Cher ami, Monsieur le Secrétaire
général,
il n'y a pas de phénomène Macron, il y a
la manière dont nous fonctionnons, dont celles et ceux qui
"font de la politique" fonctionnent, dont les médias rendent
compte et la manière dont les politiques se construisent en
images ou sont construits par les médias les uns sur les
autres, les uns contre les autres. Donc, de l'artifice, encore
et toujours de plus en plus.
Je n'ai pas aimé le changement de
Premier ministre en Avril 1974, je n'ai jamais cru à un
ministère de l'Economie, distinct de celui des Finances (et la
réunion des deux, à nouveau et comme depuis toujours, et à la
main de l'excellent Michel Sapin, dernier ministre en la
matière de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy, est
naturelle, donc bonne), sauf si ce ministère "indépendant"
correspondait à un programme de réintégration de l'Etat dans
l'économie nationale par des nationalisations (le système
bancaire pour ce qui est des dépôts) chaque fois qu'une
entreprise névralgique est soit en faute sociale soit en
perdition financière ou commerciale, était doté d'une forte
institution (tentative en 1968 de l'Institut du Développement
Industriel) et surtout avait pour mission principale une
reprise adaptée de la planification souple à la française,
telle qu'elle fonctionna de la Libération aux années
Mitterrand, quoique de moins en moins bien. Et je n'ai donc
cru ni à Montebourg, ni à Macron dans leur responsabilité de
ce portefeuille, le premier ayant parlé ou laissé entendre,
mais n'ayant pas fait valoir sa conviction à chaque prise de
décision, la plus emblématique étant l'épreuve de force pour
Florange, il n'a donc pas été l'homme qu'il voudrait être,
celui des nationalisations à façon comme outil de la
communauté nationale française. Le second a fait du catalogue,
n'a jamais su exprimer et donc encore moins justifier de vue
d'ensemble. Il a fait de la politique au gouvernement, il n'a
pas fait de politique économique.
Sa popularité ne vaut pas en termes
électoraux. Le personnage a tranché par son culot - c'est
l'école de Sarkozy, même si le langage et la gestuelle sont
autres - et donc accroché les médias en quête de coruscant.
Mais c'est tout, ce n'est ni une ouverture, ni une
perspective. Pour ma part, je n'imaginais pas qu'il ait commis
ou dit quoi que ce soit qui ne soit convenu avec le Président.
Comprendre qu'au contraire, c'était une contestation frontale
et lire de lui des appréciations sur la psychologie et la
personne du chef de l'Etat telle que j'en ai lu du
démissionnaire se confiant à tel de ses "conseillers", m'a
profondément étonné.
Je n'ai jamais trouvé médiatique
l'impétrant. Lui aussi, comme Sarkozy, comme Valls, a l'oeil
trop brillant, trop agressif. N'ayant pas regardé l'émission à
laquelle il avait été convié mardi soir, je viens de lire Ouest-France
d'aujourd'hui (qui produit d'ailleurs des sondages aussi
dubitatifs pour le futur candidat que le sont les commentaires
de presse et de divers économistes pour l'appréciation de ce
qu'il a produit à Bercy). La pétition de faire passer un
projet avant une personne n'est évidemment pas encore réalisée
: c'est tout le contraire qui continue de se manifester. Pas
l'once d'un proposition, d'une esquisse, d'une direction sur
des points décisifs en relations extérieures : la refondation
européenne, l'examen à zéro de la solidarité atlantique, et
rien sur notre vie nationale : la démocratie, nos acquis
millénaires et combien actuellement nous nous manquons à
nous-mêmes, à l'Europe, et donc au monde puisqu'il n'y a pas
d'Europe. Il n'y a aucune mise en évidence d'un orateur
charismatique, il n'y a pas (encore) d'écrivain étincelant, ou
profond, ou très simple à lire. Enfin, l'amnésie étant un des
éléments actuels de notre tolérance à presque tout, y compris
au ridicule ou à notre travesti à l'étranger, la biographie
d'Emmanuel Macron, vg. wikipédia, montre et rappelle des
éléments d'évaluation assez différents de ce qui est censé
courir actuellement en termes de son image : plusieurs années
la carte au PS, une fibre de gauche par legs familial, et du
Rothschild, pas beaucoup d'argent ni de recel certes, mais un
peu plus que la moyenne des hauts fonctionnaires. Et déjà les
conférences à la Sarkozy, et probablement un point de chute
chez Goldman ou de nouveau chez Rothschild en Juin 2017, voire
la place soit disant réservée à la France qu'occupe
actuellement Christine Lagarde.
