capable de faire une secte comme
Boko Haram. Voilà pourquoi nous devons encore, ensemble lutter, lutter
toujours contre le terrorisme. Secte qui avait enlevé des jeunes filles
qui n’ont pas été, malgré tous les efforts de médiation, retrouvées.
La francophonie c’est un espace de solidarité, nous l’avons montré
aussi en Centrafrique, quand il y avait des risques d’affrontement entre
des catégories religieuses, entre des communautés. Là encore, l’Afrique
a pris le relais et maintenant c’est l’ONU. C’est une grande
satisfaction de voir que nous pouvons réussir aussi en Centrafrique et
ailleurs. A permettre à l’ONU, à l’UA, de jouer tout leur rôle.
La solidarité, c’est également celle que nous devons montrer face à
des fléaux sanitaires. Je reviens de Guinée, où je m’étais rendu à
l’invitation du Président Alpha CONDE. Je voulais venir dans ce pays, ce
pays frappé avec la Sierra Leone, avec le Libéria. Je voulais venir
pour dire aux Guinéens : nous sommes là, nous n’avons pas peur d’être
là. Nous sommes à vos côtés et nous venons apporter avec l’ensemble des
francophones le soutien indispensable. Nous avons créé des centres de
traitement. A Conakry, la maladie commence seulement à être vaincue.
Nous allons créer d’autres centres de traitement en Guinée forestière.
Je veux saluer les soignants, les soignants africains, les soignants
européens, les soignants qui viennent du monde entier, les soignants
français qui prennent des risques. Et c’est pourquoi, nous allons créer
un centre dédié aux soignants pour qu’ils puissent être traités sur
place lorsqu’ils sont contaminés.
Je veux aussi confirmer que nous allons former les soignants pour
qu’ils puissent être les plus utiles possible, informer la population
pour qu’elle puisse prendre les mesures de précaution indispensables. Et
ce qu’a dit le Président du Mali est très important. La vigilance. La
vigilance oui, mais pas l’enfermement, pas la discrimination. Les pays
touchés par Ebola doivent vivre, doivent commercer, doivent pourvoir
assurer l’accueil des investisseurs et permettre le développement.
J’ai rencontré hier une jeune femme à Conakry, qui venait d’être
guérie d’Ebola, car on guéri d’Ebola. Et elle avait un message simple et
je veux être son porte-parole. La vie est plus forte, la vie peut
gagner contre l’épidémie. Elle-même voulait être aux côtés des malades
aujourd’hui, alors qu’elle est sortie d’Ebola, pour leur dire : Ayez
espoir. Et bien oui, ayons espoir, faisons en sorte que l’espoir soit
possible. Son courage, c’est un exemple pour nous tous. Parce qu’il y a
une vie aussi après Ebola et qu’il conviendra de mettre en place toutes
les structures sanitaires, toutes les vigilances indispensables, tous
les vaccins pour qu’il n’y ait plus d’Ebola en Afrique, pour qu’il n’y
ait plus d’Ebola nulle part au monde. Et c’est là que nous devons aussi
réfléchir aux liens entre les maladies et les changements climatiques.
C’est aussi à cause de la déforestation que la maladie a pu trouver les
capacités pour se développer. Lutter contre le changement climatique,
j’y reviendrai, c’est parfois lutter aussi contre les maladies.
La francophonie, c’est un programme, ce n’est pas simplement une
organisation. Ce programme doit être celui de l’éducation, de la
formation des jeunes et notamment des jeunes filles puisque c’est
aujourd’hui la priorité que se donne notre organisation.
Les femmes sont les leviers du développement, elles doivent donc
pleinement accéder au processus productif, à l’emploi. Les femmes, elles
ne doivent plus être soumises à des pratiques qui sont contraires à
leur dignité et j’allais dire aussi, à la nôtre. Les mariages forcés,
les retraits de l’école, les mutilations sexuelles. Tout cela n’a pas sa
place dans l’espace francophone, ni nulle part ailleurs dans le monde.
L’Afrique, c’est un continent d’avenir, chacun en convient. Mais elle
n’attend pas uniquement de l’aide. L’Afrique, elle attend des
investissements, elle attend des entrepreneurs, elle attend aussi de la
technologie. L’Afrique, elle a plein de talents en son sein, elle a
plein de jeunes qui ne demandent qu’à participer à la mondialisation.
L’Afrique, c’est le grand enjeu de la croissance, non pas simplement
pour le continent lui-même, mais pour le monde entier.
