samedi 24 septembre 2016

au Yémen, un an de conflit et une crise humanitaire sans précédent --- Le Monde.fr



Le chaos règne au Yémen, déchiré par la guerre. Alors qu’aucune solution politique ne se dessine, la population fait face à une importante crise humanitaire.

LE MONDE | 18.08.2016 à 09h33 • Mis à jour le 19.08.2016 à 08h53 | Par Jérémie Lamothe et Gary Dagorn
 
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Partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh et des milices chiites, le 1er août à Sanaa.
Un conflit « très largement négligé par nos diplomates » ; une crise humanitaire « beaucoup plus grave qu’on veut bien le dire ». C’est dans ces termes alarmants que le politologue Laurent Bonnefoy, chercheur au CNRS, évaluait la situation au Yémen, mardi 16 août sur France Info.
Le conflit dure en effet depuis plus d’un an dans ce pays du Moyen-Orient qui se trouve dans une impasse, au grand dam d’une population confrontée à une grave crise humanitaire.

Une situation politique bloquée

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Les forces de sécurité yéménites devant un poster du président Abd Rabbo Mansour Hadi lors d'une manifestation progouvernement le 26 août 2014 à Sanaa, capitale du Yémen.
Un président élu contraint de s’exiler en Arabie saoudite. Des rebelles qui contrôlent une partie du pays. La situation politique au Yémen est aujourd’hui bloquée. Deux camps s’opposent : les forces alliées au chef de l’Etat, Abd Rabbo Mansour Hadi, élu en 2012, et les milices chiites houthistes, qui soutiennent son prédécesseur, Ali Abdallah Saleh.
Ce dernier avait pris la tête du Yémen du Nord dès 1978 avant de devenir président d’un Yémen réunifié en 1990. Mais après ses trente-trois années de pouvoir, dans la foulée du « printemps arabe », Ali Abdallah Saleh est chassé de son poste en novembre 2011, sous la pression d’une partie du peuple et de la communauté internationale. En échange, il obtient l’immunité pour lui et ses proches, aux termes de l’accord pour une transition politique signé à Riyad, en Arabie saoudite.
Son successeur, Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale après sa victoire à l’élection présidentielle de 2012, pour une période de transition de deux ans, a rapidement subi la pression des rebelles chiites. Le président est accusé de n’avoir jamais réussi à stabiliser le pays, ni à redresser son économie. Les rebelles houthistes, qui se présentent comme un mouvement des déshérités, mobilisent leurs sympathisants dans la capitale, Sanaa, au nom de la lutte contre la corruption.
En mars 2015, le président Hadi est contraint de quitter Sanaa face à l’offensive des milices houthistes et l’échec d’un accord pour le partage du pouvoir. Il gagne le grand port d’Aden, dans le sud, d’où il s’exile chez son allié saoudien, à Riyad.
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Le président Abd Rabbo Mansour Hadi, le 24 mars.
Les rebelles ont en effet réussi à prendre le contrôle de la capitale en septembre 2014. Ennemis du président Ali Saleh lorsqu’il était au pouvoir, ils sont, depuis, devenus alliés et combattent avec les forces restées fidèles à l’ancien autocrate, qui n’a pas abandonné tout espoir de revenir aux affaires.

