jeudi 3 juillet 2008

4ème centenaire de la fondation de Québec - 3 juillet 2008


Quatrième centenaire de la fondation de la ville de Québec par Champlain.


A ma demande – pour voir ce qu’il se passerait « vingt ans après » - François Mitterrand m’avait invité à l’accompagner dans son voyage officiel au Canada, en Mai 1987.


J’ai fait une demande semblable à François Fillon, Premier ministre, se rendant au Canada pour ces fêtes anniversaires. Pas d’accusé de réception, ni de la note ci-après.








note à l’attention du Premier ministre




Le Québec en ce moment et nous



Les Québécois sont minoritaires en Amérique du nord, au Canada, et redoutent toujours de l’être – un jour – même dans la Belle-Province. Cette menace est en effet loin d’être disparue, malgré le mouvement d’affirmation nationale qui s’est emparé du Québec depuis les années 1960. L’immigration n’a jamais joué en leur faveur, les nouveaux-venus qui arrivent en nombre de plus en plus importants ne parlent souvent le français qu’en seconde langue et par courtoisie. Et cela malgré la barrière de la loi 101. Sous la pression de la mondialisation et des politiques multiculturelles canadiennes, Montréal se bilinguise, et l’anglais s’entend aujourd’hui bien à l’est de la rue Saint-Laurent, vieille frontière linguistique traditionnelle.

Depuis deux ou trois ans, le Québec subit durement les contrecoups de l’échec du référendum de 1995. Les anciens combats, dont le Québec semblait être définitivement sorti dans son mouvement d’émancipation semblent de retour : crainte de l’immigration et retour du combat pour le contrôle de Montréal.

Le Québec vit aujourd’hui l’échec de deux rérérendums et de deux tentatives ratées de réforme constitutionnelle. Le premier référendum – 20 Mai 1980 – ne recueillit que 40% de oui. L’accord du lac Meech, conclu entre le gouvernement fébéral et les premiers ministres provinciaux, le 3 Juin 1987, ne put être ratifié à cause de l’opposition du Manitoba et de Terre-Neuve. Celui de Charlottetown (28 Août 1992) n’était qu’une version édulcorée du précédent. La ratification fut refusée par les provinces de l’Ouest et par le Québec. Conséquence de vingt ans de tentatives infructueuses de réformer le Canada afin de permettre la reconnaissance du Québec, le referendum provincial du 30 Octobre 1995 s’est joué à 30.000 voix, malgré tout l’argent fédéral qui n’a jamais été comptabilisé. Propriété du richissime franco-ontarien Paul Desmarais (qui a souvent invité à son châlet de Sagard, dans Charlevoix, Nicolas Sarkozy), La Presse avait fait campagne pour le non. Jacques Parizeau – à la de Gaulle – a démissionné aussitôt : homme de principe mais peu charismatique. Lucien Bouchard, depuis Ottawa, avec le charisme de René Lévesque, avait contribué décisivement à porter le vote souverainiste au niveau où il fut. Mais il fit ensuite allusion à la possibilité d’un nouveau referendum à tenir rapidement, une paradoxale démobilisation s’ensuivit. Il se retira découragé le 1er Novembre 2001 : entre temps, le gouvernement fédéral avait encadré toute future consultation référendaire au Québec... La réalité est que, depuis 1995, les souverainistes n’avaient plus la légitimité de tenir un nouveau référendum et se sont donc essouflés en pure perte pendant de nombreuses années. Or, pour la première fois depuis longtemps, le Québec se retrouve dans la perspective référendaire immédiate. D’où une insécurité croissante pour les souverainistes, comme pour le camp des fédéralistes : lui non plus n’a aucune perspective de réforme à court terme et on y prend donc le parti de soutenir, envers et contre tout, que le Canada tel qu’il est offre tout ce dont les Québécois ont besoin.