Il y a enfin quelque chose qui manque
aux Français actuellement et qu'ils ne savent - nous les
premiers, cher ami - plus même demander, et qui nous a si
souvent caractérisé à nos propres yeux et à ceux de l'étranger
: la beauté et la question d'honneur. A l'évidence ce n''est
pas Emmanuel Macron qui va combler cette lacune, en commençant
sa geste présidentielle par une trahison, ou au moins de
l'ingratitude.
Reste ce que doit être le Président.
Vous êtes bien placé, cher ami, comme
votre chaleureux prédécesseur, pour savoir que je n'ai aucune
raison de fond ni de forme d'être en quoi que ce soit
reconnaissant au Président ni à François Hollande. Rien de ce
que je souhaitais - pour notre pays et à son propre avantage -
qu'il fasse n'a été fait. Ma proposition articulée de plus en
précisément dès son investiture par le Parti socialiste, puis
dans la première année du mandat, n'a pas été prise en
considération et aucun dialogue ni correspondance ne s'est
noué.
Je pense cependant que le Président
garde énormément de cartes, pas seulement parce qu'il est au
pouvoir pour plusieurs mois encore, et seul à l'être
pleinement. La conversion que je souhaite - ayez l'indulgence
ou l'amusement de lire les premières pages de la
politique-fiction ci-jointe - est possible et plus motivée que
jamais. Non pas l'aveu d'un échec, mais l'aveu que la manière
n'a pas été bonne ni pour gouverner ni pour se situer vraiment
en arbitre du fonctionnement des pouvoirs publics
constitutionnels ni pour vraiment répondre de l'esprit et des
chances de notre nation. La floraison de livres narcissiques,
sinon de justificatifs, a été un pari dangereux, tout avait
été dit mais avec nuance et empathie par Valérie Trierweiler.
Mais l'ensemble peut introduire une véritable rupture dans la
communication : une adresse au pays disant l'alliance entre
l'élu de 2012 et le peuple français, le type d'épreuves
affrontées (les catastrophes sociales - les législations
maladroites - les partenariats stériles avec une
représentation discutée du patronat - les assassinats en
nombre, même en masse dits terroristes ou djihadistes -
l'impasse européenne faute de solidarité, faute d'idéal, faute
de démocratie) et la manifestation sobre d'une compréhension
de l'état dans lequel nous sommes tombés. Et puis le silence
avec à l'avance un calendrier d'interventions directes sans
interrogateurs, le mutisme désormais de tout entourage ou
conseiller ou familier. L'écriture non d'un livre mais d'un
livre blanc donnant l'état du monde, l'état du pays, la
dialectique probable et les moyens de peser, d'infléchir.
Livre blanc présenté au début de 2017. Enfin, et alors éluder
la primaire et la transformer en question du Président à son
parti d'origine qu'il a contribué à redresser après le KO
d'Avril 2002, et à la gauche. J'étais avec vous, l'exercice
du mandat présidentielle m'a mené à vous manquer, et vous-même
vous n'avez pas eu la résolution de me ramener à l'accord avec
vous. Vous et moi nous avons compris. Donnons-nous, non pas
une nouvelle chance, mais la résolution de trancher en tout.
Ensemble.
Voilà ce que je vois et propose. Et
espère.
Pensées et voeux. Les temps d'illusion
appellent l'antidote. Je considère le départ d'Emmanuel Macron
comme un constat personnel d'échec personnel. Je nous crois à
un tournant avec l'ordonnance de référé de vendredi dernier
suspendant l'arrêté du maire de Villeneuve-Loubet (vilégiature
personnelle du maréchal Pétain jusqu'en 1944), la suspension
des négociations transatlantiques et la manifestation turque
d'empêcher à tout prix l'émergence d'un Etat qui est
nécessaire à l'Europe et aux rééquilibrages du Proche-Orient :
le Kurdistan (à constituer de quatre des Etats actuels). C'est
l'utopie qui fait l'Histoire. Notre pays et nos concitoyens le
savent. Nous ne sommes pas l'instant d'une génération, notre
responsabilité est de continuer à rester millénaires, ce que
nous avons toujours su faire, de mémoire transmise et choisie.
Pardonnez-moi d'avoir été long.
Que le Président change et il sera suivi
et même admiré.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire