LE MONDE | 29.05.2015 à 20h23 • Mis à jour le 30.05.2015 à
17h54 | Par Nathalie
Guibert, Dominique Gallois et Marie-Béatrice Baudet
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Les trois patrons mettent la touche finale à un méga-contrat que plus personne n’attendait : la vente de 24 avions de chasse Rafale et d’une frégate de dernière génération, pour plus de 5 milliards d’euros. Cinq mois plus tôt, au Plaza Athénée, avenue Montaigne à Paris, le maréchal Sissi a coupé net le patron de Dassault, qui lui vantait les mérites de son avion : « Je veux l’acheter. Quelles sont les conditions ? » Le soir même, chez le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, le chef d’Etat égyptien lance devant les maquettes présentées dans le salon de réception : « Je veux tout ! ».
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Rafale, 27 ans d’attente
Les industriels viennent de passer chacun plus d’une heure avec l’homme fort
de l’Egypte, flanqué de son bras droit, le général Mohamed Al-Assar, un pilier
de l’institution militaire qui tient le pays depuis la chute d’Hosni Moubarak.
Le président Sissi négocie en direct, il veut aller vite. A l’issue de la
rencontre, l’affaire est conclue. Il est convenu qu’à l’été un Rafale survolera
le canal de Suez pour la cérémonie de son élargissement. Un symbole qui ravit
le maréchal.Un mois plus tard, le 16 février, au moment même où leurs signatures scellent la vente d’armes la plus rapide de l’histoire française, Sissi frappe l’Etat islamique en Libye. Mais avec ses F16 américains, il ne fait pas ce qu’il veut : les appareils sont bridés par Washington. En août 2014, les Emirats arabes unis ont déjà été contraints d’envoyer leurs Mirage 2000 et non leurs chasseurs américains bombarder la Libye, en raison des restrictions d’usage fixées par le Pentagone.
C’est donc un maréchal élu dans la foulée d’un coup d’Etat militaire qui met fin à la malédiction du Rafale. L’avion ultramoderne, ce bijou technologique dont les pilotes raffolent, n’avait jamais été exporté. « Maintenant, ça sera plus facile », a prédit le négociateur égyptien, Mohamed Al-Assar. De fait, en trois mois, entre février et avril 2015, la France vend 48 avions de combat et en négocie 36 autres, à quelque 120 millions d’euros pièce, sans compter tout ce qui va avec : armes, maintenance, entraînement et formation des pilotes.
Se réjouir sans triompher
L’Inde suit, puis le Qatar, avec qui les discussions ont commencé… quatorze ans plus tôt. A Paris, François Hollande vante le succès de « l’équipe France ». Mais le mot d’ordre est de se réjouir sans triompher. « Avant, il y avait Sarkozy super-vendeur, avec son super-ego, qui était super partout. On a vu le résultat », raille un haut fonctionnaire. La déconvenue de l’aventure brésilienne, qui promettait en 2010 une première vente, ne sera pas effacée. Un autre élément incite à la prudence. Depuis que le Rafale fait la chasse à Daech en Irak et qu’il se vend aux pays arabes, les vendeurs et les pilotes de l’avion, comme leurs familles, sont menacés directement. « Impossible d’apparaître, je suis une cible maintenant », confie l’un des intermédiaires.En mai 2012, Hollande a commencé par fermer la « war room » installée à l’Elysée par son prédécesseur pour les grands contrats à l’export. Il confie le dossier à Le Drian, son ami de trente ans. « Le Drian fait la partie politique, rien que la partie politique, il est là pour gagner la confiance des acheteurs, place ensuite aux industriels », explique son cabinet. L’exécutif affiche un principe : « chacun son rôle, chacun sa place ». Mais au Quai d’Orsay, ces mots font grincer des dents, car la diplomatie économique chère à Laurent Fabius a été court-circuitée. Au Caire, le 16 février, « Fabius n’était pas sur la photo de la signature avec Al-Sissi. Il en a voulu à Dassault et l’a fait savoir. Il n’y en avait que pour Le Drian », glisse une source proche du dossier. A l’Elysée, on résume plus franchement : « Fabius n’a joué aucun rôle dans la vente du Rafale. »
L’avion de chasse n’est pourtant pas la première obsession du nouvel exécutif. Certes, le président « comprend que l’intérêt de la France est de vendre l’avion, et il sait qu’entre Mitterrand et la maison Dassault cela se passait en bonne intelligence », rappelle un expert du groupe socialiste à l’Assemblée. Chez Dassault, le conseiller pour les relations politiques du président, Bruno Giorgianni, a commencé à prendre contact avec les réseaux de la gauche dès fin 2011, sentant venir l’alternance.
