vendredi 13 juillet 2012

la malédiction de la Vème République - publié par Le Monde des 27 et 28 Septembre 1981


Après que Pierre Mauroy, Premier ministre, ait fait, le 15 Septembre 1981 en réponse à une motion de censure déposée le 8 par le R.P.R. et l’U.D.F., une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, insistant sur une novation de la relation de l’homme avec le travail ce qui suppose la solidarité, François Mitterrand, président de la République depuis cinq mois, donne le 24 une conférence de presse sur le mode de celles du général de Gaulle  : ton, thèmes (indépendance de la France à l’intérieur par les nationalisations et à l’extérieur par la force de dissyasion nucléaire, stabilité des institutions et équilibre des pouvoirs) et présence des principaux ministres au lieu des « réunions » de presse qu’avait instiuées Valéry Giscard d’Estaing, pour plus de simplicité…


La malédiction de la Cinquième République

« La logique, c’est celle de mon pays », vient de déclarer, après l’avoir démontré dans sa campagne présidentielle comme dans ses cent vingt premiuers jours à l’Elysée, M. François Mitterrand.

A deux exceptions près, mais qui en restent au stade de l’interprétation, non encore des faits accomplis – et qui portent sur l’alliance atlantique, les engagements envers nos alliés, d’une part, et la manière la plus naturelle de faire le peuple juge, d’autre part, – de  Gaulle aurait-il parlé différemment de son ancien adversaire aujourd’hui aussi solidement assis dans son fauteuil grâce aux institutions par lui fondées et rodées ?

Croissance sociale, nationalisations pour conserver notre libre arbitre, exaltation de la vie associative, défense de la monnaie, dissuasion nucléaire renforcée, existence d’Israël mais patrie palestinienne, les principaux dossiers – comme le mimétisme dans l’exposé linéaire, dans beaucoup de formules et dans l’ordonnancement même d’une conférence de presse qu’on a sagement laissé longtemps désirer, – tout est dans la droite ligne tracée par le fondateur de la V° République.

Et pourtant, ceux mêmes qui se réclament de ce dernier n’y reconnaîtront rien, n’en seront pas satisfaits comme ceux qui, aujourd’hui, font la politique de de Gaulle, l’ont combattu naguère de toutes leurs forces…

Deux constatations en forme de dilemme. La première est qu’une fois au pouvoir, si l’on a pour logique uniquement celle de la France – et c’est cela grande resstauration du 10 mai dernier, – il  n’y a pas de politique de rechange sur les grands sujets. Il n’y a que la politique initiée en 1958 et dont les meilleurs de la IV° - n’est-ce pas président Mendès France ? – pleurèrent de n’avoir pas les moyens institutionnels. La seconde constatation est que la bipolarisation de notre vie politique accentue l’esprit de parti et aveugle automatiquement ceux qui ne sont pas encore ou plus davantage au pouvoir. Le souci de parvenir ou de revenir l’emporte sur un examen lucide et désintéressé de la politique menée par d’autres que soi.

Le dilemme serait donc presque que l’opposition serait par situation antinationale à proportion même qu’au pouvoir on se trouve, par situation aussi, national…

Pour en sortir, il n’y a qu’une direction : par le haut. Il faut en finir avec l’esprit de parti. Or c’est sans doute le penchant ou la lacune que devra le plus corriger le nouveau septennat en ses éléments constitutifs et en ses origines. Les cumuls de mandats, malgré les remontrances présidentielles, sont encore plus nombreux que sous l’ancien président. Les élus locaux et les ministres, non des moindres, se conduisent ou parlent souvent comme tels ; les élus locaux ne sont ni les seuls Français ni les seuls citoyens. La démocratie est à tout le monde. Pour casser l’esprit de parti, pour « déprofessionnaliser » la politique, le référendum d’initiative populaire mettant sur un point précis en cause une gestion nationale ou locale est un premier moyen. Prendre son temps pour l’instituer c’est peut-être, à terme, faire manquer d’air à l’ensemble du programme que la France a adopté le 10 mai et qui vient d’être si bien résumé.
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