J O U R N A L e n A S I E C E N T R A L E
Ouvrir une ambassade dans l’ancienne Union Soviétique
ma mission au Kazakhstan
Juin 1992 . Février 1995
Quoique formellement commencé le 16 Juillet 1992 et à Paris, à la veille de mon premier envol pour Alma-Ata (future Almaty), ce Journal aura intégré rétrospectivement les éléments ayant trait à l'ouverture de l'Ambassade de France au Kazakhstan et à ma nomination comme son premier titulaire – tous éléments qui remontent à la fin de 1991. J’y évoquerai aussi les premières évocations qui me furent données d’autres ambassades en 1983, puis en 1989. Il était initialement tiré : Journal en Asie centrale, car le directeur du personnel m’avait fait entendre que je serai également accrédité en Kirghizie et au Tadjikistan, peut-être aussi au Turkménistan.
Je l’ai tenu directement sur ordinateur et l’imprimais mensuellement. Personne n’en a encore pris connaissance. Je me suis relu qu’il y a deux ans pour un moment précis de ma mission : l’érection d’un monument à Spassk pour que soit gardée et honorée la mémoire des « malgré-nous » incorporés dans la Wehrmacht et faits prisonniers dans la bataille de Stalingrad, qui motiva aussi la déportation des « Allemands de la Volga » vers « les terres vierges » de Sélinograd – devenue Akmola, future Astana.
Ces lignes sont relues pour en améliorer la saisie – je n’ai commencé de rédiger à l’ordinateur (laborieusement, quoique dactylographe depuis mes quinze ans) qu’en Mars 1992 – mais elles ne sont pas « retouchées ». Les notes de base de page, limitées à l’indispensable, sont de 2012. L’exercice du journal m’est familier depuis Août 1964, sur cahier d’écolier puis dactylographié. J’ai distingué à partir de 1983 ma chronique intime d’éphémérides davantage communicables et faisant part à des proches de mes missions diplomatiques successives.
ma mission au Kazakhstan
chapitre I
Juillet 1992
Paris, le jeudi 16 Juillet 1992.
Finie la tranquillité qu'on ne vit le plus souvent que rétrospectivement et par cette brèche soudain qui s'ouvre dans le silence.
Hier, à la tour Elf-Aquitaine "place de la Coupole" à la Défense reçu par le président LEFLOCH-PRIGENT - Entrevue où parfois j'ai l'impression de relancer la conversation qu'il ne dirige guère tandis même qu'il baille souvent, présent pourtant de regard, le regard très beau, faisant avec la barbe plus que son âge (il est de quelques mois mon cadet, né en Octobre 1943 - et a "aussi" une relation personnelle avec FM tout en ne le voyant que sur convocation et en ne traitant des affaires de sa compétence en appel suprême qu'à deux reprises en dix ans. Il juge d'ailleurs que sur beaucoup de sujets, il n'y a pas d'appel ni de recours et que l'Elysée est vide. La mention de BIANCO le laisse indifférent et il a facilement à dire contre le Trésor et surtout SAMUEL-LAJEUNESSE lui ayant fait manquer des agffaires au Yémen en ne tenant pas parole, et la visite de FM à Oman n'avait d'autre but que de consolider en France... des positions acquises là-bas). C'est un homme singulièrement inquiet alors que le visage est amène et la position solide : ongles rongés ras. (16 heures 15 - 17 heures)
A Quai d'Orsay, Thèrèse de BOLLARDIERE, itinérante pour avoir à un bureau à elle seule, ordinateuers et papiers en bataille, visage un peu chiffonné et lavée par une vie que je ne connais pas encore, robe noire, petite taille de femme effacée mais discrète et qu'on peut - je le crois - s'attacher pour de grands dévouements. Ce que j'entreprends de faire. Elle me donne mon nouveau passeport diplomatique; semblable à l'actuel. M'annonce un projet de visite de NAZARBAEV en Octobre pour signer la Charte de Paris et se voir proposer un accord de coopération et un traité du modèle ukrainien et esthonien. Le télégramme "signé CROS" m'enjoignant de séjourner sans délai à Alma-Ata et sans esprit de retour à Vienne, l'a choquée par sa brusqueie ; cela m'avait semblé ainsi et cela fut reçu avec joie... ainsi aussi à Vienne. Elle me laisse entendre que mon excellent BOUQUIN du PEE déjà ouvert depuis Décembre 1991, a été mal noté par VIVIEN quand ce dernier est passé.
Vers les 21 heures 20, un André BRUN m'appelle au téléphone, m'ayant demandé par mon titre et s'imaginant que je le connais et le remets parfaitement. Ce qui n'est pas le cas, je le prends pour un deds hommes d'affaires rencontrés ces derniers temps. Stupéfaction, c'est l'ancien Conseiller culturel à Nouakchott qui séduisit la première femme de Jean-François DENIAU et dont j'étais, de mes 21 ans, une sorte de rival ; il est Consul général à Lisbonne, on lui promet Alexandrie faute de la "petite" Ambassade qu'il sollicitait et vient de recevoir un TD (coincidant avec les téléphones d'arrivée de son successeur) le mettant à ma disposition pour six mois afin de régler l'ouverture de notre Ambassade au Kazakhstan. Il a maintenant 62 ans, est toujoius avec la belle Dominique dont il a eu une fille ; un certain exemple de stabilité auquel je rends intérieurement hommage, mais j'ai toutes les raisons de m'ommposer à ce montage dont je n'ai pas été prevenu. Il parle en maître, ne m'a jamais été à l'époque et pour cause sympathique. Je ne veux pas le revoir ni travailler avec lui, ni non plus me trouver devant Dominique, avec en sus la sensation de revoir mon passé mais comme vieilli et gâté par le temps. Il projette de rompre son établissement lisboète le 1 Septembre, puis de passer la fin de ce mois à Paris pour y traiter nos dossiers. - Je lui dis ma surprise et que je réserve ma réponse et vais enquêter le lendemain à la DPAG. de fait... mais je lui dis aussi les circonsntances surprenantes, la réalité plus inventive que la fiction puisqu'en Avril 1990 j'avais commencé ce roman dont Dominique aurait été l'une des héroïnes surtout imaginées, et que je comptais maintenant le poursuivre. Aussi, qu'il me semblait en étant nommé pour tout commencer dans un pays qui commence, avec un président essentiel et dans un désert, aux chameaux il est vrai à deux bosses, revivre ce à quoi m'avait introduit la Mauritanie à mes tout débuts. Si je retrouve en sus les mêmes personnages ou presque... - Il prétend connaitre fort bien la femme qui a compté le plus dans ma vie, qui est probablement selon lui Geneviève, prétention de plus qui ajoute à toutes mes réticences. Bref, les emmerdements commencent vraiment...
Aujourd'hui vers les 08 heures (13 heures à Alma-Ata) Francis BOUQUIN m'appelle au téléphone. Il m'attend avec quelqu'un du protocole à l'avion de 06 heures 30 et me laisse la matinée car je n'aurai pas dormi de la nuit. L'après-midi, le Poste et le président de la Chambre de commerce. Mardi, les lettres de créance en même temps que deux homologues et au Vice-Président, NAZARBAEV étant en vacances. Je lui demande de s'assurer qu'il n'y a pas là de finesse. Puis d'autres rendez-vous surtout culturels, le ministre de l'Economie étant nommé Ambassadeur à Paris. Le lancement à Baikounour a lieu le 27 ; présence de l'Ambassader et du Premier Conseiller de Moscou, ce qui empêche mon homme de participer. Cette "compétence" que ne veut pas làcher Moscou m'agace, et sans doute est calquée sur l'attitude des Ruses et de leur Fédération. Les Allemands ne sont toujoiurs là qu'au niveau de chargé d'affaires et voudraitent s'attribuer les deux meilleurs étages des 3ème et 4ème plus spacieux et mieux chauffables, alors que la divison verticale avec ascenseurs indépendants est possible . LHOMME que revendique Tachkent mais que retient DEMAZY depuis la DREE est à Paris et cherchera à me voir. Donc, mon retour déjà décalé au 28 pour le mieux.
En train Paris Arpajon, via Juvisy - même jour.
13 heures 32 - La qualité des transports en commun ici - Les titres cde presse unanimes sur le" coup de barre " à droite de la convention des Démocrates américains.
J'apprends cette administrration. Manfestement les questions de gestion sont à traiter verbalement et en allant voir les gens ; ce dont je sors, rue La Pérouse :
- avec Gérard CROS, recçu deux minutes, tout est clair. il comprend à mi-mot pourquoi je récuse Anbdré BRUN. Fait... et que je préfère être seul et dans la difficulté pratique, plutôt que d'avoir des difficultés de personnes. Il m'annonce que le Budget recule un peu, que toute l'équipe pourra être constitué au 1 Janvier 1993 et sans doute recruté par anticipation dans le courant du dernier trimestre.
- avec Olivier CARON, il m'est confirmé que mon traitement est bien de 96 000 francs, plus les frais de représentation, lesquels sont fixés annuellement mais on peut encore négocier en ouverture de poste. De même, l'art. 33 du décret pertinent permet des cas de force majeure, où dans la limite des droits (pour moi 1.500 kgs, puisque je suis logé là-bas) je peux arguer de dépassements sur factures.