Durant ce premier été hollandais, l’équipe Le Drian est d’abord prise de court par le projet de fusion entre British Aerospace Systems et Airbus. Il faut sanctuariser les activités d’Airbus liées à la dissuasion nucléaire française. Le dossier mobilise les collaborateurs du ministre jusqu’à ce qu’Angela Merkel mette un terme à l’entreprise, à l’automne. Début 2013, la deuxième priorité est de réussir l’opération « Serval », au Mali. Le ministère de la défense se lance alors dans un dossier délicat, contre les industriels français : il décide d’acheter à Washington des drones de moyenne altitude, un équipement indispensable que ni Dassault ni les autres n’ont mis sur le marché. « On ne parlait pas du Rafale », résume un ancien membre du cabinet.
L’impératif budgétaire
Tout change avec la préparation de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019. En pleine crise des finances publiques, la défense doit arracher des arbitrages. L’exportation, de tout et par tous, devient un impératif. L’armée n’a besoin que de 26 avions sur les cinq ans. Le plan de charge minimal de Dassault, négocié avec l’Etat, impose de sortir des chaînes un avion par mois. La défense fait le pari que 40 appareils seront exportés d’ici à février 2015. Sinon, le ministère devra absorber le surplus. Les Rafale deviendront alors des boulets, susceptibles de couler une armée de l’air déjà fragilisée, en la contraignant à payer l’inutile au détriment du nécessaire – des transporteurs et des ravitailleurs. Jean-Claude Mallet, le conseiller spécial de Le Drian, bâtit la LPM en dentelle, au million d’euros près. L’exportation du Rafale relève bien d’un coup de poker. Le directeur du cabinet, Cédric Levandowski, et le directeur adjoint, Jean-Michel Palagos, ont constitué un nouveau cénacle, le « comité ministériel d’exportation de défense », qui réunit tous les mois les acteurs incontournables, des représentants de l’Elysée à ceux des services de renseignement.Mais en ce qui concerne le dossier égyptien, le ministre sera informé quotidiennement de l’avancée des discussions et il rapportera chaque jour au président. Quant aux autres clients potentiels, il va les choyer. Dès août 2012, Jean-Yves Le Drian a repris contact avec les Qataris. Dans l’avion qui le mène à Doha, pour la première de ses onze visites dans le pays, ce breton taiseux compulse son dossier, déjà maintes fois travaillé, non sans stress. De fait, le prince héritier Tamim Al-Thani le bat froid. Aucun équipement français n’est évoqué dans les échanges. La conversation porte sur la Syrie et la situation au Moyen-Orient. Il faudra attendre février 2013 pour que les discussions sur le Rafale soient relancées. Le ministre se déplace « dans l’écoute, sans arrogance, en travaillant beaucoup, bref, tout l’inverse de l’équipe précédente », assure le patron d’un prestataire de la défense. Ses conseillers louent sa prudence : « Il ne s’avance pas si le terrain n’a pas été balisé. »
Même si la liste des armes fournies dans les trois contrats Rafale n’est pas connue, Jean-Yves Le Drian n’aurait rien proposé « qui n’ait été validé en commission interministérielle d’exportation des matériels de guerre ». Le jeune prince Tamim, un francophone – il a inscrit ses enfants au lycée français de Doha – devient émir début 2014. « Mon père vous avait promis d’acquérir cet avion, je vous l’achèterai », assure-t-il. Pour les interlocuteurs du Moyen-Orient, l’ami de trente ans de François Hollande a réussi en quelques mois à devenir plus qu’un ministre. « Pour eux, c’était Hollande lui-même », observe un proche du dossier. En mars, Le Drian convie à Brest son homologue qatari, le général Hamad Al-Hattiyah, un colosse moustachu qui le dépasse d’une bonne tête. Sur le trajet, une petite mise en scène efficace a été préparée. Un Rafale, son pilote tout sourire aux commandes, vient saluer le Falcon ministériel. A l’automne, l’émir, qui a réservé sa première visite de chef d’Etat en Occident à la France, affirme vouloir boucler l’affaire dans les six mois.
