vendredi 13 juillet 2012

seuls - publié par Le Monde du 8 Octobre 1981


Le 30 Septembre 1981, le conseil des ministres adopte le projet de budget, les grandes masses en dépenses comme en recette sont fortement augmentées : un impôt sur les grandes fortunes apparaît. Le lendemain, l’anonymat pour les transactions sur l’or est levé.
Le 4 Octobre, le franc est dévalué et les parités sont réaménagées entre Etats-membres du système monétaire européen. Certains prix sont bloqués pour l’alimentation et pour les services tandis que sont mises en œuvre des mesures en faveur des entreprises. Le 8, l’Assemblée nationale vote la nationalisation de la sidérurgie (Usinor et Sacilor), un accord est conclu entre Dassault et l’Etat. C’est ce même jour que Jean Auroux publie son rapport sur les droits des travailleurs.

Seuls

Depuis mai, ce n’était pas la tempête ni l’engrenage d’une succession politique comme à l’automne de 1968, et ce devait être la solidarité européenne pour poser les vraies questions qui sont celles du dérèglement monétaire international depuis le laisser-aller du dollar américain décrété en 1971. Ce ne serait donc pas une dévaluation mais des ajustements à la hausse et à la baisse de la plupart des monnaies de la Communauté, les une spar rapport aux autres. Le gouvernement l’avait laissé entendre depuis des semaines ; l’écart de dix points entre les taux d’inflation français et allemand, de ^plus de vingt entre le déficit budgétaire sur chaque bord du Rhin, fixait la fourchette.

Nous sommes seuls dès lors que nous ne prenons en compte que nos intérêts, que nos comportements ne sont que nationaux. Nous avons été seuls à voter pour le changement cette année ; nous sommes seuls à donner la priorité à la lutte pour l’emploi quand nos partenaires s’attachent aux équilibres monétaire et budgétaire ; nous sommes seuls à nationaliser des groupes bancaires et industriels qui, à entendre les réactions de l’étranger, devaient donc jouer de moins en moins la carte française si les pouvoirs publics ne reprenaient les choses ; nous sommes seuls à faire siéger les communistes au conseil des ministres. Nous sommes seuls, ce n’est pas la première fois, ce n’est pas la faute du président de la République ; c’est notre destin dès lors que nous voulons être indépendants à l’intérieur comme à l’extérieur. Nous le savions sous de Gaulle.

Les partenaires de M. Delors ne réalisent peut-être pas à quel point ils nous rendent service en nous comprenant si mal ; ils nous écartent de ces chemins atlantique et européen dont on disait que les socialistes seraient si désireux de les reprendre pour se faire pardonner le reste. Nous sommes seuls ; comme nous allons l’être dans le débat sur le budget communautaire et pour la révision de la politique agricole commune. C’est le début du réalisme et ce peut être la chance pour tous, nous et les autres, de discuter enfin sérieusement l’échelle des valeurs en économie internationale qui, du chômeur ou du spéculateur, du pauvre ou du riche, doit avoir l’oreille des banques centrales ? Car à Bruxelles on n’a fait qu’entériner ce qui avait été convenu au F.M.I. sous la dictée de M. Reagan, gouverné par l’arrogance et le dogmatisme de ses soigneurs.

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