mercredi 4 juillet 2012

le 3 Juillet 2007, les répliques de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault à François Fillon, Premier ministre sollicitant la confiance


Réplique à la déclaration de politique générale faite par François Fillon,
Premier ministre, à l’Assemblée nationale, le 3 Juillet 2007

M. le président. La parole est à M. François Hollande.
M. François Hollande. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français ont voté.
M. Patrick Roy. La majorité s’enfuit !
M. François Hollande. Et leur choix nous engage tous.
Vous, au nom de la majorité, à tenir vos promesses. Nous, au nom de l'opposition, à offrir une alternative. C'est la règle en démocratie.
Nous sommes, les uns et les autres, conscients des enjeux. Ils ont été rappelés. Ils sont communs à notre nation : la mondialisation avec ses atouts et ses menaces ; l'Europe, qu’il faut faire avancer ; les changements climatiques, qui sont là et qui pèsent d’ores et déjà sur notre vie quotidienne ; les rapports Nord-Sud, qui dégradent les conditions de la paix dans le monde ; et encore la menace terroriste.
Oui, les enjeux en France sont toujours, après cinq ans d’une action conduite par la majorité sortante – il semble qu’on l’oublie parfois –, les questions de l'emploi, de la solidarité et de la démocratie.
Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, vous venez de présenter la politique de votre gouvernement. J'aurais dû dire celle du Président de la République – c'eût été plus exact.
M. Guy Geoffroy. C’est la même !
M. François Hollande. Certes, il en a la plus incontestable des légitimités puisqu’il l’a tirée du suffrage universel.
M. Alain Gest. C’est bien de le reconnaître !
M. François Hollande. Il a un mandat. Rien de plus normal, qu’il vous demande de mettre en œuvre son projet. Sauf que la pratique de l’exécutif, depuis l’entrée en fonction du Président de la République, marque une inflexion…
M. Jean Marsaudon. Une rupture !
M. François Hollande. …sans doute une rupture, une mutation vers ce que j’appelle « l’omni-présidence ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Omniprésent, omnipotent, omniscient, le chef de l’État décide de tout, évoque tout, intervient sur tout.
M. Jean-Luc Reitzer. C’était le meilleur !
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont décidé et l’ont choisi !
M. François Hollande. Et lorsqu’il ne s’exprime pas – cela peut lui arriver – ce n’est pas vous qui intervenez, monsieur le Premier ministre, c’est le secrétaire général de l’Élysée qui annonce le calendrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ce sont des conseillers présidentiels qui donnent le contenu des réformes. (Mêmes mouvements.) Au point que, sans vous faire offense, la question se pose de savoir quelle est exactement la tâche qui vous revient. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quel est le rôle qui vous est fixé ? Quelle est la responsabilité qui est la vôtre ? Et cette question ne concerne pas le seul exécutif.
M. Albert Facon. Cinq ans après, ce sont les mêmes qui sont là !
M. François Hollande. Dès lors que le Premier ministre est responsable devant l'Assemblée nationale, c'est aussi la place du Parlement qui se trouve altérée, modifiée, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen )
M. Bernard Deflesselles. Et la place du PS ?
M. François Hollande. …sans que nos institutions aient été modifiées.
En fait, reconnaissons-le, les uns les autres, nous vivons une dérive présidentialiste et nous sommes dans le faux-semblant.
M. Jean-Claude Lenoir. Qui est responsable du quinquennat ?
M. François Hollande. Peut-on, en effet, prétendre aujourd'hui que le Président de la République « veille au respect de la Constitution » et « assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » ?
M. Arnaud Montebourg. Certainement pas !
M. François Hollande. Que signifie encore l'article 20 de notre Constitution qui dispose, contre toute évidence, que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » ?
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Mitterrand ne faisait rien d’autre !
