vendredi 8 août 2008

Inquiétude & Certitudes - vendredi 8 août 2008


Vendredi 8 Août 2008

Sarkozy a plus de pouvoirs en France qu'Hu Jin Tao chez lui

Quand le régime chinois se permettra un Soljenytsine !

Démocratie et droits de l'homme : ne plus imposer ce que nous ne pratiquons pas, porter la confrontation chez nous

L'exception européenne ?



Prier… [1] qui perd sa vie à cause de moi la gardera. Mais qui, aujourd’hui, perd sa vie pour sa foi ? par attachement à ce Dieu dont notre partie de monde, celui des pays riches, ignore ou caricature tout. Le martyre est une grâce, la souffrance et la mort ne le sont pas. Mais renoncer à soi-même est une invite concrète et d’exécution immédiate sinon facile. Là est le don suprême même s’il est quotidien et peu visible ni de soi ni d’autrui. Une communion constante à Dieu, une préfèrence de tout notre être donnée à Lui, cela ne se cultive pas, ne se conquiert mais, c’est reçu. Dans ce travail sur soi qui peut réorganiser le monde et la société, il n’y a plus ni esclave ni homme libre. A contrario, le sort de Ninive, prophétisé et effectif historiquement, quoique le livre de Jonas ait raconté sa conversion et son salut. Grâce de Dieu, mais responsabilité de soi : si quelqu’un… qu’il renonce… quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?

Donc, l’ouverture des Jeux Olympiques à Pékin. Bush, Poutine et Sarkozy, mais ni Gordon Brown, ni Angela Merkel, ni même Berlusconi… censément une liste de prisonniers dissidents. Tous ces pétitionnaires commettent la même erreur : le paradoxe chinois est que la dictature à Pkéin n’a sans doute pas, une seule tête ni un seul centre de décision. Les gouvernants européens et américain sont chacun, à peu près maîtres du jeu chez eux, en initiative législative et en exécution. Nicolas Sarkozy n’est pas discutable actuellement en France, ses décisions et ses projets sont sans appel : les cartes judiciaire et militaire, l’option de réviser la Constitution, la réintégration de l’organisation intégrée de l’Atlantique nord. Hu Jin-tao a certainement bien moins de pouvoirs de fait. Il doit convaincre un collège, et ce collège à son tour doit manœuvrer des cercles de force disparates. La démocratie française est centralisée, elle n’a qu’un responsable depuis quinze mois, quel est son nom ? la dictature chinoise ne nous est pas connue dans ses ressorts et l’unisson des foules ne gage pas un processus linéaire et rapide de décision politique. La Chine évolue, elle ne se décide pas elle-même. Elle est de taille à ne pas subir d’autres évolutions que les siennes propres. Le mondialisme la sert en tant que telle mais ne la pénètre pas. – Evidemment, le fait que la Chine – par les Jeux – s’enseigne à elle-même qu’elle prend enfin la revanche des « traités inégaux » d’il y a plus d’un siècle et demi et que sa puissance, son indépendance sont reconnues pour elles-mêmes. En ce sens, la critique extérieure de sa politique intérieure ne peut être ressentie que comme une certaine perpétuation des agressions étrangères. L’ingérence est une construction récente dans les relations internationales, elle n’a d’application que dans les pays contraints d’être plus ou moins ouverts aux influences étrangères, c’est le cas des pays dits riches, c’est aussi le cas de la plupart des pays décolonisés. La Chine n’est pas dans ces catégories, nos interventions à propos des droits de l’homme sont un jeu de mots qu’elle peut tolérer mais jusqu’à une limite qui a été franchie à Paris, au passage de la flamme. Interventions d’ailleurs qui sont à l’avantage autant de Pékin que de ses visiteurs, car on ne parle plus du Tibet en tant que tel et encore moins de son statut international. Du moins, le Tibet a-t-il un représentant considérable et considéré.

Il manque en revanche un Soljenytsine à la Chine. Quelqu’un qu’on laisse connaître à l’étranger…C’est peut-être parce que Khrouchtchev lut en 1956 son fameux rapport dénonçant les crimes de Staline que l’Union soviétique, moins de trente ans après et le régime communiste pour la Russie et l’Europe orientale, cessèrent d’exister. Puisque c’est le Kremlin qui permt l’édition de la fameuse nouvelle décrivant le goulag, d’où le prix Nobel en 1970, bien avant la dissidence… Qui sait le mot chinois pour la même technique d’esclavage sans rémunération en même temps que ces mises au silence définitif. Une brochure que j’ avais pas ouverte – trouvée au Val de Grâce, de source oecuménique chrétienne : Tien an Men, quand l'amnésie cache la répression. Les dissidents, les esclaves n’ont pas de nom ni de plume qui incarnent leur malheur et le cynisme du régime. Peut-être est-ce encore plus magnifique pour ces malheureux, mobiliser le monde précisément parce qu’ils ne peuvent qu’être anonymes. Depuis onze ans, censément le crime politique d’activité contre-révolutionnaire, a été banni de la législation chinoise, mais les « laogai » existent toujours. Harry Wu, qui en est sorti, après dix neuf ans, écrit (http//zenit.org/article13784 ?) : « Le jour où le mot laogai apparaîtra dans les dictionnaires aux côtés des mots camps de concentration et goulag, je pourrai mourir en paix ».

Je partage donc tout à fait l’apostrophe répétée de Daniel Cohn-Bendit, les Jeux de Pékin rééditent ceux de Berlin en 1936. Que l’U.M.P. et Patrick Devedjian trouvent le rapprochement monstrueux, est signe de santé, en ce sens que nous vivons effectivement le monstrueux, ce n’est pas l’offense qui est choquante, au contraire, c’est ce qui fonde l’apostrophe. La dépêche AFP rendant compte de la rencontre Sarkozy-Hu Jin Tao est éloquente, tout est de source Elysée, l’énergie présidentielle, la durée de la partie de l’entretien consacrée aux droits de l’homme, la liste dont cependant rien n’estdivulgué, et bien entendu, la réponse n’est pas donnée : qui l’aurait cru ? Quel mépris doit avoir le Chinois pour nous ! un président qui depuis trois mois supplie que ses compatriotes soient excusés, les Parisiens nommément, ceux des boulevards des Maréchaux… que serait-ce si nous étions sous la botte allemande, Pétain mettant dans la poche de manteau de Goering – de force, pourrait-on dire – sa lettre pour Hitler… Cohn-Bendit a raison d’ajouter qu’au moins les Etats-Unis sont crédibles quand ils réclament les droits de l’homme, chez les autres…

Je crois qu’il y a dans ces pétitions pour les droits de l’homme et pour la démocratie un travers profond, et que cela caractérise notre époque, c’est-à-dire nos faux-fuyants. Elles portent sur des comportement, de notions qui nous ont familières, que nous respectons plus ou moins, mais qui sont des références, des rites ancrés, difficiles, impossibles à défier ouvertement et dont nous n’avons raison – dans nos mauvaises époques, c’est le cas de la France depuis quinze mois – que par diverses contorsions sémantiques ou des législations d’exception. Or, cet acquis qui est notre fait, le fruit de notre histoire, est une importtion ou une obligation venant de l’étranger pour d’autres. Les faibles font semblant mais les circontances les révèlent : ainsi la Mauritanie, en ce moment, dont les cadres militaires n’ont aucune idée de la démocratie, des élections, d’une Constitution. Les forts nous manoeuvrent. La Chine. Il me semble que l’attitude cohérente et efficace serait de ne pas craindre la confrontation mais de la provoquer chez nous au lieu de la porter chez l’autre. Les droits de l’homme, la démocratie ne plus les réclamer chez autrui, observer chez les autres – si dissemblables qu’il est autant irrespectueux que vain de vouloir les changer et mener à nous – leur propres pratiques, leurs valeurs quand elle sont des valeurs, les ajouter éventuellement aux nôtres : je pense – par exemple – aux dipositions soviétiques sur le rappel d’élus devant leurs électeurs, qu’a tenté de proposer Ségolène Royal dan sa campagne. Donc pas d’ingérence idéologique, un dialogue sur les meilleures pratiques, comme nos oreilles en sont rebattues à propos de nos entreprises et dialogues sociaux. En revanche, coup pour coup, quand nous avons la balle. Pas de concession aux rites chinois en allant aux Jeux Olympiques. Au moins le boycott de la partie cérémonies politiques. La chaise vide. Le sport d’accord, puique le Comité olympique avait accepté Pékin, mai rien d’autre, ni de plus. Le Dalaï-Lama et tous réfugiés accueillis chez nous et avec égards. Bien entendu, notre propre exemplarité, la chasse aux sans-papiers, un ministère de l’Immigration, des camps de rétention ne sont pas en cohérence avec les leçons que nous donnons en Afrique, en Asie et ailleurs. Nous ne pouvons nous dire que si nous pratiquons ce que nous prêchons. D’ailleurs, cette mise en pratique – de plus en plus difficile chez nous – nous mettra à une meilleure écoûte de ceux que nous critiquons, peureusement. Et c’est cette écoûte – seulement – qui est recevable par ceux que nous prétendons amener à nos valeurs et à nos pratiques. Ecouter avant de parler, oberver avant d’asséner et apporter.

Un livre de Jacques de Witt, L’exception européenne, dont j’écoute la recension, me paraît décisif pour ces dialogues. Les mea culpa, les relectures critiques de nos histoires nationales en Europe, et surtout des projections extérieures de ces histoires : shoah, colonisation, génocides, traite, inquisition religieuse – seraient notre exception. La bonne conscience règnerait partout ailleurs. Voire… je pense qu’il y a partout des élites capables du relatif, du comparé et de l’universel. Ce sont elles qui doivent se rencontrer et former les prémisses d’un nouveau niveau, exigeant et très éclairé de la conscience mondiale.

[1] - Nahoum II 1 à 3 & III 1 à 7 passim ; cantique Deutéronome XXXII 36 à 41 passim ; évangile selon Matthieu XVI 24 à 28

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