L'organisation internationale recommande d'assouplir les règles budgétaires
européennes au nom de l'investissement public et de la croissance.
Publié le 22/09/2016
à 19:06 | Le Point.fr
Dans ses prévisions économiques publiées mercredi 21 septembre,
l'organisation internationale recommande, ni plus ni moins, à la zone euro
d'assouplir ses règles budgétaires afin de relancer la croissance. Un conseil
qui légitime a posteriori la stratégie de Nicolas
Sarkozy, de François Fillon, ou encore de Bruno
Le Maire, qui entendent tous creuser le déficit public français
au-delà de 3 % dès 2017 s'ils sont élus, au nom de la baisse des impôts
nécessaire à la relance de l'activité économique.
« Alors que la phase de consolidation budgétaire
dans la zone euro a pris fin, la politique budgétaire ne devrait être que
légèrement plus accommodante en 2016 qu'en 2015, du fait d'une interprétation
plus flexible des règles et de mesures unilatérales de la part de certains
pays. Pourtant, il faudrait aller plus loin pour profiter des coûts d'emprunt
particulièrement bas. L'application du pacte de stabilité et de croissance
devrait être modifiée pour autoriser une politique budgétaire plus
accommodante, par exemple en excluant les investissements nets des règles
budgétaires et, plus généralement, en développant une méthode cohérente pour
introduire des marges de manœuvre dans l'application des règles », détaille
l'OCDE.
Le risque d'une nouvelle
crise financière
Même si son plaidoyer en
faveur de la relance publique n'est pas nouveau, c'est la première fois que
l'organisation, qui conseille ses 34 États membres sur les meilleures
politiques à mener, va aussi loin dans sa critique du carcan budgétaire
européen, pourtant réformé en 2011. Les États-Unis,
le Canada ou
encore le Royaume-Uni et le Japon ont déjà annoncé qu'ils relâchaient la
pression.
Pour la chef économiste
de l'organisation internationale, Catherine Mann, la politique budgétaire doit,
quasiment partout, venir au secours de politiques monétaires exceptionnelles.
Faute de quoi, le monde restera englué dans une faible croissance. Et risque
même une crise financière.
35 % des dettes publiques
s'échangent à taux négatifs
Car les politiques
monétaires ont désormais atteint leurs limites. Les taux d'intérêt négatifs,
censés stimuler l'investissement des entreprises, le crédit et donc la
consommation « entraînent des distorsions sur les marchés financiers et
augmentent les risques », s'alarme l'OCDE. Pas moins de 35 % de l'encours total
de la dette publique de ses membres s'échange à des taux négatifs sur les
marchés financiers. Si cela permet aux États d'emprunter à moindre coût, la
médaille a aussi son revers. Mécaniquement, les prix des titres de dette
publique augmentent, car ces obligations sont de plus en plus demandées par les
investisseurs, y compris les banques centrales. Avec le risque d'éclatement de
la bulle.
Les politiques
monétaires inconnues jusqu'alors stimulent aussi les cours des actions en
Bourse, déjà particulièrement élevés aux États-Unis, sans que cela soit
justifié par la progression des profits des entreprises. Quant aux prix de
l'immobilier, ils sont repartis à la hausse à un rythme aussi élevé, voire supérieur,
à celui d'avant 2007 aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Autant de
facteurs qui risquent de déclencher un krach qui se révélerait catastrophique
pour les entreprises et le système financier mondial, même si l'endettement des
ménages ne progresse pas aussi rapidement qu'avant la crise.
La BCE incitée à la
prudence
À plus long terme, les
taux bas, voire négatifs, menacent par ailleurs le modèle des banques qui
empruntent traditionnellement peu cher sur une courte période pour prêter à
long terme en profitant de l'écart des taux d'intérêt, ce qui s'avère de plus
en plus compliqué dans un monde où les taux sont bas, y compris sur la dette à
10 ans. Mais les banques ne sont pas les seules à souffrir des taux négatifs.
Les fonds de pension à prestations garanties, les gérants d'actifs et les
compagnies d'assurances souffrent également.
Autant de constats qui
poussent l'OCDE à recommander la plus grande prudence à la Banque centrale
européenne (BCE). « Dans la zone euro et au Japon, une politique monétaire
accommodante reste appropriée, mais toute décision d'extension de ces
politiques non conventionnelles doit soupeser ses bénéfices, ses coûts et ses
risques très attentivement. » Une inflexion très nette du discours par rapport
à ses précédentes prévisions économiques intermédiaires de février.
La nécessité de «
réformes structurelles »
Pour être capable de
normaliser la politique monétaire le plut tôt possible, l'organisation incite
donc ses membres à miser sur la libéralisation du commerce, et non pas sur des
mesures protectionnistes. Elle les encourage aussi, comme toujours, à appliquer
d'urgence des réformes structurelles (comme la libéralisation du marché du
travail en France) susceptibles d'augmenter le potentiel de croissance de leurs
économies à moyen terme. Là encore, les candidats de droite y puiseront des
arguments pour défendre leur programme fondé sur la libéralisation du marché du
travail et la baisse de la dépense publique.
Ils auront bien besoin
de ce soutien indirect de l'OCDE à leur stratégie économique pour convaincre
Berlin et les autres capitales européennes attachées au sérieux budgétaire de
les laisser une nouvelle fois déroger aux règles budgétaires.
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