Le jeudi 28 Avril 2005
permettez-moi de vous
féliciter chaleureusement et sincèrement pour votre entrée dans la campagne
référendaire et naturellement pour le oui.
Ne pensez-vous nous donner
des mémoires plus étendus que sur la seule période ministérielle de 1975 ?
Je vous ai suivi par les photos et avec émotion dans les camps de la mort. Vous
avez tant à dire.
Peut-être les deux papiers
ci-joints rejoignent-ils vos réflexions. Ce que je crois. Je serai heureux de
recevoir tout texte que vous produiriez ces temps-ci sur l’Europe.
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* *
Le soir du vendredi 9 Mars 2007
bien évidemment, la femme contemporaine la plus à
même de présenter une candidature qui soit celle d’une femme, mais aussi de
grande compétence, d’équilibre personnel et d’autorité morale, eût été vous.
Cela n’a malheureusement pas été. La permanence des candidatures de Jacques
Chirac pendant vingt ans a stérilisé bien des parcours, et les mandats du même
n’ont amené à l’expérience politique – à mon sens – aucun nouveau véritable
talent.
Nicolas Sarkozy me paraît être l’exacte répétition du
parcours de jacques Chirac. On en est pour le moment au début des années 1980
si l’on transpose : même réputation d’énergie, même conviction de soi-même
et des partisans que l’arrivée au pouvoir sera un salut et un changement de
cours très bénéfiques, spectaculaire d’efficacité et de retournement de cours…,
même culte du chef, même absence de débat perceptible. En plus, si je puis
écrire, l’atlantisme, la révérence vis-à-vis d’un libéralisme importé et qui
n’est qu’économique (le libéralisme ayant été pendant cent cinquante ans une
doctrine politique et non mercantile) et fort peu de conviction européenne.
Dans l’exercice des fonctions auxquelles il s’est impudemment accroché, il n’a
pas fait montre de grand respect pour les libertés publiques traditionnelles
dans notre pays, et il a plutôt imaginé ou ordonné (la collection de ses
circulaires) de les réduire. Je le crains donc, d’autant qu’il avoue son
identité en faisant tout pour que Le Pen, au premier tour, soit sa réserve de
voix, automatique, en vue du second.
Or, vous mettez votre prestige moral – un des plus
éminents dans la France
d’en ce moment et qui a maintenant des décennies de pérennité – à l’appui de
cette candidature et de cette personnalité, au demeurant fragile
psychologiquement, et perpétuant encore un trait de ressemblance avec le
président sortant, cette nouvelle confusion dans le fonctionnement de nos
institutions constitutionnelles, l’influence de l’épouse.
J’en suis très étonné. Puis-je vous demander
pourquoi ? en profondeur ?Je ne demande qu’à comprendre, sinon à
approuver. Toute la geste de Valéry Giscard d’Estaing – rétrospectivement enfin
bien dite et reconstituable par la qualité du troisième tome de ses Mémoires
– avait précisément été de tenter un gouvernement par appel à l’intelligence
réfléchie de nos concitoyens (ceux auxquels vous avez appartenue) et plus
encore de dépasser le clivage droite/gauche Or, une autre candidature – de
votre famille politique – me semble présenter ces traits.
François Bayrou, en sus, satisfait le gaulliste
(d’avant 1969) que je suis comme vous le savez : un gouvernement
consensuel, la tentative d’inspirer une dialectique gouvernementale et
politique autre que majorité/opposition sur le fil. Enfin, l’Europe ; je
l’enseigne à Paris VIII, faute que la
France ait maintenu le legs gaullien et cultivé
l’indépendance autant que l’originalité de notre organisation économique et
sociale par elle-même, je suis devenu résolument « européen » et
milite pour deux propositions simples, aussi innovantes que la proposition,
naguère, de mettre en commun charbon et acier : l’élection au suffrage
universel direct du président du Conseil européen par tous les citoyens
européens votant en circonscription unique, et la prérogative de celui-ci de
procéder par referendum, également en circonscription unique, sur toute
question du ressort des traités, voire de l’évident intérêt commun de tous les
Européens. Avec démission, si le résultat n’est pas celui escompté. Je crois
François Bayrou, capable de porter cela.
Je vous écris sans concertation avec celui-ci et
sans même l’avoir jamais encore rencontré. Dans le souvenir surtout des
conversations que vous m’aviez permis d’avoir avec vous au moment où l’Abbé
Pierre s’était mis dans de si graves difficultés et contradictions. Voici plus
de dix ans.
Vous revoir m’honorera et dans la circonstance,
m’intéressera beaucoup. Nous conviendrons aisément de la confidentialité du
fait et du contenu de notre échange./.
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* *
Reniac, le mercredi 17 Octobre 2007
voici ce que j’ai adressé aux
membres de la commission de réflexion sur nos institutions ainsi qu’à ceux du
Conseil constitutionnel.
De ces choses où vous pouvez peser, j’aimerais vous parler un peu.
Quelles seraient vos convenances ?
Avez-vous des coordonnées électroniques ?
