Chère Madame,
j’ai terminé
de lire, en l’annotant presque ligne à ligne, votre livre, hier après-midi,
après y avoir passé déjà trois grands moments. Ma femme l’avait lu avant moi,
m’en disant parfois ce qu’elle y prenait et l’appréciant. Notre fille, de pas
dix ans, allant à votre nom sur Google, en a lu une quinzaine de pages, elle est
« pour ». Elle avait voté Eva joly au premier tour. Les lunettes et
la lettre à la France.
Je vous
donnerai mes notes et réactions dans leur détail. J’ai aussitôt, sans l’avoir
lu d’autant que j’avais dû le commander dès le lendemain de sa sortie, tout
étant épuisé en région morbihannaise, propagandé votre livre en posant à toute
rencontre la question de la lecture ou du projet de lecture. Paradoxe :
pour 400.000 tirages, indisponibilité à Vannes et à Nantes dès le second jour,
sur quelques deux cent questionnés, deux ou trois intentions de lecture
seulement. Le reste de « mes sondés », bouche et nez pincés, la vie
privée, l’image présidentielle, « cela ne se fait pas » et un de mes
médecins, ne vous ayant pas lu, arguant de son non-intérêt, qui évoque
cependant les cachets de tranquillisants épars dans la salle de bain.
Le premier
service – décisif – que vous rendez à notre pays est de faire comprendre que la
vie publique quand elle a une explication manifestement « privée » du
fait de la vie et du comportement de celui qui la garantit et la préside, doit
être – aussi, sinon surtout – regardée, voire contrôlée sous cet aspect. Le
civisme est une exigence envers soi pour chaque citoyen, mais sans révérence enverfs
les gouvernants qui serait lâcheté ou tolérance non motivée, une exigence de
vérité. Il y a d’ailleurs une logique à cela : quand la politique selon ce
qu’il en est répétitivement communiqué n’est pas compréhensible et ne
correspond pas aux vœux d’une majorité d’entre nous et de celle des votants du
6 Maiu 2012, il faut bien trouver une explication à la rigidité présidentielle,
malgré l’avertissement de la doctrine économique, malgré le verdict de
l’absence de résultats, malgré une bonne volonté des Français à bout de lassitude.
Vous donnez
un portrait du Président et de François Hollande, avant son élection et depuis,
d’une finesse et d’un factuel, qui n’avaient pas été approchés par les
commentateurs et les rares biographes, et qui ne seront certainement pas égalés.
Sauf si le Président se convertit, ce qui est souhaitable mais peu probable, je
le déplore et le crains. Je l’en supplie et lui en suggère voies et moyens
depuis son avènement. Correspondances aux rares accusés de réception, que je
pourrai vous donner : un quinquennat alternatif…
Vous faites ce
portraut d’un pinceau, d’une plume qui est servante de ce que vous avez à dire,
donc régulière, tranquille, sans ostentation, adéquate. Roman-récit d’une
amoureuse, qui l’est encore mais ne veut plus « revenir », qui n’a
pas choisi de l’être mais a cédé à une séduction d’autant plus forte que vous
ne la dites ni ne la laisser comprendre. Ce serait courant en littérature et
dans « la vie » mais c’est intense de la première à la dernière ligne
de votre livre. Le vis-à-vis n’est pas exceptionnel par son autisme, son
mépris, son manque d’égards combinés jusqu’aujourd’hui avec tous les élans et
retours de la possessivité, mais le portrait du politique « pur »,
intégral au sens d’une personnalité et d’une psychologie pour qui la politique,
la gloire de la politique, sont une addiction, et la seule addiction, est
unique. En littérature, Molière et La Bruyère n’ont pas eu l’occasion de le tenter
puisque la monarchie absolue se fondait sur cette même addiction mais elle
était imposée au roi par l’histoire et par l’attente nationales. Même le joueur
de Dostoeiweski est plus diversifié et chacun a remarqué que l’addiction à la
politique de Nicolas Sarkozy n’empêche pas une autre, celle de l’argent.
Presque tous les gens de premier plan et de notoriété en politique actuelle –
c’est l’un des aspects du drame français – ont cette addiction quoiqu’à un
degré moindre et y ont sacrifié généralement la femme de leur jeunesse,
l’équipière de leurs débuts et même des premières étapes de leur « réussite ».