A Ottawa, comme à Québec, les gouvernements sont minoritaires et peuvent tomber d’un jour à l’autre : Jean Charest en est à son second mandat depuis Avril 2003. La probabilité d’élections générales au niveau fédéral serait à l’automne prochain, tandis qu’au Québec elles pourraient se tenir ensuite, au printemps, au plus tard à l’automne de 2009. Face à la déconfiture de l’ADQ, les Péquistes ont toutes les chances de redevenir le parti d’opposition, voire de retrouver le pouvoir. Le vote pour la souveraineté est rarement tombé plus bas que 40% dans les sondages, il remonte parfois à 50%, une personnalité de rayonnement pourrait l’amener à 55%.

Les Québécois ont réussi – bien mieux que l’Ontario – leur mûe économique et ont joué à fond l’A.L.E.N.A. soutenu par toutes les forces politiques du Québec. Personnellement, je me souviens avoir passé une nuit ou presque avec René Lévesque boulevard Saint-Germain en 1972 – sous Georges Pompidou et Pierre Messmer, puis suis allé l’écoûter au milieu de ses compatriotes étudiants, cité universitaire, boulevard Jourdan. Sensation qui m’est restée que l’indépendantiste était surtout « américain », pas du tout partisan ou admiratif du général de Gaulle et que sa dialectique était de jouer les Etats-Unis « contre » la fédération canadienne, en tout cas le libre-échange. Ce qui s’est réalisé : c’est un Premier ministre fédéral originaire du Québec, Jean Chrétien qui a signé le traité pour le Canada. L’économie du Québec n’est plus du tout celle d’un pays en majorité rural. L’aéronautique, les biotechniques, l’informatique, l’hydro-électricité sont devenus les forces de l’économie québécoise.

De la France, qu’attend-on ? surtout si l’on est attaché à la « cause » de la souveraineté sinon de l’indépendance ? Le destin se joue sur place et pas à Paris, mais un soutien est attendu. La France représente pour les Québécois un souffle d’air, une ouverture sur le monde.

Jean-Pierre Raffarin avait fait attendre une mise à jour de la position française à la prise de fonctions de Nicolas Sarkozy : un « rééquilibrage » en faveur d’Ottawa a été dès lors redouté. Une banalisation du Québec, que le discours du 8 Mai dernier – du président de la République – a semblé confirmer. La France y devenait l’amie à parts égales d’Ottawa et de Québec. On aime les uns et les autres, disait Nicolas Sarkozy. Le discours a résonné au Québec comme une rupture en fait de la position de plusieurs décennies. Protestations d’Alain Juppé et de Michel Rocard, la première publique. Entretien d’Alain Juppé à l’Elysée. On a pu aussi compter sur Philippe Séguin. Le président de la République, décorant Céline Dion, rectifie et précise : les Canadiens sont nos amis, les Québécois sont nos frères. Reste que Nicolas Sarkozy est imprévisible. Sa venue, en Octobre prochain, à l’occasion du « sommet » francophone, est redoutée par les Québécois. Du Premier ministre, on attend donc un discours qui confirme les orientations traditionnelles de la France et rassure les Québécois qu’advenant le jour où la France aura à trancher entre Québec et Ottawa, elle choisira la première.

Les principales administrations françaises, et souvent le Quai d’Orsay – Maurice Couve de Murville avait donné le ton… dès 1967 – ne sont pas enthousiastes de l’indépendance du Québec, si elles le sont même de la France et de l’Europe. Les relations sont donc banales, et la première version du renouvellement ou de la précision de la position française par le nouveau président de la République a reflété – en fait – cette tonalité administrative. Les Québécois – minoritaires et, depuis 1763, abandonnés – veulent être aimés, en fait, et plus encore sentir qu’ils le sont.

En revanche, les relations non officielles : les entreprises, les jumelages, les échanges surtout non encouragés, la propension française à investir au Québec sont très favorables et privilégient la Belle-Province. Plus de sept mille étudiants français dans les universités québécoises, ce qui coûte cher au budget provincial mais est très satisfaisant.

