lundi 1 septembre 2008

guerre froide - note aux autorités françaises . 31 août 2008



a.s. Russie – « guerre froide » – avenir des relations internationales


Les affaires géorgiennes actuelles – Staline était géorgien – remontent sans doute à loin. Les Américains ont-ils mis en place le pouvoir actuel à Tbilissi ? ont-ils donné à leur protégé des assurances, à l’effet aussi désastreux que celles données, paraît-il, tacitement à Sadam Hussein quand il s’ouvrit à l’ambassadeur américaine de son projet koweitien ? ont-ils participé aux offensives de récupération des provinces séparatistes ? l’histoire le dira, sans doute accablante pour les imprévoyances et légèretés.

L’essentiel est ce que couvrent les moulinets verbaux de la semaine passée. Menaces à côté du sujet, en rétorsion de la reconnaissance russe des séparatistes : les Etats-Unis menacent d’empêcher l’accès de la Russie à l’O.M.C. alors que nous la souhaitons, et comme si Washington avait exclusivement les clés de cette enceinte ; les Russes répondent en menaçant de rompre leur relation avec l’O.T.A.N., ce qui est plaisant puisque l’organisation intégrée n’a été fondée que contre eux. Réplique un ton au-dessus : on ne craint pas à Moscou la guerre froide. Réplique à la réplique : Washington, puis le président de la République, pas de retour à la guerre froide, inacceptable, etc…

La guerre froide ne se choisit pas, elle ne se refuse pas, elle n’est pas une option ou une réplique. Elle est un état des relations internationales : un fait.

De notre côté, ceux qui l’évoquent pour la nier, n’en ont aucune idée, soit par inculture soit par date de naissance. Ils la croient d’ailleurs un facteur décisif de simplification des relations internationales tel que leurs prédécesseurs avaient une tâche bien plus facile que la leur aujourd’hui (confusion entre la surcharge des agendas sans contenu réel, la montre important davantage que l’écoûte, surtout de notre côté). Du côté russe, l’expert a aussitôt saisi vers quoi l’on risque d’aller. Je prends au sérieux l’appel de Mikhaïl Gorbatchev.

Depuis 1990, nous avons multiplié les agressions contre Moscou : en gros, nous avons annexé l’ensemble de ce qui a été perdu par les Russes. Adhésion des pays de l’Europe centrale et orientale à l’Union européenne, candidatures ukrainienne et géorgienne pendantes. Emprise et attraction de l’O.T.A.N. dans les mêmes zones. Les politiques européennes de voisinage y compris pour la Mer Noire, et autres partenariats verbeux avec sommets annuels depuis quinze ans, n’ont donné aucune intimité avec Moscou et n’ont produit aucun projet commun. On est loin de la « maison commune » Union européenne-Fédération de Russie accompagnée de la Communauté des Etats indépendants, précisément proposée par Mikhaïl Gorbatchev en 1989-1991. L’ensemble s’est scellé avec le bouclier antimissile, entériné par les pays membres de l’Alliance et par nous (sans examen dans les jours de la prise de fonctions du président de la République). Ce qui est une double marque de défiance : le bouclier est installé chez d’anciens satellites de Moscou, de l’inanité de la menace iranienne la Russie pourrait se porter garante puisqu’elle fournit à Téhéran logistique et matière première. Maladresses d’un clan « occidental » n’ayant plus de raison d’être depuis l’implosion soviétique ? ou stratégie de confrontation à terme avec la Russie, ramenant les Européens à une demande de protection américaine, donc à un ressaut de subordination ? Les deux, sans doute.

Les imprudences en Géorgie – américaines et géorgiennes – ont été le détonateur. L‘Ukraine aurait pu l’être, elle pourra faire redondance puisque l’usage des ports est une des questions dans le conflit du Caucase.

Nous n’avons pas su répondre. L’annonce du prochain sommet européen a été assortie de telles précautions verbales : se donner la possibilité d’une diplomatie ferme, détermination à prendre ses responsabilités… pas question de sanctions… elle a donc été si peu dissuasive que Moscou a reconnu, tranquillement, les séparatistes. Nous faisant passer d’un problème d’évacuation de territoires envahis à un diférend bien plus difficile à résoudre.

Le fait accompli ne sera pas négocié par Moscou.