M. François Hollande. Et l'article 21 selon lequel « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement » ?
M. Bernard Roman. Quel mépris pour le Premier ministre ! C’est scandaleux !
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. François Hollande. Ayons l’honnêteté de constater une pratique qui s’est éloignée des principes et traduisons dans nos textes, non pas « l'omni-présidence », mais le nécessaire équilibre entre les pouvoirs.
M. Albert Facon. Absolument !
M. François Hollande. L’exécutif, et nous le reconnaissons, doit décider et agir. Mais il revient au moins au Parlement de délibérer et de contrôler, sans quoi la démocratie politique en vient à claudiquer, puis à fléchir et enfin à tomber. Vous nous proposez un exercice de réflexion institutionnelle. Nous l'acceptons à condition qu'il soit mené jusqu'au bout et sans fard. S'il ne s'agit que de corriger ici, de toiletter là et de n'offrir – et je l’ai bien compris – au Président de la République qu'une tribune de plus – celle de l’Assemblée nationale – cette réforme, je vous le dis, ne sera qu'un artifice supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Si, en revanche, le processus de révision de notre Constitution a pour finalité de clarifier les responsabilités, de répartir les pouvoirs et de rapprocher la décision du citoyen, alors, allons-y franchement !
Pourtant, monsieur le Premier ministre, pour aller vers la République moderne, vous ne prenez pas le chemin le plus court ! J’ai noté chez vous de la timidité, de la retenue ! Si l’on veut vraiment changer nos institutions, il faut lever les procédures qui contraignent jusqu'à l'effacement le législatif, c’est-à-dire le Parlement. Il faut lui donner, à l’Assemblée nationale en particulier, les moyens d'investigation et de contrôle de l’action du Gouvernement. Vous avez fait des annonces, mais nous ne voyons rien venir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont tranché !
M. François Hollande. Il faut aussi limiter le cumul des mandats, introduire une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale et réformer le Sénat, sans, ce qui serait un comble, le renforcer, en respectant l’équilibre des deux assemblées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Les sujets, on le voit, ne manquent pas, et il est urgent d’agir. Je souhaite qu’ils soient traités au Parlement et non dans une commission dont les membres seraient désignés par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) C’est ici que la réforme doit être décidée si nous voulons renforcer les pouvoirs du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La démocratie, ce n’est pas simplement la démocratie institutionnelle, c’est aussi la démocratie sociale. Sur ce point, je vous rejoins, monsieur le Premier ministre. (« Ah » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, essayons de faire prévaloir le contrat. Engageons la négociation collective. Ayons des syndicats davantage représentatifs, une représentativité fondée notamment sur l’élection. Mais là encore, allons jusqu’au bout : fixons le principe des accords majoritaires et de la hiérarchie des normes. Faisons en sorte que les syndicats majoritaires puissent engager les salariés et non pas tel ou tel syndicat minoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Enfin, la démocratie, monsieur le Premier ministre, et vous l’avez oublié dans votre intervention, c'est aussi le pluralisme. Celui de la presse est aujourd’hui menacé par le conflit d'intérêts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Tout à fait !
M. François Hollande. Lorsqu’un grand groupe industriel veut racheter la presse économique en fixant ses conditions, oui, le pluralisme est altéré !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. En effet !
M. Thierry Mariani. Vous êtes grotesque !
M. François Hollande. Quand un groupe audiovisuel privé veut être partie prenante dans la gestion du nucléaire civil, oui, c’est un problème non pour l’industrie, mais pour la presse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’attendais des propositions de votre part, en vain.
La démocratie, mes chers collègues, n’est pas une contrainte, ni un frein, mais une condition de la réussite, notamment sur le plan économique.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. La démocratie c’est le résultat des élections.
M. François Hollande. Vous héritez, j’en conviens, d'une situation économique bien dégradée.
M. Guy Geoffroy. Celle que vous avez laissée !
M. François Hollande. La « vieille croissance » dont vous avez parlé,…
M. Guy Geoffroy. La vôtre !
M. François Hollande. …nous la connaissons depuis cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Une croissance qui a été de manière continue plus faible que celle de nos voisins allemands notamment.