- avec Laurent KELLER au bureau des voyages, je comprends que je peux négocier mon voyage vers Alma-Ata en mission et donc tous frais payés. Je prends aussi photocopie de mes décrets et arrêtés de nomination.
- avec Michel BARAN qui suit les affaires de mise en route, l'option est prise que je ne parte qu'en mission. Sans doute vais-je y perdre, mais je serai en liberté encore ces deux mois ce qui est essentiel pour mes déplacements et je peux à tout moment, aller y prendre mes fonctions. Une Muriel SORET organise mes billets et frais de missions, attendant cependant l'ordre de mission pour le début de la matinée demain, et ce serait prêt en début d'après-midi, ce qui me promet des émotions avant mon TGV confirmé par ma chère... SP depuis hier : 16 heures 15 pour Vannes.
- au SIAG, un agent guadeloupéen prend note de mes désiderata de drapeaux, fanions et cachet de l'Ambassade. J'y rencontre
- Alain CHOLIN (SIAG. Inv. SO 2 tél. 40 66 62 87 et tcp. 40 66 72 25) qui me montre les photos prises sur les lieux et me donne son rapport de mission. On doit remettre au maître d'oeuvre qui sera la partie allemande (PEKRUL son homologue et le grand patron WYTTER) un plan d'aménagement. La négociation est pratiqiement bouclée : les étages supérieurs mais pas sensiblement mieux que les nôtres donnés aux Allemands qui abritent de surcroît les Anglais, nous donc seuls aux 1 et 2ème. Le rez-dechaussée pour des cantines, les visas et la sécurité. Celle-ci ne donnant pas lieu à logement ni pour nous ni pour les Allemands, mais un édicule est prévu pour la permanence. Problème d'ailleurs des rondes puisque les bureaux d'Ambassadeur pour le moins seront interdits à la nationalité autre. Il pense faire une nouvelle mission sur place courant Septembre. Je réclame que nous nous coordonnions, pour que je sois là au moment des décisions ultimes.
Manifestement, les discours divergent et l'on peut négocioer en étant sur place, aimable et affable. J'arrache ainsi l'annuaire de 1992 et les agrandissements de cartes montrant "mon" pays.
En vol Petersbourg . Alma-Ata, dimanche 19 Juillet 1992
Si je tente de conclure cette journée de "Russie" et de Saint Petersbourg, peut-être commencer par le surréalisme et aussi l'amitié.
- Le surréalisme, dès l'agence de voyage du Quai vendredi qui ne peut trouver de vol ni donc de réservation sur Aéroflot à cette heure de maintenant : 23 jeures 50 - 06 heures 30 du matin, et qui s'est poursuivi ce matin à CDG, puisque je dois réveiller ma mère pour avoir un début de référence, les horairees. Seconde phase, mon excédent, plus de 150 kilogs m'est offert par Air France mlais ne peut l'être sur Aéroflot ; j'ai craint toute la journée le pire (les quelques 12.000 francs que m'extorquai à l'époque Air France quand je prenais mes fonctions au Brésil, emmenant ma misérable machine à écrire de Munich...). Voilà qu'in fine, on m'annonce que j'aurai à payer, m... mais 260 US $, ce qui parait du vol à mon Timour, ou 5.680 roubles, ce qui au marché convenable ferait 50 dollars, que me trouve mon ami du jour. Je m'en tire donc à 250 francs, soit le prix de la consigne ) CDG pour trois jours et moins que ce que me réclamait un taxi de Vannes à Port-Navalo. Ce n'est pas fini. L'énorme avion qui m'attend et que je gagne - faveur, avec Timour - en petit car - est une véritable fusée vers je ne sais quel considérable voyage. On accède par un véritable escalier à une salle à casiers et à rangements étonnants, puis on prend un second escalier pour déboucher dan une cabine grande comme une salle de bal et absolument vide. Un avion si gros au total pour moi seul... La rentabilité. Je filme l'équipage de cabine, qui cependant m'adjuge la place 23 comme s'il n' avait pas de choix. Car on perd la boule dans ce pays. Voilà que des enfants entrent d'un côté, qu'arrivent comme dans une salle de cinéma des passants qui nonchalamment se cherchent leur place et voilà mon avion : peut-être 400 personnes, totalement plein, et moi qui croyais... Il me semble au total que le dépaysement est tel que lo'on va de surprise en surprise, les choses étant si différentes qu'elles désorientent l'esprit et le font à son tour divaguer encore plus fort que les réalités ambiantes. Du coup, je voyage le plus démocratiquement du monde, mais aux conditions du marché intérieur.
- et il y a l'amitié. Timour prétend qu'en France assurément les gens, les jenes gens doivent être comme ici, et ouverts et à l'étranger qui ne dit pas un traitre mot. Je n'en suis pas sûr. Certes si l'on mettait les conditons analogues, la forte somme en devises, considérable pour qui la reçoit mais assez dérisoire pour celui qui la donne, peut être le chauffeur de taxi vous paierait-il à boire? Je ne le crois pas non plus. Bref, des rencontres ébauchées et de toutes sortes : la conversation le long du croiseur Aurora, le groupe qui pinte à la forteresse Pierre-et-Paul, mais il y a même l'ambiance qui porte à 'effusion, le gardien de la cathédrale Saint-Isaac, et la jeune Vietnamienne, pantelante de chaleur amicale. Ce mariage vietnamien, et cette sorte sorte de danse nuptiale sur une des rampes de la Neva sur fond de Palais d'Hiver est aussi inoubliable que ce désert constant des avenues trop larges sans grand monde sur les trottoirs et surtout le quasi-vide d'autos et de publicité. Bref; tout ce qui peuple les villes occidentales absent, et en revanche ou en échange, la grande facilité de se rencontrer.
Ces deux choses dites, quoi donc me frappe :
- il n'y a de beauté communiste que dans le monument de la Résistance 1941.1945, en rotonde surbaissée, avec fond de musique et magnifique statuaire surtout dans les flanquements qui avancent. Le groupe centre est plus grêle, mais le cercle brisé est splendide. J'y ai pensé à mon cher René ANDRIEU qu'il me faut absolument retrouver. Le reste, les rituelles statues de LENINE sont quelqonques, et les bâtiments d'architecure stalinenne ou ce qui est encore construction sur les anciens modèles qui semblaient avoir peu évolué depuis les années 1950, sont laids parce que trop énormes. Heureusement, ils passent assez bien tant la ville est aérée et immense de tracé des avenues et des perspectives. Il y a les bâtiments du Parti, il y a quelques frontons, l'ensemble est insignifiant. Le communisme ne laisse donc rien, au moins ici, et la salle d’accueil de l'aéroport international est ridicule d'exiguité, de chromo et donc d'insignifiance. Cela peut aussi signifier que le communisme mordit ici moins qu'ailleurs, que la ville capitale garda ses traditions, et que le plan général avec ses ponts, ses îles, ses canaux se prête à la liberté, la flânerie, l'amour. Dans les pays de l'Est que je voyais depuis Vienne - dont la nostalgie m'a empoigné devant le Palais d'Hiver, Vienne petite comme une jeune fille qui aurait pourtant beaucoup de branche et de présence - les amants certes, mais venant chacun par eux-mêmes. Ici, il y a vraiment l'amour, le mariage, le couple si fréquent, avec cet autre personnage singulier : le soldat adolescent à la casquette immense et portée dérisoirement.
Fin de vol vers Alma-Ata, lundi 20 Juillet 1992.
03 heures 15 à Moscou, 06 heures 15 au sol, 01 heures 15 à Paris, à Reniac, à Argentière, à Vienne - Eveillé par une sirène, puis les cris de l'enfant. Le soleil levant au bout de l'aile gauche. Des taches roses au sol. Puissance des lieux, je ne peux plus raisonner ni comme à Vienne ni comme avant-hier en Bretagne . La journée dimanche à St Petesbourg, finalement vêcue comme mes introdutions de 1989.1990 dans les pays de l'Est environnant l'Autriche, s'est également évanouie. Une sorte d'inconnu à nouveau mais d'une autre sorte, celui de conditions de vie pour un temps indéterminé et qui me coupent des vies antérieures et va y ajouter décisivement. L'avion dort et s'éveille comm un caravansérail, pas une goutte d'eau ou une tartine. On a été emporté sans joie ni peine, ni manifestation. Là-bas, bientôt, je vais dormir, puis pris par la mécanique de ma fonctioin, j'aurai donc en après-midi locale, ma première journée in situ. Fortes turbulences. Et téléphonerai aux miens. Une Ambassade de plus aura été ouverte. + Dieu la bénisse.