La volte-face d’Obama
Au-delà de l’équation personnelle du ministre, « les planètes se sont alignées autour de nous », constatent les négociateurs. Remontons un peu en arrière. C’est en réalité le 31 août 2013, un samedi où il n’a pas volé comme prévu, que le Rafale a pris sa plus sérieuse option. Ce jour d’été finissant, un conseil restreint est réuni à l’Elysée car la France s’apprête avec son allié américain à frapper les installations chimiques de Bachar Al-Assad en Syrie. Les moteurs des Rafale tournent. Les avions français sont prêts pour un raid historique, équipés de leurs missiles de croisière. Soudain, à 18 h 30, Barack Obama annonce à François Hollande qu’il arrête tout. « Obama a été le meilleur vendeur du Rafale », ironise aujourd’hui un diplomate à Paris. La volte-face américaine provoque la stupéfaction à Paris, et le doute dans le Golfe. Si le président américain renonce ainsi, saura-t-il honorer la protection promise à ses alliés des pétromonarchies le moment venu ? N’a-t-il pas déjà, début 2011, lâché le président Moubarak en trois jours ?
« Qui aurait imaginé, il y a dix ans,
que les pays du Golfe achèteraient autre chose que des avions américains ?
Personne, aucun état-major », un haut gradé étranger
Dans cette période, la fermeté française sur le dossier du nucléaire
iranien, opposée à la volonté de compromis de Washington, mais aussi
l’intransigeance de Paris vis-à-vis de Bachar Al-Assad comme de l’organisation
Etat islamique conviennent aux monarques du Golfe inquiets. A ces soubresauts
géopolitiques s’ajoute le contentieux sur les prix du pétrole, tirés vers le
bas par les Etats-Unis afin d’affaiblir la Russie de Vladimir Poutine.
Washington peut compter sur son pétrole de schiste qui le rend autosuffisant. « Qui
aurait imaginé, il y a dix ans, que les pays du Golfe achèteraient autre chose
que des avions américains ? Personne, aucun état-major », estime
un haut gradé étranger. Dassault est pourtant déjà présent dans la région
depuis de longues années, notamment avec ses Mirage 2000.Pour l’avion, rien de mieux que ce « moment français ».
Au Caire, les Américains n’ont pas eu le temps de torpiller l’offre française : « Les discussions ont été très discrètes et trop rapides », dit-on au cabinet de Le Drian. Au Qatar, les grands concurrents américains ont bien essayé jusqu’au dernier moment de bloquer la vente, mais en proposant le F15, un avion en fin de vie. La France a pu vanter son Rafale « combat proven », depuis les frappes en Libye, en 2011. « Ce ne fut pas décisif, dans ce contexte, mais l’efficacité des militaires français, oui », souligne un haut fonctionnaire.
Le raid au Mali en janvier 2013, 9 h 45 d’un vol de légende, du jamais-vu, mais aussi les armes employées dans les dernières opérations – six missiles pouvant atteindre simultanément six cibles –, ont compté. Aux yeux des acheteurs indiens, en discussion depuis 2012 pour l’achat de 126 appareils de Dassault, c’est sans conteste un point important. Les aviateurs n’ont de cesse d’alerter leur gouvernement sur le vieillissement de leurs escadrilles de Mig russes, alors que le Pakistan ennemi vient de passer commande de 200 nouveaux bombardiers et que la Chine s’arme à un rythme supersonique. « Le Rafale est vraiment le choix opérationnel de l’armée de l’air indienne », souligne le chef d’état-major, Denis Mercier, un pilote de chasse qui, ces dernières années, n’a pas manqué de faire voler tous ses alter ego dès que l’occasion s’en présentait. « J’y crois, moi, à cet avion ! » Pour lui, « les engagements extérieurs du moment sont tous tournés vers la puissance aérienne et montrent le besoin urgent d’aviation de combat, c’est le facteur de fond déclenchant. Les autres pays regardent quelle armée de l’air possède un modèle qu’ils peuvent se payer, et ce n’est pas celui de l’armée américaine, trop imposant ».
L’avion n’a pas fini d’évoluer, demain il s’intégrera aux systèmes de drones, se félicite le haut gradé. On le livrera encore en 2030, ce qui rassure : « C’est la première question que me posent mes interlocuteurs. » L’histoire se répète, car en 1982, après l’Egypte, l’Inde fut déjà le deuxième client du Mirage 2000, le prédécesseur français du Rafale. Le contrat semble pourtant s’enliser dans les méandres des transferts de technologie. Le document a fini par ressembler à une caisse de pièces détachées : plus d’un mètre de haut, 15 000 pages ! L’Inde est une démocratie compliquée, et les discussions n’aboutiront finalement « que » pour 36 appareils, loin du « contrat du siècle » espéré.
