lundi 20 octobre 2014

réflexion suscitée par la une du Monde - suite : II




II – Genèse

Le général de Gaulle a pratiqué, pendant ses onze ans de règne, chacun des éléments des institutions qu’il avait fait adopter par le peuple le 28 Septembre 1958 et confirmer le 27 Octobre 1962. A ses risques et périls puisque sa participation à la première élection présidentielle telle que nous la connaissons depuis 1965 a certainement fait oublier ce qui caractérisait jusqu’alors sa légitimité personnelle, et puisque la mise en jeu de son maintien ou pas au pouvoir à chaque consultation référendaire ou législative, a abrégé sensiblement son second mandat. L’ensemble de son exercice des prérogatives présidentielles a évidemment fait coincider avec le maximum d’éclat la lettre de la Constitution avec sa définition de la « clé de voûte » du régime.

Bien plus que les orientations politiques, économiques, diplomatiques et sociales des premières années de la Cinquième République, c’est la nature et la pratique du régime qui a déterminé majorité et opposition. La suite a montré que le ralliement des oppositions aux institutions gaulliennes et la fidélité des épigones de l’homme du 18-Juin n’étaient pas une totale adhésion à leur esprit, en tout cas n’en manifestèrent pas une compréhension réelle. Les successeurs du général de Gaulle à l’Elysée ont quant à eux montré que le président de la République, élu d’un moment plus ou moins long, et lui seul, est à mesure de maintenir ou de détruire l’esprit, et donc la réalité, l’efficacité de nos institutions. Et, partant, l’adhésion populaire à celles-ci ou le désaveu.

La proposition de réduire à cinq ans la durée du mandat présidentiel – donnant ainsi à l’élection présidentielle une répétitivité plus grande mais au mandat une durée analogue à celui de l’Assemblée nationale – a été de pure convenance personnelle, à sa première formulation par Georges Pompidou. En 1973, comme en 2000, le président régnant a cru faciliter sa propre réélection compte tenu de son état de santé ou de son âge, tout en prenant au mot l’opposition (de gauche) du moment.

Une proposition adjacente – celle d’inverser le calendrier des deux élections présidentielle et parlementaire, proches de coincider en 2002 – a accentué le méfait, en croyant fonder la réforme sur les jurisprudences de 1981 et de 1988, donnant au nouvel élu une majorité nouvelle, donc à sa convenance, au Palais-Bourbon.

Le résultat a été la rigidité dont l’observation a été faite plus haut. Il a été aussi de faciliter la péremption du referendum et de la dissolution puisque depuis Georges Pompidou, il est admis que l’élection, seule décisive, est celle du président de la République, les consultations de date intermédiaire devenues inutiles. La réalité est autre. D’une part, très vite, le soutien populaire au mandat en cours devient émollient, en tout cas gagnerait à être vérifié comme il le fut en Mars 1973, en Mars 1978, en Mars 1986, et d’autre part, pour le général de Gaulle s’engageant à fond à chaque consultation nationale, quelle qu’en soit la nature, il n’est de décisif que la dernière élection ou la dernière consultation en date.

La dissolution est tombée en désuétude. Elle devrait certainement être pratiquée ces mois-ci, mais autant que le referendum elle est redoutée par le pouvoir en place qui anticipe plutôt sa défaite qu’une victoire. C’était déjà l’analyse coincidente en 2006 des futurs président de la République et Premier ministre du quinquennat de 2007-2012.

La seconde déviance a été le fait de Jacques Chirac, déjà responsable en 2000 de la première : le remplacement du septennat par le quinquennat. Quoique la dissolution de l’Assemblée nationale en Avril 1997 ne lui ait pas donné une majorité favorable, quoique le referendum de Mai 2005 n’ait pas répondu à son attente, le président de la République du moment n’a pas cru devoir démissionner, alors même que ces deux actes avaient été de sa seule initiative.

Ainsi organisée mais à titre seulement implicite, l’irresponsabilité du président de la République devant le peuple choque alors même que la pratique institutionnelle – sans plus aucune sanction que la possible non-réélection ni besoin de quitus à l’issue du mandat – tend à la concentration extrême du pouvoir. Un avis du Conseil constitutionnel et la pratique depuis 1995 d’une invulnérabilité correctionnelle et pénale du président régnant dans l’exercice de ses fonctions, et même pour des actes antérieurs sera cependant – peut-être – battus en brèche par des condamnations de Nicolas Sarkozy. Celui-ci tente d’y obvier par sa tentative d’être élu une seconde fois : en 2017, à l’issue du mandat obtenu par son vainqueur de 2012.