J’ai été profondément touché par votre confiance à propos de vos
soutien et non-soutien lors de la campagne présidentielle et vous en remercie
sincèrement. Vous m’aidez à voir clair – en tout cas, à comprendre – pour ce
qui est de François Bayrou.
*
* *
Reniac, le dimanche 28 Octobre 2007
espérant que
ma grosse enveloppe du 17 ne vous encombre pas, je me permets de revenir déjà
vers vous, car je lis dans L’Express, acheté tout exprès… les extraits de votre
livre à paraître. Cela me passionne et votre écriture est très belle. J’attends
donc l’intégralité avec impatience.
J’ai retenu notamment ces passages :
Aujourd’hui encore, plus de
soixante après, je me rends compte que je n’ai jamais pu me résigner à sa
disparition. D’une certaine façon, je ne l’ai pas acceptée. Chaque jour, Maman
se tient près de moi, et je sais que ce que j’ai pu accomplir dans ma vie l’a
été grâce à elle.
La personnalité du nouveau
président s’imposait. Il était aussi impressionnant par sa rapidité d’esprit et
sa capacité de travail que par sa prestance personnelle et la haute idée qu’il
se faisait de sa fonction. Aussi les nouveaux ministres, moi-même et les
autres, marchions-nous sur des œufs.
Dans notre système, le président
est d’abord un homme seul. Rien ne l’incite au dialogue. Aussi longtemps qu’il
est en place, il n’est remis en cause par rien ni personne. Evoluant dans un
milieu aseptisé et de plus en plus artificiel, il n’échange qu’avec ses pairs,
une poignée de journalistes et une noria de hauts fonctionnaires.
Je ne savais
pas du tout que la « sortie » de Raymond Barre, au début de
cette année, avait des antécédents, qui sont bien regrettables et ne jettent
pas un bon jour sur lui. Mais quelle explication peut-on en avoir ? Si
tant est qu’il y en ait … et cela m’a rappelé notre première conversation – celle
que vous m’avez accordée à propos de l’Abbé Pierre, d’auprès de qui j’arrivais.
C’est troublant.
Votre mère,
votre affirmation est tellement juste.
VGE, oui…
voyant Jean Sérisé à cette époque, il témoignait de la même manière que vous,
mais « de l’extérieur », sur le comportement des ministres.
François
Bayrou… vous m’avez honoré de votre confiance en exposant en plusieurs pages
votre jugement. Mais cette ambition de « naissance », il n’est pas
seul à l’avoir. Elle se répand exponentiellement à chaque nouvelle mouture de
l’organigramme des entourages à l’Elysée ou à Matignon.
Quant à
Nicolas Sarkozy, moins à fond que vous, et ayant suivi avec intérêt Ségolène
Royal à l’avenir duquel et surtout à la maturation de laquelle je crois, je
deviens perplexe. Le « problème » de sa personnalité (pour moi encore
marquée de sa stratégie de complaisance envers l’électorat du Front national)
me paraît se résoudre dans le bon usage que les Français peuvent faire de lui.
Je pense aussi qu’il aurait été mieux dans son emploi comme Premier ministre,
mais il aurait fallu lui trouver une autorité tutélaire – un président – dont
Edouard Balladur, même en 1995, n’aurait pas tenu lieu.
Je risque
donc de vous adresser une note politique périodique qui circule surtout par internet :
observation & réflexions sur notre actualité. Mon inquiétude est à propos
de l’Europe. Il st vrai que je suis un « converti » venant du général
de Gaulle et convaincu de la nécessité européenne par faute de France, depuis
des décennies. J’enseigne d’ailleurs ces choses – le fonctionnement concret, et
d’autre part les relations extérieures de l’Union – à Paris VIII depuis quelques années.
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* *
Reniac, le mardi 14 Octobre 2008
vous êtes une de nos rares autorités morales, je vous
l’ai souvent dit – dès notre rencontre à propos de l’Abbé Pierre se débattant
dans « l’affaire Garaudy » - et écrit à mesure que notre pays avait à
choisir par élection présidentielle ou par referendum.
Vous voici
candidate à l’Académie française. Je m’en réjouis pour cette noble et
prestigieuse institution, mais le fauteuil de Pierre Messmer, ancien ministre
des Armées du général de Gaulle, ancien Premier ministre d’un Georges Pompidou
soucieux de donner quelques gages à la fidélité gaulliste qui semblait
émolliente en 1972, est-il celui qui vous correspond ?
Je ne le
crois pas.
Vous êtes
éprise de netteté et de clarté. J’ai dans l’oreille vos réflexions à propos de
nos gouvernants en 1996 : la confusion. Ne pensez-vous pas que votre
parcours centriste et européen – tout à fait conséquent et respectable – est
très différent de celui de Pierre Messmer dont vous seriez appelée à faire
l’éloge et à nous donner des clés de compréhension. A lire avec intérêt et
sympathie votre autobiographie, je ressentais que l’épithète gaulliste n’est
pas flatteuse ni prisée sous votre plume.