Début 2015, aucune avancée n’est enregistrée alors qu’une visite d’Etat du premier ministre Narendra Modi est annoncée pour le 10 avril à Paris. « Le président a pris garde de ne pas centrer cette visite autour de l’enjeu du Rafale, cela aurait été la meilleure façon de faire échouer la négociation », explique l’Elysée. Delhi débloque la situation le 4 avril, en faisant parvenir un nouveau contrat, plus réduit, mais pour un achat immédiat. Les discussions finales se prolongent jusque dans la nuit, la veille de la visite. Au matin, François Hollande, venu en Ardèche admirer les fresques de la grotte Chauvet, ne quitte pas son téléphone. « Alors, combien ? Et pour combien ? » Au réveil, le ministre de la Défense lui a dit que les Indiens oscillaient entre trente et soixante avions.
De retour à l’Elysée dans l’après-midi, le président approuve l’offre française mise au point par Eric Trappier, sous la houlette de son chef d’état-major particulier, le général Benoît Puga, et de son sherpa, Jacques Audibert. Il est 15 h 30. A 16 heures, le président reçoit son homologue indien en tête à tête sans aborder le sujet. C’est Le Drian qui a été chargé de poser la question, ce qu’il fera deux fois, lors de la rencontre élargie aux ministres. Une commande est finalement annoncée par Narendra Modi : 36. Mais le contrat, estimé au minimum à 5 milliards d’euros, n’est pas encore signé à ce jour.
Dans la dernière ligne droite, la belle « équipe France » s’envoie des missiles fratricides. Le cabinet Le Drian tire trop la couverture à lui, jouant la « com » du bon ministre VRP et exaspère jusqu’à l’Elysée. François Hollande a même, fait exceptionnel, remis à sa place son ministre préféré. Le 23 février, celui-ci s’est rendu sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, où il a annoncé le début des opérations contre l’Etat islamique. Quatre Rafale armés de bombes décollent pour l’Irak, une belle image. « Mais il a fait avancer de deux jours le début des opérations du Charles-de-Gaulle pour les besoins de sa communication, ce que le président n’a pas apprécié. Il lui a rappelé : “Les opérations, c’est moi” », raconte-t-on à l’Elysée.
Le cabinet du Quai d’Orsay quant à lui, appelle la presse pour vanter le rôle éminent joué par Laurent Fabius dans le contrat indien. Deux jours après l’annonce de Modi à Paris, le ministre des affaires étrangères profite d’une rencontre avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohamed Ben Zayed, pour faire entendre sa musique. « Un proverbe en France dit jamais deux sans trois, je crois beaucoup en ce proverbe », lâche Laurent Fabius, sourire aux lèvres, en sortant du Boeing émirati posé sur le tarmac de l’aéroport de Ryad.
« Avec les 6,3 milliards du Qatar, on
avait battu en une seule journée le record absolu d’une année d’export », un
conseiller de l’Hôtel de Brienne
En fait, c’est bien François Hollande, dans une lettre à Sissi, qui débloque
l’affaire égyptienne en accordant la garantie financière du contrat avec une
couverture Coface à 60 %, le seul point qui bloquait. Le président
égyptien avait engagé la négociation en demandant une garantie à 100 %. La
France était prête à accorder 40 % du contrat, estimé alors à
7,5 milliards. Dans le cas du Qatar, l’affaire a été scellée par deux
coups de téléphone entre le président français et l’émir. Le 21 avril,
dans l’avion qui le ramène de Doha, où se sont « calés » les derniers
détails, l’équipe de Le Drian exulte. La perspective d’une signature, polonaise
cette fois, arrive en plein vol, pour l’achat d’hélicoptères –
2,3 milliards d’euros. « Avec les 6,3 milliards du Qatar, on
avait battu en une seule journée le record absolu d’une année d’export »,
rappelle un conseiller de l’Hôtel de Brienne.De lourdes contreparties
Mais une fois l’euphorie passée, vient le temps des questions. Si toutes ne sont pas connues, les contreparties ont été lourdes. A Sissi qui voulait 18 avions tout de suite, Le Drian a bien rétorqué que ce n’était « pas possible ». Mais pour répondre le plus rapidement possible à l’Egypte, on a prélevé six avions qui devaient être livrés à l’armée française et ne le seront qu’en 2018. La marine voit, elle, filer sa toute nouvelle frégate Normandie au Caire. « La négociation a été fort bien menée par Sissi, qui a obtenu des concessions fortes », reconnaît Eric Trappier. La même question se pose dans la négociation avec l’Inde : « Pour leur propre bénéfice politique, les proches de Le Drian ont proposé le lot de quatre appareils biplaces produits en avance pour le futur escadron nucléaire et placés “sous cocon” jusqu’à mi-2016. Or les Indiens ne demandaient rien, si ce n’est plus vite et moins cher. On aurait pu leur livrer le premier avion dans trois ans, sans mettre en difficulté l’armée française », explique un proche de l’Elysée.Au Qatar, un lot de trois Rafale appartenant à la France devrait être déployé dans le pays, une proposition française que d’aucuns jugent irréaliste. « La défense a proposé des choses que le Qatar n’avait pas demandées et, faute d’avoir mis l’armée de l’air dans la boucle, les conseillers de Le Drian l’ont mise en difficulté », assure un expert. La facture est élevée en personnel et en soutien, dans le volet formation vendu aux clients – un aspect décisif pour obtenir la signature qatarie. Dans ces négociations, la France aurait aussi cédé des équipements précieux présents en nombre très réduit dans les forces aériennes : il s’agit des « pods » de reconnaissance, des capteurs optiques sans lesquels le Rafale serait borgne. Certains, au final, reprochent à l’équipe ministérielle d’avoir royalement aidé les entreprises tout en ratant une occasion de soulager le budget de la défense : le GIE Rafale, si bien servi par ces commandes mirobolantes, n’a pas accordé aux armées la moindre remise sur ses prix.