M. Guy Geoffroy. Et votre bilan ?
M. François Hollande. L'endettement public dont vous avez parlé atteint – niveau record – 65 % de la richesse nationale. Cet endettement public, c’est le vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez perdu les élections, monsieur Hollande !
M. Bernard Deflesselles. C’est fini la campagne électorale !
M. François Hollande. Les comptes sociaux, ce sont les vôtres, monsieur Fillon ! Vous étiez ministre des affaires sociales. Le déséquilibre des régimes de retraite – près de cinq milliards d’euros – et de l’assurance maladie – 6 milliards d’euros, ce sont les vôtres. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Peut-être n’était-ce pas vous, mais M. Douste-Blazy. Où est-il d’ailleurs, M. Douste-Blazy ? À l’Élysée, nous dit-on ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Et, que dire du taux de chômage, l'un des plus forts d’Europe ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez perdu les élections !
M. Yves Nicolin. Vous avez perdu !
M. François Hollande. Vous auriez mauvaise grâce, j’en conviens, à accabler l'héritage de vos prédécesseurs puisque, si je puis dire, vous êtes l’un d’eux ! Ce bilan est donc le vôtre. Parler de rupture aujourd'hui signifie que ce bilan n'était pas fameux.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont décidé !
M. Yves Nicolin. La campagne est terminée !
M. François Hollande. Vous nous proposez un contrat avec de grandes réformes structurelles. Sur leur intitulé, nous n’avons pas d’objection. Et si nous pouvons nous retrouver pour donner des moyens supplémentaires à l’université, à condition que ce soit pour toutes les universités, et pas seulement pour quelques-unes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen),…
M. Bernard Deflesselles. Il faudra voter le projet de loi alors !
M. François Hollande. …à condition aussi qu’il puisse y avoir un plan social étudiant et un lien avec la recherche, nous y sommes prêts car nous sommes là devant l’un des grands enjeux de l’avenir.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Chiche !
M. François Hollande. Oui, chiche, faisons-le et allons jusqu’au bout !
Mais lorsque vous parlez de réforme de l’emploi et du marché du travail pour justifier l’introduction du contrat de travail unique, je vous préviens d’ores et déjà : vous entrez dans un processus qui n’est pas éloigné du contrat première embauche (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire )…
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont tranché !
M. François Hollande. …et qui consiste à faciliter le licenciement au prétexte de favoriser l’embauche. Ce n’est pas là la voie de la concertation.
Que proposez-vous aux salariés avec ce contrat unique de travail ? Des garanties supplémentaires ? Mais où sont-elles ? Des droits ? Mais où sont-ils ?
M. Yves Nicolin. Attendez !
M. François Hollande. L’accompagnement individuel ? Mais où est-il ? La fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC ? Mais que pourra bien faire au salarié licencié la fusion de ces deux organismes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Marc Roubaud. Nul !
M. Jean-Pierre Soisson. Démagogie !
M. François Hollande. C’est sur la politique de croissance que nous nous confronterons vraiment. Je considère que votre paquet fiscal, votre choc fiscal, est économiquement inapproprié (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ) socialement injuste et budgétairement aventureux !
M. Jean-Marc Roubaud. Vous ne le connaissez pas !
M. François Hollande. Il est économiquement inapproprié, car votre politique n’est ni une politique de la demande, ni une politique de l’offre.
M. Georges Tron. Mais les deux !
M. François Hollande. Elle n’est ni conjoncturelle, ni structurelle. Votre politique se résume à des cadeaux faits à des Français qui n’en ont même pas besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Vous prétendez encourager l’entreprise, mais le paquet fiscal n’avantage que ses dirigeants. Il signifie la fin de l’impôt sur la fortune, des avantages en termes de stock-options. Mais rien n’est prévu pour l’entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Gest. Vous avez perdu !