Le non-retrait de François Mitterrand en 1986 et en 1993 a consacré une pratique – imprévue mais pas interdite par la Constitution : la « cohabitation » théorisée à l’avance par Edouard Balladur puis négociée dès 1983, mais reniée rétrospectivement selon sa propre expérience (le pouvoir ne se partage pas). Cette pratique a sa légitimité et surtout n’est justifiée que dans un seul cas. Légitimité car la gauche n’ayant exercé le pouvoir en 1986 que cinq ans sur les vingt-huit qu’avait déjà duré la Cinquième République, pouvait se croire en droit de veiller autant que possible à la pérennité de certaines de ses réformes. Au demeurant, le renouvellement de l’Assemblée nationale s’était faite au terme constitutionnel et non à la demande du président régnant, par dissolution. La situation de 1997 a donc été toute différente de celle de 1986 et de 1993. La cohabitation – premières versions – étaient une fidélité au mandat initial, celle de 1997 est un refus du désaveu populaire. En Mai 2005, la jurisprudence d’Avril 1969 – si coûteuse pour le général de Gaulle et surtout pour la France – est oubliée.

L’extension du domaine référendaire – tentée en Juillet 1984 par François Mitterrand dans le domaine des libertés publiques à l’occasion du conflit sur l’enseignement – a été refusée par la droite sénatoriale à l’époque. La révision opérée par celle-ci, sous la présidence de Nicolas Sarkozy en Juillet 2008, n’est qu’une apparence de faculté nouvelle. L’initiative populaire du referendum, selon les alinéas 3, 4 et 5 du nouvel article 11 de la Constitution est conditionnée à l’aval d’un cinquième des membres du Parlement et surtout à la non-saisine par celui-ci de la proposition de loi, pétitionnée par au moins le dixième des électeurs inscrits. La consultation populaire en cas de changement affectant une ou plusieurs collectivités territoriales, selon l’article 74-2, n’est toujours pas évoquée par le gouvernement ayant mis à l’ordre du jour national la recomposition des régions et des départements depuis Avril 2014.

Dans l’esprit du constituant de 1958, la distinction des fonctions constitutionnelles (et des carrières politiques) était fondamentale et le cumul de l’exercice gouvernemental avec l’exercice parlementaire, qui avait été possible sous tous nos régimes constitutionnels depuis 1791, a été interdit. Tout membre du gouvernement qui voudrait « retrouver son siège » au Parlement s’il en avait un auparavant, doit revenir devant ses électeurs, et ce n’est possible qu’au terme du mandat de l’assemblée dont il faisait partie, ou si son « suppléant » veut bien, en démissionnant, provoquer une élection partielle. Maurice Couve de Murville, dix ans ministre des Affaires étrangères du général de Gaulle, puis son dernier Premier ministre, et probablement le successeur souhaité secrètement, en pâtit lourdement. Georges Pompidou, devenu président de la République, soutint le suppléant, Raymond Bousquet, dans son maintien en place. Couve de Murville, se présentant dans une autre circonscription fut battu et resta donc sans possibilité parlementaire de 1969 à 1973. La révision de Juillet 2008 permet au contraire au ministre démis ou démissionnaire de retrouver automatiquement son siège, ainsi Thévenoud a-t-il pu revenir à l’Assemblé nationale malgré l’évidence notoire de son incivisme.

L’ensemble de ces déviances et de ces révisions nous a fait passer d’une République à l’autre, et a fortifié une telle incompréhension de nos institutions que le peuple – à juste titre – en réprouve la version actuelle, alors même que l’originelle a été toute différente d’esprit et de pratique, que les présidents successifs affichent leur bonne fois en s’estimant par l’abus de leurs prérogatives les principaux défenseurs de la Cinquième République. Au point même que la suppression du poste de Premier ministre, donc de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, ne semble pas une atteinte au régime fondé en 1958. Et qu’un régime présidentiel de fait – sans les contre-poids et les pratiques limitant et contrôlant le président outre-Atlantique, notamment les « mid-term elections » – serait l’avenir le plus conforme et le plus sincère pour nos institutions !

III - Remède
va être incessamment écrit

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