Pénombre, puis un point lumineux au sol. Des trainées ocres comme au-dessus d'un désert, des replats soit en plan d'eau soit en neige. Les lumières toujours isolées, le lever du jour laiteux, des échappées d'usine laisant de l'ouate au bout d'une cheminée marron. Tout cela semble assez plat mais maintenant très proche. Mon royaume est sec avec des tâches vertes et des creux d'eau. L'horizon ne se voit pas et se perd avec ce qui reste de la nuit, à ma droite. La cabine énorme est froide. Je peux deviner mes gens déjà levés et qui sont à l'aéroport, à entendre l'avion qui vient de déployer ses aérofreins. Ma seule présence va aussi changer la tonicité de l'équipe commerciale, un relais se passe et pour eux l'époque pionnière s'achève. Il me faudra - pas seulement …
Alma Ata, hotel D. lundi 20 Juillet 1992.
11 heures 15 locales, soit 06 heures 15 à Argentière, Rome et Vienne.
Un certain bonheur. tout est facile. L'hotel qui convient, le premier contact avec le Protocole et mon équipe commerciale, et mon "portable" ici présent peut se recharger.
22 heures 30 locales - Je conclus sur le moment ce que j'aurais reporté ci-dessus de mes entretiens de la journée :
- l'accueil par deux structures. Celle du Poste d'expansion économique, deux Français Francis BOUQUIN que je connais depuis Avril et Paris, divorcé sans enfant, originaire plutôt de l'est de la France, sec et émacié, globalement impassible, qui a fait la première reconnaissance en compagnie de DEMASY, le géographe de la DREE en Décembre 1991 et ouvert le poste en Février 1992, en s'absentant malheureusement en Mars quand VIVIEN venait, et un Roland LOMME beaucoup plus jeune, ayant fait des études de soviétologie qu'il veut davantage à l'américaine (le peuple, les circuits du pouvoir) qu'à la TATU et aux fichiers de "kremlinologie" : il a travaillé avec CAFRRERE d'ENCAUSSE très sollicitée mais présente les quelques minutes qu'elle a accordées. Manifestement ambitieux, encore chasseur de bonnes fortunes et novice à la DRRE pusuqi'l y est arrivé par recommandation de BOUCHERON de la Commission de la Défense et du coup de Jean-Noel JEANNENEY. LOUIS, le grand patron des PEE dans l'ex-URSS est partisan de minorer le Kazakhstan et d'ouvrir à Tachkent en l'y envoyant ; lui s'y verrait chef mais que de lui-même, et ne dit ni oui ni non. Moi comme Francis B. voulons le garder. Intuivement en le quittant cette nuit, je lui recommande surtout la loyauté. Et celle des Affaires Etrangères (installées dans deux pavillons à décorations de bois sculptés à la chinoise et de plain-pied) représentée par le chef du protocole, de race kazakh, fine lame, dans ce genre d'affaires depuis quinze ans, des yeux bruns qui acceptent d'être regardés. Avec les premiers, un champagne au bureau (pauvre, trois pièces sous-louées à l'Association des écrivains que préside précisément SOULEIMENOV, l'écrivain russophone kazakh dont j'ai deux livres depuis Rennes et mon passage chez Gallimard) en compagnie du chauffeur d'origine russe et d'Elmira, la secrétaire d'origine kazakhe diplomée de ce fameux Institut des Langues étrangères où mon interprète actuelle Aigoul etc. est professeur. Avec les seconds, une converations de plus d'une heure sur le programme dees jours suivants.
- la ville est chaude de climat, très verte mais on se demande comment apparemment sans eau vivent tous ces arbres plus grands qu'en France mais feuillus et à écorce de la manière des chênes. Elle est tracée de grandes avenues rectilignes monotones ombreuses avec une circulation qui semble plus dense en persionnes et en véhicules que celle de Saint Pétersbourg. La montagne en est proche, que dans la chaleur ou par défaut d'orientation on ne voit pas vraiment. Celle-ci a des neiges éternelles, on y fait du ski quoique les éaquipements soient nuls. Pour mes collaborateurs, les JO d'hiver sont une vue de l'esprit car il y aurait à faire absolument tout. Je pense le contraire car ce serait lancer l'image du Kazakhstan et ce serait des marchés pour nous qu'aucun de nos concurrents politiques ne saurait convoiter localement.Ceux-ci ne paraissent pas davantage introduits sur les specftacles : il y a un cinéma kazakh qu'il faut voir éventuellement avec un interprète, une philharmonie, de très belles voix. Pas d'édition de disques CD. Il y a quatre mois de neige dans les rues, les feuillus dépouillés, tout est alors fort triste et gris.
- l'ambiance politique est indiscernable. Comme à St Pétersbourg, pas d'affichage ni commercial ni politique, pas de graffiti, aucune manifestation de présence d'Etat ou de politique, pas de police non plus. dans les avenues que j'ai parcourues ni véhicule de celles-ci ni les restes de caméras et de dispositifs de surveillance si évidents en Hongrie et en Tchécoslovaquie. J'ai sur le moment décidé de ne pas causer de problèmes au protocole et d'accepter donc de remettre mes lettres de créance demain au Vice-Président qui n'a apparemment aucun pouvoir propre, qui est d'ethnie Kazakh mais fort intéresant par lui-même, quitte à ce que j'ai - ce que n'ont pas eu les "autres" - une véritable conversation avec NAZARBAEV à son retour de vacances (actuellement à Yalta où il est parti seulement la semaine dernière et pour deux semaines encore). Les Kazakhs omniprésents dans les rues avec un élément chinois dont je ne sais pas bien les distibnguer d'autant qu'avec mes collaborateurs commerciaux, nous avons dîné chez un Chinois ; une belle femme, au visage net et en jeans, qui s'est abritée derrière un énorme éventail noir quand j'ai tenté de la filmer, puis y étantparevnue, elle m’a dit en anglais qu'elle n'aimait pas cela. Les Russes ? Les témoignanges sont qu'ils sont inquiets de leur avenir, que beaucoup cependant souhaitent une indépendance kazakhe et s'y attacher plutôt que de s'expatrier en Russie où ils seraient économiquement moins bien, mais les chiffres sur les % à Alma-Ata ou dans l'ensemble varient. 70 % selon certains à Alma-Ata, d'autes 40 %. Le Parlement date d'avant tous les événements, il y a un procès en cours sur la dévolution des biens du parti communiste au parti socialiste que dirige NARZABAEV. Celui-ci élu au suffrage univerel, mais à plus de 90 % qiuoiq'à la dernière minute soit apparu un co-lisitier, précisément le vice-Président, que je verrai demain. De ce que j'entends de la sé"cratiare Elmira, de la belle intreprète Aïgoul, ou de la journaliste libanaise que j'entretiens un moment après notre dîner et en présence de Roland L; au "Casino » : cinq quatre machines à sous, trois désoeuvrées "russes" et le tout dans un modeste sous-sol d'un hôtel peu discernable, quoique de bâtiments grandioses. L'Islam est une notion culturelle à laquelle on tient, mais on ne saurait pas même dire sa prière. Les noms que l'on ne prononce que sur ma demande, aussi bien de mon Poste d'expansion que du Protocole qui ne fait pas même allusion à la fonction : le Premier Ministre d'origine ukrainienne TCHERNENKO ou TETERTCHENKO... les autorités religieuses que je veux voir sur ma demande, mais auxquelles on ne pense pas spontanément. Les catholiqiues seraient inexistants et les protestants ne tiendraient que par les Allemands. Il y aaussi le personnge de SOULEIMENOV, l'écrivain qui aurait fondé un parti d'opposition et s'inquiéterait de la situation concrète des gens. telle que, selon les miens et la rumeur est à Moscou, maintenant un coup d'Etat militaire serait bien mieux reçu dans toute l'ex-Union que celui d'il y a un an. La fête nationale ne serait toujours pas fixée, et qui sait que c'est le 10 Octobre 1991 que le Kazakhstan proclama son indépendance.
- le jeu des puissances s'il y a, est flou. Après la Turquie et la Chine (où déjà NAZARBAEV s'est rendu, et va maintenant retourner cette fois de façon officielle), je suis le troisième à présenter mes lettres de créance. Vont me suivre d'autres mais qui ne seront pas résidents. L'Allemagne et l'Amérique en sont toujours aux chargés d'affaires, celui de RFA tournant tous les quinze jours, et celui d'Amérqiue, le futur Ambassadeur dont il était déjà parlé dans la prese américaien quand je fus à Boston en Mai dernier. La Turquie a l'image, elle constitue dans la conversation la grosse présence, avec des crédits et des bourses et surtout représente le désenclavement : la ligne aérienne récente vers Constantinople qu'utilisent le Américains. L’Allemagne aurait l'atout (et le handicap) d'un million des siens sur place, notamment dans le "nord" industriel et à Karaganda, et l'Amérique serait l'Amérique. Déjà une échénace, les 21-25 Septembre le voyage européen de NAZARBAEV, avec l'Allemagne et la Belgique. Ce qui tombe sur notre referendum , et donc me dérangerait personnelmemen,t puissue je pensais ne m'installer te ne tracvailler que plus atrd. L'évidence est que l'Eurppe doit commencer à Paris, donc le faire à la veille du referendum. British Gas et Agiop afafichent elur récent succès ; Elf Erap ert les >améeicains discrets.