M. François Hollande. Pour notre part, nous avions proposé la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis. Nous avions proposé la réforme de la taxe professionnelle pour avantager l’industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Bernard Deflesselles. Vous avez perdu les élections !
M. François Hollande. Nous avions proposé la modulation des cotisations sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Vous, votre seule réponse consiste à donner des avantages fiscaux à ceux qui ne les consommeront même pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Vous prétendez favoriser le travail, mais vous privilégiez la rente.
M. Yves Nicolin. Calmez-vous !
M. Bernard Deflesselles. La campagne électorale est terminée !
M. François Hollande. Vous voulez relancer la consommation, mais vous stimulez l’épargne. Vous espérez la croissance, mais ce sont les inégalités qui augmenteront. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Votre politique est socialement injuste. Le « bouclier fiscal » coûtera 1,5 milliard d'euros au profit de moins de 150 000 contribuables. Il s'ajoutera à la baisse de l'impôt sur le revenu et à la réforme de l'impôt sur la fortune. Par ailleurs, qu’en est-il de l’état des patrimoines en France ? En fait, les 1 % de Français les plus favorisés ont vu leurs revenus augmenter de près de 20 % entre 1998 et 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) alors que durant la même période, le revenu moyen par foyer n'a enregistré qu'une hausse de 5 %. Quatre fois plus pour les plus favorisés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Bernard Deflesselles. Calmez-vous !
M. François Hollande. Et dans le même temps, vous refusez de revaloriser le SMIC. Tel est le sens de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Marc Roubaud. Démago !
M. François Hollande. Enfin, vos choix sont aussi aventureux sur le plan budgétaire car votre paquet fiscal coûtera rien moins que 12 milliards d’euros. Permettez que l’on vous pose cette question simple : comment ces mesures vont-elles être financées ?
M. Roland Muzeau. Par les pauvres !
M. François Hollande. Vous prétendez que ce sera par la croissance. Mais quelle croissance ? La ministre de l’économie et des finances a annoncé qu’elle atteindrait 2,5 % l’année prochaine, au mieux à peine 0,3 ou 0,4 point de plus que cette année, pas de quoi couvrir vos largesses fiscales.
Alors vous nous présentez aujourd'hui, sans vraiment le dire, un budget de rigueur. En effet, lorsque l’on dit que les dépenses de l'État seront gelées en volume, c’est bien faire un budget de rigueur.
M. Jean-François Copé. En effet, ce n’est pas un budget socialiste !
M. François Hollande. Ajouter que les dotations de l’État aux collectivités locales – le cumul des mandats dans cette assemblée me fera mieux comprendre de beaucoup – seront également gelées, alors oui, la rigueur affectera non seulement l’État, mais aussi les collectivités locales.
M. Jean-Paul Charié. Merci d’avoir compris !
M. François Hollande. Vous affirmez baisser les impôts des contribuables d’État. C’est une mystification, car dans le même temps, vous faites augmenter les impôts des contribuables locaux. Voilà la logique de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Patrick Ollier. Mensonge !
M. Guy Teissier. Démagogie !
M. François Hollande. Budget de rigueur en effet puisque vous annoncez 30 000 à 40 000 fonctionnaires en moins.
S’agissant de l’éducation, je vous ai entendu parler de moyens supplémentaires pour les quartiers en difficulté, de la mise en place d’études surveillées et d’un droit opposable pour les parents d’enfants handicapés, alors même que nous avons appris qu’il y aurait 10 000 suppressions d’emplois dans l’éducation nationale. Qui peut donc vous croire, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
M. Jean Marsaudon. Démagogie !
M. François Hollande. Ce budget de rigueur ne suffira pas pour autant à financer vos cadeaux fiscaux.
On comprend mieux désormais les raisons pour lesquelles vous avez engagé une réflexion sur l’introduction de la TVA improprement appelée « sociale », qui n’est en réalité qu’anti-sociale.
