journal - mardi 9 juillet 1968

+ Mardi 9 Juillet 1968


minuit

Les journaux font état depuis plusieurs jours . et aujourd’hui
comme l’éventualité pratiquement certaine . du départ de Pompidou
et de la nomination de Couve de Murville . comme Premier Ministre .

Deux faits semblent être indiscutables
- le Général de Gaulle garde personnellement le pouvoir
de décision souverain . L’ « après-gaullisme » n’est toujours
pas commencé .
- la popularité de Georges Pompidou . est maintenant
évidente . et extrêmement réelle .

La nomination de Couve de Murville peut signifier
– le Général de Gaulle prend personnellement la tête du Gvt.
Couve de Murville n’en étant que le secrétaire général exécutif
comme il l’était pour les Affaires Etrangères .
Ce n’est qu’une simple mise en forme des idées et impulsions du Chef
de l’Etat
– un Gouvernement de simples techniciens .
La « politique » et les idées étant du ressort de de Gaulle .

Le départ de Pompidou .
Que signifie-t-il ?
– une disgrâce : le Chef de l’Etat ayant pris ombrage
de sa popularité . et d’éventuelles divergences de points de
vue pendant la crise
– une mise en réserve : mais alors que faire de Pompidou
dans l’intervall ?
– une divergence sur la participation

Quoi qu’il en soit . l’effet psychologique
de l’ensemble : nomination de Couve de Murville et
départ de Pompidou . va être désastreux sur l’opinion publique
et les milieux d’affaires
Au moment où il faut rassurer les milieux d’argent
– on parle de participation . et la caution modérée et
raisonnable de Pompidou disparaît
A ce moment où l’on parle de pouvoir personnel . et où l’on réclame
un élargissement maximum
– c’est le rétrécissement politique maximum . puisque c’est un cabinet
« aux ordres » . et que Pompidou . qui était quand même
un pouvoir . un relais . un écran disparaît .

Les électeurs UDR ont voté pour le tandem de Gaulle . Pompidou
qu’ils jugeaient indissociables . Et juste après la victoire
la victoire électorale . voilà que le tandem est dissocié .
Ce qui n’est ni fair play . ni élégant vis-à-vis de l’électeur .
Désinvolture qui peut coûter cher .

Bef . à première vue . ce départ semble être une accumulation
d’erreurs .

En face . quels avantages ?
Que Pompidou se prépare mieux à recueillir l’héritage ?
On ne le voit pas bien .
– de Gaulle ne semble pas prêt de quitter la place
– la popularité de Pompidou est suffisante à l’heure actuelle
pour que son départ déconcerte l’opinion . Il est peu probable
qu’elle augmente par son éclipse . surtout si elle devait
durer quatre ans

On est donc amené à conclure . que
– ou bien disgrâce réelle . motivée par un désaccord sur la
participation . pompidou d’ailleurs acceptant volontiers de
tirer son épingle du jeu à ce moment délicat .
et de pouvoir rester le candidat de la droite .
sachant qu’il ne pourra jamais être celui de la gauche .

Cette hypothèse paraît probable . De Gaulle et Pompidou
étant parvenus à s’entendre depuis 20 ans .

– ou bien c’est une grande manœuvre . à brève échéance .
d’ici l’automne .
Quelle manœuvre ? Referendum constitutionnel avec vice-pdce
de la République . et droit de succession ?

Quoi qu’il en soit . sur le projet précis de participation .
il ne semble pas recueillir l’enthousiasme des futurs « participants »
et il est à craindre qu’il soit décidé sans la « participation »
des intéressés . Le patronat . les ouvriers sont contre .
On ne fait pas le bonheur des gens . contre leur gré .
Et de plus . la crainte de la Bourse est très nette .
Perdre de l’argent . Accroître le malaise social .
Diminuer la compétitivité des entreprises . Perdre la droite sans
gagner la gauche ?

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