Un autre acteur digère mal le Rafale : Air France. François Hollande a assuré, après la signature, que la vente n’avait donné lieu à aucune contrepartie, mais Qatar Airways, simultanément, s’est vu promettre des droits de trafic supplémentaires pour desservir Nice et Lyon, concurrençant un peu plus sur son terrain la compagnie française. Jusqu’alors, cette demande avait été refusée tant par l’ancien président Sarkozy, en dépit de ses liens avec le Qatar, que par l’ex-premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault.
En mars, le patron de Qatar Airways, Akbar Al-Baker, avait menacé de bloquer le contrat Rafale. A Doha, il n’a pas hésité à exprimer sa colère face à un patron français venu le voir, après la demande des ministres français et allemand des transports à Bruxelles d’agir contre « la concurrence déloyale des compagnies aériennes du Golfe ». Le 10 avril, lors du dîner d’Etat offert au premier ministre indien à l’Elysée, Jean-Yves Le Drian affiche une mine euphorique. Le ministre échange même des sourires avec l’hermétique Benoît Puga, assis en face de lui. Autour de la table, la contrepartie du contrat Rafale au Qatar ne fait pas débat. A un interlocuteur qui pose la question des exigences de Qatar Airways, le chef d’état-major particulier répond, après avoir croisé le regard du ministre : « Ça, on s’en occupe ! ».
Il est 10 heures, ce 13 février, chez Dassault, quand Eric Trappier annonce la bonne nouvelle du contrat égyptien aux 1 000 salariés du siège, à Saint-Cloud. Emotion et standing ovation. Le patron a octroyé une augmentation générale de 1 % des salaires. Quelques semaines plus tard, à Mérignac, où est assemblé l’avion, François Hollande conclut son discours d’un vibrant : « Vive le Rafale, vive la République, vive la France ! ». Alors qu’il embrasse Marie Récalde, la députée PS de Gironde, Serge Dassault, 90 ans, l’interpelle : « Et moi, tu ne m’embrasses pas ? » Le président s’exécute sans hésiter.
Vos réactions (34) Réagir
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Jean d'Arc 01/06/2015 - 13h58
D'aucuns pourraient résumer cette affaire de la façon suivante : Hollande :
48 - Sarkozy : 0 ... Simple mais vrai.
oiseau moqueur 01/06/2015 - 09h46
On avait sûrement besoin de ce marché mais vendre des armes au Pinochet
égyptien c'est bien triste; la consolation c'est que le Rafale n'aura que peu
d'utilité dans la répression. j'attends les commentaires quand les frères
reviendront au pouvoir.
ricardo uztarroz 31/05/2015 - 23h41
Ventes De Rafale ou Du, ou encore DES. Appel aux grammairiens pour éclaircir
ce point. On vient DE Londres, on est fils DE sa mère. Mais on vend DU vin ou
DES choux. On peut aussi vendre DE la bouillie. On ne vend pas DE vent mais DU
vent, le cas de ce papier.
GEORGES B 31/05/2015 - 22h34
M.Hollande n’a pas de chance …. lorsque cela va mal, c’est lui, lorsque cela
va bien, ce sont les circonstances favorables …….
FRANCOISE MAGNARD 31/05/2015 - 19h25
Juste pénible de relever la mauvaise fois récurrente des thuriféraires du
petit narcissique.
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