La question est la leçon qui en est tirée par la Russie. S’en tenir à cette signification – qui est ferme – que la période des reculs et des pertes de substance territoriale, depuis 1989, est révolue. Ou bien reprendre l’initiative ? C’est cette reprise qui va faire la guerre froide. Les causes lointaines nous incombent, les causes immédiates signalent l’impéritie de nos diplomaties et stratégies entièrement absorbées par le discours compasionnel de l’anti-terrorisme qu’a permis le 11-septembre.

Pour évaluer cette initiative probable de la Russie, et pressentir ses points ou sujets d’application, une seule expertise – atavique – les Allemands. Ceux-ci se jugent voisins des Russes et réciproquement, n’en déplaisent les « territoires intermédiaires », cf. le traité de bon voisinage Kohl-Gorbtachev dans le Caucase pour échange avec la « réunification » allemande.

Donc consultations intimes avec les Allemands, si nous en sommes encore capables. Pas la main dans le dos, mais les cartes – toutes – retournées sur la table, sans conférence de presse ni communiqué autre que le fait des conversations. Moscou comprendra.

Ensuite, un travail de complète mise à plat – avec le maintien d’un préjugé de confiance – à faire rapidement, dans la discrétion et hors des Américains, entre Européens et Russes.
1° repasser tous les événements, accords et décisions depuis la chute de l’Union soviétique,
2° parvenir à un esprit vrai de non-agression de part et d’autre,
3° établir une carte des influences, adhésions et projets de chacun, s’accorder vraiment,
4° inventer la forme d’association politique, diplomatique, commerciale et militaire (y compris le spatial et le nucléaire) entre l’Union européenne et la Russie, formellement accompagnée ou pas de « sa » Communauté des Etats indépendants.

Si nous n’y parvenons pas très vite, nous allons à une cassure dans l’Union : Pologne, Baltes, et peut-être la Roumanie et la Slovaquie vont se sentir menacés à leur frontière orientale par notre faiblesse et nos méconnaissances des réalités – et nous allons à une satellisation accrue vis-à-vis des Etats-Unis alors même que ceux-ci sont en révision stratégique évidente (leur retrait probable d’Irak et d’Afghanistan dans les deux-trois ans).

Si nous y parvenons, nous traitons les défis chinois et iranien, nous posons la question de la sécurité européenne autrement que dans sa prétérition actuelle.

Enfin, l’expérience de la première « guerre froide » a montré qu’une fois ouverte, son ère est difficile à clore. Elle appelle et structure bien d’autres aberrations.

Or, les principaux outils de relations internationales sont inopérants actuellement pour les sujets qu’on croyait les seuls à traiter : l’économie. G 8 et OMC sont en échec. Les sujets stratégiques redevenant actuels, le Conseil de sécurité est lui aussi inopérant. Le répit de près de vingt ans apporté par l’implosion pacifique de l’Union soviétique et par le renoncement général qui s’en est ssuivi du système économique et social dit socialiste, n’a pas été mis à profit pour une démocratisation de la « gouvernance » mondiale, seule manière de rééquilibrer par la politique les immenses disparités économiques entre les Etats, seule manière surtout de contourner – si nécessaire – la mésentente ou l’excès de complicité entre les Etats contre l’intérêt général des peuples et de la planète.

Or, l’ordre international actuel, la « mondialisation », la « libéralisation » ne sont pas populaires dans le monde, même dans l’opinion des pays qui en pâtissent le moins.

Il y a donc un risque que la « guerre froide » soit accueillie sans antipathie par beaucoup de ceux qui veulent changer la donne, et que des gouvernements – comme ceux des Etats-Unis ou le nôtre si l’on lit le président de la République à propos du terrorisme, de nos engagements en Afghanistan, de notre réintégration de l’O.T.A.N. – trouvent grand avantage à désigner un nouvel ennemi à tout faire. Au terrorisme, qui avait d’abord dérouté parce que n’étant pas le fait d’un Etat, il semblait n’offrir aucune prise à la riposte – à quoi il fut obvié en occupant de force les Etats censés le favoriser – s’ajouterait un ennemi classique. Or la Russie ne peut l’être pour une Union européenne dont fait désormais partie intégrante l’Europe centrale de l’Est. Tandis que la Russie, au contraire, peut trouver un aliment pour son unité et son nationalisme dans la confrontation avec ses anciens satellites.

Eviter la « guerre froide », c’est la rendre plus redoutable à la partie qui prétendait ne pas la craindre ./.


BFF . 31 VIII 08

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