Tous les francophones, ici, doivent être pleinement engagés dans la
mutation de ce continent, c’est une chance pour nous tous. La France y
prend encore sa part. Mais la France ne demande aucun privilège en
Afrique. Elle ne demande qu’à être mise en concurrence chaque fois qu’il
est possible, lorsque ses entreprises sont disponibles pour accéder à
un certain nombre de marchés.
Et je dis aux entreprises françaises : venez en Afrique, vous y êtes,
mais soyez les meilleures pour servir les intérêts de l’Afrique et les
intérêts de ceux qui travaillent pour l’Afrique.
La France considère que la francophonie peut avoir une « nouvelle
frontière », la frontière économique. Que nous pouvons ensemble partager
la culture, faire venir davantage de créateurs partout dans l’espace
francophone, qu’il s’agisse de cinéma, de théâtre, de tous les arts, de
toute la création partout dans l’espace francophone. Nouvelles
frontières aussi pour le tourisme, pour le numérique, pour la santé,
pour la recherche et même pour la finance. Il n’y a aucune raison que
nous ne soyons pas aussi dans l’espace francophone, capables de
développer de nouveaux instruments financiers au service du
développement.
Le développement, j’y reviens. Le développement, pour les
francophones doit être un développement durable qui préserve la planète.
En décembre 2015, Paris va accueillir la Conférence sur le climat. Le
monde a rendez-vous avec lui-même. Et ce n’est pas toujours un
rendez-vous facile à honorer. Parce qu’il met en cause la responsabilité
de notre génération. Nous devons trouver à Paris, l’année prochaine, un
accord global pour lutter contre le réchauffement climatique et pour
limiter les émissions de gaz à effet de serre. Cet accord global doit
être contraignant, pays par pays, en tenant compte des niveaux de
développement.
Pour permettre à des pays fragiles, à des pays émergents de pouvoir
eux-mêmes assurer la transition énergétique, il a été décidé, et j’en
remercie le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-moon, de créer
un fonds, le « Fonds Vert ». Et moi, je jugerai les Etats à la mesure de
la contribution qu’ils feront à ce Fonds Vert. J’ai commencé par
prendre la décision que la France allait attribuer un milliard de
dollars au Fonds Vert. L’Allemagne en a fait tout autant. Les
Etats-Unis, la Chine, le Japon, d’autres pays se sont engagés et à
l’heure actuelle, le Fonds est doté de 10 milliards de dollars, mais
nous devons aller encore plus loin. Je lance un appel, ici, à tous les
chefs de Gouvernement, tous les chefs d’Etat et notamment les plus
riches d’entre eux. Au titre de leur pays, je veux qu’ils puissent eux
aussi contribuer au développement de ce Fonds Vert.
L’aventure humaine nous a été rappelée, elle a commencé ici en Afrique, il y a plus de sept millions d’années.
Avec TOUMAÏ qui est un symbole, c’est « l’espoir de vie » en langue
gorane, a commencé à briller une lumière, celle de l’humanité. Et puis
il y a eu ce long développement, cette longue marche, ce long chemin que
l’humanité a emprunté, jusqu’à aujourd’hui.
Nous n’avons pas le droit, par indifférence, par aveuglement, par
égoïsme, de laisser éteindre cette lumière. Les francophones, toujours
eux, ont une responsabilité. Pourquoi nous ? Parce que nous sommes
dépositaires d’une langue qui nous a appris tout le sens d’un mot, un
beau mot de la langue française du dictionnaire qui s’appelle «
transmission ». Parce que nous sommes des héritiers, des héritiers d’une
tradition qui est celle de la culture et de l’humanisme. Parce que nous
avons une conscience, nous qui portons une langue qui est celle des
droits, des droits de l’être humain et donc de l’humanité.
Nous sommes plus conscients que d’autres de la fragilité de la
planète et des risques pour l’unité du monde que serait le réchauffement
climatique en termes de catastrophes, de crises et de guerres. Parce
que nous avons choisi la jeunesse comme première priorité et c’est notre
devoir de faire en sorte que les générations suivantes puissent vivre
mieux que nous dans un espace que nous aurons pu protéger.
La francophonie doit ouvrir, écrire même une plate-forme pour la
lutte contre le réchauffement climatique. Ici à Dakar, nous rassembler,
chefs d’Etats, chefs de Gouvernements, ministres de la francophonie.
Nous devons commencer la mobilisation vers la Conférence de Paris. Nous
avons un an pour convaincre le monde entier, un an pour vaincre le
scepticisme, le fatalisme, la résignation. La francophonie doit toujours
être en avance sur le reste du monde. D’abord parce que nous l’avons en
héritage de ce monde, parce que nous avons l’ambition, nous les
francophones, plus que d’autres, nous avons l’ambition de changer le
monde en français. Changeons le monde ensemble. Merci
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