mardi 13 septembre 2016

présidentielle française : Nicolas Sarkozy compare l’Etat islamique à une « peste noire » - Le Monde.fr


LE MONDE | 12.09.2016 à 21h44 • Mis à jour le 13.09.2016 à 06h50 | Par Matthieu Goar
 
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Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite, en meeting à Provins (Seine-et-Marne), le 12 septembre.
Nicolas Sarkozy n’a pas l’intention d’abandonner son face-à-face médiatique avec François Hollande. Quatre jours après le discours de Wagram, où l’actuel président de la République s’était posé en garant des « principes constitutionnels » qui « ne sont pas des arguties juridiques », le candidat à la primaire de la droite a lui continué à se rêver en futur chef d’une France déjà en guerre.
Et pour reconquérir l’Elysée, le candidat est prêt à rogner sur les libertés publiques. « Je ne serai pas le président de l’impuissance publique, qui se contentera des commémorations et des lieux de mémoire, qui se cachera derrière l’immobilisme du droit pour masquer son impuissance », a déclaré M. Sarkozy, lundi 12 septembre, lors d’une réunion publique à Provins (Seine-et-Marne) avant d’asséner : « Je protégerai les Français. (…) Pour protéger votre liberté, nous devons réduire la leur. »

« Guerre totale »

Lundi soir, Nicolas Sarkozy a encore accentué la tonalité martiale de sa campagne. Il a décrit une France qui fait face à une des guerres « les plus compliquées à mener car l’ennemi est partout et nulle part, l’ennemi se cache dans la foule ».
« Pour les islamistes, l’autre c’est l’ennemi absolu qu’il faut exterminer. L’autre, c’est nous », a-t-il estimé en décrivant l’islamisme comme un totalitarisme contre qui il faut mener une « guerre totale ».
Histoire de dramatiser son propos, le candidat a convoqué à plusieurs reprises les figures de Winston Churchill et de Charles de Gaulle et il a longuement évoqué les années 1930. « Nos grands-parents ont combattu la peste brune. (…) Nous avons aujourd’hui une peste noire comme la couleur du drapeau de Daech », a-t-il estimé.
Avant de comparer la situation du pays à celle de la République de Weimar qui a précédé l’arrivée du nazisme au pouvoir en Allemagne : « Je ne serai pas le président du renoncement national. Souvenez-vous la République du Weimar remplie de savants et de fins lettrés. Et bien, elle est morte pour ne pas avoir su prendre la mesure du nazisme. »
Pour faire face à ce danger qui serait, selon lui, sous-estimé par l’exécutif actuel, Nicolas Sarkozy galvanise ses partisans en mettant l’accent sur les propositions les plus dures de son programme comme l’internement des fichés S, l’interdiction des burkinis, du voile à l’université, le rétablissement des contrôles aux frontières, la suspension du regroupement familial.
Des idées qui lui permettent de remporter des succès de tribune mais qui sont juridiquement compliquées à mettre en place. Lundi soir, il a ainsi promis de réviser l’article 8 de la Cour européenne des droits de l’homme qui encadre la double peine. Un positionnement pensé pour attirer les déçus de 2012 partis au Front national (FN).

« La pensée autorisée »

Dans cette concurrence électorale avec le FN, l’aspect de guerre culturelle est aussi fondamental. Car cette thématique permet à l’ancien président du parti Les Républicains de développer sa vision de l’assimilation, de l’importance du mode de vie à la française et du danger « de la tyrannie des minorités » qui impose de plus en plus le voile dans les quartiers, selon le candidat.
« On vit en France comme des Français », a lancé le député Christian Jacob, président de son comité de soutien. Lundi soir, l’ancien chef de l’Etat a, lui, ironisé sur les « murmures du tribunal de la pensée autorisée », il s’est moqué de ceux qui crient à l’amalgame : « Il ne faut pas dire islamiste, parce que dans ce mot, il y a islam” ».
Dans ce domaine très discuté sur les réseaux sociaux d’extrême droite avec le hashtag #pasdamalgam, M. Sarkozy arrive même à déborder Marine Le Pen par sa droite puisque la présidente du FN a expliqué, dimanche soir sur TF1, qu’elle croyait en un « islam tel que nous l’avons connu, laïcisé par les Lumières comme les autres religions ».
Sur ce sujet, M. Sarkozy a également pourfendu à la fois François Hollande qui aurait « flatté tous les communautarismes en 2012 » mais aussi Alain Juppé visé sans être cité. « Je n’accepte pas les accommodements prétendument raisonnables avec les extrémistes », a-t-il estimé alors que le maire de Bordeaux avait, lui, parlé des « accommodements raisonnables », mais avec les musulmans modérés.
« Nous n’avons aucune leçon de démocratie à recevoir de qui que ce soit. La civilisation des droits de l’homme est supérieure à un projet politique radical, islamiste qui discrimine et qui stigmatise. » Et alors que François Baroin, présent lundi soir, a ironisé sur Europe 1 à propos du concept « d’identité heureuse » de M. Juppé, Nicolas Sarkozy a accentué cette critique destinée à son principal adversaire : « Un homme d’Etat n’a pas le droit d’être naïf. (…) Refuser de considérer les choses telles qu’elles sont, c’est une lâcheté pour un homme d’Etat. »

A droite toute

Avec ce discours où il n’a jamais évoqué les sujets économiques ou l’éducation nationale, M. Sarkozy confirme un peu plus la tonalité très droitière de sa campagne. Une ligne qui lui permet de surfer sur l’angoisse terroriste, de critiquer l’exécutif actuel et de se différencier d’Alain Juppé.
Le maire de Bordeaux doit justement tenir son premier grand meeting de septembre, mardi soir à Strasbourg. Une réunion qui aura pour thématique l’identité de la France.
« Il s’est trompé en 2012 sur la lecture de la menace terroriste, quand à l’époque il avait évoqué les crimes de Mohamed Merah. (…) Il se trompe sur la méthode en essayant de tordre le cou à l’Etat de droit », a affirmé, le premier ministre, Manuel Valls, dimanche 11 septembre, à propos de l’ancien chef de l’Etat. Une riposte qui a beaucoup plu à M. Sarkozy. Son entourage le dit ravi d’être au cœur des débats d’expression.
Matthieu Goar
Journaliste au Monde

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