L’Arabie saoudite, acteur principal du conflit yéménite

Les milices houthistes ont également conquis l’essentiel de la moitié nord du pays, où les chiites zaïdites (30 % de la population yéménite) sont majoritaires. Mais cette offensive, soutenue discrètement et relativement par l’Iran chiite, a fait craindre à l’Arabie saoudite, monarchie sunnite, que son grand rival régional ne prenne le contrôle d’un pan de territoire et d’un groupe armé à sa frontière sud.
Le roi Salmane, arrivé au trône en 2014, a réagi puissamment, en emmenant en guerre une coalition militaire de pays sunnites, en mars 2015, en soutien aux forces gouvernementales. Les Emirats arabes unis, la Jordanie et le Soudan, notamment, s’engagent dans cette campagne aérienne, complétée par l’envoi de troupes au sol.
L’objectif est de reprendre Sanaa et les territoires conquis par les rebelles houthistes. Mais cette coalition menée par Riyad s’enlise. Le grand port du sud, Aden, a bien été repris. Mais depuis un an, malgré des combats intenses, les lignes de front sont figées. Aucun des deux camps ne semble avoir la capacité de prendre le dessus militairement.
En parallèle, des négociations politiques ont débuté et sont actuellement dans une impasse.
Lire : Huit cartes pour comprendre les origines du chaos au Yémen

Des négociations au point mort

Ouverts le 18 avril au Koweït, les pourparlers de paix entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthistes ont échoué début août. Le gouvernement, en large partie délégitimé au Yémen du fait de son soutien sans critique aux bombardements aériens saoudiens, avait pourtant annoncé le 31 juillet avoir accepté un projet d’accord de paix minimal proposé par l’émissaire des Nations unies (ONU), Ismaïl Ould Cheikh Ahmed.
Ce plan prévoit notamment le retrait des rebelles des zones qu’ils ont conquises, la remise des armes lourdes et un échange de prisonniers de guerre. Les rebelles ont rejeté ce plan axé sur la sécurité, exigeant un accord global et politique avec la formation d’un gouvernement de transition, avant de rendre les armes.
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Manifestation à Sanaa de partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh et des rebelles chiites houthistes, le 1er août.
M. Ould Cheikh Ahmed a assuré que les belligérants ont donné leur accord pour revenir à la table des discussions, en septembre, pour la quatrième fois depuis juin.
Ces discussions ont permis de geler partiellement les combats durant plus de deux mois. Mais à l’annonce de l’échec des pourparlers, les confrontations sur le terrain ont regagné en intensité début août. Et si les raids aériens de la coalition arabe se multiplient, elle est en proie à de vives critiques après plusieurs bombardements qui ont tué des civils.

Les « bavures » de la coalition s’accumulent

Au moins dix-sept personnes ont été tuées, mardi 16 août, après une frappe aérienne dans une zone résidentielle, à Sanaa. La veille, le bombardement d’un hôpital, à Abs, avait fait quatorze morts. Quelques jours plus tôt, ce sont dix enfants qui ont trouvé la mort dans le bombardement d’une école coranique, dans la province de Saada.
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Le bombardement de l’hôpital à Abs, le 15 août, par la coalition arabe a fait 14 morts.
Toutes ces frappes ont été menées par l’aviation de la coalition arabe. Cette dernière est critiquée depuis plusieurs mois par les ONG et les observateurs internationaux en raison des nombreuses victimes civiles causées par ses raids. L’Iran a également dénoncé l’« inaction » de la communauté internationale face aux « atrocités que font subir les Saoudiens au peuple yéménite ».
Se défendant d’avoir délibérément visé une école, le porte-parole de la coalition, le général saoudien Ahmed Al-Assiri, a expliqué que ses avions avaient ciblé ce qu’elle pensait être un centre d’entraînement où les rebelles préparaient des enfants au combat.
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A Sanaa, un artiste yéménite a peint cette œuvre, le 11 août, en mémoire des jeunes victimes qui ont péri durant les conflits.
Mais, sous pression, l’Arabie saoudite a annoncé avoir ouvert une enquête au sujet des bombardements contre l’école coranique et l’hôpital, soutenu par Médecins sans frontières (MSF). Il s’agit de la quatrième attaque contre une installation de santé de l’ONG depuis un an. MSF a pourtant affirmé avoir partagé avec toutes les parties belligérantes les coordonnées GPS de cet hôpital.
Les rebelles se sont par ailleurs rendus également coupables de bombardements indiscriminés sur des zones civiles, notamment dans la ville de Taëz et sur des villages saoudiens, dans la zone frontalière.

Les djihadistes tentent de s’implanter au Yémen

La guerre au Yémen et l’écroulement de l’Etat ont par ailleurs permis à Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) et à la branche locale de l’organisation Etat islamique (EI) d’étendre leur influence dans le sud du pays. AQPA négocie avec les populations locales pour le contrôle de trafics, notamment de pétrole et d’armes. Grâce à l’argent récolté, le groupe a tenté de mettre en place un mini-Etat djihadiste, avec une police religieuse et ses « services publics » : réhabilitation d’hôpitaux, distribution d’argent aux plus pauvres, rénovation des routes…
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Les forces gouvernementales yéménites lors de leur victoire contre les djihadistes d’AQPA dans la province d’Abyan, le 14 août.
Face à cette montée en puissance, la coalition a activement soutenu une opération militaire qui a chassé en avril des éléments d’Al-Qaida de Moukalla, capitale de la vaste province du Hadramout (sud-est). Dimanche 14 août, des troupes yéménites, soutenues par l’aviation de la coalition menée par l’Arabie saoudite, ont repris Zinjibar, capitale de la province sudiste d’Abyan.
En parallèle, les Etats-Unis poursuivent leurs attaques de drones contre l’organisation djihadiste, une campagne entamée dans les années 2000. Ils considèrent en effet AQPA comme la filiale la plus dangereuse du réseau Al-Qaida.

Une situation humanitaire catastrophique

On compte désormais plus de 6 500 morts, dont 3 700 civils yéménites depuis le début de l’intervention saoudienne, selon l’Organisation mondiale de la santé. Le conflit armé a fait plus de 31 000 blessés et ne cesse d’aggraver une situation humanitaire catastrophique.
Selon les décomptes de l’Unicef en date du 24 juillet, 72 % de la population du pays, soit 19,3 millions de personnes, manque actuellement d’eau potable et d’infrastructures sanitaires. Les besoins en approvisionnement atteignent des proportions très importantes et touchent désormais les populations de dix-neuf des vingt-deux gouvernorats qui composent le pays. Plus de la moitié des habitants – 14,1 millions de personnes – souffre de la malnutrition due au manque de denrées alimentaires et autant de Yéménites n’ont pas accès aux soins.
Loin de ne viser que des combattants houthistes, les fréquents bombardements de la coalition des pays arabes ont également détruit de nombreuses infrastructures publiques. On estime qu’environ 600 hôpitaux et équipements de santé, ainsi que plus de 1 600 écoles, ont été gravement endommagés ou détruits.
Les combats qui règnent surtout dans la partie nord du pays ont fait fuir plus de 2,7 millions de personnes de leur domicile. Un peu plus d’un quart d’entre eux – 765 000 civils – ont pu regagner leur maison, mais font face à de graves problèmes d’hygiène et d’approvisionnement en nourriture et en eau potable, rendant les conditions de vie extrêmement difficiles.
Depuis avril, près de 180 000 Yéménites ont fui le pays pour trouver refuge dans les pays voisins (Oman et Arabie saoudite principalement, mais aussi Djibouti et Somalie), selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
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 Gary Dagorn
Journaliste au Monde

Vos réactions (2) Réagir
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PASANT il y a 5 semaines
Un embargo sur les armes à la destination des pays du Golfe s'impose ! Silence assourdissant du" Quai" .....
 
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tous humains ? il y a 5 semaines
La diplomatie internationale ne serait pas impuissante si elle le voulait car elle a les informations alors que nous n'avons que la "communication ".Seul le pape François dans l'avion qui l'amenait à Auschwitz ,nous a averti : "C'est une guerre organisée de domination des peuples ". Pleurons tous les enfants d' Alep ,de Gaza ,du Yemen ,d'Irak ,d' Afghanistan et de toute cette région .Enfants tués ,blessés,noyés,traumatisés à vie ,handicapés , réfugiés qui ont droit ,comme tous, à une paix juste
 

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