- communications. L'évidence de la nécessité de lignes plus directes que les actuelles. Parti dimanche à 08 heures de Paris, je ne suis arrivé qu'à 10 heuresc 30 locales, soit 05 heures 30 du lendemain lundi à Alma-Ata, avec certes l'étape d'une dizaine d'heures à Leningrad mais aussi près de deux heures à Karaganda. Des lignes via Vienne et Kiev, ou bien la ligne turque via Constantinople, et en association avec Air France. Quant au téléphone qui d'un hotel comme ici reste manuel pour l'international, il est soit occupé depuis une heure, soit de communication difficile, dès qu'on ne sait pas s'exprimer aussitôt : ma première tentaive, ou qu'on ne sait pas le numérooù être rappelé : ma seconde tentative. Se faire relayer par satellite ? en attendant l'installation en lourd de l'Ambassade..
Mon intuition de départ, retrouver la Mauritanie se confirme à tous points de vue. Il y a même une lettre de SALL ABDOUL AZIZ qui m'est donnée et ouverte... Je ressasse devant les Kazakhs comme devant les collaborateurs du Poste mes trois raisons de choix du Kazakhstan : sa taille et donc ses potentialités, le fait qu'il n’y ait pas de doctrine sur lui, l'analogie avec la Mauritanie. Dans un tel contexte si dépaysant et si contraignant, encore suis-je privilégié d'entourage et de logistique (la poussive voiture blanche à laquelle on attache un fanion tricolore cousu par la femme du couple ami logeant actuellement chez Francis B.), il est enfin certain que ma décision pour Reniac est salavatrice. Au moment même où je quitte tant de catégorises et de sécurités qui pouvaient me suffire jusqu'à présent, j'en prends une autre, considérable. + 23 heures 30.
Lr risque d'une sorte de digestion par le pays, de perte des repères et du temps. Je ne pense que rationnellement et seulement à cet instant que, dans une semaine, je serai en train de repartir.
Ibidem, hotel Dostyk - mardi 21 Juillet 1992.
Eveil pénible à 07 heures puis à 08 heures 30 ; pas encore récupéré mon sommeil. Pas de souvenirs de rêves, le ciel paraît gros d'orages et les peupliers très haut semblent effrayés de trop de vent. dans la cour, posée à même le sol une antenne satellite. Je n'ai encore rien préparé de mes audiences d'aujourd'hui. Fatigue. Sentiment que tout est précaire parce que tout est à trouver et à installer. Coupure du monde puisqu'on ne peut pas communiquer facilement, qu'aucun magasin n'est visible.
Le petit déjeuner dans des salles somptueuses mais vides. Des bouts de jambon et de tomates, des cerises, une misérable théière. Des Américains dans l'ascenseur, j'ai pour voisin sur le palier la représentation locale de BASF et une société de commerce autrichienne, siège à Korneuburg.
On voit le réflexe troupeau qui pourrait se faire et de se raccrocher aux seuls éléments logistiques. Ou bien de s'en aller. On voit aussi que le change n'est pas si inégal d'être confortable conseiller commercial dans des pays de civilisation comparable à celle de la France, et j'y fus presque toujours, et être Ambassadeur sans troupes ni locaux. - 09 heures
17 heures 30 - Plus que ces conversations et débuts de relations "officielles", me paraissent significatifs ces comportements ou échanges rapides.
- juste avant le bureau où de part et d'autre d'un couloir est installé le Poste d'expansion économique, j'avise un groupe, surtout de femmes, assises au rebord d'une pelouse et qui disposent des étals comme aux Puces. J'y vais et pour filmer et photographier des visages. Comme dans presque toute la ville, telle que je la vois depuis hier, les femmes dès qu'elles ont un " certain âge " ont le fichu, de couleurs en général, noué derrière la nuque. Le milieu paysan à Pétersbourg le porte aussi et aux mêmes âges de la vie. Echec, ces dames, il y a en de physionomie asiate, et d'autres slaves, se voilent la face, se détournent, et trouvent que c'est une honte d'être photographiée dans une activité qui n’est pas la leur, elles ne sont pas commerçantes et ne sont que dans le besoin. L'une d’elles parle et nous engageons la conversation par interprète : leurs pensions sont minuscules et les prix montent, son fils travaille mais les petits-enfants sont à sa charge, les plus honnêtes n'ont rien, et ainsi de suite. Mon chauffeur, présent aussi, une fois que nous partons, commente que la bonne femme a tort; que l'on ne vit pas mal et que les gens honnêtes ont de quoi.
- avec Francis B. revient le thème du coup d'Etat militaire qui de Moscou, mais avec l'appui de tout ce qui stationne hors de Russie, y compris ici, aurait cette fois du succès, l'humiliation professionnelle, les avenirs personnels, plus encore que l'Unioin soviétique. Il ne donne pas tort aux Kazakhs dans leur souhait d'indépendance et de dignité car même ici les Russes estiment que les Kazakhs ne savent pas vivre et leur sont inférieurs. Les chauffeurs de taxi ont des poropos du genre de ceux que l'on tiendrait à Vienne vis-à-vis des ressortissants des pays de l'Est ou en France vis-à-vis des Algériens. Mais économiquement, le Kazakhstan ne peut vivre sans la Russie.
- avec le chef du protocole, les relations sont et vont demeurer subtiles. C'est lui qui m'apprend que le vice-ministre que je voyais ce matin a été à deux reprises et au total huit ans, à l'ambassade russe (il ne dit pas soviétique) à Pékin et que la Chine passionne ce dernier. Il a lui-même été en Chine et estime qu'on y redoute les développements en Russie mais qu'un priocès ou des indépendances en Chine du genre de ceux de l'Union Soviétique est impensable. La situation est relativement stable ; en tout cas, elle est très en mains. Avec lui donc, hier la passe d'armes rapide sur le fait ou non de la remise de mes lettres de créance au Vice-Président - pour laquelle j'ai donc cédé voyant que cela créerait une foule d'embarras à ceux qui ont déjà préparé la cérémonie et ne me le pardonneraient pas - mais il met sur le dos de Francis B. cette maldonne, lequel rectifie assez courageusement. Aujourd'hui, c'est en ne restant pas debout derrière les tables et en suivant l'invite du Vice-Président à venir aussitôt s'asseoir dans les fautueils et devant la petite table d'angle, que j'ai manqué au protocole et que donc Francis B. ne m'a pas assez commenté le manuel (en russe) qui m'a été remis hier. J'ai, d'autre part, excédé mon temps en cumulant discours et conversations privées, tous deux fort longs. sans doute, l'ai-je rasséréné peut-être par le contenu de mes dires et aussi par cette demande de m’organiser mes tournées dans le pays, dont je veux avoir fait le tour d'ici l'automne de 1993. L'homme me paraît fort intelligent, mais susceptible. Il me donne cérémonieusemnet ma carte de légitimation, signée et tamponnée de juste aujourd'hui, aussi nettement qu'il avait conditionné les débuts de ma mission par la date de cette remise de lettres de créance. Mais il n'est pas le seul. Le vice-ministre de ce matin laisse entendre que j'ai mis du temps à arriver, surtout selon la conversation qu'il aurait eue avec Jacques BLOT, et le vice-Président me demande si j'arrive pour m'installer ou pour séjourner. Moktar Ould Daddah n'était pas autrement vis-à-vis des Ambassades étrangères.
- enfin cet Ascar DOUZENOV plus compétent et tourné vers l'extérieur qu'expert des choses-mêmes de son pays. Il me semble à l’entendre que le régime est difficile à percer et à analyser. Chacun devant à l'autre et peu pénétrant les relations intimes de ceux qui exercent le pouvoir. Lui aussi revient donc sur les classifications tribales expliquées par Aïgoul hier après-midi (et aussi les Guides Nagel et Bleu...) et lui aussi omet le Premier ministre. Un personnage revient souvent : l'écrivain SOULEIMENOV, puisqu'il a fondé le seul parti qui semble de réelle opposition mentale, qu'il écrit et est donc connu à l'étranger, et enfin dont le livre de glaise a été porté à la scène sous forme de ballets.
Au total, il m'apparaît ce soir que
- les communications avec la France et l'Autriche... vont rester difficiles tant que je n'aurais pas ma logistique en propre. Sans doute, vais-je annexer une ligne directe pour l'international au PEE sur les deniers prévisoinnels de la Chancellerie diplomatique. mais d'ici là, expérience faite depuis le PEE : le fax ne marche guère; les télex sont adressés par une officine où parfois l'on flemmarde et où il est évident que rien ne peut être confidentiel, et depuis l'hôtel, ce sont les heures d'attente pour avoir la France. le passage par télex déjà en soi aléatoire pour que notre Ambassade à Moscou relaye vers Paris et en forme de TD … est lui-même un détour, et une gêne en sus de la subordination que cela représente.
- la vie pratique peut être agréable si l'on organise bien son matériel (heureusement j'ai mon ordinateur portable, et je mets sur disquette ce qui est repris au PEE à l'imprimante - j'ai un minimum de "sono" - et des fragments de bibliothèque...) et le spirituel ne peut qu'être fort excitant. L'immensité du pays, son archaisme politique et ses clivages historiques et ethniques - la beauté des races, sutrtout la Kazakhs et le métissage slave-asiate donnant des filles aux yeux bridés et bleus - la très probable magnificence des paysages et aussi du folklore.
- ma mission va être difficile. ce pays est politiquement ambigu et va le demeurer : les partages russi-kazakhs - les relations entre les deux ethnies et entre les deux Etats - le degré d'autonomie et d'indépendance - l'exercice concret du pouvoir. J'aurais aussi à naviguer avec une Ambassade à Moscou restée impériale par routine et aussi pour justifier ses crédits et son personnel nombreux, avec des doctrines mal élaborées à Paris sur mon sujet, avec des effets de mode et de rumeurs. J'avancerai sans doute sur tous ces terrains, j'arriverai à m'installer, il paraît que la vie sociale est facile, agréable et aisée, mais je vais demeurer devant des mystères. A vrai dire, qui s'attache à un pays et y vit, arrive cette conclusion, même si ce n'était pas son introduction... Et je crois que si je réussis ici, cela veut dire que je peux aller partout. La Mauritanie qui m'a enfanté, va donc continuer de me servir. Très symboliquement, cette lettre d'Abdoul Aziz SALL aux bons soins ici du Protocole à mon arrivée.
- enfin, je redis ce que j'éprouvais hier, mon achat de Reniac est provoidebntiel et décidé à l'exact moment où il le fallait. Providentiel plus au plan spirituel et même de mon équilibre psychologique, que sur le plan matériel.
A 14 heures 40, le chef du Protocole vient me chercher, voiture noire solennelle, pour la cérémonie. Petit loupé. Francis B. croyait que les admis à la cérémonie pouvaient être profanes. cela s'arrange cependant et mon commensal plus la dame de KTO et la présidente des Femmes écrivains seront de la partie.
Cérémonie de la remise de mes lettres de créance - au Palais Présidentiel à 15 heures - entre les mains du Vice-Président de la République ASSANBAEV.
J'y entre assez ému par la solennité des lieux. Le bâtiment énorme domine une partie de la ville. Il est récent. C'était celui du Parti, me souffle le chef du Protocole. Vaste terrasse pour qu'y tournent les voitures. Marches nombreuses au haut desquelles me salue le directeur du cabinet présidentiel, puis sur le seuil, uniforme blanc et casquette itou, mais sans la troupe ni la musique promises, un officier. - Mon interprète ne nous a pas encore rejoints et dans un ascenseur étroit où tout le monde, y compris l'officier et les participants de mon côté, parvient à tenir, on m'adjoint une femme entre deux âges, vêtue de vert et qui interprèete - écrit et oral - le Président lui-même. Je saurai par la suite que la traduction en russe de mon discours d'arrivée a été plus longue que prévue et que mes collaborareurs y ont travaillé, sans déjeuner, jusqu'à l'instant d'être introduits à la mi-temps. Un couloir, l'interprète verte me demande en quelle langue elle souhaite qu'elle fasse office. Je réponds : en kazakh. elle acquiesce. Je crois que je fais bien ; aucun visage n'est slave. Les Kazakhs y vont fort. La cérémonie est donc entre nous... mais j'ai préparé pour la remettre à mon Vice-Président une chemise contenant ma lettre personnelle au Président NAZARBAEV, la version russe de mon discours et l'original français de celui-ci.
On entre. Par une porte du fond et longeant l'immense table rectangulaire creusé en son milieu, un homme plutôt petit, et plutôt âgé, mais affable, encadré du Vice-Ministre que j'ai vu ce matin et d'autres que je ne remets pas. Je vais jusqu'au milieu, suis arrêté par son propre arrêt. Et lui tendant l'enveloppe de mes lettres originales, lui dis en français que j'ai l'honneur de les lui remettre de la part du Président de la République française, François MITTERRAND. Sans douite, est-ce comme cela que cela doit se faire. Je ne suis émui qu'un instant car au-delà de mon entrée en matière au Kazakhstan, ici, c'est une nouvelle profession, une autre carrière et sans douite en coincidence avec une autre vie - qui commencent. La pièce est haute, bien proportionnée, lumineuse, sans décoration ni fioriture qui attacheraient le regard. au fond à droite par rapport à moi, de la porte d'où est entré le cortège "adverse", deux fauteuils bas et une petite table, avec un bouquet d'oeillets rouges. C'est là que mon vis-à-vis m'entraîne et s'asseoit. Le protocole ne colle plus. Aurai-je à dire mon discoirs ? je le crois, commence à lire mon texte (cf. REL/GVTKAZAK) puis me lève pour continuer et mon partenaire reste d'abord assis, et se lève à son tour. On improvise, et sentant que mon texte avec son interprétation par groupe court de phrases, risque de tourner à la longueur, je l'abrège dès le second paragraphe, tenant cependant à l'essentiel, omettant les Rois mais maintenant Elf et Rennes, aussi les noms de nos Premier Ministre et Ministre d'Etat, mais nommant plusieurs fois M. MITTERRAND.
Nous étant assis, le Vice-Président ASSANBAEV parle à son tour. Je le fixe tandis qu'il s'exprime, et note à la volée tandis qu'il est interprêté.
Il fait paraît-il moins chaud qu'hier = 28 au lieu de 35, mais le temps qui semblait à l'orage cette autoore avec ciel noir, reste lourd. Dans la "suite de luxe" 510 : 29 à 18 heures 30.
18 heures 45 - Enfin, ma mère au téléphone. Ce n'est guère audible de part et d'autre, mais enfin... Intéressant ; certitude que mes communications seront écoutées ; la téléphoniste pensait que mon numéro était pour l'Autriche. Or, je ne lui ai pas encore demandé Thea. Elle m'avait demandé mon nom, ce qui était inutile puisque j'étais assez identifié comme numéro dans un hôtel, et savait donc par quelque fiche, que j'arrive d'Autriche... A voir demain avec le chargé d'affaires allemand, le futur premier secrétaire ; il faudra que pendant les travaux et à leur réception, nous soyons très vigilants sur ce point. Anecdote qui m'est rapportée hier ou aujourd'hui par mes gens ; les Américains ont déjà leur immeuble, et le chargé d'affairees (dont parlaient les journaux en Mai dernier à Boston notamment,) sera leur Ambassadeur dès que le Sénat en sera d'accord. En son absence, "on" a débrqué sur les lieux et tenté d'intimider le personnel en faisant comprendre à ce dernier, que de toute manière il serait rattrapé par les autorités locales. - Mon portable est codé et à moins de le faire ouvrir dans la maison mère IBM, inviolable, sauf à obtenir de moi la clé. - Cela vaut aussi pour les autorités locales ; un coffre dans chaque bureau aux Affaires Etrangères.
19 heiures 50 - Francis B. m'appelle, après plusieurs sonneries intempestives des erreurs qui avaient commencé avec BP. Le chargé d'affaires allemand a rendez-vous avec le vice-Maire d'Alma-Ata pour la date de dévolution de notre immeuble. Est-ce que je l'accompagne ? Que oui ! pour montrer aux Kazakhs que nous ne sommes pas les sous-traitants ou les subordonnés. Francis B. restera à un entretien que je ne saurai prolonger puisque je suis reçu par le Ministre des Affaires Etrangères à 10 heures.
21 heures 45 - Des restes de coucher de soleil du côté opposé à la montagne. L'antenne pour satellite a disparu. Il fait encore si chaud qu'on peut rester nu dans l'appartement. J'esaie d'avoir l'international à deux reprises pour déjà - à Paris - m'entendre avce GADAUD, le chef du protcoole - sur la date de NARZABAEV à Paris.
Je viens de dîner - viande de cheval et petites tomates comme une balle de ping-pong puis un indéfinisssable steak au riz et ax bambous - à la table d'un trio étrange : lui Turc architecte et chargé de renouveler le deuxième étage de cet hôtel pour en faire des bureaux, elle Kazakh et un tout petit homme drôle et disert, Kazakh aussi qui se dit chanteur et avoir été longtemps aussi connu, sinon plus, que SOULUIMENOV dont il voit les livres. Avec un groupe folklorique, il est allé une première fois à Stamboul en 1978 (il s'était produit en 1972 à Paris, Dijon et Marseille), et ce fut le choc d'apprendre l'histoire turque et de rencontrer la civilisation turque dont il dit faire partie. Revenu au pays, il passa ensuite pour un peu dérangé, tenant des propos contre le régime. - Je lui demande qui gouverne actuellement le Kazakhstan, me faisant passer pour un écrivain. Il répond sans hésiter : les vieux communistes. Peut-être veulent-ils changer, mais c'est dans leur cervelle, ils ne peuvent et s'ils le pouvaient, ils ne sauraient comment s'y prendre. NAZARBAEV le premier. Peut-être mes enfants et petits-enfants verront-ils la démocratie, mais on ne devient pas démocrate en deux ans. - Pourtant maintenant vous pouvez dire de telles choses - Ce n'est pas nouveau ! Depuis 1985 et la "perestroika" - Donc GORBATCHEV, mais pourquoi l'a-t-il fait puisque cela se retrouna contre lui ? - Il était frappé par les pays d'Eiurope, la Tchécolosvaquie, la Hongrie, l'Allemagne mais surtout la Pologne. Il a craint ce changement et a voulu ouvrir un petit peu, mais ce fut le torrent dès qu'on enlève un pierre. Ouvrir la télévision comme il le fit aux pays occidentaux, et les gens virent qu'il y avait des magasins et quelque chose dedans. Il ne fait pas allusion - le connaît-il, puisqu'il réside depuis Février bien davantage à Stamboul où il a ouvert un bureau de tourisme (me précise que la liaison directe - 5 heures - entre Stamboul et Alma-Ata - est bi-hebdomadaire) - au rôle politique de SOULEIMENOV. - Plus d'idéologie donc, on ne croit ni à Dieu ni aux partis. - Mais l'Islam et le fondamentalisme ? - Jamais au Kazakhstan, nos femmes n'ont jamais été voilées, toujours libres. Regardez : 2.000 mosquées à Stamboul pour sept millions d'habitants, mais une seule pour un million à Alma-Ata, et une vingtaine de villes très anciennes n'en ont pas une seule. Il me cite comme on égrène le chapelet, des noms de villes qui me sont totalement inconnues. - Et quie pensent les Russes ? - ELTSINE ne veut pas plus que nous d'une République sibérienne des Cosaques et nous lutterions contre.