Je ne m’en
formaliserais nullement si je n’avais été le visiteur fréquent de Pierre
Messmer jusqu’au 28 Juillet 2007, veille de son hospitalisation inopinée. Nous nous
voyions alors tous les samedi après-midi. Le 21, la conversation vint vers vous
à propos de la campagne présidentielle alors récente. Il me confirma ce qu’il
m’avait parfois dit auparavant qu’il ne se sentait pas beaucoup d’affinités
avec vous. Le verbatim que j’ai, importe peu. J’ai écouté sans discuter. Il
était ancré.
Simplement,
il me semble peu cohérent en convictions politiques et peu convenable de
personne à personne, surtout quand l’une est réduite maintenant au silence, que
ce soit au fauteuil d’un des gaullistes les plus éminents et qui ne vous aimait
donc guère, que vous soyiez candidate.
Je crois
d’ailleurs que votre place dans l’opinion et dans le cœur des Français est
telle que votre entrée dans l’Académie française est superflue. Un honneur de
plus, certes, mais au prix que je prends la très grande liberté de vous dire.
En espérant
ne pas vous blesser,
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Strasbourg, le soir du mardi 28 Octobre 2014
l’hommage qui vient de vous être – une nouvelle fois – rendu, la
télévision, vos amies, vos enfants et petits-enfants, Valéry Giscard d’Estaing
et de grands journalistes, femmes et hommes.
Emotion pour moi, pour ma femme, regard et réflexion de notre fille de
bientôt dix ans. Bien sûr le souvenir des entretiens que vous aviez bien voulu
m’accorder à propos du soutien donné par l’Abbé Pierre, de façon qui pouvait
scandaliser et qui lui nuisit d’ailleurs. Le souvenir de nos nombreux échanges
ensuite et de nos correspondances. Enfin, votre élection à l’Académie
française, au siège de mon ami Pierre Messmer. La candidature si justifiée en
elle-même, mais sans doute pour un autre fauteuil. Ou bien, ce que je ne
saisissais pas à l’époque, une tentative de conciliation et de faire la gerbe
du meilleur dans notre histoire nationale, qui en a parfois besoin.
Je n’avais
pas à l’époque réalisé ce choc du retour de l’antisémitisme. Je n’étais pas en
France en 1980. D’ailleurs, nos entretiens de 1996 et ensuite, avaient
davantage porté sur quelque chose que j’avais noté – quand fut projeté le chagrin
et la pitié avec Pierre Mendès France – l’impossibilité de parler d’une période
et d’atrocités mais que vous m’avez fait comprendre avec force. Donc comment
vous aviez, en fait et héroïquement,ouvert publiquement la nécessaire mémoire,
le nécessaire témoignage. Initiant tout, votre réplique lors d’une pose de
première pierre, me trouvant en poste à l’étranger, je ne l’ai pas entendu.
Il apparaît
aussi ce soir que nos défauts politiques ne sont pas de maintenant : les
atrocités, pas seulement par ignorance alors de votre passé personnelle, mais
par ignorance ou même mépris du passé, par excellence, nos responsabilités dans
ce qu’il se passa de 1940 à 1945, les atrocités reprises par les mots ressassés
lors du débat que vous avez mené à terme pour l’avortement. Les mépris lors du
débat à quatre (Mitterrand, Chirac, Marchais, vous-même) pour la première
élection européenne. Nous les avons toujours, le débat sur le projet de loi
porté par Christiane Taubira. Le sens donc qui ne m’était pas apparu sur le moment,
j’en étais resté à la poilitique des partis, de votre élection à la présidence
du Parlement européen, en coincidence avec la mûe de cette institution décisive.
Enfin, et à
quoi vous avez beaucoup contribué, ce qu’a apporté Valéry Giscard d’Estaing à
notre vie et à notre histoire politiques. Vous n’auriez pas été l’un sans
l’autre ce que vous avez été dès cette époque et ce que vous demeurez dans
cette histoire et cette vie.
Je pense encore plus à vous, et vous prie
d’accepter l’expression de mes hommages très déférents.
Avec vous, avec d’autres qui vécurent
l’impossible et l’impensable, et avace vous, avec d’autres qui aviez une idée
la plus vraie de la politique et de notre pays, de notre condition humaine, je
prie pour la France
et pour l’Europe.
Je vous remercie pour ce que vous avez
assumé.
à
Madame Simone Veil, membre de l’Académie française,
ancien
ministre,
ancien membre du Conseil
constitutionnel
2
rue Bixio – 75007 Paris VIIème
N B - l’avortement, le fait et les circonstances,
ce qui se vit alors : drame, il se trouve que je l’ai vécu, ou plutôt fait
vivre à la femme que j’aimais et qui a beaucoup de ressemblance d’allure, de
visage et de force avec vous : Ghislaine D. l’été de 1976. Je le porte
depuis mon mariage tardif et la naissance de notre fille. Ghislaine n’en est
pas la mère. Les moments de votre discours ont réaccentué ce qui fut ma
responsabilité et mon manque de confiance.
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