Il était –
oui – nécessaire que soit montré comment ces psychologies abîmées et
déséquilibrées, ayant donc des rapports rigides sinon pathologiquement distants
avec autrui et avec les revers, sont cependant celles qui sont censées répondre
de notre destin national et améliorer les conditions de vie de nous tous, au
moins nous donner la fierté de notre pays. Les quelques accolytes de rencontre
que vous mentionnez sont typiques, connus et vous nous faites nous étonner que
le Président ne l’ait pas discerné à temps.
En revanche,
sans davantage en faire des thèses ou des développements à part – votre art est
la touche et votre talent a été de construire le récit en va-et-vient
chronologique dans trois moments ou univers, aux héros cependant communs :
avant le pouvoir qui aurait transformé l’homme, pendant « ce moment »
où vous fûtes au palais et sur le site, depuis – vous donnez à constater chez
vous une grande justesse d’intuition à propos d’événements, pas toujours explicitement
politiques mais de grande portée pour la crédibilité du Président. Vous êtes
d’excellent conseil. Et bien entendu, votre « parcours » de l’enfance
à maintenant autant que votre profession et votre expérience des médias,
étaient un atout majeur pour un Président de gauche, encore plus communicant
que son prédécesseur. Vous ne vous en targuez pas, mais cela m’a frappé. Ainsi
que l’attitude des médias et de la rumeur à votre égard. Ne les suivant pas
autant que vous en avez été victime et les avez donc scrutées, je ne les savais
pas à ce point.
Votre livre
pose donc les deux grandes questions de la vie politique française. Le rôle des
médias, maléfique, si le pouvoir en place en fait ses juges et ses truchements.
François Hollande en est prisonnier encore plus qu’il ne tente de les utiliser.
Son prédécesseur ne l’était pas et, quoiqu’aussi lassant, savait mieux s’en
servir quitte à être Arlequin. L’homme que vous aimez a sans doute plusieurs
comportements, mais il est univoque et d’une totale, peut-être monstrueuse,
cohérence, auto-centré comme vous le faites si bien voir et comprendre, sur la
politique. Même pas sur le pays. Le rôle des médias aujourd’hui destructeur des
citoyens et drogue des dirigeants, d’autant plus vulnérable que leur rang les
met davantage sous la lampe forte. Et la possibilité qui s’est manifestement
ouverte depuis 2007 d’une permanente permissivité de tout l’appareil public
national pour l’élu quinquennal. Ni contrepoids, ni collégialité avec pour
conséquence paradoxale l’amoindrissement de la prérogative publique puisque les
dogmes de nos deux décennies sont au démantèlement de l’Etat. Dit comme cela,
comme je vous l’écris, en espérant ne pas vous lasser, cela paraît pompeux ou
théorique. Vous, au contraire, le faites vivre à vos lecteurs.
Enfin, il y a
le bien que vous avez fait et que vous faites. Au Président, s’il avait eu
l’égard et le discernement de vous considérer et écouter en politique. Aux
démunis et aux torturés. Tout ce dont vous témoignez en
« humanitaire » ou en continuatrice de l’admirable Danielle
Mitterrand est précis, imagé, audible et provoque une forte empathie. Grand
merci.
Il y a aussi,
ce que j’ai apprécié, la relation avec Carla Bruni-Sarkozy, avec son équipe
devenue la vôtre, avec vos homologues de par le monde et probablement une
relation quotidienne détendue et attentionnée, sans aucun souci de la montre,
avec celles et ceux chargées de vous entourer et de tout faciliter. Y compris
Pierre-René Lemas.
Seul reproche
mais vous allez sourire… n’avoir pu influencer l’habillement du Présiident,
tant la coupe, que les couleurs de ses costumes, l’engoncement accentuant une
silhouette au lieu de rendre celle-ci servante des apparats que vous avez si
sobrement décrits.
Mais rien
n’est joué, à aucun égard.
Veuillez recevoir ici, chère Madame,
l’expression de ma gratitude qui est certainement celle de beaucoup de
Français, et de mes hommages chaleureux et sincères.
Plein de vœux aussi pour toutes suites.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire