mardi 12 août 2008

Inquiétude & Certitudes - mardi 12 août 2008

Mardi 12 Août 2008

Putsch en Mauritanie : les rares qui résistent
Importance décisive de la non-reconnaissance internationale
Jugement politique d'un éleveur-cultivateur et de sa femme
Le conflit géorgien
La lacune européenne : "la maison commune" selon Mikhaïl Gorbatchev

Prier…[1] s’il parvient à la retrouver… votre Père qui est au ciel ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu. Toute la leçon de l’utilité marginale faisant le prix décisif et vrai, selon les maîtres classiques de l’économie (notre cher Raymond Barre dit « Barre-la-science-po » par Le Canard enchaîné) est là, depuis deux mille ans et en termes de sollicitude, d’amour, donc de cette vraie version du désir qui est attente d’une réponse d’amour, qui est souci et volonté de rasemblement de tous, de communion. Dieu est le contraire d’une volonté de puissance ou d’un esprit de contrôle et de suscpicion. Dieu aide et relève, cherche. Nous cherche. Notre frère spirituel, C. sa formule si heureuse arce qu’il n’en élabore aucune, elles lui viennent naturellement, un climat d’enfance. Déjà, la liberté et la personnalité, mais la confiance a priori, l’abandon sans évaluation ni crainte à tant de circonstances et de paramètees, Dieu et l’amour familial faisant que cela ne tourne pas mal. Nous raisonnons en arrivistes, Dieu nous forme en enfants. A la méfiance substituer la confiance. Quelle est douce à mon palais, ta promesse. L’enfant croit à la promesse, ce serait même sa définition psychologique en même temps qu’il fait flèche de tout bois pour constituer son univers mental, les histoires que raconte notre fille, plus encore aujourd’hui qu’elle ne souhaite que nous lui en racontions. Elle nous rend ce qu’elle reçoit, elle donne. Ezéchiel nourri mystérieusement d’une parole que figure un livre. Ouvre la bouche et mange ce que je te donne. C’est ce qui sort de la bouche de l’homme qui le souille, pas ce qu’il reçoit. Le miel a moins de saveur dans ma bouche. Je le mangeai donc et dans ma bouche il fut doux comme du miel. L’Ecriture à tant de voix, les psaumes en refrains ou en fond permanents, les deux Testaments s’appelant l’un l’autre, nos mains jointes et notre cœur ouvert et disponible achèvent de former le quatuor. Les alliances.

Mauritanie – des correspondants, l’un des fils de Moktar Ould Daddah, le père fondateur dont j’ai été si proche de 1965 à sa mort en 2003, celui-ci pourrait être aussi le mien en âge. Chaleureux, affectif, décidé mais ne trouvant pas l’ouverture politique : il a d’ailleurs raison, la mémoire collective en ce moment est indécise. Le nouveau cours me paraît en fait devoir déboucher sur une ou deux décennies de dictature militaire avouée, avec la couverture d’antan d’une Constitution qui ne compte pas. Un autre, le fils de celui qui, aux côtés du père-fondateur, organisa l’armée mauritanienne, cause de tout et le revendiquant aujourd’hui, mais qui à sa naissance était un petit outil dont personne ne songea qu’elle serait, après la fondation et le plus souvent contre celle-ci, l’axe du pays. Chacun me courielle que la situation est confuse, que le bilan du président déposé (Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ancien ministre de Moktar Ould Daddah mais aussi, quoique moins durablement, du dictateur militaire de vingt ans, Maaouyia Ould Sid’ Ahmed Taya) est insoutenable. Le premier est le premier à me faire remarquer que le nouveau maître ne fait pas forcément l’unanimité, à titre personnel, non son coup, dans les forces armmées ; il condamne les politiques et craint un blocus financier des habituels bailleurs d’aide notamment humanitaire avec la crise sociale qui s’aggraverait. Le second relève l’attitude courageuse de Messeoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale et refusant tout arrangement avec les pustchistes, et aussi celle de l’éphèmère Premier ministre qui, à peine relâché, a convoqué une manifestation de soutien au président déposé.

Après les Etats-Unis, après… la France suspend tous ses concours financiers à la Mauritanie, sauf le strict humanitaire. Cette résistance de l’international pourrait intimider les putschistes si le principal parti d’opposition – il est vrai au président déposé – celui de son compétiteur : Ahmed Ould Daddah, demi-frère du président fondateur (Moktar Ould Daddah, au pouvoir de 1957 à 1978) refuse de les soutenir. C’est loin d’être acquis, malheureusement, mais « l’opposant historique » n’était pas en Mauritanie jusqu’à avant-hier soir. En sens contraire, il apparaît, dans la chronologie des manifestations de soutien – rituelles à chaque coup militaire – que bien des régions et villes de l’intérieur ne se sont ralliés au nouvel ordre qu’à partir d’hier. Je ne sais ce qui a été prêché à la prière du vendredi, aucun unisson n’étant d’ailleurs de rigueur.

Après qu’il ait fauché tout le jour autour de nos deux longères, politique générale avec mon ami éleveur de bovins et de chevaux de trait. Il nous voyait partir de bas en début du nouveau quinquennat mais il ne pensait pas que cela se dégraderait encore plus et aussi vite. Sa femme, au contraire, voit un redressement venir et l’imputera au gouvernement. Les Français sont certainement divisés de pronostics et d’appréciation sur les chances de succès des gestions actuelles. Celles-ci semblent moins personnalisées que l’an dernier.

Géorgie… La ténacité des Géorgiens. Le plus connu d’entre eux mais peu cité ces jours-ci : Staline. Après lui, le dernier des ministres des Affaires étrangères de l’Union soviétique. Francophonie répandue des dirigeants. Qui a commencé ? certitude que les menées indépendantistes de l’Ossétie du sud (enclavée) et de l’Abkhazie, la moitié et plus de la façade maritime du pays, sont à l’avantage de la Russie. Probabilité que la Géorgie a été provoquée ponctuellement mais qu’elle a pris l’initiative de réagir avec tous ses moyens. Elle semble y perdre la probabilité d’un accueil rapide dans l’Alliance atlantique. Les Etats-Unis sont inusuellement absent du conflit et laissent l’Union européenne – elle aussi, en passe d’accueillir la Géorgie en son sein – s’user dans les prémisses d’arrangement. L’avantage militaire est évidemment aux Russes sur mer, sur terre et dans les airs. La mission de Bernard Kouchner n’a été que d’éclaireur, la venue de Nicolas Sarkozy à Moscou, puis à Tbilissi, semble de peu de consistance. Le président français ne rencontre que son homologue Medvedev, or les choses sont dirigées par Wladimir Poutine. Celui-ci a fait sa popularité il y a douze ans, comme Premier ministre déjà, par la répression en Tchétchénie. – En attendant, mais quoi ? c’est le conflit classique qu’on croyait périmé. L’évocation du précédent des Balkans par le ministre français des Affaires étrangères, est malheureuse et inadéquate. La Serbie, en position de force au Kosovo, a été défaite par une coalition internationale et la logistique de guerre aérienne des Etats-Unis. On voit mal aujourd’hui que la Russie soit défaite militairement, on constate aussi que tous les anciens systèmes d’avertissements nucléaires ou de confrontations au Conseil de sécurité, au besoin à l’Assemblée générale des Nations unies sont inopérants.

La vraie lacune est dans nos constructions d’un nouvel ordre en Europe au sens géographique le plus large, depuis la fin de l’empire communiste. Nous n’avons pas su associer la Russie à la construction d’un nouveau monde, sous inspiration européenne. Nous avons laissé s’accroître la surpuissance améaricaine, nous avons mis à jour son instrument juridique qu’est l’Alliance atlantique en lui donnant une acception nouvelle : le terrorisme, et donc un champ géographique nouveau : le monde tier puisque le terrorisme est potentiellement mondial, surtout s’il n’est plus – censément – le fait des Etats. L’extension territoriale de l’Union européenne la rend pour une ou plusieurs générations ingouvernable et il n’existe pas encore un patriotisme européen de nature à dépasser les habituels clivages, hantises et systèmes nationaux. Nous cumulons aujourd’hui une quantité d’objections à chacune des relations de partenariat ou d’adhésion nouvelle qu’il serait utile d’opérer dans la logique même de ces extensions, et nous ne pouvons revenir en arrière, c’est-à-dire à une priorité donnée à l’approfondissement de notre intégration mutuelle. Une Union européenne – même étendue comme elle l’est – ne peut évidemment intégrer la Russie comme un nouvel Etat membre quelconque. En revanche, imaginer la relation la plus intime dans cette « maison commune » que proposa, en testament, Mikhaïl Gorbatchev amènerait aussi à considérer autrement le sort des Etats à la périphérie politique et économique de Moscou : le Caucase, l’Ukraine, la Biélorussie. Je crois Wladimir Poutine capable d’une vision géo-stratégique de cette ampleur, et surtout apte à faire des propositions, alors que ce soit toujours le fait de la Commission européenne, si rarement novatrice en relations extérieures. Il faudrait, en face, c’est-à-dire dans l’Union, une personnalité de même envergure et de même prestige. Le couple franco-allemand n’est plus qu’un jeu de scène pour les médias audio-visuels – qui ne trompe personne, surtout pas en Allemagne.

En tout cas, la relation euro-russe doit être une relation de communauté de substance, tous européens, même si certains comme les Anglais sont quasi-atlantiques, et d’autres comme les Russes, parfois quasi-asiatiques. C’est à cela que nous devons attacher tous nos efforts de conception, toutes nos préférences. La relation avec les Etats-Unis et celle avec la Chine sont des relations avec l’extérieur. Quasiment de substance aussi, la relation euro-méditerranéenne. Russie et Méditerranée, tests de nos capacités de surmonter deux méfiances essentielles : la vieille géo-stratégie, le racisme et l’intolérance religieuse.


[1] - Ezéchiel II 8 à III 4 ; psaume CXVIII ; évangile selon saint Matthieu XVI 1 à 14

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