lundi 12 janvier 2015

courriel à l'Elysée - après ces cinq jours



Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,

le "succès" du Président et du gouvernement depuis mercredi matin est fonctionnel, c'est simplement un sans-faute. La vérité est que les Français ont démontré et se sont - par eux-mêmes et seuls - démontrés après vingt ans de sommeil, de tolérance et d'hébétude morale que la France n'est pas d'abord du matériel, de la statistique, du poids mais du spirituel, qu'elle est d'abord leur oeuvre et très secondairement celle des dirigeants de l'Etat ou des entreprises. Ceux-ci n'ont de vérité en eux, les Français, que s'ils leur correspondent. Hier, les Français et depuis mercredi se sont retrouvés en retrouvant par eux-mêmes, et non par leurs dirigeants, la France, leur propre France, et le monde entier l'a senti. L'appel du 18-Juin naguère a été une réponse à une attente. Celle-ci, provoquée par le drame, est antérieure à l'appel. Le génie du gouvernant, du politique, du général de Gaulle est de ressentir cette attente, de l'exprimer et alors seulement de l'incarner.

Dans cette lumière et dans ces conditions,

1° la politique et singulièrement les orientations économiques maintenues, malgré leur échec, par le Président et cela, en principe, jusqu'à un jugement qui ne serait pas celui des faits, mais de l'élection en bout de course, à la veille d'une élection présidentielle, en principe elle aussi dans deux ans et quelques mois -, doivent changer du tout au tout. La participation, la consultation, la planification. La pédagogie est paternaliste, c'est une forme de contrainte mentale qui ne marche pas surtout si la supériorité des pédagogues n'est évidente ni en savoir ni en expression

2° l'élection présidentielle prochaine n'est plus qu'à un tour, puisque la dispute sera seulement au premier tour pour la seconde place derrière Marine Le Pen. Le second tour allant alors de soi ; la réédition de 2002 sera sans surprise mais catastrophique, une grande part de nos impasses vient déjà de 2002

très immédiatement

3° le Président doit aller dans une mosquée, celle de Paris ou une toute petite dans les "quartiers" franciliens, ce serait mieux. Il est incompréhensible que ces journées aboutissent à un surcroît de mise en évidence et de révérence pour la "communauté" juive : l'Elysée le matin, la synagogue l'après-midi. La France ne supporte ni un qualificatif ni un génitif. Il n'y a que des Français et leurs hôtes immigrés et les sympathisants de la France dans le monde. Il est intolérable que le Premier ministre israëlien - heureusement ramené à la réalité par le nouveau grand rabbin de France - racole des Français à raison de leur religion et de leur race. Les Juifs de France ont leur foyer en Israël ! ? Non, c'est le langage sioniste dont la plupart des Français juifs ne veulent pas. Il faudrait également expliquer pour quoi - à l'instar des victimes de Mohamed Merah - celles de l'hyperkasher de la porte de Vincennes doivent se faire inhumer en Israël et non pas chez eux qui est chez nous, avec nous comme tout un chacun. L'antisémitisme ne devrait pas être une mention spéciale : ce n'est qu'une redondance du racisme à combattre comme tel et non comme un traitement à part et une culpabilité envers une "communauté". Deux erreurs de langage et de concept ces années-ci : communauté (ce dont quelques Français juifs et surtout les médias et les pouvoirs publics ont pris l'initiative, la bousculade pour le dîner annuel du CRIF) et territoire (pour ce qui est des gestions et des collectivités locales, initiative sémantique de l'Etat). La France n'est pas une addition ni de communautés, ni de territoires. Comme la République, elle est une et indivisible.

4° s'il doit y avoir une conclusion ce soir ou cette semaine dite par le Président en un bref discours du soir, ce ne peut être la langue de bois de ces temps-ci avec la barbarie, l'intolérable antisémitisme, l'unité nationale et la guerre, et même les valeurs de la République. Ce doit être - enfin - l'énoncé sobre que ce sont les Français qui apprennent à leurs dirigeants qui ils sont - eux les Français - majeurs, matures, gens de foi profonde et profondément doués pour l'union, l'amour fraternel. Et la promesse, l'engagement que les dirigeants politiques et de grandes entreprises se mettent enfin à leur écoute, y compris à l'école de leur bon sens pour le domaine économique et social

5° l'esprit européen a été manifesté par le monde entier et par les dirigeants politiques européens : cela n'a pas été dit dans les rassemblements et marches puisque - très heureusement - les manifestations ont été silence et vagues d'applaudissements, mais ce doit inspirer, porter la suite : la solidarité des Européens doit aboutir à l'élection directe de leur président et à la pratique référendaire européenne. Toute légitimité correspond à l'esprit d'un peuple, des peuples, elle n'est pas faite par la légalité, le droit, les institutions. Celles-ci en découlent seulement. On en est loin depuis plusieurs décennies

6° l'enseignement du civisme doit irriguer celui de toutes les matières scolaires et universitaires. Chacun en a pris conscience depuis des années. L'enseignement comparatif des religions et des grandes morales et conceptions du monde et de la vie mérite la formation de maîtres ad hoc, celle-ci étant faite par une mise en commun intense, chez nous, de l'expérience de l'Education nationale et des convictions des grandes fois religieuses ayant leurs adeptes et leurs encadrements chez nous. L'Eglise en France a commencé en ayant à l'Institut catholique de Paris accueilli la formation d'imams. C'est une nécessité à approfondir sereinement, puis à mettre en pratique. C'est manifestement désiré et possible, selon tous. Liberté de conscience mais nécessité d'une foi structurée, humaniste ou religieuse, avec la compréhension de la richesse d'un partage de ces convictions et de la connaissance des convictions et héritages de chacun. Si la politique a sa langue de bois, les protestations ou mises en commun entre hiérarchies religieuses en France ont la leur, à peine plus communicative car il n'est pas assez reconnu que chacune a eu sa période d'exclusive et de supériorité

Ne manquons pas cette chance que deux tragédies coup sur coup nous donnent, et qu' a confirmée le sans-faute du Président et de son gouvernement.

Mention particulière à Bernard Cazeneuve, tant fonctionnellement que selon le ton et le contenu de chacun de ses dires depuis mercredi.

Voeux et écoute.

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