Nous avions commencé par des propos mi-politiques mi-grivois sur la Turquie, moi posant la question des rapports gréco-turcs, que l'architecte juge polluée par la volonté des politiques grecs, puis celle des miens en Grèce et je le suppose en Turquie qu'ont les jeunes filles de sauvegarder leur virginité jus'au mariage. Démenti formel du Turc, que j'ai pourtant trouvé assez chaviré dans tout le dîner car il ne suivait pas notre anglais, tandis que manifestement, ils se comprenent couramment avec le Kazakh. Mon commensal qui m'aide à diminuer l'addition dont j'étais taxé puis à comprendre l'ascenseur ; il va au même étage que le mien, inscrit son nom dans mon carnet (Bahitjean JOUMADILOV)... Il est en train d'acheter un studio à Alma-Ata, pas cher dit-il : 250.000 roubles.
Beauté des serveuses, chacune dans son genre et toutes Slaves, avec une duègne pour les encaissements de même que ce matin, le thé et les samovar étaient réapprovisionnés par une dame patronesse du même genre.
Ibidem, dans la nuit du mardi 21 au mercredi 22.
01 heure du matin - Eveillé par la pluie. Il pleut goulûment mais on voit la Grande Ourse et l'Epi de la Vierge entiers.
Ibidem, jeudi 23 Juillet 1992.
19 heures 30 - Deux journées passionnantes, mais dissemblables de contenu. Je n'ai pu noter la premère en impressions d'ensemble hier soir tant j'étais fatigué en fin de journée, à quoi s'est ajoutée une quasi-cuite à la suite de notre dîner franco-allemand trop arrosé d'un faux (et infect) champagne et d'une vodka encore plus mauvaise et prétendûment de Finlande. Et j'avais peu dormi la nuit précédente, du fait de l'orage. J'ai donc du mal à me lever le matin, n'ai pas le temps de petit-déjeuner et ai été heureux aujourd'hui des fruits qui m'ont été présentés à l'Institut des Langues étrangères et m’ont permis de sauter aussi le déjeuner.
Ce qui me frappe maintenant :
- la ville a son caractère, elle est exceotionnellement verte, ses chaussées et trottoirs sont propres, aucune réclame oiu aucun affichage commercial ou politique, pas de graffiti non plus. Les bâtiments officiels sont presque tous laids, les immeubles sont moches, les eaxcliers les paliers et les seuls souvent repoussants d'une sorte de saleté indéfinissable, usure des pas. Transport en commun poussifs, variéts d'autocars tous vieillots, les tramways rares et sur certains axes, avec des pannes d'électiricté : tous surpeuplés. La ville parait bien plus animée que St Petersbourg. La chaleur y est tout à fait supportable, à condition de pouvoir aérer. Dans sa sacoche de toile (Elf), mon ordinateur a très chaud si je le laise dans la voiture. C'est aussi le silence. On ne crie ni ne parle fort, on ne klaxonne pas.
- série évidente des difficultés matérielles. Les communications. Moscou m'appelait hier soir, à peine audible. Paris me télécopie avec peine ; l'international est long à répondre et plus encore à établir la communication. Les décalages horaires sont gênants. Le logement en bureau et en résidence va être difficle à organiser. Ce que j'ai vu hier m'a mal impressionné. Magnifique pierre et marbre sans doute, mais les villas serrées les unes contre les autres sont trop petites pour moi et mal conçues. L'immeuble sur lequel SIAG et Allemagne ont jeté leur dévolu, est moche, étouffant, sinistre. Il m'est nécessaire de vivre dans un cadre qui soit beau ; vais-je y parvenir. Si la mairie d'Alma-Ata ne parvenait pas à faire libérer ces lieux , j'en serai fort satisfait.
- une série d'appuis humains précieux : mon interprète au français presqu'excellent ; l'assistant du représentant français d'Elf Aquitaine (qui m'a obtenu mes entretiens de cet après-midi) ; ce directeur à l'Education nationale, tous francophones ; enfin l'équipe de la Faculté de français à l'Institut des langues internationales. Je me méfie intuitivement de l'handicapé, correspondant local de Bouygues, que Francis B. juge informé, qui serait paraît-il le correspondant aussi de la DST ici ...
- l'accueil le moins chaleureux est sans doute celui des Affaires Etrangères. Celles-ci d'ailleurs ne me facilitent pas le voyage à Baikonour, que je vais donc faire par mes propres moyens dès dimanche midi, via je ne sais quelle ville secondaire. Ambiace de grande sympathie dès hiuer aoprès-midi à la Chambre de commerce et d'industrie. Aujourd'hui aussi à l'Education nationale. Le caractère national ici me parait fait d'une assez grande susceptibilité : je l'ai senti surtout aux Affaires Etrangères qu'il se soit agi du chef du protocole, du vice-ministre ou du ministre-même. Affabilité presqu'affectueuse (mais il y avait l'âge ou la mauvaise vue aussi) du Vicve-Président, tous kazakhs. Débrouillardise extrême de tous ceux que j'approche, y compris mon chauffeur et celui du Poste, qui sont russes : théière imposante (quoique peu de mon goût, mais c'est la norme locale). Cartes postales aujourd'hui, et d'ici mon départ quelques minéraux que je veux ramener à Thea. Mon chauffeur se dit ancien ingénieur en cirulation routière...
- la question des nationalités est partout mentionnée. Elle crève les yeux dans la rue et dans les entretiens que j'ai. Le ministère des Affaires Etrangères est manifestement tenu par les seuls Kazakhs. Pas de Russes à ma remise de lettres de créance. Ce soir, mes juristes semblent tous kazakhs aussi. Des endroits dans la rue, où tous semblent kazakhs, surtout à mon premier jour. Il me semble voir maintenant plus uniquement des Russes. Le seul vrai mélange que je vois, ce sont les vendeuses à la sauvette installées non loin du Poste d'expansion économique et avec qui je me suis entretenu le premier jour. Il reste que la pétition de la langue nationale : le kazakh est bien théorique. J'ai fait interpréter la remise de mes lettres en kazakh, mais tous les entretiens que j'ai eus jusqu'à présent ont eu lieu en russe. Manifestement, la grande majorité des Kazakhs-kazakhs ne sait plus parler sa langue nationale, ou hésite en parlant (exception le recteur de l'Institut des Langues étrangères) ; me dédcaçant son livre-cadeau sur l'ancienne cité d'Otrar, le président de la Chambre de commerce (tous trois, son assiustant et le futur stagiaire au CFCE sont kazakhs) écrit en kazakh mais en se reprenant et en rédigeant très lentement.
- la même observation vaut plus encore pour l'Islam. On me dit que l'on ne sait pas même faire ici la prière et que bien entendu personne n'a la moindre notion d'arabe. La pétittion officielle qu'il ne saurait ici y avoir de fondamentalisme ou de contagion intégriste me paraît fondée, par ce seul fait qu'il n'y a aucune base pour ce genre de propagande, pas de point d'appui même.
- enfin, et manifestement, une race fort intelligente, je pense aux Kazakhs-kazakhs. Les exposés de cet après-midi m'ont ébloui par leur qualité, et ausi par la compatbilité des trois exposés, la bonne entente intellectuelle, et la liberté de ton. En France les aurait-on eues ? compte tenu de notre vanité, de l'autocensure des hauts-fonctionnaires autant que du mépris intellectuel ou de l'instinct de supériorité que nous avons vis-à-vis de tant d'étrangers... Et tout autant des poètes. Le pathos et le lyrisme du ministre des Affaires Etrangères sur le lait de jument, la beauté des femmes, la longévité et surtout les lacs aux eaux médicinales et miraculeuses, la beauté des chevaux. Même exaltattion contenue et admirablement dite du président de la Chambre de commerce, commentant les images sur les fouilles d'Otrar.
J'ai pour le moment la tactique de ne pas parler de notre couplage avec l'Allemagne, et de faire valoir mon lien personnel avec François MITTERRAND. J'ai d'ailleurs été interrogé ce matin par ce professeur de français, père de tous les autres, à ce qui s'est dit... sur le fait d'être gaulliste et cependant l'Ambassasdeur de François MITTERRAND, ce qui m'a permis de tout raconter. Je fais systmétiauqsement ce récit de mes liens avec le Président, avec le Premier Ministre et de ce que j'ai tenu à être Ambassadeur ici.
Je suis enfin habité par mes deux modèles politiques. De GAULLE et MoKTAR Ould DADDAH. Je me sens en mission de totale fondation, en situation où je fais à une certaine échelle l'Histoire. Ce qui me fait oublier ma solitude. Providentiellement, je n'ai pas encore écrit de livres sur la Mauritanie ni sur mon grand ami, et c'est ici je le crois que je vais pouvoir enfin les rédiger. Manifestement, d'ailleurs, les analogies historiqiues, politiques et sociologiques sont nombreuses entre ma chère Mauritanie et ce pays.
Dîner avec l'Ambassadeur de Turquie (au balcon du Dostyk, 20 heures.22 heures 15). Un homme comme on se fait l'idée d'un Turc. Chauve, 55 ans, marié à 22, femme comme la gendarmerie française dit-il et jalouse, un chien croisé de caniche et de terrier, deux fils de 32 et 28 ans. Interdit d'hotel Doistyk (il semblerait que je sois le seul diplomate à y être autorisé), il est depuis son arrivée le 12 Avril à l'hotel Kazakhstan, à l'étroit. Son déménagement plus complet que ses bagages avion, a quitté par la route Ankara le 21 Juin, il l'attend encore. Il n'a de communication que télex et fax et avait proposé aux Kazakhs d'utiliser leur télégraphe : c'est assez confidentiel, mais vous pouvez lire avait-il fait. Il me quittera sur ma prise de congé, avec une confusion sur qui paye l'addition (637 roubles, dont je n'ai pas le premier billet sur moi) et comme je lui parlerai de mon précédent dîner avec un de ses compatriotes et le chanteur kazakh reconverti à Stamboul, il parlera de la manière d'otenir ici les conbtrats. Vous serez étonné de voir ceux qui vous demandent une commission, les gens les plus haut placés dans l'administration, mais qu'est-ce que 10.000 dollars pour un homme d'affaires.
Il a été touché de mon appel téléphonique dès mon arrivée, avait eu mon nom dès Avril par Ankara et comme il trouve dommage que je n'ai pu remettre mes lettrres de créance au président NAZERBAEV, et que je lui explique mon hésitation du premier jour, il me donne raison sur ma remise de lettres de créance au Vice-Président qui est très estimé dans le pays. Il a été premier secrétaire à Vienne dans les années 1970 et représentant alors aussi à l'Agence pour l’énergie atomique. Puis consul général à Francfort et à Nuremberg. De jolies expressions. Les affaires consulaires, c'est comme une casserole de cristal, vous frappez ici, vous entendez 200 notes, et là vous en entendez 100 et encore là une seule. Le Turc a une telle envergure et il est si sentimental, qu'il a au moins 100 problèmes. Alors avec 2.000 turcs, cela fait 200.000 pmroblèmes et avec 2 millions qui vivent en Allemagne...
Comme dans le même ordre d'idées, l'espionnage, je lui demande s'il faut se méfier des femmes. il répond que les femmes ici sont fort belles, qu'on dit même que les plus belles femmes du monde se trouvent précisément au Kazakhstan, les longues jambes, les yeux bridés, mais qu'elles sont la proprpiété commune et à ceux qui payent le plus. Bien entendu, elles racontent tout à la police.
A ma question : comment trouvez-vous le Président ? il répond par un portrait très fin, je crois, et en tout cas d'une belle tenue littéraire et psychologique. Un homme très intelligent. Quand vous l'écoutez, vous entendez des choses très intelligentes et très raisonnables. Il vit d'une vie commune et banale. Il chante admirablement et joue de même du tambourin. Tous les Kazakhs, tout le monde ici est très fier d'avoir un Président comme lui, dont on sait qu'il est respectable et respecté dans le monde. Sans doute, certains le critiquent. Il est tantôt européen, tantôt asiatique, tantôt entre les deux. En Orient, c'est une qualité, il est prudent : on lui reproche parfois cette prudence. Il va lentement. Il sait décider tout de suite, et exécuter immédiatement. Il en a les moyens mentax, et si j'ose dire physqiues, puisqu'il est au pouvoir. Il sait admettre les raisons, la raison de l'autre et dire : oui, vous avez raison, on va le faire, et on le fait. Il sait faire des virages, il sait aussi être sévère et refuser. Il est fier, mais il a su démissionner de son poste très important au Soviet suprême de l'URSS. J'ai parlé à de nombreux opposants ; ils le critiquent, mais je ne connais personne qui le déteste. C'est une grande qualité. Aucun homme n'est parfait, sinon sans doute Dieu et le Prophète. On le trouve parfois fautif, mais on l'aime.
Ibidem, vendredi 24 Juillet 1992
Dans son bureau, avec le président de l'Union des écrivains, Kaldarbek NAIMANBAEV (10 heures 15 . 11 heures 30)
Outre ABAï, et CHAKARIM, il me cite des écrivains de l'époque soviétique AOUEZOV, MOUSTAFIN, MOUKANOR,
Traduits déjà en français, Oljas SOULEIMENOV, et Abdeljamid NOURBEISSOV
Déjeuner chez le correspondant de BOUYGUES 13 heures 30 . 15 heures - Une facette de plus à ce personnage singulier qui nous commente des dates pour les prochains voyages européens de NAZARBAEV, retenues à la Présidence de la République, qu'il est censé hanter, mais dont il ignore que le titulaire passe ses vacances non localement mais en Crimée. Sur le Président précisément, il dit que lui seul existe, que le Vice-président (mais qu'il ne connaît pas) n'est que sa créature, qu'il était tout de même le Premier Ministrre, pouis le Premier secrétaire du Parti communiste, que dans la situation d'aujourd'hui, cela mérite tout de même examen. Il m'apprend l'existence d'un autre Coréen, celui-là faisant partie d'une déportation sous STALINE depuis les frontières du Pacifique pour écarter cette ethnie de ses frères annexés par le Japon, un peu comme on écarta les Allemands de la Volga des troupes avancées d'HITLER. Ce Monsieur NI aurait été l'assistant de NAZARBAEV dans ses débuts de Premier Ministre et serait toujours à la Présidence. Assertions assez effarantes sur la modicité des frais de mission à l'étranger de tous ces personnages : 170 francs pour cinq jours.
Comme je parle de mon intérêt pour les oeuvres d'art et autres, mon homme, fort démerdard quoique peu cultivé, se fait fort de rapporter - négociées en devises - des icônes de Moscou, pense trover ici des bronzes et aurait surtout des offres d'une vieille dame, de bijoux Fabergé ! Tout cela, exactement, ce que je convoite.
A l'aller comme au retour, nous empruntons une sorte de boulevard circulaire. Séries d'immeubles dans des quartiers neufs, qui ne seraient pas mal, si les abords ne faisaient autant terrains vagues. Bien disposés en quinconces avec des motifs picturaux et des couleurs beiges, roses ou jaunes qui vont bien. La barrière de montagnes vers le sud, dans une brume de chaleur à midi, si nette dans la verdure au sortir de mes fenêtres cette aurore. Des neiges éternelles au haut de triangles très équilibrés. La jeune femme de notre hôte serait prise sans difficulté pour une Vietnamienne : le corps menu, la discrétion, elle est tenue sous boucle à la maison, avec deux enfants de moins de deux ans. Dehors dans la cage d'escalier, quatre jeunes enfants Asiates fort beaux.
En fin de journée, la journaliste (Vera Victorovna AVALIANI) et le photographe de CARAVAN que je reçois en inaugurant mon gros service à thé, de 19 heures 15 à passées 20 heures 30. C'est un nouveau choc de dépaysement. A midi les escalopes frites et du vin français, mais dans des décors tellement loin de nos habitudes et avec des visages qu sont ceux de l'Asie. A présent, que la plupart de mes entretiens se font avec ces visagfes, je retrouve le physique européen, le bon type dont on s'attend à ce qu'il parle le français, et une assez jolie fille, aigue, triste et blonde un peu forcée, qui m'interroge pourtant sur ce qu'il y a plus différent de ce que je vivais il y a encore huit jours : mes impressions sur cette capitale, qui n'est pas belle, et sur une âme et ses poésies que je ne connaîtrai qu'en parcourant le pays, quoique j'ai à mon chevet les traductions de SOULEIMENOV. Je constate que ma politique d'image, à peu près volontaire et contrôlée, a eu son résultat. Je passe dans la presse d'une manière ou d'une autre chaque jour. Ils veulent me faire parler de moi et je démarre sur les relations entre le Kazakhstan et ma vie, ce qui me permet longuement la Mauritanie, puis l'on dérive sur la sculpture, la littérature, la ville elle-même, quelques thèses sur le marxisme, des informations sur Semipalatinsk, et beaucoup de choses sur la vie, les femmes, la beauté, la foi. Un peu dans le registre de ce matin. J’ai mis en évidence le chameau de feutre et la chèche brodée.
Auparavant, 16 heures - au sein d'une caserne et d'un centre de loisirs militaire, avec le Docteur Mikhaïl MIKHAïLOV qui tente de monter une clinique privée. Otto-rhino, je l'interroge pour le médecin du ministère sur les endémies, l'état sanitaire de la population surtout à Alma-Ata, et sur les vaccins et autres précautions à prendre. Il nous fait d'abord visiter son centre minuscule, dont les murs sont recouverts de semi-troncs d'arbres à la manière d'un sauna. On est dans la pénombre assez oppressés. Des malades dans trois minuscules chambres, deux patients, mère et fils soignent au laser (point rouge dans la narine et au coin de l'oeil, assez impressionnant) je ne sais quelle allergie. Notre homme est assez fier de tout cela. Sa fille a épousé un Français et sa mère était professeur à ce fameux Institut des Langues étrangères. Ventripotent, cheveux abondants, bouclés et gris, le regard très bleu, cherchant évidemment la sympathie et se la gagnant, il est - quoique je ne sois pas de la partie - assez précis et catégorique, pour ce que je veux rapporter à Paris.
Au Comité d'Etat pour l'économie, son président Tleukhan Samarkhanovich KABDRAKHMANOV, me reçoit (17 heures - 18 heures 15) accompagné de mon Conseiller commercial Francis B. qui en avait eu une mauvaise impression la première fois : impossibilité d'obtenri la moindre statistique ou même l'indication du PNB en valeur... (souvenir de ma chère Eliane M. ). Cette fois, c'est mon interprète qui est sur les nerfs : discours qu'elle juge insipide et ancien régime, et prétention de notre hôte à une francophonie au moins passive, le rendant pointilleux sur la traduction. Je continue d'avoir la tactique de plaire et d'écouter tel quel le discours direct, comme matière première du jugement plus tard, et sais depuis longtemps qu'on ne tire des gens que ce qu'ils sont et que ce qu'ils veulent bien spontanément, mis en confiance, donner...
Travaillé jusques vers 22 heures 30 à des lettres de confirmation de mes divers entretiens de la semaine, qui traduites après mon envol pour Baikonour, seront déposées pour préparer la suite.
Ephémérides sur ce dernier point qui se succèdent dans la contradiction. Résultat ? de ma lettre du début de la journée, transmettant la teneur d'une "lettre" de CURIEN à NAZARBAEV dans laquelle notre Ministre ne fait aucune allusion à des capacités propres du Kazalhstan mais au contraire fait des sciences et de la recherce un des ciments de la CEI et des " évolutions en cours " - nous aurons des places dans l'avion spécialement affrêté pour le lancement du cosmonaute. Départ lundi aux aurores avec l'Académie des sciences et tout un tas de personnalités et d'huiles, au lieu d'y aller par bnos propes moyens et plusieurs correspondances dès le dimanche matin... Cela à 09 heures 30 - btanjdis qu'à 18 heures 30 d'ici, je reçois de Vienne le téléphone de mon Patrick I. me lisant un message de Paris comptant que j'accueille et héberge le même CURIEN ici. J'ai dicté la teneur d'un fax disant qu'à mon sens, tout cela est dépassé. Mais la démonstration est asez angoissante de ce que je suis au bout du monde et de la chaine des communications, s'il en existe une. A l'heure où je termine ces notes, ma soeur Marie-Thèerèse et les siens sont sans doute à boucler leurs paquets pour prendre de bonne heure demain la route de Vienne ! Où il n'est que 18 heurees et sans doute le moment où Thea va prendre son train pour Trofaiach.
Cette nuit - minuit passée - me frappe surtout :
- l'absence de structures. Pas de religion, on ne sait plus prier et d'ailleurs on ne se considère pas comme terre d'Islam. Référence ce soir-même à des peintures rupestres d'OVNI et d'extraterrestres. Pas de langue propre, puisque les chiffres (qui les récemment publiés ?) serait que moins de 40 % des Kazakhs de souche parleraient leur langue ancestrale, mais les Russes ne sont pas pour autant chez eux ni en manière de v ivre, ni en gouvernement de l'Etat. l'économie est insiaissable, puiqu'on la dit de matières premières, d 'extraction et en crise de déboucés ou de oerformances à la transformation pour ce qui est de l'agriculture. On cherche ce qui marche. Pas de strict politique enfin, puisque la Consttituon en est aux lectures devant un Parlement élu dans l’ancien temps et dont les nouveaux partis en totalisant le maximum de leur prétention à tel contrôle de sièges ne rendent pas compte, de leur aveu-même. Pas d'information propre puisque les deux chaines viennent de MOsocu-Russie, ou Moscou-CEI ;
- le caractète tout théorique de tout ce qui se doit ou este ncors, puisque le Kazakhstan explicitement ne se donne que quelques mois d'a^ges, et d'une faiçon qui véritabelemenbt tranche sur la naissance ou renaissance de la plupoart des Etats ou des nations à la soyevraineyté en ce siècle, ne se trouve ni ne se cherche d'a ncêtre éponymes ou de précédent. Les réfprmes éconolmiques, la plupart des me,tions sur le nouveau cours sont en faiut des aveux que le changement est subi et non voulu, qu'il est le faiutd 'évolutons à laquelle on a su faire face d'autantqo'n était fortement frustré par les ethnocides et les cebntralismes de MPsocou, mais nulle part d'articulatyion d'un disocurs vraiment national. Il n'y a pas d'indépendance mentale, mais il n'y a plus de dépendance. Où se trouve-t-on psychologiquement, sinon dans un état de grande susceptibilité, de fierté en d'autres circonstances ;
- l'imppression d'acculturation et d'artifice a peut-être son fondement sur cette sensation que les Russes ne sont pas d'ici et que les Kazakhs ne devraient pas s'être sédentarisés. Ainsi personne n'est chez soi, dans une ville qui n'a ni centre ni monument, ni maintenant de raoson d'être puisque les notions de garnison ou de positon avancée contre la Chine n'ont plus de raisons d'être : l'expansion tzariste est terminée et le pays est censé être indépendante de Moscou et d'ailleurs regarde vers l'Ouest plus que vers l'Est qui ne lui appoorterait aucune ouverture. Cette impression se renforce dans la vie quotienne parce que les institutoons et les discours sonnent creux. Les esprits sont ouverts mais les politiques ne se fondent sur la disposition d'aucun moyen, d'aucune statistique et désormais d'aucun levier administratif. Ceux qui me reçoivent, où vivent-ils et comment ? dans une ville où il n'y a pas de lieux publics, pas de café, pas de cinémas, pas de « réclames », où les lieux de réunion : salles de spectacle, stades, musée comme celui de LENINE en reconversion accélérée vers un palais présidentiel, et qui ne fut jamais inauguré... L'agréable verdure accentue même ce désarroi de l'Occidental puisque les immeubles sont dissimulés dans tout le centre ville, le long d'avenues semblables les uns aux auttres. Restent des dédales dans le quadrillage des petites maisons sans étages et particulières, au plan carré, et ces terrains vagues où s'alignent imperturbables dans la lumière vive des centaines d'immeubles sans le moindre lieu de convivialité. Guère que l'apparition de marchés aux puces qui ne proposent guère que des vêtements.
Au lit, j'aborde d'Oljas SOULEIMENOV Le livre de glaise et aussitôt y trouve des réponses à mes interrogations de cette nuit. Le passé mythique est clairement revendiqué, la succession aux Scythes, dees ancêtres historiques, des empires et épopées subjuguant même les Assyriens au VIIème siècle avant Jésus-Christ. On est loin de Gengis Khan, singulièrement contemporain de nous, et aux "gouz" aînée, puînée, ou cadette, il faudrait substituer une division entre intérieur = ish et extérieiur = tash des Ogouz, dont les spécimens d'écriture se retrouveraient dans l'Orkhon-Enisseï aux VIème et Vème siècles. Langue qui serait parlée encore aujourd'hui. Si l'on ajoute que ce genre de propos est tenu par une personnalité en train de fonder un parti politique, qui semble le seul à s'évader des critères claniques ou linguistiques, puisque SOULEIMENOV considéré comme l'écrivain contemporain kazakh le plus populaire, le plus connu à l'étranger par les traductions qui en sont faites, écrit en russe... une piste s'ouvrirait dans une nuit que je pouvais croire complète.
Quant aux thèmes, ils sont splendides et étranges. dominés par l'absence de distinction du masculin et du féminin, par le rôle des Esprits, malicieux et possédant l'homme, par une abolition des repères temporels, et aussi par une curieuse obsession du... Persan, représentant l'ennemi traditionnel et aussi l'homme peu doué, ou peu chanceux. Avec de grands bonheurs d'expression, tels que
La beauté n'est que don ! (page 68 - Le livre de glaise)
Le bonheur angoissé de la grandeur (page 69 ibidem)
+ 02 heures du matin.
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