M. Christian Vanneste. Imposteur !
M. François Hollande. Vous aviez vous-même parlé, monsieur le Premier ministre, – et je veux ici rendre justice à M. Borloo – d’une augmentation de cinq points de la TVA. Grâce à votre discours, nous savons désormais qu’il y aura bien en 2008 ou en 2009 une augmentation de la TVA « anti-sociale ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. C’est faux !
M. François Hollande. Cela ne servira pas à couvrir les dépenses de protection sociale ou à faire baisser le coût du travail ; cela servira à financer les cadeaux fiscaux que vous venez d’accorder aux plus favorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
M. Bernard Deflesselles. Minable !
M. le président. Il va falloir bientôt conclure, monsieur Hollande.
M. François Hollande. Je termine, monsieur le président.
Quand on nous dit que les comptes sociaux sont dégradés, c’est vrai ! Quand on nous dit que l’assurance maladie a dérapé de plus de 2 milliards d’euros, c’est vrai ! Quand on nous dit que les régimes généraux de retraite ne sont pas financés, c’est vrai !
M. Georges Tron. Et que faites-vous face à tout cela ?
M. François Hollande. Mais quand on affirme que ce sont les franchises – là encore, un mot qui n’est pas sincère – qui vont permettre de combler le trou de l’assurance maladie, alors je me dis ou bien que c’est vrai, ce qui serait grave car cela supposerait un niveau de prélèvement insupportable sur la santé des Français, ou bien que vous continuerez à laisser filer la dette sociale et le déficit des comptes sociaux.
Compte tenu de la politique que vous préconisez, monsieur le Premier ministre, vous avez le choix soit de laisser les inégalités se creuser, soit de laisser les déficits publics se creuser. Eh bien, en fait, je pense que vous allez faire les deux à la fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Au nom des socialistes, je voudrais souhaiter que la France puisse se redresser dans les cinq ans qui viennent. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Jean-Pierre Soisson. Comme c’est bien !
M. François Hollande. Je voudrais croire même à la possibilité d’une réussite de votre politique.
M. Bernard Deflesselles. Hypocrite !
M. Christian Vanneste. Tartuffe !
M. François Hollande. Mais tout ce que vous avez dit aujourd’hui et tout ce que vous avez fait pendant cinq ans me conduit à penser que des risques sérieux sont devant nous.
M. Georges Tron. Vous avez été battus, faut-il le rappeler ?
M. François Hollande. Il n’est pas facile, en début de législature, de prévoir le pire. C’est pourquoi je vous propose, monsieur le Premier ministre, afin d’avoir un débat de qualité, respectueux et de la majorité et de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), que nous disposions tous les six mois d’une évaluation de votre politique.
M. Guy Teissier. Ce sont les Français qui jugeront !
M. François Hollande. Cela nous permettrait de débattre des résultats, et non pas simplement des choix et des annonces – ce qui serait trop commode –, avec vous mais aussi peut-être demain avec le Président de la République, puisque telles sont ses intentions.
Nous sommes prêts pour cette confrontation démocratique. Nous sommes prêts tous les six mois à vous demander de rendre des comptes. Nous sommes prêts à être utiles. Et la meilleure façon pour nous d’être utiles aujourd’hui, c’est de ne pas vous donner notre confiance, monsieur le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical et citoyen se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

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Jean-Marc Ayrault,
explication de vote sur la déclaration de politique générale de François Fillon
3 Juillet 2007

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, au cours des campagnes présidentielle et législatives, nous avons exprimé deux conceptions très différentes de ce nouveau cycle politique qui s’ouvre pour la France.
Au jour où vous confirmez l’ensemble de vos choix devant la représentation nationale, il me paraît important de rappeler, comme l’a fait il y a quelques instants François Hollande, les grands clivages qui nous séparent et qui motivent le refus du groupe socialiste radical, citoyen et divers gauche de vous accorder sa confiance.
Nous vous refusons la confiance d’abord parce que, Mme Billard vient de le rappeler, vous êtes l’héritier d’une majorité qui, depuis cinq ans, a précipité le pays dans un déclin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) dont vous prétendez aujourd’hui sortir.
Le tableau des difficultés que vous avez dressé est une forme d’auto-réquisitoire contre la politique que vous et vos amis avez menée. Vous dites en avoir tiré les leçons et promettez une forme de révolution tranquille qui va changer la face du pays.
Il est vrai que le style impétueux, la communication permanente, la composition habile de votre gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)
M. Michel Bouvard. Vous avez des regrets ?
M. Jean-Marc Ayrault. …donnent à ce nouveau quinquennat l’allure d’une Présidence galopante, qui tranche avec l’inertie de la Présidence précédente.
Il est vrai aussi que l’affirmation décomplexée de vos idées sort des faux-semblants de vos prédécesseurs et favorise la qualité du débat républicain.
Mais, au-delà du style, force est de constater qu’il y a plus de continuité que de rupture dans le programme que vous avez exposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
J’ai relu attentivement la déclaration que M. Raffarin avait faite il y a cinq ans ici même. La revalorisation du travail, la libération des heures supplémentaires, la politique de l’offre, la refondation sociale, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la remise à niveau des universités, le recul des violences et de l’insécurité figuraient déjà dans la déclaration de politique générale de votre prédécesseur.
Alors, pourquoi ce qui a provoqué l’échec de votre prédécesseur ferait-il votre réussite ? Comment les mêmes idées, les mêmes députés, quasiment les mêmes ministres feraient-ils mieux d’une législature à l’autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Et c’est là le deuxième motif pour vous refuser notre confiance.
Votre discours de vérité continue de se heurter à la contradiction entre les valeurs et les objectifs que vous proclamez et la réalité des actes que vous engagez.
Où est la valorisation du travail quand votre paquet fiscal consiste prioritairement à réduire l’imposition des rentiers et des héritiers ? Que veut dire la récompense de l’effort quand la seule manière d’augmenter son salaire est de faire des heures supplémentaires qui dépendent d’abord du bon vouloir du seul chef d’entreprise ? (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Que signifie la sécurisation professionnelle quand le contrat unique semble se limiter à l’assouplissement des conditions de séparation entre le salarié et l’employeur ?
Je vous le dis avec une certaine gravité, monsieur le Premier ministre, prenez garde que le choc fiscal n’engendre pas un traumatisme social. (« Oh ! la la ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Votre nouvelle hiérarchie des valeurs comporte trop de manques et de confusions. Assimiler la solidarité à de l’assistanat, comme on l’a entendu si souvent ces dernières semaines, érige non seulement nos compatriotes les plus fragiles en boucs émissaires d’une crise dont ils sont les premières victimes, mais conduit aussi à individualiser la protection sociale. La franchise médicale, qui tend à remplacer la carte Vitale par la carte Bleue…
M. Michel Bouvard. Oh !
M. Jean-Marc Ayrault. …en est l’un des symboles.
De la même manière, votre révisionnisme historique, qui consiste à imputer tous les maux de notre école au relativisme et à l’égalitarisme de mai 1968, conduit à votre projet de disparition de la carte scolaire et des ZEP, à la mise en concurrence des établissements et risque d’aggraver la sélection sociale.
C’est là finalement la cohérence de votre politique et la contradiction entre la proclamation et les actes.
Mes chers collègues, nous sommes là vraiment au cœur des grands débats de société, et, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, je le reconnais, entre la gauche et la droite. Opposer comme vous le faites le changement et l’immobilisme est aussi fallacieux que simpliste. C’est parce que nous défendons une protection sociale égalitaire et universelle que nous opposons une réforme en profondeur de notre système de santé à votre logique comptable.
