vendredi 23 septembre 2016

comment l'OCDE vole au secours des candidats de la primaire de la droite --- Le Point.fr



L'organisation internationale recommande d'assouplir les règles budgétaires européennes au nom de l'investissement public et de la croissance.

Publié le 22/09/2016 à 19:06 | Le Point.fr


Dans ses prévisions économiques publiées mercredi 21 septembre, l'organisation internationale recommande, ni plus ni moins, à la zone euro d'assouplir ses règles budgétaires afin de relancer la croissance. Un conseil qui légitime a posteriori la stratégie de Nicolas Sarkozy, de François Fillon, ou encore de Bruno Le Maire, qui entendent tous creuser le déficit public français au-delà de 3 % dès 2017 s'ils sont élus, au nom de la baisse des impôts nécessaire à la relance de l'activité économique.
 « Alors que la phase de consolidation budgétaire dans la zone euro a pris fin, la politique budgétaire ne devrait être que légèrement plus accommodante en 2016 qu'en 2015, du fait d'une interprétation plus flexible des règles et de mesures unilatérales de la part de certains pays. Pourtant, il faudrait aller plus loin pour profiter des coûts d'emprunt particulièrement bas. L'application du pacte de stabilité et de croissance devrait être modifiée pour autoriser une politique budgétaire plus accommodante, par exemple en excluant les investissements nets des règles budgétaires et, plus généralement, en développant une méthode cohérente pour introduire des marges de manœuvre dans l'application des règles », détaille l'OCDE.
Le risque d'une nouvelle crise financière
Même si son plaidoyer en faveur de la relance publique n'est pas nouveau, c'est la première fois que l'organisation, qui conseille ses 34 États membres sur les meilleures politiques à mener, va aussi loin dans sa critique du carcan budgétaire européen, pourtant réformé en 2011. Les États-Unis, le Canada ou encore le Royaume-Uni et le Japon ont déjà annoncé qu'ils relâchaient la pression.
Pour la chef économiste de l'organisation internationale, Catherine Mann, la politique budgétaire doit, quasiment partout, venir au secours de politiques monétaires exceptionnelles. Faute de quoi, le monde restera englué dans une faible croissance. Et risque même une crise financière.
35 % des dettes publiques s'échangent à taux négatifs 
Car les politiques monétaires ont désormais atteint leurs limites. Les taux d'intérêt négatifs, censés stimuler l'investissement des entreprises, le crédit et donc la consommation « entraînent des distorsions sur les marchés financiers et augmentent les risques », s'alarme l'OCDE. Pas moins de 35 % de l'encours total de la dette publique de ses membres s'échange à des taux négatifs sur les marchés financiers. Si cela permet aux États d'emprunter à moindre coût, la médaille a aussi son revers. Mécaniquement, les prix des titres de dette publique augmentent, car ces obligations sont de plus en plus demandées par les investisseurs, y compris les banques centrales. Avec le risque d'éclatement de la bulle.
Les politiques monétaires inconnues jusqu'alors stimulent aussi les cours des actions en Bourse, déjà particulièrement élevés aux États-Unis, sans que cela soit justifié par la progression des profits des entreprises. Quant aux prix de l'immobilier, ils sont repartis à la hausse à un rythme aussi élevé, voire supérieur, à celui d'avant 2007 aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Autant de facteurs qui risquent de déclencher un krach qui se révélerait catastrophique pour les entreprises et le système financier mondial, même si l'endettement des ménages ne progresse pas aussi rapidement qu'avant la crise.
La BCE incitée à la prudence
À plus long terme, les taux bas, voire négatifs, menacent par ailleurs le modèle des banques qui empruntent traditionnellement peu cher sur une courte période pour prêter à long terme en profitant de l'écart des taux d'intérêt, ce qui s'avère de plus en plus compliqué dans un monde où les taux sont bas, y compris sur la dette à 10 ans. Mais les banques ne sont pas les seules à souffrir des taux négatifs. Les fonds de pension à prestations garanties, les gérants d'actifs et les compagnies d'assurances souffrent également.
Autant de constats qui poussent l'OCDE à recommander la plus grande prudence à la Banque centrale européenne (BCE). « Dans la zone euro et au Japon, une politique monétaire accommodante reste appropriée, mais toute décision d'extension de ces politiques non conventionnelles doit soupeser ses bénéfices, ses coûts et ses risques très attentivement. » Une inflexion très nette du discours par rapport à ses précédentes prévisions économiques intermédiaires de février.
La nécessité de « réformes structurelles »
Pour être capable de normaliser la politique monétaire le plut tôt possible, l'organisation incite donc ses membres à miser sur la libéralisation du commerce, et non pas sur des mesures protectionnistes. Elle les encourage aussi, comme toujours, à appliquer d'urgence des réformes structurelles (comme la libéralisation du marché du travail en France) susceptibles d'augmenter le potentiel de croissance de leurs économies à moyen terme. Là encore, les candidats de droite y puiseront des arguments pour défendre leur programme fondé sur la libéralisation du marché du travail et la baisse de la dépense publique.
Ils auront bien besoin de ce soutien indirect de l'OCDE à leur stratégie économique pour convaincre Berlin et les autres capitales européennes attachées au sérieux budgétaire de les laisser une nouvelle fois déroger aux règles budgétaires.

Aucun commentaire: