jeudi 1 septembre 2016

adressé à l'Elysée - il n'y a pas de phénomène Macron, mais il y a l'illustration de la manière dont nous fonctionnons

Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,

il n'y a pas de phénomène Macron, il y a la manière dont nous fonctionnons, dont celles et ceux qui "font de la politique" fonctionnent, dont les médias rendent compte et la manière dont les politiques se construisent en images ou sont construits par les médias les uns sur les autres, les uns contre les autres. Donc, de l'artifice, encore et toujours de plus en plus.

Je n'ai pas aimé le changement de Premier ministre en Avril 1974, je n'ai jamais cru à un ministère de l'Economie, distinct de celui des Finances (et la réunion des deux, à nouveau et comme depuis toujours, et à la main de l'excellent Michel Sapin, dernier ministre en la matière de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy, est naturelle, donc bonne), sauf si ce ministère "indépendant" correspondait à un programme de réintégration de l'Etat dans l'économie nationale par des nationalisations (le système bancaire pour ce qui est des dépôts) chaque fois qu'une entreprise névralgique est soit en faute sociale soit en perdition financière ou commerciale, était doté d'une forte institution (tentative en 1968 de l'Institut du Développement Industriel) et surtout avait pour mission principale une reprise adaptée de la planification souple à la française, telle qu'elle fonctionna de la Libération aux années Mitterrand, quoique de moins en moins bien. Et je n'ai donc cru ni à Montebourg, ni à Macron dans leur responsabilité de ce portefeuille, le premier ayant parlé ou laissé entendre, mais n'ayant pas fait valoir sa conviction à chaque prise de décision, la plus emblématique étant l'épreuve de force pour Florange, il n'a donc pas été l'homme qu'il voudrait être, celui des nationalisations à façon comme outil de la communauté nationale française. Le second a fait du catalogue, n'a jamais su exprimer et donc encore moins justifier de vue d'ensemble. Il a fait de la politique au gouvernement, il n'a pas fait de politique économique.

Sa popularité ne vaut pas en termes électoraux. Le personnage a tranché par son culot - c'est l'école de Sarkozy, même si le langage et la gestuelle sont autres - et donc accroché les médias en quête de coruscant. Mais c'est tout, ce n'est ni une ouverture, ni une perspective. Pour ma part, je n'imaginais pas qu'il ait commis ou dit quoi que ce soit qui ne soit convenu avec le Président. Comprendre qu'au contraire, c'était une contestation frontale et lire de lui des appréciations sur la psychologie et la personne du chef de l'Etat telle que j'en ai lu du démissionnaire se confiant à tel de ses "conseillers", m'a profondément étonné.

Je n'ai jamais trouvé médiatique l'impétrant. Lui aussi, comme Sarkozy, comme Valls, a l'oeil trop brillant, trop agressif. N'ayant pas regardé l'émission à laquelle il avait été convié mardi soir, je viens de lire Ouest-France d'aujourd'hui (qui produit d'ailleurs des sondages aussi dubitatifs pour le futur candidat que le sont les commentaires de presse et de divers économistes pour l'appréciation de ce qu'il a produit à Bercy). La pétition de faire passer un projet avant une personne n'est évidemment pas encore réalisée : c'est tout le contraire qui continue de se manifester. Pas l'once d'un proposition, d'une esquisse, d'une direction sur des points décisifs en relations extérieures : la refondation européenne, l'examen à zéro de la solidarité atlantique, et rien sur notre vie nationale : la démocratie, nos acquis millénaires et combien actuellement nous nous manquons à nous-mêmes, à l'Europe, et donc au monde puisqu'il n'y a pas d'Europe. Il n'y a aucune mise en évidence d'un orateur charismatique, il n'y a pas (encore) d'écrivain étincelant, ou profond, ou très simple à lire. Enfin, l'amnésie étant un des éléments actuels de notre tolérance à presque tout, y compris au ridicule ou à notre travesti à l'étranger, la biographie d'Emmanuel Macron, vg. wikipédia, montre et rappelle des éléments d'évaluation assez différents de ce qui est censé courir actuellement en termes de son image : plusieurs années la carte au PS, une fibre de gauche par legs familial, et du Rothschild, pas beaucoup d'argent ni de recel certes, mais un peu plus que la moyenne des hauts fonctionnaires. Et déjà les conférences à la Sarkozy, et probablement un point de chute chez Goldman ou de nouveau chez Rothschild en Juin 2017, voire la place soit disant réservée à la France qu'occupe actuellement Christine Lagarde.

Il y a enfin quelque chose qui manque aux Français actuellement et qu'ils ne savent - nous les premiers, cher ami - plus même demander, et qui nous a si souvent caractérisé à nos propres yeux et à ceux de l'étranger : la beauté et la question d'honneur. A l'évidence ce n''est pas Emmanuel Macron qui va combler cette lacune, en commençant sa geste présidentielle par une trahison, ou au moins de l'ingratitude.


Reste ce que doit être le Président.


Vous êtes bien placé, cher ami, comme votre chaleureux prédécesseur, pour savoir que je n'ai aucune raison de fond ni de forme d'être en quoi que ce soit reconnaissant au Président ni à François Hollande. Rien de ce que je souhaitais - pour notre pays et à son propre avantage - qu'il fasse n'a été fait. Ma proposition articulée de plus en précisément dès son investiture par le Parti socialiste, puis dans la première année du mandat, n'a pas été prise en considération et aucun dialogue ni correspondance ne s'est noué.

Je pense cependant que le Président garde énormément de cartes, pas seulement parce qu'il est au pouvoir pour plusieurs mois encore, et seul à l'être pleinement. La conversion que je souhaite - ayez l'indulgence ou l'amusement de lire les premières pages de la politique-fiction ci-jointe - est possible et plus motivée que jamais. Non pas l'aveu d'un échec, mais l'aveu que la manière n'a pas été bonne ni pour gouverner ni pour se situer vraiment en arbitre du fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels ni pour vraiment répondre de l'esprit et des chances de notre nation. La floraison de livres narcissiques, sinon de justificatifs, a été un pari dangereux, tout avait été dit mais avec nuance et empathie par Valérie Trierweiler. Mais l'ensemble peut introduire une véritable rupture dans la communication : une adresse au pays disant l'alliance entre l'élu de 2012 et le peuple français, le type d'épreuves affrontées (les catastrophes sociales - les législations maladroites - les partenariats stériles avec une représentation discutée du patronat - les assassinats en nombre, même en masse dits terroristes ou djihadistes - l'impasse européenne faute de solidarité, faute d'idéal, faute de démocratie) et la manifestation sobre d'une compréhension de l'état dans lequel nous sommes tombés. Et puis le silence avec à l'avance un calendrier d'interventions directes sans interrogateurs, le mutisme désormais de tout entourage ou conseiller ou familier. L'écriture non d'un livre mais d'un livre blanc donnant l'état du monde, l'état du pays, la dialectique probable et les moyens de peser, d'infléchir. Livre blanc présenté au début de 2017. Enfin, et alors éluder la primaire et la transformer en question du Président à son parti d'origine qu'il a contribué à redresser après le KO d'Avril 2002, et à la gauche. J'étais avec vous,  l'exercice du mandat présidentielle m'a mené à vous manquer, et vous-même vous n'avez pas eu la résolution de me ramener à l'accord avec vous. Vous et moi nous avons compris. Donnons-nous, non pas une nouvelle chance, mais la résolution de trancher en tout. Ensemble.

Voilà ce que je vois et propose. Et espère.

Pensées et voeux. Les temps d'illusion appellent l'antidote. Je considère le départ d'Emmanuel Macron comme un constat personnel d'échec personnel. Je nous crois à un tournant avec l'ordonnance de référé de vendredi dernier suspendant l'arrêté du maire de Villeneuve-Loubet (vilégiature personnelle du maréchal Pétain jusqu'en 1944), la suspension des négociations transatlantiques et la manifestation turque d'empêcher à tout prix l'émergence d'un Etat qui est nécessaire à l'Europe et aux rééquilibrages du Proche-Orient : le Kurdistan (à constituer de quatre des Etats actuels). C'est l'utopie qui fait l'Histoire. Notre pays et nos concitoyens le savent. Nous ne sommes pas l'instant d'une génération, notre responsabilité est de continuer à rester millénaires, ce que nous avons toujours su faire, de mémoire transmise et choisie.

Pardonnez-moi d'avoir été long.

Que le Président change et il sera suivi et même admiré.

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