mardi 27 janvier 2015

un point de vue : l'Arabie séoudite et Charlie-Hebdo - France-Amérique la différence... ou l'Allemagne ? par Hedy Belhassine

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mardi 27 janvier 2015

L'Arabie Saoudite est notre problème, Angela Merkel l'a compris



Merah était un sommet d'abomination. On s'est vite rassuré pensant qu'il s'agissait d'un loup solitaire qui avait contracté la rage. C'était il y a trois ans. Hélas, Maldoror de Lautréamont est toujours vivant, hideusement malfaisant « Qui l'aurait dit ! Lorsqu'il embrassait un petit enfant, au visage rose, il aurait voulu lui enlever ses joues avec un rasoir....» La France profonde a peur, elle se sait en guerre, mais ne sait pas contre qui. Nul ne lui désigne la cible. Elle cherche les sillons à abreuver de sang impur. Elle hésite entre l'ennemi de l'intérieur tapis dans les ghettos des banlieues et les lointains déserts d'Irak, du Mali ou de Libye. Contre une menace diffuse et des objectifs non identifiés, on bombarde deux fois par semaine au Levant, on aéroporte quelques bataillons au Sahara, on s'apprête à créer une agence de la « contre radicalisation et du vivre ensemble » sur le modèle de pôle emploi.

Si le marionnettiste du commando d'assassins avait l'ambition de fracturer la République, c'est raté ; mais si son but était de marquer la France sur la scène internationale, c'est gagné.
François Hollande qui est à l'écoute a immédiatement saisi le souffle de l'indignation unanime que la valeur première de la République pouvait rassembler : « que l'on touche à la liberté et Paris se met en colère » tonnait Mireille Mathieu pour célébrer le bicentenaire de la Révolution. Charlie est le symbole de la liberté à la française. Celle du bon et du mauvais goût, de la gaudriole, des gauloiseries et des grivoiseries. Celle de « l'Enragé » de « Hara-Kiri » et des hebdos anars des potaches de notre enfance. C'est sans doute pourquoi, jamais autant de citoyens n'auront marché derrière leur chef, un familier des « petites blagues » qui fronce les sourcils quand on s'attaque aux fondamentaux.

Mais dans la plupart des pays déistes où le blasphème est répréhensible, la fracture avec la France mécréante est consommée. La posture en réserve des Etats Unis marque les limites de la solidarité intra occidentale. Because « in good we trust »
A Doha, citadelle hight tech de l'intolérance, des manifestantes emburquées ont défilé derrière une bannière « we love Allah, we shall kill Charli ».
En Arabie Salafiste, où contrairement à la France, le boycott n'est pas passible des tribunaux, la presse aux ordres a demandé à ses lecteurs d'éviter d'acheter du « made in France ». Un débat s'en est suivi. À un commentateur suggérant à ses congénères de déserter la Côte d'Azur, de fermer les ambassades et subsidiairement invitant les musulmans de France à s'exiler en Arabie, un comparse répondit : « bonne idée, si vous pouvez organiser cet exode, tous les français vous en seront reconnaissants » Un Charlie d'Arabie plein de panache a trouvé le mot de la fin « vous pouvez boycotter tant que vous voulez, nous resterons libres alors que vous ne l'êtes pas ! »


Vendredi dernier, quelque part en France, nuitamment et en catimini, l'un des tueurs de Charlie a été enterré sous une tombe anonyme. Le même jour le roi Abdallah était inhumé à Riyad en Arabie. Selon la tradition wahhabite, nul signe ne distingue sa sépulture des autres inconnus du cimetière.
Ainsi, par une macabre coïncidence, le musulman le plus détesté et le musulman le plus courtisé se rejoignent-ils dans la mort. Le premier était un criminel de la pire espèce, le second était un roi de foi sans loi. La superposition de l'actualité a pareillement mis en scène un cortège de chefs d'Etats de la Place de la République à la Place de la Nation, puis quelques jours plus tard, à Riyad, un défilé de rois et de Président affligés par la disparition du monarque du pétrole.

À Paris, on se souvient que c'est Angela Merkel qui avait entrainé le mouvement de solidarité de l'internationale de l'indignation. Elle fut la première à proposer à François Hollande de manifester à ses côtés. Les Britanniques ne pouvaient pas être en reste, et puis, tous les Européens suivirent. L'Israélien flaira l'aubaine électorale, le Palestinien prit son sillage. D'autres dirigeants qui étaient de passage dans leur résidence de l'avenue Foch osèrent l'incursion rive gauche. On vit sur le Boulevard Voltaire des figures inhabituelles en ces lieux : un ministre algérien, un autre égyptien, un vice roi du Qatar, et même un prince saoudien...Tous apparemment unis dans le recueillement et l'indignation.

À l'annonce de la mort d'Abdallah, tous les yeux de la terre ont versé des sanglots. Certains pays ont même décrété un deuil national de trois jours pour que leur population puisse dignement pleurer la disparition d'un fossoyeur des libertés. L'Algérie s'est surprise à souffrir secrètement. La Tunisie à gronder ouvertement. N'est-ce pas chez le roi d'Arabie qu'est réfugié Ben Ali ? Le roi de Jordanie, celui là même qui était au premier rang du cortège Charlie, n'a pas fait dans la demi mesure, il a ordonné 40 jours de deuil à son royaume. Bravo !

A Riyad, les grands se pressaient pour présenter leurs condoléances, mais aussi et surtout pour faire allégeance au nouveau roi du pétrole et de l'armement. Salman, le successeur du défunt nonagénaire est plus jeune de dix ans. Il a immédiatement promis le changement dans la continuité. Il a intronisé provisoirement un Prince héritier et nominé sur le podium au troisième rang Nayef le jeune ministre de la puissante police dont la famille possède la charge depuis 45 ans. Il a aussi écarté quelques dignitaires des clans rivaux, mais la partie de mistigri n'est pas achevée, elle n'est que le premier épisode d'une soft révolution de Palais. Paris a-t-il joué les bons chevaux ?

Dans ce ballet des hypocrites de la scène internationale, Obama et Merkel se sont distingués.
Le Président US qui avait zappé les célébrations Paris-Charlie a attendu que la foule des grands se disperse pour aller faire une brève escale à Riyad au retour d'un voyage en Inde.
Quant à Angela Merkel, elle ne s'est pas déplacée. D'abord elle est femme, un genre secondaire en Arabie. Mais il semblerait que l'Allemagne, qui compte autant de musulmans que la France ait clairement identifié l'origine de la menace qui pèse sur l'Europe. Alors, la Chancelière a réuni son conseil de sécurité et décidé de suspendre ses ventes d'armes à l'Arabie Saoudite ; officiellement « en raison de l'instabilité dans la région ».
C'est une mesure inouïe qui préfigure peut-être un changement de politique – tous les rêves sont permis  - de l'Europe et des Etats Unis vis à vis du régime wahhabite, géniteur du cancer salafiste qui hante le monde.

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