Sites emblématiques, entreprises en bonne
santé financière, marge de manœuvre réduite pour l’Etat : les deux
dossiers de 2012 et 2016 présentent des points communs.
LE MONDE | 14.09.2016 à 19h47 • Mis à jour le 17.09.2016
à 07h39 | Par Alexandre
Pouchard et Anne-Aël Durand
Le dossier pourrait empoisonner un peu plus le bilan de François Hollande à l’Elysée, certains évoquant un « nouveau Florange », en référence à la fermeture des hauts-fourneaux annoncée par le sidérurgiste ArcelorMittal pendant la campagne présidentielle de 2012. La comparaison est-elle valable ?
Suppressions d’emploi dans d’anciens fleurons industriels de l’Est
400 emplois à Belfort
« Alstom c’est Belfort, Belfort c’est Alstom. » Les
salariés qui ont manifesté lundi 12 septembre résument l’importance de
l’usine de construction ferroviaire installée dans la ville du territoire de
Belfort depuis 1879. C’est sur ce site qu’ont été conçues les
1 300 locomotives des TGV français. L’usine compte aujourd’hui
520 salariés.En raison de la « baisse de commande publique », Alstom a annoncé, le 7 septembre, la fin de la production de trains et locomotives d’ici à 2018, ce qui supprime 400 emplois. L’activité serait transférée sur deux ans dans les autres sites, « sans licenciement », assure le groupe. Toutefois, les syndicats s’inquiètent pour les 1 200 emplois indirects liés à l’usine (sous-traitants, commerçants, etc.).
629 emplois à Florange
C’est aussi un ralentissement des commandes qui a justifié en juin, puis en
octobre 2011 la fermeture provisoire des deux hauts-fourneaux de l’usine
ArcelorMittal de Florange, à 300 kilomètres de Belfort. En
février 2012, les syndicats réclament son rallumage. Le gouvernement fait
pression mais l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal est inflexible. Au
total, 629 emplois sont supprimés sur les 2 800 que comptait l’usine,
sans licenciement.Le site industriel de la vallée de la Fensch, en Moselle, implanté en 1948, était, comme Alstom, un symbole de l’excellence industrielle française à la fin des années 1970. Selon le rapport Faure, réalisé en juin 2012, l’usine était viable et même « l’un des trois sites les plus performants » d’ArcelorMittal. Quatre ans après, l’usine fonctionne toujours.
Deux entreprises en relative bonne santé financière
Alstom anticipe une baisse de commande
Pour justifier l’arrêt de production de l’usine de Belfort, la direction
d’Alstom met en avant une baisse globale des commandes après 2018. Pourtant,
après de graves difficultés financières au
début des années 2000 puis, plus récemment, en 2015,
l’entreprise va bien. Comme nous l’expliquions récemment dans
cet article, Alstom Transport a
dégagé 388 millions d’euros de bénéfices en 2015-2016, sur un
chiffre d’affaires global de 6,8 milliards d’euros.L’avenir n’est pas assombri, puisque son carnet de commandes compte 29,7 milliards d’euros. Mais il manque des commandes en France : les trains sont généralement produits près de là où ils sont vendus et la SNCF a récemment préféré l’allemand Vossloh pour ses futures motrices.
ArcelorMittal face à la crise de
l’acier
En 2012, au moment de la fermeture annoncée des hauts-fourneaux de
Florange, ArcelorMittal bouclait
un exercice faste, avec un bénéfice de 2,26 milliards de dollars
(1,29 milliard d’euros) en 2011. Le groupe était toutefois
« plombé » par une dette importante (23 milliards de dollars) et
a surtout ensuite connu une dégradation de ses comptes par la suite. Il a
enregistré en 2012 une
perte nette de 3,73 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros),
souffrant d’un marché de l’acier en crise, notamment en Europe où ses filiales ont
alors perdu de la valeur (dépréciation), pour un montant de 4,3 milliards
de dollars. Ses pertes ont été moindres mais réelles dans les années qui ont
suivi, jusqu’à atteindre 7,9 milliards de dollars en 2015.
ArcelorMittal enchaîne les pertes
depuis quatre ans
Résultat net en milliards de dollars.
-10 Mds $-8 Mds $-6 Mds $-4 Mds $-2 Mds $0 Mds $2 Mds $4 Mds
$20112012201320142015
Source : ArcelorMittal
L’Etat se mobilise, mais a peu de pouvoirs
Alstom : actionnaire minoritaire
Dans le cas d’Alstom, s’il a longtemps été l’actionnaire majoritaire après
la nationalisation en 1982, l’Etat n’a
que 20 % des droits de vote au sein du conseil d’administration du groupe.
Très précisément, c’est le groupe Bouygues qui détient les actions mais – alors
qu’il souhaitait vendre sa participation – a cédé son droit de vote pour une
durée de vingt mois (jusqu’en novembre 2017) après
un accord avec l’Etat, en 2014.Avec ces 20 %, l’Etat n’est pas en mesure de bloquer une décision, comme celle de fermer l’usine de Belfort. Son seul véritable levier consisterait à passer des commandes de trains à Alstom, par exemple pour des trains Intercités (une commande de trente trains est à l’étude). Mais, même dans ces conditions, le secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidalies, a reconnu vendredi 9 septembre que ces commandes ne profiteraient pas nécessairement à l’usine de Belfort.
Florange : un accord à l’arraché
Dans le cas d’ArcelorMittal, l’Etat n’était même pas
du tout actionnaire du groupe (même si le site de Florange avait été détenu
par Usinor, également nationalisé en 1981 avant d’être privatisé
en 1995). Autrement dit, les marges de manœuvres étaient moindres. Après
la victoire de François Hollande en mai 2012, le gouvernement a un temps
envisagé une nationalisation du site mais y a finalement renoncé après un
accord avec ArcelorMittal.Après d’âpres négociations, le groupe sidérurgique s’est engagé en novembre 2012 à investir 180 millions d’euros sur cinq ans sur le site, sans plan social. Quatre ans après, malgré la fermeture des hauts-fourneaux, le groupe a débloqué 145 millions d’euros pour des investissements réalisés ou en cours, recentrant le site sur certaines activités, et assure qu’un total de 190 millions d’euros sera finalement investi.
Florange reste un symbole pour François Hollande, car c’est dans cette usine qu’il avait fait la promesse d’obliger les groupes à céder les usines rentables. La « loi Florange », adoptée en 2014, s’est transformée en obligation de rechercher un repreneur avant de faire un plan social, et de rembourser les aides publiques versées deux ans avant la fermeture.
Vos réactions (11) Réagir
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Delalande Olivier il y a 2 semaines
Est-ce qu'Alsthom n'est pas en train de faire simplement du chantage pour
obtenir des commandes de la SNCF ? Car la qualité de ses produits n'est plus
compétitive, on s'en aperçoit maintenant que des trains Siemens et Bombardier
circulent en France.
HUGUES il y a 2 semaines
Nous sommes dans la CEE. Il n'y a pas de préférence nationale pour les
marchés publics sauf à se mettre à dos les autres pays de la Communauté
Européenne et la Commission Européenne. La SNCF doit acheter selon le principe
du moins-disant comme pour les administrations publiques. Elle est pieds et
poings liés par les règles communautaires malgré les rodomontades de
Montebourg. Ceux qui prônent la préférence nationale rejoignent le FN et sa
volonté de faire un "Franxit".
La Corrèze avant le Péloponnèse il y a 2
semaines
Arcelor en bonne santé financière ?? A cause des erreurs de management
"crasses" de Mittal (prix trop élevé pour Arcelor, achat de mines de
fer au Brésil au plus haut des cours du minerai), Arcelor a 20 milliards
d'Euros de dettes financières. L'OPA de Mittal sur Arcelor a été une erreur
monumentale, du niveau du rachat d'Alstom par GE. Ce groupe n'a plus les moyens
d'investir alors que les Chinois ont des aciéries flambant neuves. Le Monde est
à l'ouest !!
Grinand Luc il y a 2 semaines
je suis effectivement assez surpris de voir que la SNCF a préferé acheter
des motrices aux allemands alors qu'on a des usines en manque de commandes en
france. c'est un peu comme acheter des boeings au lieu d'airbus, enfin...
La Corrèze avant le Péloponnèse il y a 2
semaines
Pour commencer, Il s'agit d'une filiale commune à Deutsche Bahn et SNCF pour
des locomotives pour le fret et pas des TGV. Par ailleurs, vous et beaucoup
d'autres ignorez que Vossloh a deux usines en France très performantes et
fortement exportatrices, dont l'une justement à Reichshoffen. Bref, votre
commentaire ne vaut pas une vis de rail.
Grinand Luc il y a 2 semaines
mes plus plates excuses, monseigneur, j'ai naivement supposé que s'il y
avait une bonne raison au choix de Vossloh, l'article nous l'aurait indiqué. Je
crains fort que Le Monde -Oh traitrise !- ne m'ait caché cette information a
l'insu de mon plein gré. quoi qu'il en soit, vous me voyez ravi d'apprendre que
nous avons des usines toujours dans la course.
Grinand Luc il y a 2 semaines
je suis effectivement assez surpris de voir que la SNCF a préferé acheter
des motrices aux allemands alors qu'on a des usines en manque de commandes en
france. c'est un peu comme acheter des boeings au lieu d'airbus, enfin...
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