L’idéal d’une relation franco-québécoise me semble :



La décision d’une nationalité unique – oure qu’elle n’a jamais été envisagée de part ou d’autre – ferait sourire et ne serait pas respectueuse d’identités fortes et de valeur égale. En revanche, tout ce qui rendrait automatique la réception mutuelle des normes, des établissements des personnes physiques, mais aussi des personnes morales : entreprises et associations, est à trouver formellement et à convenir. Un éventuel rapprochement entre l’Union européenne et l’A.L.E.N.A. se ferait par le Québec, partie intégrante du Marché commun nord-américain, mais admis dans l’Espace économique européen, donc – au point de vue économique – dans l’Union européenne.
Le mouvement serait une réelle connaissance mutuelle, notamment dans les enseignements d’histoire et de géographie pour le secondaire. La consultation des sites universitaires internet montre qu’en études politiques, économiques ou de relations internationales, les Etats-Unis et le monde américain l’emportent à dix contre un sur la France et même l’Union européenne.



les relations politiques marquées par des sommets périodiques – avec le Québec et au niveau des deux Premiers ministres, la chose est pratiquée depuis 1977 – ont été banalisées en France, au point que la relation franco-allemande n’a plus la « visibilité » privilégiée qu’elle avait eue avec Adenauer et de Gaulle.

Il faut imaginer autre chose.
Le modèle franco-allemand serait une bonne matrice, surtout dans ses développements des quinze dernières années : une université bi-nationale ayant antenne spéciale dans chacun des deux pays, mais avec une ouverture aux enseignants et étudiants de l’autre pays, de manière à dépayser et délocaliser des études ayant un prestige spécial. Autant que les ententes franco-québécoises le permettent, une certaine participation de personnels québécois dans nos services diplomatiques en pays francophones ou relevant de la francophonie selon les dernières définitions. Les propositions – généralement timides et trop peu innovantes – du rapport Bourges pour une relance de la francophonie, pourraient s’appliquer d’abord en vue du Québec : par exemple, installer l’académie de la francophonie au Canada, et pourquoi pas : en poussant loin le bouchon, en Acadie, qui n’a pas le statut provincial et s’en trouve pénalisée




la prise en charge – par la France et par le Québec – des minorités francophones – françaises – dans le reste du Canada, sinon de l’Amérique du nord (lambeaux en Louisiane, « confettis » en Nouvelle-Angleterre). Ces minorités n’ont jamais pu recevoir le statut provincial : cas de l’Acadie, quoique Ottawa lui manifeste de la considération mais pour jouer contre le Québec… cas dramatique de la « nation métisse » et de l’exécution, par déloyauté, de Louis Riel, à la fin du XIXème siècle, malgré son appel désespéré au président Grant. Il s’est alors agi pour les Anglais, au moment de la mise en vigueur du British North America Act de 1867, d’empêcher que l’ouest, alors non colonisé, ne passe à la langue française, ou plus efficacement encore, n’y demeure. Le Québec peut avoir le contact physique et la France la possibilité juridique d’antennes linguistiques et culturelles. La frange de parfois deux cent kilomètres au-delà des frontières québécoises est un pays de reconquête possible, village par village.

*

* *

De Gaulle a dû quitter le pouvoir avant qu’une politique à long terme – d’Etat à Etat, potentiellement souverains – ait été définie entre Québec et Paris. Les choses ont été précautionneuses et donc moindres que possibles et surtout souhaitables depuis 1969. Une relance sans précédent, coincidant avec le quatrième centenaire et anticipant un nouveau réveil, marquerait d’un cachet vraiment français une évolution probable, l’aiderait peut-être. Si François Fillon, tandis qu’il est à Matignon – avec la même habileté, dont il fait preuve sur la « scène » française – se fait pionnier de cette reviviscence, il jouera pleinement le rôle prévu, institutionnellement, dévolu au niveau du seul Premier ministre pour zéler la relation franco-québécoise.



pour mémoire

français de langue maternelle ou « parlée à la maison »
= le tiers dans l’ensemble du Canada
au Québec = 5.800.000 (90%)
en Ontario = 500.000 (moins de 10%)
au Saskatchewan = 20.000 (3%)
en Nouvelle Ecosse = 35.000(4%)
en Manitoba = 47.000 (5%)
en Ile du Prince Edouard = 16.000 (15%)
en Nouvelle-Ecosse = 35.000(5%)
en Colombie britannique = 53.000 (2%)
en Alberta = 53.000 (3%)

« colonie » française = 180.000 dont 55.000 à Montréal


BFF – 10 VI 08

Aucun commentaire: