II – Genèse
Le général de Gaulle a pratiqué, pendant ses onze ans
de règne, chacun des éléments des institutions qu’il avait fait adopter par le
peuple le 28 Septembre 1958 et confirmer le 27 Octobre 1962. A ses risques et
périls puisque sa participation à la première élection présidentielle telle que
nous la connaissons depuis 1965
a certainement fait oublier ce qui caractérisait
jusqu’alors sa légitimité personnelle, et puisque la mise en jeu de son
maintien ou pas au pouvoir à chaque consultation référendaire ou législative, a
abrégé sensiblement son second mandat. L’ensemble de son exercice des
prérogatives présidentielles a évidemment fait coincider avec le maximum
d’éclat la lettre de la Constitution
avec sa définition de la « clé de voûte » du régime.
Bien plus que les orientations politiques,
économiques, diplomatiques et sociales des premières années de la Cinquième République,
c’est la nature et la pratique du régime qui a déterminé majorité et
opposition. La suite a montré que le ralliement des oppositions aux
institutions gaulliennes et la fidélité des épigones de l’homme du 18-Juin
n’étaient pas une totale adhésion à leur esprit, en tout cas n’en manifestèrent
pas une compréhension réelle. Les successeurs du général de Gaulle à l’Elysée
ont quant à eux montré que le président de la République, élu d’un
moment plus ou moins long, et lui seul, est à mesure de maintenir ou de
détruire l’esprit, et donc la réalité, l’efficacité de nos institutions. Et,
partant, l’adhésion populaire à celles-ci ou le désaveu.
La proposition de réduire à cinq ans la durée du
mandat présidentiel – donnant ainsi à l’élection présidentielle une
répétitivité plus grande mais au mandat une durée analogue à celui de
l’Assemblée nationale – a été de pure convenance personnelle, à sa première
formulation par Georges Pompidou. En 1973, comme en 2000, le président régnant
a cru faciliter sa propre réélection compte tenu de son état de santé ou de son
âge, tout en prenant au mot l’opposition (de gauche) du moment.
Une proposition adjacente – celle d’inverser le
calendrier des deux élections présidentielle et parlementaire, proches de
coincider en 2002 – a accentué le méfait, en croyant fonder la réforme sur les
jurisprudences de 1981 et de 1988, donnant au nouvel élu une majorité nouvelle,
donc à sa convenance, au Palais-Bourbon.
Le résultat a été la rigidité dont l’observation a été
faite plus haut. Il a été aussi de faciliter la péremption du referendum et de
la dissolution puisque depuis Georges Pompidou, il est admis que l’élection,
seule décisive, est celle du président de la République, les
consultations de date intermédiaire devenues inutiles. La réalité est autre.
D’une part, très vite, le soutien populaire au mandat en cours devient
émollient, en tout cas gagnerait à être vérifié comme il le fut en Mars 1973,
en Mars 1978, en Mars 1986, et d’autre part, pour le général de Gaulle
s’engageant à fond à chaque consultation nationale, quelle qu’en soit la
nature, il n’est de décisif que la dernière élection ou la dernière
consultation en date.
La dissolution est tombée en désuétude. Elle devrait
certainement être pratiquée ces mois-ci, mais autant que le referendum elle est
redoutée par le pouvoir en place qui anticipe plutôt sa défaite qu’une
victoire. C’était déjà l’analyse coincidente en 2006 des futurs président de la République et Premier
ministre du quinquennat de 2007-2012.
La seconde déviance a été le fait de Jacques Chirac,
déjà responsable en 2000 de la première : le remplacement du septennat par
le quinquennat. Quoique la dissolution de l’Assemblée nationale en Avril 1997
ne lui ait pas donné une majorité favorable, quoique le referendum de Mai 2005
n’ait pas répondu à son attente, le président de la République du moment
n’a pas cru devoir démissionner, alors même que ces deux actes avaient été de
sa seule initiative.
Ainsi organisée mais à titre seulement implicite, l’irresponsabilité
du président de la
République devant le peuple choque alors même que la pratique
institutionnelle – sans plus aucune sanction que la possible non-réélection ni
besoin de quitus à l’issue du mandat – tend à la concentration extrême du
pouvoir. Un avis du Conseil constitutionnel et la pratique depuis 1995 d’une
invulnérabilité correctionnelle et pénale du président régnant dans l’exercice
de ses fonctions, et même pour des actes antérieurs sera cependant – peut-être –
battus en brèche par des condamnations de Nicolas Sarkozy. Celui-ci tente d’y
obvier par sa tentative d’être élu une seconde fois : en 2017, à l’issue
du mandat obtenu par son vainqueur de 2012.
Le non-retrait de François Mitterrand en 1986 et en 1993 a consacré une pratique
– imprévue mais pas interdite par la Constitution : la « cohabitation »
théorisée à l’avance par Edouard Balladur puis négociée dès 1983, mais reniée rétrospectivement
selon sa propre expérience (le pouvoir ne
se partage pas). Cette pratique a sa légitimité et surtout n’est justifiée
que dans un seul cas. Légitimité car la gauche n’ayant exercé le pouvoir en
1986 que cinq ans sur les vingt-huit qu’avait déjà duré la Cinquième République,
pouvait se croire en droit de veiller autant que possible à la pérennité de
certaines de ses réformes. Au demeurant, le renouvellement de l’Assemblée
nationale s’était faite au terme constitutionnel et non à la demande du
président régnant, par dissolution. La situation de 1997 a donc été toute
différente de celle de 1986 et de 1993. La cohabitation – premières versions –
étaient une fidélité au mandat initial, celle de 1997 est un refus du désaveu
populaire. En Mai 2005, la jurisprudence d’Avril 1969 – si coûteuse pour le
général de Gaulle et surtout pour la
France – est oubliée.
L’extension du domaine référendaire – tentée en
Juillet 1984 par François Mitterrand dans le domaine des libertés publiques à l’occasion
du conflit sur l’enseignement – a été refusée par la droite sénatoriale à l’époque.
La révision opérée par celle-ci, sous la présidence de Nicolas Sarkozy en
Juillet 2008, n’est qu’une apparence de faculté nouvelle. L’initiative
populaire du referendum, selon les alinéas 3, 4 et 5 du nouvel article 11 de la Constitution est
conditionnée à l’aval d’un cinquième des membres du Parlement et surtout à la
non-saisine par celui-ci de la proposition de loi, pétitionnée par au moins le
dixième des électeurs inscrits. La consultation populaire en cas de changement
affectant une ou plusieurs collectivités territoriales, selon l’article 74-2, n’est
toujours pas évoquée par le gouvernement ayant mis à l’ordre du jour national
la recomposition des régions et des départements depuis Avril 2014.
Dans l’esprit du constituant de 1958, la distinction
des fonctions constitutionnelles (et des carrières politiques) était
fondamentale et le cumul de l’exercice gouvernemental avec l’exercice
parlementaire, qui avait été possible sous tous nos régimes constitutionnels
depuis 1791, a
été interdit. Tout membre du gouvernement qui voudrait « retrouver son
siège » au Parlement s’il en avait un auparavant, doit revenir devant ses
électeurs, et ce n’est possible qu’au terme du mandat de l’assemblée dont il
faisait partie, ou si son « suppléant » veut bien, en démissionnant,
provoquer une élection partielle. Maurice Couve de Murville, dix ans ministre
des Affaires étrangères du général de Gaulle, puis son dernier Premier
ministre, et probablement le successeur souhaité secrètement, en pâtit
lourdement. Georges Pompidou, devenu président de la République, soutint le
suppléant, Raymond Bousquet, dans son maintien en place. Couve de Murville, se
présentant dans une autre circonscription fut battu et resta donc sans
possibilité parlementaire de 1969 à 1973. La révision de Juillet 2008 permet au
contraire au ministre démis ou démissionnaire de retrouver automatiquement son
siège, ainsi Thévenoud a-t-il pu revenir à l’Assemblé nationale malgré l’évidence
notoire de son incivisme.
L’ensemble de ces déviances et de ces révisions nous a
fait passer d’une République à l’autre, et a fortifié une telle incompréhension
de nos institutions que le peuple – à juste titre – en réprouve la version
actuelle, alors même que l’originelle a été toute différente d’esprit et de
pratique, que les présidents successifs affichent leur bonne fois en s’estimant
par l’abus de leurs prérogatives les principaux défenseurs de la Cinquième République.
Au point même que la suppression du poste de Premier ministre, donc de la
responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, ne semble pas une
atteinte au régime fondé en 1958. Et qu’un régime présidentiel de fait – sans les
contre-poids et les pratiques limitant et contrôlant le président
outre-Atlantique, notamment les « mid-term elections » – serait l’avenir
le plus conforme et le plus sincère pour nos institutions !
III - Remède
va être incessamment écrit
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