C’est parce que nous voulons promouvoir une société de la connaissance tout au long de la vie que nous jugeons réducteur votre projet de loi d’autonomie des universités.
Ce que nous contestons, ce n’est pas votre volonté de tenir vos engagements électoraux. C’est tout à fait votre droit,…
M. Michel Bouvard. C’est notre devoir !
M. Jean-Marc Ayrault. …et nous ne contestons pas votre légitimité à le faire. Nos compatriotes ont choisi en toute clarté. Ce que nous contestons, c’est la philosophie et la finalité de votre projet (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), c’est son caractère profondément inégalitaire et individualiste, c’est son penchant centralisateur et autoritaire. En d’autres termes, le Président décide et les Français exécutent. Telles sont la cohérence et la démarche de votre projet.
Comment, monsieur le Premier ministre, octroyer la confiance à un gouvernement dessaisi de ses pouvoirs ? Le cabinet fantôme, ce ne sont pas les socialistes qui l’ont institué,…
M. Charles de la Verpillière. Si, si !
M. Jean-Marc Ayrault. …c’est le Président de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) C’est lui qui fait tout, qui négocie tout, qui régente tout. Je ne crois pas que cette concentration des pouvoirs soit temporaire, le temps que s’enclenchent les réformes : c’est la pierre angulaire de la conception institutionnelle de M. Sarkozy.
C’est son droit, allez-vous me dire, mais, quand on change l’article 20 de la Constitution, qui stipule, et François Hollande l’a rappelé en le citant, que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, on ne fait pas selon son bon plaisir, on demande le vote du peuple français ou du Congrès du Parlement. Voilà la démocratie telle que nous la voyons.
Dans ce cadre, monsieur le Premier ministre, les aménagements parlementaires souhaitables mais insuffisants que vous proposez ne sont pas de nature à donner son équilibre à ce régime présidentiel qui ne dit pas son nom. Il faut sortir du corset dans lequel l’exécutif enserre le Parlement.
L’équilibre des pouvoirs, c’est aussi une démocratie sociale responsabilisée, une démocratie territoriale clarifiée, avec des compétences et des ressources garanties, sans renvoyer la charge aux contribuables locaux.
Parce que les Français l’ont également voulu ainsi, il vous faudra tenir compte de la voix et des propositions de l’opposition. Le Président de la République a bien sûr une légitimité et la confiance du peuple français puisqu’il a été élu au suffrage universel, mais nous représentons aussi ici une part de la souveraineté nationale, et nous entendons bien faire entendre notre voix et celle de nos concitoyens qui nous ont fait confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
J’en viens au dernier chapitre de mon propos, monsieur le Premier ministre : la rénovation du pays ne peut pas être l’œuvre d’un homme seul. Les Français ne lui ont pas donné les pleins pouvoirs. Elle s’ancrera tout autant ici, à l’intérieur de cette Assemblée nationale, dans la confrontation des projets et des propositions. C’est à cette hauteur-là que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se situera, car nous récusons toute idée d’opposition systématique. Nous voulons une opposition intelligible, mais intransigeante sur ses valeurs et ses convictions, et proposant à chaque fois des alternatives et des contre-propositions. D’ailleurs, dans la législature précédente, nous l’avons fait sur de grands sujets. Contre la guerre en Irak, pour la loi sur les signes religieux à l’école, en fonction de nos principes laïques, nous avons su tendre la main chaque fois que nous pouvions consolider le pacte républicain, mais nous aurons une égale détermination pour combattre tout ce qui pourra y porter atteinte.
M. le président. Monsieur Ayrault, je vous prie de conclure.
M. Jean-Marc Ayrault. Je conclus, monsieur le président.
Le programme que propose le Gouvernement ne nous donne pas cette assurance. C’est pourquoi les députés socialistes, radicaux, citoyens et divers gauche ne vous voteront pas la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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